Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

28 août 2022


Je ne sais pas dans quel état sera le monde dans cinq ans, s’il sera encore possible d’organiser une Election Présidentielle en France. Faisons l’hypothèse que oui et comme je ne sais pas non plus dans quel état je serai à cette date, ni même si je serai encore là, donnons le résultat dès maintenant.
Chez les Macronistes, cela s’est vu à leur attitude tout l’été, Gérald Darmanin et Bruno Lemaire seront candidats à la succession d’Emmanuel Macron, A qui s’ajoutera Edouard Philippe. Du côté de l’autre Droite, il faudra compter avec Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand. On pourrait donc avoir jusqu’à cinq candidats, deux au minimum.
A l’Extrême-Droite, Le Pen y retournera (ou un remplaçant) et si la Nupés tient le coup, Mélenchon (ou un remplaçant) sera possiblement le seul candidat de la Gauche, laquelle a vu ce que ça donnait quand elle se présentait séparée.
Dans cette circonstance éventuelle, au premier tour Le Pen (ou son remplaçant) et Mélenchon (ou son remplaçant) seront à trente pour cent. Les quarante pour cent restant seront pour la Droite, à partager entre les cinq ou quatre ou trois ou deux Macronistes et non Macronistes.
Et alors, au second tour, Le Pen (ou son remplaçant) pourrait faire face à Mélenchon (ou son remplaçant) et gagnerait avec les voix de Droite, une partie votant pour, une partie s’abstenant.
Avoir Mélenchon (ou son remplaçant) au second tour, c’est l’assurance de donner le pouvoir à Le Pen (ou son remplaçant). C’est là où je voulais en venir.
                                                                     *
Mon point de vue sur la situation actuelle : « On est bien dans la merde ». (On représentant les humains.)
 

27 août 2022


Ce jeudi j’arrive en même temps que la secrétaire de l’urologue avec qui j’ai rendez-vous au quatrième étage du bâtiment de consultations de la Clinique Saint-Hilaire. Il est huit heures. Elle met en route l’informatique, enregistre qui je suis, scanne le courrier de mon médecin traitant et m’invite à m’asseoir. « Le docteur va arriver. »
Peu après huit heures et quart ce jeune médecin me fait entrer dans son cabinet et me demande ce qui m’amène. Il me pose quelques questions, me confirme que mon taux de Péhessa n’est pas inquiétant (pas de suspicion de cancer) puis m’invite à ôter le bas et à m’allonger sur la table de consultation.
Je sais ce qui m’attend et je n’aime pas ça (même quand c’est fait par une interne comme une fois cela m’est arrivé au Céhachu).
Ce toucher rectal exécuté sans trop de douleur, il me dit que rien ne l’inquiète particulièrement, qu’il va me donner un traitement me permettant de ne plus aller si souvent aux toilettes. Enfin il me prescrit un scanner à faire dans quelques mois. Je remercie ce jeune médecin et lui souhaite une bonne journée.
La secrétaire me donne un prochain rendez-vous pour début janvier deux mille vingt-trois avant de me réclamer soixante-quinze euros.
Soixante-quinze euros pour un doigt dans le cul, ce n’est pas donné. J’ignore ce qui me sera remboursé. Ce spécialiste pratique le dépassement d’honoraires. Pas moyen d’éviter ce désagrément si on veut se faire soigner rapidement.
 

26 août 2022


Ce mercredi à neuf heures est fixé le rendez-vous pour le détartrage semestriel de ma dentition. Or depuis deux semaines l’une de mes gencives est enflée, celle où j’avais autrefois sauvagement percé un abcès. J’en informe le dentiste qui n’est pas surpris. J’ai là une dent qui bouge un peu depuis longtemps, me dit-il, d’où ces infections répétées. Il n’y rien d’autre à faire que de l’arracher.
Après avoir endormi le théâtre des opérations, l’homme de l’art s’empare de l’outil adéquat. En quelques secondes c’est fait, signe que cette molaire ne demandait qu’à quitter ma mâchoire. Un léger détartrage termine la séance. Je ressors du cabinet avec une ordonnance pour huit jours d’antibiotiques, bain de bouche, etc.
Je m’arrête donc à la Pharmacie du Centre. Devant moi est un septuagénaire adepte de l’automédication qui demande aspirine, paracétamol et aussi un médicament « pour pas faire pipi ». Le pharmacien lève un sourcil interrogatif. « Ben vous savez quoi », lui dit l’homme. Effectivement il sait quoi, cela fera trente-cinq euros.
                                                                *
Treize heures au Son du Cor, un quidam imbibé s’assoit non loin de moi et commande un café. Comme je le craignais, au bout de cinq minutes il souhaite faire connaissance.
-Vous lisez quoi ?
-Vous ne connaissez pas, je pense.
-Vous ne voulez par me le dire ?
-Je peux vous le dire, la correspondance d’Elisabeth Lacoin.
-Ah oui, y a des fois on connaît pas mais c’est bien. Vous savez que Clovis…
-Je lis.
-Ah pardon.
Peu de temps après, il s’en va en ne marchant pas droit.
                                                                  *
Effectivement c’est bien, la correspondance d’Elisabeth Lacoin, alias Zaza, la grande amie de jeunesse de Simone de Beauvoir, morte à vingt-deux ans d’une encéphalite virale. Un livre acheté via Rakuten (cinq euros port inclus), livré au sexe-chope Espace Carré Blanc. Une jolie fille mince y payait ses achats quand je suis allé le chercher.
                                                                  *
Renouveler la Carte Avantage Senior de la Senecefe pour vingt-cinq euros au lieu de quarante-neuf, c’est possible jusqu’au vingt-neuf août. Je profite de l’occasion.
Ma prochaine carte sera valable du quatorze décembre deux mille vingt-deux au treize décembre deux mille vingt-trois. J’espère que j’aurai l’occasion de m’en servir.
 

25 août 2022


Avec un jour d’avance sur ma routine hebdomadaire, je monte dans la voiture Cinq du train Nomad pour Paris. Cela sent la rentrée des navetteurs ce mardi dans le sept heures vingt-quatre. Peu de places restent libres, j’ai une voisine à ma droite. Elle cache ses yeux derrière un masque. Je cache mon nez et ma bouche avec le mien puis entreprends la lecture de Sérotonine de Michel Houellebecq. Mon exemplaire de poche J’ai Lu est un peu abimé, je l’ai trouvé dans une boîte à livres rouennaise.
Un bus Vingt-Neuf me conduit à la Bastille d’où je rejoins pédestrement le Marché d’Aligre. Aucun vendeur de livres ne s’y trouve. Après un café au comptoir d’un bar tabac dont j’oublie de regarder le nom, je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin où des livres à un euro m’attendaient : Une éducation polonaise de Louis Degley (Les Cahiers Rouges / Grasset), le premier tome de Carnets de Léonard de Vinci (Tel / Gallimard), Aquarelles d’Henry Miller (Arléa), La peau dure de Raymond Guérin (Finitude), Un malheur absolu de la mère du révérend Jôjin (Le Promeneur) et Bréviaire des petits plaisirs honteux de Charles Haquet et Bernard Lalanne (JBZ & Cie). J’y ajoute, vendu sept euros, « Chacun cherche son paradis… » Correspondance choisie de Friedrich Glauser (Editions d’en bas).
Il est onze heures quand j’en sors. Sur un banc du boulevard Richard-Lenoir, je poursuis avec grand intérêt la lecture de Sérotonine jusqu’à ce qu’il soit l’heure d’entrer au café restaurant Le Paris. J’y suis accueilli comme un quasi habitué. La patronne me demande d’où vient mon bronzage. « De Normandie », lui réponds-je.  Ah, elle aussi est Normande. Oui mais de Lisieux. La formule du jour à treize euros quatre-vingt-dix est copieuse et bonne : bricks de poireaux, salade et filet mignon moutarde à l’ancienne, tagliatelles.
Le temps est lourd ce jour mais on sent que l’orage n’éclatera pas. Je me rends au Port de l’Arsenal où je lis jusqu’à quatorze heures près de jeunes actives et actifs à nourriture saine. L’un se réjouit d’une soirée à venir avec Melocoton, sa peute transgenre.
Un bus Vingt-Neuf me conduit jusqu’à l’Opéra Garnier d’où je rejoins le Book-Off de Quatre-Septembre. Un seul livre à un euro m’y attendait : Journal de Kurt Cobain (Dix/Dix-Huit).
Le temps est toujours lourd quand, à la terrasse du Bistrot d’Edmond, je continue à lire Houellebecq. Ce roman me plaît fort dans lequel l’écrivain revient à son sujet de prédilection, les affres de la vie affective et sexuelle masculine. Près de moi se trouve un jeune trio.  L’une des deux filles soudain s’agite, réclamant à grand cri un verre d’eau. Il s’agit de secourir une abeille tombée dans son coquetèle et engluée dans le sucre. Le lavage de l’insecte conduit à sa mort, dont la jouvencelle a du mal à se remettre (m’étonnerait pas que cette abeille ait été une guêpe).
Pour quarante centimes de plus, j’ai une place en première classe dans le train du retour, de quoi poursuivre confortablement ma lecture.
 

24 août 2022


Quand D. sombrera dans la maladie mentale, Teresa deviendra la troisième compagne de Simenon et l’accompagnera jusqu’à sa mort. Une qui ne vivra pas bien cette situation, c’est la fille de l’écrivain :
Je sais que Marie-Jo en est jalouse. Elle me l’avoue indirectement.
-Pourquoi, Dad, ne pourrais-je pas jouer le même rôle qu’elle près de toi ?
Depuis sa plus petite enfance, elle m’a voué un véritable culte auquel elle se raccroche. Elle n’ignore rien des relations humaines, car elle a été élevée librement, comme ses frères, Elle n’ignore pas non plus, car elle a l’œil et l’oreille partout, y compris à l’office, où l’on parle assez crûment, certains aspects de notre vie intime, à Teresa et moi.
Elle répétera souvent, néanmoins, au cours des années, à ma grande gêne :
-Pourquoi pas moi ?
N’a-t-elle pas exigé, à huit ans, que je lui achète une alliance dont elle devait connaître la signification et ne la portera-t-elle pas jusqu’à bout ?
En mil neuf cent soixante-huit, Marie-Jo sera violée :
Elle s’est retirée un moment dans une salle de bains quand un ami de Marc y a pénétré et a abusé d’elle sans toutefois aller jusqu’au bout. Cette scène, Marie-Jo la racontera plus tard dans les cahiers intimes qu’elle m’a confiés.
Le lendemain ou le surlendemain, alors qu’elle se trouve seule dans l’appartement de Marc, le même ami y entrera et, sur le lit de son frère, cette fois, fera complètement d’elle une femme.
Un événement commenté ainsi par l’écrivain :
Tu as eu dix-sept ans. Tu as eu une première expérience sexuelle décevante, dans une salle de bains, avec un homme séduisant, certes, mais qui va de femme en femme en semant des enfants, comme un coucou, au petit bonheur. J’aurais tant souhaité, pour toi, une initiation autre que celle que tu as connue ainsi, par une nuit de folie générale, entre un cabinet et un lavabo alors que vont et viennent des gens plus ou moins ivres !
Le huit février mil neuf cent soixante-quatorze, Marie-Jo revient à la charge :
Comme Teresa nous a laissés seuls, à son habitude, tu me regardes presque durement et j’ai peur de comprendre.
Tu me dis en effet, comme étouffant ta colère :
-Pourquoi elle et pas moi ?
-Tu ne comprends pas, ma petite fille ?
-Comprendre quoi ?
Je te désigne le lit.
-Teresa partage tout de ma vie.
-Et alors ? Tout ce qu’elle fait pour toi, je peux le faire, non ?
J’ai toujours craint ce que je découvre soudain. Tu me montres l’anneau d’or que tu m’as demandé quand tu avais huit ans, que tu as fait élargir plusieurs fois et que tu portes encore, que tu porteras même après que…
Même après que Marie-Jo se tire une balle dans le cœur, le dix-neuf mai mil neuf cent soixante-dix-huit. Elle avait vingt-cinq ans.
                                                                                 *
Une phrase me revient pendant que j’écoute leurs voix au téléphone. Je ne me souviens pas si je l’ai écrite ou si je l’ai lue je ne sais où :
-Chaque fois que nous faisons un enfant, nous nous donnons un juge., écrit aussi Simenon dans son livre confession.
                                                                                 *
Publié en mil neuf cent quatre-vingt-un, Mémoires intimes est un bon exemple de ce que l’autocensure empêche d’écrire aujourd’hui.
 

22 août 2022


Lu, ou plutôt relu, pendant mon séjour dans le Finistère, Mémoires intimes a été commencé par Georges Simenon le jour de mes vingt-neuf ans quand il en avait soixante-dix-sept. Il s’agit d’une confession dans laquelle il s’adresse avant tout à sa fille suicidée Marie-Jo et à ses trois fils Marc, Johnny et Pierre.
Mon père est mort alors qu’à Anvers, où la « Gazette » m’avait envoyé, je faisais l’amour avec une arrière-cousine dans un hôtel de passe…, leur apprend-il avant d’évoquer le rôle dans sa vie de la domestique surnommée Boule :
J’avais l’habitude de faire la sieste au premier étage du petit pavillon, près des écuries. A trois heures, Boule venait m’y réveiller en m’apportant mon café. Nous avions, depuis son entrée chez nous, vingt ans plus tôt, des rapports étroits, tant affectifs que sexuels. Rapports furtifs, il est vrai, étant donné la jalousie de ta mère, qui m’avait souvent répété que, si je la trompais, elle n’hésiterait pas à se tuer.
Plus tard, remarié avec une femme qui parfois l’accompagne dans les bordels, il fait une rencontre qu’assurément il tairait s’il vivait aujourd’hui. En mil neuf cent quarante-huit, cette épouse, qu’il nomme D., lui présente en effet une jeune prostituée dans celui de Tucson :
Elle me dit qu’elle a treize ans, mais qu’elle est pubère depuis longtemps.
La petite a d’immenses yeux noirs fixés attentivement sur moi et j’ai l’impression d’y lire une prière que je crois comprendre. C’est une question, pour elle, de ne pas perdre la face devant ses ainées, plus formées qu’elle, qui la regardent en souriant.
Je l’emmène à contrecœur. Je n’ai jamais été attiré vers les filles très jeunes, ni même vers les jeunes filles. Si je suis la petite Indienne, au port déjà très digne, comme celui des Noires de la brousse africaine, c’est afin de ne pas lui faire de peine, mais je sais que nos relations n’iront pas loin.
Dans la chambre blanchie à la chaux, où un Christ tient la place d’honneur, et où on voit, sur la commode, une Vierge sous verre, elle laisse tomber sa robe de coton rouge sous laquelle il n’y a que son petit corps, ses seins bien dessinés, son pubis déjà ombragé par une légère toison noire.
Elle me parle et je ne comprends pas. Elle me fait signe de me déshabiller à mon tour et, comme je ne bouge pas, elle s’approche, à la fois candide et fière, dégage ma verge qu’elle tient à caresser. Gêné, furieux contre moi-même, je ne parviens pas à empêcher l’érection. Alors, triomphante, elle se couche sur le lit, jambes écartées et, de ses doigts bruns et délicats, ouvre les lèvres de son sexe.
Je secoue la tête et sa bouche devient boudeuse. Alors, je me contrains à la caresser et je suis étonné de ses réactions qui sont celles d’une femme faite. Ce n’est pas un rôle qu’elle joue, car j’ai bientôt la main mouillée et elle ne tarde pas à se raidir dans un sursaut de jouissance. Je ne suis pas fier, lui fais signe de se relever et lui tends sa robe. Elle me donne un baiser furtif sur les lèvres avant de refermer la porte, s’avance fièrement vers le cercle de ses compagnes où elle reprend sa place.
Il y retourne seul quelques jours plus tard :
La petite Indienne me regarde fixement et, pour ne pas la décevoir, j’ai soin, cette fois, de l’emmener en même temps qu’une fille aux seins splendides.
A son retour chez lui, sa femme est au lit et l’interroge.
-Et la petite Indienne ?
Je parle, je parle, je la sens excitée, la main sur son bas-ventre. Je comprends aux plis du drap
Plus tard encore, Simenon aggrave son cas en violant une domestique nouvellement arrivée chez lui :
Avant notre départ, il se passera un petit événement qui aura, comme tant de menus faits, des conséquences lointaines.
Un matin que je trouve Teresa seule, penchée sur la coiffeuse du boudoir, un vif désir d’elle me saisit et je la trousse, sans qu’elle bouge ou proteste. Jamais de ma vie, je l’affirme, je n’ai forcé une femme, d’une façon ou d’une autre, à accepter mes avances. Je n’ai pas non plus pratiqué ce que les grands bourgeois appellent les « amours ancillaires » auxquelles ils se livrent d’ailleurs les premiers en s’arrogeant ce que les grands seigneurs de jadis appelaient le « droit de cuissage ».
Pour moi, une femme est une femme, donc digne de respect, quelles que soient ses fonctions ou ce qu’on appelle d’un mot que je déteste, « sa situation sociale ».
J’ignorais le catéchisme que D. avait dû enseigner à la nouvelle venue. Elle m’a entendu entrer, m’approcher, sent ma main sur ses hanches et ne réagit pas quand je relève sa robe. J’en garde le souvenir dans les moindres détails. A peine l’ai-je pénétrée que je sens sa jouissance et, la mienne proche, je me retire à temps. La pilule existe-t-elle déjà ? Je n’en sais rien et l’aurais-je su, j’ignorais si elle l’avait prise.
Elle me regarde ensuite d’un regard sans expression et je sors de la pièce, à la fois confus et heureux. Le soir même, après le « rapport », Teresa s’attardera pour mettre D. fort honnêtement, au courant de ce qui s’est passé.
-Je suis prête à partir dès maintenant si vous le désirez.
D. rit.
-Sachez, ma fille, que si j’étais jalouse de « Monsieur », il y a longtemps que je ne vivrais plus avec lui.
-Et s’il recommence ?
-Si cela ne vous gêne pas… Quant à moi, cela ne me regarde pas et vous pouvez continuer si cela vous amuse…
Marie-Jo est entrée et D. la met au courant.
 

20 août 2022


Longtemps que je n’ai pas évoqué mes maladies, pas parlé de mon « état de santé ». Ce jeudi, mon médecin traitant est à peine rentré de vacances que je suis un peu avant neuf heures dans sa salle d’attente. Pour la première fois, j’ai noté dans mon carnet les points à évoquer. Ce n’est pas tant que ma mémoire décline, c’est qu’ils sont de plus en plus nombreux.
Quand le docteur me reçoit je commence par l’essentiel, dont je n’ai jamais encore vraiment discuté avec lui : mon problème de tuyauterie. Comme beaucoup de vieux, j’ai trop souvent envie d’uriner, ce qui complique la vie quotidienne. Un problème qui remonte à loin mais qui s’est aggravé. Il y a un mois, jugeant que ce n’était plus tenable, j’ai pris rendez-vous via Doctolib avec un urologue. Mon généraliste m’interroge sur le sujet puis fait de mes réponses un courrier pour ce spécialiste.
Nous faisons ensuite le point sur mon parcours chez le cardiologue où il m’avait envoyé l’an dernier après avoir constaté que mon cœur battait beaucoup trop vite. Cette fois, il le trouve battant sans excès. A la même époque, j’étais extrêmement essoufflé quand je montais un escalier, je ne le suis plus autant. « Je me demande si je n’ai pas été victime d’un Covid caché », lui dis-je. « C’est une bonne hypothèse », me répond-il.
Après avoir écouté mes poumons, il me dit qu’il y a une petite gêne en bas de ceux-ci. Il me demande si j’ai fumé autrefois. A ma réponse négative, il me dit que c’est sûrement dû à l’âge.
Mon médecin me fait ensuite une ordonnance pour la podologue afin qu’elle renouvelle mes semelles orthopédiques en novembre prochain. Depuis presque un an que j’en porte, je n’ai quasiment plus de douleurs aux pieds, il y a parfois des techniques qui me sont profitables.
Pour finir, je lui dis que je n’ai plus de nouvelles de mon hernie interne et il m’apprend que je dois cette année avoir un rappel de la vaccination contre le tétanos. Il faudra aussi faire la prise de sang du contrôle général annuel vers novembre.
Je le quitte muni d’une liasse de courriers et d’ordonnances.
                                                                 *
L’une des ordonnances me mène ce vendredi un peu avant sept heures au laboratoire d’analyses médicales de la place Saint-Marc. En attendant son ouverture, j’observe comment les premiers vendeurs de drouille du marché sont assaillis au cul de leurs camionnettes par ceux qui espèrent mettre la main sur un objet dont ils tireront bénéfice. Ces besogneux me font penser aux goélands qui assaillent les chalutiers, en moins élégants, et en moins bruyants.
A l’ouverture, je suis le premier à être appelé par l’infirmière. Elle me demande pourquoi cette recherche du taux de Péhessa total. C’est pour un rendez-vous chez l’urologue. « Vous avez un problème ? », me demande-t-elle. « Evidemment, on ne va pas chez un urologue pour le plaisir », lui réponds-je. Si cette jeune femme manque de tact, elle se débrouille fort bien pour trouver ma veine et me piquer sans douleur.
A seize heures trente, je vais chercher mon résultat. Si un taux de Péhessa élevé peut indiquer un cancer de la prostate, le mien peut être considéré comme normal compte-tenu de mon âge, selon Le Figaro.
 

19 août 2022


Retour à l’horaire d’autrefois, sept heures vingt-quatre, pour mon train de mercredi, les travaux d’Eole se poursuivent mais n’obligent plus en semaine au détour de Conflans-Sainte-Honorine. Je retrouve avec plaisir l’autoroute que longe la voie ferrée après la centrale de Porcheville, l’un de mes moments préférés entre Mantes-la-Jolie et Paris.
Après seulement une heure dix-sept de voyage nous sommes à Saint-Lazare. Je peux à nouveau prendre un bus Vingt-Neuf pour rejoindre la Bastille. J’y arrive à neuf heures trente, ce qui me donne le temps d’un long café de comptoir au bar tabac Le Voltigeur avec recherche de ce qui est lisible dans Le Parisien du jour, pas grand-chose.
Un couple de quinquagénaires m’a précédé devant le rideau métallique de Book-Off. A leurs pieds gisent plusieurs énormes cartons emplis de livres et de cédés à vendre. Lui est nerveux à l’idée que je puisse arriver avant eux au guichet des achats.
Mon sac à dos ne contient pas de livres à vendre. Je le pose derrière le comptoir avant de piocher dans les livres à un euro. Dans mon panier se côtoient Le Vide et le Plein (Carnets du Japon) de Nicolas Bouvier (Hoëbeke), Jours de printemps de Bashô (Publications Orientalises de France), La tristesse durera toujours d’Yves Charnet (La Table Ronde), Premier combat de Jean Moulin (Les Editions de Minuit) et Mémoires des maisons closes de Faubert Bolivar (Le Temps des Cerises). Il est onze heures dix quand j’en ai terminé, tout comme la vendeuse de livres et de cédés que son mari a laissé se débrouiller seule avec le fardeau.
Il pleut quand je sors. Je descends sous terre à Ledru-Rollin, l’une des stations qui hier soir était victime d’un fort orage, et avec les métros Huit et Trois atteins Quatre Septembre. Il ne pleut pas dans cet arrondissement mais où déjeuner ?
Les brasseries du quartier sont fermées temporairement ou définitivement. Je n’ai pas le goût des restaurants japonais à nouilles et à vapeur qui y pullulent. Faute d’autre choix, j’entre à la crêperie Chez Suzette dont le personnel est international. Je me contente d’une galette quatre fromages accompagnée d’un bol de pommes rissolées, le tout pour onze euros quarante.
Je n’ai que la rue à traverser pour entrer chez Book-Off. Là aussi je pose mon sac à dos derrière le comptoir avant de piocher dans les livres à un euro. Dans mon panier se côtoient Fou d’amour de Wolinski (Le Cherche Midi), Département des Nains de Martin Melkonian (Librairie Séguier), C’est la guerre de Louis Calaferte (Folio) et Horace à la campagne de Xavier Patier (La Petite Vermillon). Ce qui me fait acheter ce dernier, c’est qu’il est signé par l’auteur avec la dédicace suivante : « Pour Laurent, à garder pour toujours ».
Pour des raisons de prix du billet, je rentre plus tôt à Rouen cette semaine, avec le train Nomad partant à quinze heures quarante, une rame unique emplie d’ex-vacanciers, certains avec moutards braillards. C’est dans cette ambiance pénible que je termine ma lecture du jour : A la ligne (Feuillets d’usine) de Joseph Ponthus (Folio). Quelle vie difficile fut la sienne avant de mourir si tôt, quelle horreur ce travail d’intérimaire dans les usines de crustacés et de viande.
                                                                             *
Maintenant Les Versets sataniques fait partie des livres neufs les mieux vendus. Pendant des années,  j’ai vu des exemplaires du livre de Rushdie à un euro chez Book-Off. Et ne trouvant pas acheteur facilement. Peut-être même, pour certains d’entre eux, envoyés au recyclage.
                                                                              *
Dans les rames du métro parisien, L’enfer c’est les autres de Sartre corrigé à l’encre rouge en « L’enfer c’est moi-même coupé des autres » et Il est temps de rallumer les étoiles d’Apollinaire en « Il est temps de rallumer les consciences ». Le censeur à stylo rouge est l’abbé Pierre. Encore un religieux qui se mêlait de ce qu’il convient d’écrire.
 

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