Quand D. sombrera dans la maladie mentale, Teresa deviendra la troisième compagne de Simenon et l’accompagnera jusqu’à sa mort. Une qui ne vivra pas bien cette situation, c’est la fille de l’écrivain :
Je sais que Marie-Jo en est jalouse. Elle me l’avoue indirectement.
-Pourquoi, Dad, ne pourrais-je pas jouer le même rôle qu’elle près de toi ?
Depuis sa plus petite enfance, elle m’a voué un véritable culte auquel elle se raccroche. Elle n’ignore rien des relations humaines, car elle a été élevée librement, comme ses frères, Elle n’ignore pas non plus, car elle a l’œil et l’oreille partout, y compris à l’office, où l’on parle assez crûment, certains aspects de notre vie intime, à Teresa et moi.
Elle répétera souvent, néanmoins, au cours des années, à ma grande gêne :
-Pourquoi pas moi ?
N’a-t-elle pas exigé, à huit ans, que je lui achète une alliance dont elle devait connaître la signification et ne la portera-t-elle pas jusqu’à bout ?
En mil neuf cent soixante-huit, Marie-Jo sera violée :
Elle s’est retirée un moment dans une salle de bains quand un ami de Marc y a pénétré et a abusé d’elle sans toutefois aller jusqu’au bout. Cette scène, Marie-Jo la racontera plus tard dans les cahiers intimes qu’elle m’a confiés.
Le lendemain ou le surlendemain, alors qu’elle se trouve seule dans l’appartement de Marc, le même ami y entrera et, sur le lit de son frère, cette fois, fera complètement d’elle une femme.
Un événement commenté ainsi par l’écrivain :
Tu as eu dix-sept ans. Tu as eu une première expérience sexuelle décevante, dans une salle de bains, avec un homme séduisant, certes, mais qui va de femme en femme en semant des enfants, comme un coucou, au petit bonheur. J’aurais tant souhaité, pour toi, une initiation autre que celle que tu as connue ainsi, par une nuit de folie générale, entre un cabinet et un lavabo alors que vont et viennent des gens plus ou moins ivres !
Le huit février mil neuf cent soixante-quatorze, Marie-Jo revient à la charge :
Comme Teresa nous a laissés seuls, à son habitude, tu me regardes presque durement et j’ai peur de comprendre.
Tu me dis en effet, comme étouffant ta colère :
-Pourquoi elle et pas moi ?
-Tu ne comprends pas, ma petite fille ?
-Comprendre quoi ?
Je te désigne le lit.
-Teresa partage tout de ma vie.
-Et alors ? Tout ce qu’elle fait pour toi, je peux le faire, non ?
J’ai toujours craint ce que je découvre soudain. Tu me montres l’anneau d’or que tu m’as demandé quand tu avais huit ans, que tu as fait élargir plusieurs fois et que tu portes encore, que tu porteras même après que…
Même après que Marie-Jo se tire une balle dans le cœur, le dix-neuf mai mil neuf cent soixante-dix-huit. Elle avait vingt-cinq ans.
*
Une phrase me revient pendant que j’écoute leurs voix au téléphone. Je ne me souviens pas si je l’ai écrite ou si je l’ai lue je ne sais où :
-Chaque fois que nous faisons un enfant, nous nous donnons un juge., écrit aussi Simenon dans son livre confession.
*
Publié en mil neuf cent quatre-vingt-un, Mémoires intimes est un bon exemple de ce que l’autocensure empêche d’écrire aujourd’hui.
Je sais que Marie-Jo en est jalouse. Elle me l’avoue indirectement.
-Pourquoi, Dad, ne pourrais-je pas jouer le même rôle qu’elle près de toi ?
Depuis sa plus petite enfance, elle m’a voué un véritable culte auquel elle se raccroche. Elle n’ignore rien des relations humaines, car elle a été élevée librement, comme ses frères, Elle n’ignore pas non plus, car elle a l’œil et l’oreille partout, y compris à l’office, où l’on parle assez crûment, certains aspects de notre vie intime, à Teresa et moi.
Elle répétera souvent, néanmoins, au cours des années, à ma grande gêne :
-Pourquoi pas moi ?
N’a-t-elle pas exigé, à huit ans, que je lui achète une alliance dont elle devait connaître la signification et ne la portera-t-elle pas jusqu’à bout ?
En mil neuf cent soixante-huit, Marie-Jo sera violée :
Elle s’est retirée un moment dans une salle de bains quand un ami de Marc y a pénétré et a abusé d’elle sans toutefois aller jusqu’au bout. Cette scène, Marie-Jo la racontera plus tard dans les cahiers intimes qu’elle m’a confiés.
Le lendemain ou le surlendemain, alors qu’elle se trouve seule dans l’appartement de Marc, le même ami y entrera et, sur le lit de son frère, cette fois, fera complètement d’elle une femme.
Un événement commenté ainsi par l’écrivain :
Tu as eu dix-sept ans. Tu as eu une première expérience sexuelle décevante, dans une salle de bains, avec un homme séduisant, certes, mais qui va de femme en femme en semant des enfants, comme un coucou, au petit bonheur. J’aurais tant souhaité, pour toi, une initiation autre que celle que tu as connue ainsi, par une nuit de folie générale, entre un cabinet et un lavabo alors que vont et viennent des gens plus ou moins ivres !
Le huit février mil neuf cent soixante-quatorze, Marie-Jo revient à la charge :
Comme Teresa nous a laissés seuls, à son habitude, tu me regardes presque durement et j’ai peur de comprendre.
Tu me dis en effet, comme étouffant ta colère :
-Pourquoi elle et pas moi ?
-Tu ne comprends pas, ma petite fille ?
-Comprendre quoi ?
Je te désigne le lit.
-Teresa partage tout de ma vie.
-Et alors ? Tout ce qu’elle fait pour toi, je peux le faire, non ?
J’ai toujours craint ce que je découvre soudain. Tu me montres l’anneau d’or que tu m’as demandé quand tu avais huit ans, que tu as fait élargir plusieurs fois et que tu portes encore, que tu porteras même après que…
Même après que Marie-Jo se tire une balle dans le cœur, le dix-neuf mai mil neuf cent soixante-dix-huit. Elle avait vingt-cinq ans.
*
Une phrase me revient pendant que j’écoute leurs voix au téléphone. Je ne me souviens pas si je l’ai écrite ou si je l’ai lue je ne sais où :
-Chaque fois que nous faisons un enfant, nous nous donnons un juge., écrit aussi Simenon dans son livre confession.
*
Publié en mil neuf cent quatre-vingt-un, Mémoires intimes est un bon exemple de ce que l’autocensure empêche d’écrire aujourd’hui.