Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
5 décembre 2022
Lettres américaines, c’est sous ce titre qu’est publiée chez Grasset la correspondance de LeRoy Pollock et de ses cinq fils, dont le célèbre Jackson. Une « première édition mondiale », se félicite la quatrième de couverture. Durant sa lecture, j’ai noté ceci :
Jackson (Los Angeles) à Charles et Frank (New York), vingt-deux octobre mil neuf cent vingt-neuf : Avec un autre gars, on s’est mis dans de beaux draps. On a prêté de l’argent à des filles pour qu’elles fuguent. On n’était pas au courant de la loi. On l’a fait par amitié. Mais ils nous tiennent et je ne suis pas sûr de ce qui va se passer. La peine encourue est de six à douze mois de prison.
Jackson (Missouri) à Charles (New York), dix juin mil neuf cent trente et un : J’ai essayé de sauter dans un train de marchandises à Indianapolis, mais il allait si vite que j’ai été projeté à plusieurs mètres. J’ai passé la nuit en taule…
Jackson (Californie) à Charles et Frank (New York), mil neuf cent trente et un : Mon voyage était fabuleux. J’ai eu droit à quelques coups de pieds au cul, je me suis retrouvé en prison deux fois, j’ai connu quelques journées de faim – mais quelle expérience formidable !
Jackson (Californie) à Charles (New York), mil neuf cent trente et un : Je ne sais pas quoi dire ni quoi faire – je réalise de plus en plus que j’ai vraiment besoin de trouver un moyen de gagner ma vie – mais je commence à me demander si je ne devrais pas me donner du temps pour m’y mettre. Pour ne rien arranger, je n’ai aucun goût particulier pour ce genre de truc. (…)
Papa a toujours du mal à lâcher son argent, il me prend pour un bon à rien, mais maman me conserve son affection.
Frank (Californie) à Charles (New York), trente octobre mil neuf cent trente-trois : Les socialistes ont toujours cru qu’une évolution par l’éducation améliorerait la société, mais quels sont les résultats ? Ils ont été réduits à néant en Italie et plus récemment en Allemagne par les Fascistes.
Charles (Virginie) à sa femme Elizabeth (New York), vendredi seize juin octobre mil neuf cent trente-quatre : Un soir, à Homestead, on a essayé de dessiner la sortie de l’usine avec les travailleurs à la fin de leur journée mais on a créé une sacrée cohue. La police de l’usine est devenue nerveuse et ils ont envoyé un de leur gars pour voir ce que l’on trafiquait. Finalement, au moment où j’ai décidé qu’il fallait partir, deux policiers de la ville nous ont accostés. Ils nous ont fouillés et interrogés, puis sont allés discuter avec les flics de l’usine pour finalement nous dire de filer.
Sanford (New York) à Charles (Michigan), mil neuf cent trente-huit : D’abord laisse-moi te féliciter, vous féliciter Elizabeth et toi, d’avoir pris la décision d’avoir un enfant. Avoir un enfant est un désir très sain, nécessaire pour la maturité d’un homme et d’une femme. Ça demande un putain de courage dans cette société tordue de tendre un tant soit peu vers la normalité. (…)
Les procès russes m’ont définitivement guéri de ma foi dans n’importe quelle forme de communisme ou de dictature en tout genre, y compris celle du prolétariat. Je sais très bien que j’ai tort mais je suis en train de développer une carapace extrêmement fataliste. L’espèce humaine m’apparaît telle une armée de chiens et si je le pouvais, je n’aurais rien à faire avec eux.
Sanford (New York) à Charles (Michigan), trois mai mil neuf cent trente-neuf : Nous allons tant bien que mal. Nous sommes plutôt abasourdis par tout ce foutu bazar, national et international, sans compter notre propre incapacité à résoudre quelques-unes des difficultés liées à la peinture.
Jackson (Los Angeles) à Charles et Frank (New York), vingt-deux octobre mil neuf cent vingt-neuf : Avec un autre gars, on s’est mis dans de beaux draps. On a prêté de l’argent à des filles pour qu’elles fuguent. On n’était pas au courant de la loi. On l’a fait par amitié. Mais ils nous tiennent et je ne suis pas sûr de ce qui va se passer. La peine encourue est de six à douze mois de prison.
Jackson (Missouri) à Charles (New York), dix juin mil neuf cent trente et un : J’ai essayé de sauter dans un train de marchandises à Indianapolis, mais il allait si vite que j’ai été projeté à plusieurs mètres. J’ai passé la nuit en taule…
Jackson (Californie) à Charles et Frank (New York), mil neuf cent trente et un : Mon voyage était fabuleux. J’ai eu droit à quelques coups de pieds au cul, je me suis retrouvé en prison deux fois, j’ai connu quelques journées de faim – mais quelle expérience formidable !
Jackson (Californie) à Charles (New York), mil neuf cent trente et un : Je ne sais pas quoi dire ni quoi faire – je réalise de plus en plus que j’ai vraiment besoin de trouver un moyen de gagner ma vie – mais je commence à me demander si je ne devrais pas me donner du temps pour m’y mettre. Pour ne rien arranger, je n’ai aucun goût particulier pour ce genre de truc. (…)
Papa a toujours du mal à lâcher son argent, il me prend pour un bon à rien, mais maman me conserve son affection.
Frank (Californie) à Charles (New York), trente octobre mil neuf cent trente-trois : Les socialistes ont toujours cru qu’une évolution par l’éducation améliorerait la société, mais quels sont les résultats ? Ils ont été réduits à néant en Italie et plus récemment en Allemagne par les Fascistes.
Charles (Virginie) à sa femme Elizabeth (New York), vendredi seize juin octobre mil neuf cent trente-quatre : Un soir, à Homestead, on a essayé de dessiner la sortie de l’usine avec les travailleurs à la fin de leur journée mais on a créé une sacrée cohue. La police de l’usine est devenue nerveuse et ils ont envoyé un de leur gars pour voir ce que l’on trafiquait. Finalement, au moment où j’ai décidé qu’il fallait partir, deux policiers de la ville nous ont accostés. Ils nous ont fouillés et interrogés, puis sont allés discuter avec les flics de l’usine pour finalement nous dire de filer.
Sanford (New York) à Charles (Michigan), mil neuf cent trente-huit : D’abord laisse-moi te féliciter, vous féliciter Elizabeth et toi, d’avoir pris la décision d’avoir un enfant. Avoir un enfant est un désir très sain, nécessaire pour la maturité d’un homme et d’une femme. Ça demande un putain de courage dans cette société tordue de tendre un tant soit peu vers la normalité. (…)
Les procès russes m’ont définitivement guéri de ma foi dans n’importe quelle forme de communisme ou de dictature en tout genre, y compris celle du prolétariat. Je sais très bien que j’ai tort mais je suis en train de développer une carapace extrêmement fataliste. L’espèce humaine m’apparaît telle une armée de chiens et si je le pouvais, je n’aurais rien à faire avec eux.
Sanford (New York) à Charles (Michigan), trois mai mil neuf cent trente-neuf : Nous allons tant bien que mal. Nous sommes plutôt abasourdis par tout ce foutu bazar, national et international, sans compter notre propre incapacité à résoudre quelques-unes des difficultés liées à la peinture.
2 décembre 2022
Quand je me présente à la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier avec des livres de poche, cinq et des bons, le maître des lieux ne m’en a reprend qu’un. Il y a encore un an, il m’en prenait quatre sur cinq.
Soit le nombre de vendeurs a augmenté, soit le nombre d’acheteurs est en baisse, soit les deux. Quand j’y suis, peu après l’ouverture, c’est le plus souvent seul. Autrefois, ce n’était pas le cas. Autre indice de difficulté à trouver une clientèle suffisante, les opérations de promotion du genre, tous les poches à un euro, ou onze poches achetés onze offerts.
Une vente assurée pour moi, c’étaient les ouvrages en grand format de chez Picquier. Tous m’étaient repris. Un jour, les auteurs chinois et coréens ne passèrent plus. Seuls les écrivains japonais me furent encore automatiquement achetés. C’est fini. La dernière fois j’en avais deux et l’un m’a été refusé.
En conséquence, je n’achète plus de livres à un euro à Paris pour les revendre deux euros au bouquiniste du Rêve de l’Escalier qui lui-même en tirait six ou sept euros. Ce qui contribuait à le faire vivre et me remboursait tout ou partie de mon voyage.
*
Il y a quelques mois, j’arrive au Rêve de l’Escalier pour y vendre cinq livres en grand format : Aventures en Inde de Hô Anh Thai, Chroniques de Billancourt et C’est moi qui souligne de Nina Berberova, Jean le Pérégrin de Mika Waltari et Automobile Club d’Egypte d’Alaa El Aswany. Tous refusés. « Des romans, j’en ai déjà ». Je n’ai pas jugé utile de dire que seuls les deux derniers en sont.
Soit le nombre de vendeurs a augmenté, soit le nombre d’acheteurs est en baisse, soit les deux. Quand j’y suis, peu après l’ouverture, c’est le plus souvent seul. Autrefois, ce n’était pas le cas. Autre indice de difficulté à trouver une clientèle suffisante, les opérations de promotion du genre, tous les poches à un euro, ou onze poches achetés onze offerts.
Une vente assurée pour moi, c’étaient les ouvrages en grand format de chez Picquier. Tous m’étaient repris. Un jour, les auteurs chinois et coréens ne passèrent plus. Seuls les écrivains japonais me furent encore automatiquement achetés. C’est fini. La dernière fois j’en avais deux et l’un m’a été refusé.
En conséquence, je n’achète plus de livres à un euro à Paris pour les revendre deux euros au bouquiniste du Rêve de l’Escalier qui lui-même en tirait six ou sept euros. Ce qui contribuait à le faire vivre et me remboursait tout ou partie de mon voyage.
*
Il y a quelques mois, j’arrive au Rêve de l’Escalier pour y vendre cinq livres en grand format : Aventures en Inde de Hô Anh Thai, Chroniques de Billancourt et C’est moi qui souligne de Nina Berberova, Jean le Pérégrin de Mika Waltari et Automobile Club d’Egypte d’Alaa El Aswany. Tous refusés. « Des romans, j’en ai déjà ». Je n’ai pas jugé utile de dire que seuls les deux derniers en sont.
1er décembre 2022
En première classe, pour quarante centimes de plus, je rejoins Paris en ce mercredi dernier jour de novembre, constatant que l’appel « solennel » de la Première Ministre à remettre le masque dans les transports n’est pas suivi d’effet. Moi-même, je m’en dispense. C’est peut-être une erreur.
Quelques masques sont quand même visibles dans le bus Vingt-Sept qui m’emmène au Quartier Latin. J’attends dix heures au Bar Tabac de la Sorbonne où le café est à deux euros cinquante en salle, laquelle n’est pas chauffée.
Peu après son ouverture, j’entre chez Gibert et monte à l’étage Littérature. J’ai en ma possession une liste de livres convoités mais l’occasion est devenue rare en ce lieu, et chère. La plupart des livres de ma liste ne sont là que neufs. Quand même, j’achète Par les champs et les grèves (Voyage en Bretagne) de Gustave Flaubert et Maxime Du Camp (François Bourin Editeur) à huit euros quatre-vingts au lieu de vingt-quatre, Comme je m’ennuie de toi, mon pauvre rat ! (Lettres à sa sœur) de Gustave Flaubert (La Part Commune) à neuf euros quarante au lieu de dix-sept et Journal de Stendhal (Folio) à dix euros dix au lieu de quinze.
A la station Cluny, je monte dans un bus Quatre-Vingt-Six. En chemin s’y invite, chose rare à Paris, une équipe de contrôleurs. L’un des voyageurs règle trente-cinq euros pour ticket non validé. Descendu à Ledru-Rollin, je rejoins le Marché d’Aligre. « Coup de balai », est-il affiché sur les livres à disposition. Aucun n’est pour moi.
Revenu au carrefour Ledru-Rollin Saint-Antoine, j’entre au Péhemmu chinois et opte pour la formule filet de hareng pommes à l’huile, filet mignon purée salade, quart de côtes-du-rhône et café pour dix-neuf euros cinquante. Je mange près d’un radiateur électrique à bain d’huile et de deux amies sexagénaires dont l’une dit à l’autre : « Je suis contente que ton frère est bien là-bas. Pendant ce temps-là, ça te fout la paix. »
Sorti de là, sachant que je ne pourrai pas m’installer dans un café pour attendre mon train de retour à cause du match Tunisie France, je passe l’après-midi à zoner d’un Book-Off à l’autre jusqu'à l'heure de celui-ci. Ma récolte de livres à un euro est maigre: Ravensbrück de Germaine Tillon (Seuil), L’exilée (Adèle Hugo, la fille) de Marie-Louise Audiberti (La Part Commune) et Siegfried Follies (Berlin 1928) de Son Excellence Otto (Tabou Editions).
*
Lecture de train : Les frères Bouquinquant de Jean Prévost (tué par les nazis dans le Vercors).
Quand Léon Bouquinquant partait tromper sa femme, il ôtait son alliance et la passait dans son trousseau de clés. Non par pudeur, ni peur du ridicule. Léon se précautionnait. (…)
Pierre Bouquinquant venait la consoler. Elle lui téléphonait, du café du coin. Il accourait de son garage, proche de l’Ecole militaire. (…)
Léon Bouquinquant et Pierre, son cadet de quinze mois, étaient fils d’un petit cordonnier d’Yport, bourg de pêcheurs sous les falaises cauchoises.
L’un des deux tue l’autre et la troisième s’accuse du meurtre.
Quelques masques sont quand même visibles dans le bus Vingt-Sept qui m’emmène au Quartier Latin. J’attends dix heures au Bar Tabac de la Sorbonne où le café est à deux euros cinquante en salle, laquelle n’est pas chauffée.
Peu après son ouverture, j’entre chez Gibert et monte à l’étage Littérature. J’ai en ma possession une liste de livres convoités mais l’occasion est devenue rare en ce lieu, et chère. La plupart des livres de ma liste ne sont là que neufs. Quand même, j’achète Par les champs et les grèves (Voyage en Bretagne) de Gustave Flaubert et Maxime Du Camp (François Bourin Editeur) à huit euros quatre-vingts au lieu de vingt-quatre, Comme je m’ennuie de toi, mon pauvre rat ! (Lettres à sa sœur) de Gustave Flaubert (La Part Commune) à neuf euros quarante au lieu de dix-sept et Journal de Stendhal (Folio) à dix euros dix au lieu de quinze.
A la station Cluny, je monte dans un bus Quatre-Vingt-Six. En chemin s’y invite, chose rare à Paris, une équipe de contrôleurs. L’un des voyageurs règle trente-cinq euros pour ticket non validé. Descendu à Ledru-Rollin, je rejoins le Marché d’Aligre. « Coup de balai », est-il affiché sur les livres à disposition. Aucun n’est pour moi.
Revenu au carrefour Ledru-Rollin Saint-Antoine, j’entre au Péhemmu chinois et opte pour la formule filet de hareng pommes à l’huile, filet mignon purée salade, quart de côtes-du-rhône et café pour dix-neuf euros cinquante. Je mange près d’un radiateur électrique à bain d’huile et de deux amies sexagénaires dont l’une dit à l’autre : « Je suis contente que ton frère est bien là-bas. Pendant ce temps-là, ça te fout la paix. »
Sorti de là, sachant que je ne pourrai pas m’installer dans un café pour attendre mon train de retour à cause du match Tunisie France, je passe l’après-midi à zoner d’un Book-Off à l’autre jusqu'à l'heure de celui-ci. Ma récolte de livres à un euro est maigre: Ravensbrück de Germaine Tillon (Seuil), L’exilée (Adèle Hugo, la fille) de Marie-Louise Audiberti (La Part Commune) et Siegfried Follies (Berlin 1928) de Son Excellence Otto (Tabou Editions).
*
Lecture de train : Les frères Bouquinquant de Jean Prévost (tué par les nazis dans le Vercors).
Quand Léon Bouquinquant partait tromper sa femme, il ôtait son alliance et la passait dans son trousseau de clés. Non par pudeur, ni peur du ridicule. Léon se précautionnait. (…)
Pierre Bouquinquant venait la consoler. Elle lui téléphonait, du café du coin. Il accourait de son garage, proche de l’Ecole militaire. (…)
Léon Bouquinquant et Pierre, son cadet de quinze mois, étaient fils d’un petit cordonnier d’Yport, bourg de pêcheurs sous les falaises cauchoises.
L’un des deux tue l’autre et la troisième s’accuse du meurtre.
29 novembre 2022
George Sand avait quarante-cinq ans quand elle rencontra Alexandre Manceau qui en avait trente-deux. Pendant quinze ans, il fut à la fois son amant et son secrétaire. Pour abriter leurs amours, il lui offrit une chaumière à Gargilesse, sur les bords de la Creuse.
Lors de leurs différents séjours, l’écrivaine tenait des carnets qui furent publiés chez Christian Pirot. De la lecture de ces Carnets de voyages à Gargilesse, j’ai retenu ceci :
A peine arrivé, Manceau reçoit Dumeti des mains d’un moutard. Vendredi vingt et un mai mil huit cent cinquante-huit
Visite d’un jeune imbécile qui vient de Nohant à pied pour me demander des conseils, des recommandations et autant que je peux croire, le moyen de ne rien faire. Samedi vingt-neuf mai mil huit cent cinquante-huit
N’avoir à s’occuper de rien au monde en fait de choses matérielles m’a toujours paru un idéal et je trouve cet idéal dans ma chambrette où il y a tout juste la place de dormir, de se laver et d’écrire. Lettre à Solange, seize juin mil huit cent cinquante-huit
J’ai vu un singulier enfant dans la grande prairie, un an, gros et grand comme un enfant de deux mois, et borgne, et gentil pourtant, le pauvre avorton. Vendredi vingt-deux avril mil huit cent soixante-quatre
Lors de leurs différents séjours, l’écrivaine tenait des carnets qui furent publiés chez Christian Pirot. De la lecture de ces Carnets de voyages à Gargilesse, j’ai retenu ceci :
A peine arrivé, Manceau reçoit Dumeti des mains d’un moutard. Vendredi vingt et un mai mil huit cent cinquante-huit
Visite d’un jeune imbécile qui vient de Nohant à pied pour me demander des conseils, des recommandations et autant que je peux croire, le moyen de ne rien faire. Samedi vingt-neuf mai mil huit cent cinquante-huit
N’avoir à s’occuper de rien au monde en fait de choses matérielles m’a toujours paru un idéal et je trouve cet idéal dans ma chambrette où il y a tout juste la place de dormir, de se laver et d’écrire. Lettre à Solange, seize juin mil huit cent cinquante-huit
J’ai vu un singulier enfant dans la grande prairie, un an, gros et grand comme un enfant de deux mois, et borgne, et gentil pourtant, le pauvre avorton. Vendredi vingt-deux avril mil huit cent soixante-quatre
27 novembre 2022
C’est ce qui est arrivé à Christian Bobin, et son âge étant mis en avant dans tous les articles consacrés à cet évènement me fait forcément penser au mien. Le communiqué d’Antoine Gallimard précise qu’il était atteint « d’une grave maladie ». De lui j’ai aimé Une petite robe de fête. Cependant, la plupart de ses livres me sont étrangers pour la raison que je suis indemne de préoccupations religieuses.
Je lis peu en ce moment car il est impossible d’aller en après-midi dans un café sans y trouver des télés branchées sur le foute. Me reste ma lecture du soir. Persévérant, je suis allé au bout des cinq volumes du pornographique Ma vie secrète du mystérieux Walter, un texte répugnant, pas du tout excitant (de plus, vers la fin, l’auteur se révèle on ne peut plus raciste).
Maintenant, après avoir terminé le premier qui m’a tenu compagnie durant ma longue escapade varoise, j’attaque la relecture du deuxième volume du Journal littéraire de Paul Léautaud. Avec lui, pas de risque d’être déçu. J’avance peu, il y en a pour des mois. Je n’atteindrai pas la fin sans parvenir à soixante-douze ans.
Je lis peu en ce moment car il est impossible d’aller en après-midi dans un café sans y trouver des télés branchées sur le foute. Me reste ma lecture du soir. Persévérant, je suis allé au bout des cinq volumes du pornographique Ma vie secrète du mystérieux Walter, un texte répugnant, pas du tout excitant (de plus, vers la fin, l’auteur se révèle on ne peut plus raciste).
Maintenant, après avoir terminé le premier qui m’a tenu compagnie durant ma longue escapade varoise, j’attaque la relecture du deuxième volume du Journal littéraire de Paul Léautaud. Avec lui, pas de risque d’être déçu. J’avance peu, il y en a pour des mois. Je n’atteindrai pas la fin sans parvenir à soixante-douze ans.
24 novembre 2022
Après un voyage sans histoire dans un train complet, j’arrive dans un Paris menacé par la pluie. Je choisis donc le métro pour rejoindre Ledru-Rollin. Jamais encore je n’ai vu autant de monde sur le quai de la ligne Trois. On y est aussi serré que dans une rame blindée. Je ne sais pas par quel miracle je réussis à entrer dans celle qui se présente (la suivante dans cinq minutes). Cette rame s’arrête plusieurs fois dans le tunnel entre deux stations. Depuis quelque temps le métro parisien circule en mode dégradé. Les entassé(e)s supportent ça stoïquement malgré quelques jurons ici ou là.
Je m’extrais du grumeau à l’arrêt Opéra. La ligne Huit est moins chargée, je peux même m’asseoir. Arrivé au but, comme la pluie ne tombe pas encore, je vais voir ce qui se passe au Marché d’Aligre.
Le principal vendeur de livres est là, dont les ouvrages protégés par des barnums ont repris leur prix habituel, deux euros, trois pour cinq euros. J’en trouve trois : Fort-Cigogne et Ici présent de Jean-Pierre Abraham (Le temps qu’il fait) et Promenades françaises de Johanna Schopenhauer, mère d’Arthur (Arte Editions / Editions du Félin).
Après un café au comptoir du Faubourg, je cherche mon bonheur à un euro au Book-Off d’à côté. J’en ressors sous la pluie avec Un long et merveilleux suicide (Regard sur Patricia Highsmith) de François Rivière (Calmann-Lévy), Lettres des mers du sud de Robert James Fletcher (Minerve) et le richement illustré Notre histoire de Rao Pingru (Seuil).
Les métros Huit et Un me conduisent à Châtelet. Quand je mets le pied dehors à l’arrêt Sainte-Opportune il pleut à seaux. Heureusement face à cette sortie est le Café Vigouroux dans lequel je me précipite et attends midi. Dans la formule à treize euros cinquante je choisis le potage aux légumes et les lasagnes.
C’est sous le parapluie que je rejoins le Book-Off de Saint-Martin. Tandis que j’en fouille le sous-sol, Fip diffuse une chanson gainsbourienne qui parle d’une Gisèle qui est belle quand elle pleure le soir. Cela fait du bien d’entendre quelque chose d’un peu malsain en ce siècle de la vertu Quand je remonte au rez-de-chaussée, j’ai la surprise d’un ciel tout bleu et trois livres à un euro : Les Objets du Plaisir d’Hans-Jürgen Döpp (Parkstore Press), Les frères Bouquinquant de Jean Prévost (L’Imaginaire/Gallimard) et La Chambre aux pommes sous-titré Notes et gravures suivi de Correspondance de guerre (1942-1947) de Florence Hinneburg (Bleu autour).
Par la ligne Quatorze je rejoins le Book-Off de Quatre Septembre. Comme souvent ma récolte à un euro y est maigre : Journal en ruines de Noël Herpe (L’Arbalète/Gallimard), un ouvrage dont j’ai déjà eu un exemplaire, revendu à son auteur.
C’est à La Ville d’Argentan que j’attends l’heure de mon train de retour. Derrière moi un couple de quinquagénaires espagnols prend une leçon de français auprès de la serveuse. Leur prononciation de tarte tatin donne tata tata, ce qui les fait beaucoup rire. Je termine ma lecture du jour : La panthère des neiges de Sylvain Tesson. Au Tibet, par moins trente degrés, trois hommes et une femme cherchent à apercevoir cet animal devenu rare. Ils y parviennent trois fois et rentrent contents. L’attente, la nature, les animaux sauvages, les sagesses ancestrales, autant de sujets qui ne m’intéressent guère.
Vers dix-neuf heures j’arrive à Rouen juste après une averse. A l’intérieur de la terrasse couverte du Flo’s une télé diffuse un match de foute bien qu’il n’y ait personne pour le regarder.
*
Un point Rouen peu prévisible dans La panthère des neiges : … j’étais tombé nez à nez avec une fouine sur les toits de l’église de Saint-Maclou, à Rouen …
*
Gisèle, une chanson de Fantastic Mister Zguy, apprends-je en écrivant ma journée.
Mais t'es belle Gisèle quand tu pleures le soir
Et tes yeux qui coulent éclaboussent tes draps
Oh oui t'es belle Gisèle quand t'es seule le soir
Et ton nez qui coule, mouille mouille tes draps
Je m’extrais du grumeau à l’arrêt Opéra. La ligne Huit est moins chargée, je peux même m’asseoir. Arrivé au but, comme la pluie ne tombe pas encore, je vais voir ce qui se passe au Marché d’Aligre.
Le principal vendeur de livres est là, dont les ouvrages protégés par des barnums ont repris leur prix habituel, deux euros, trois pour cinq euros. J’en trouve trois : Fort-Cigogne et Ici présent de Jean-Pierre Abraham (Le temps qu’il fait) et Promenades françaises de Johanna Schopenhauer, mère d’Arthur (Arte Editions / Editions du Félin).
Après un café au comptoir du Faubourg, je cherche mon bonheur à un euro au Book-Off d’à côté. J’en ressors sous la pluie avec Un long et merveilleux suicide (Regard sur Patricia Highsmith) de François Rivière (Calmann-Lévy), Lettres des mers du sud de Robert James Fletcher (Minerve) et le richement illustré Notre histoire de Rao Pingru (Seuil).
Les métros Huit et Un me conduisent à Châtelet. Quand je mets le pied dehors à l’arrêt Sainte-Opportune il pleut à seaux. Heureusement face à cette sortie est le Café Vigouroux dans lequel je me précipite et attends midi. Dans la formule à treize euros cinquante je choisis le potage aux légumes et les lasagnes.
C’est sous le parapluie que je rejoins le Book-Off de Saint-Martin. Tandis que j’en fouille le sous-sol, Fip diffuse une chanson gainsbourienne qui parle d’une Gisèle qui est belle quand elle pleure le soir. Cela fait du bien d’entendre quelque chose d’un peu malsain en ce siècle de la vertu Quand je remonte au rez-de-chaussée, j’ai la surprise d’un ciel tout bleu et trois livres à un euro : Les Objets du Plaisir d’Hans-Jürgen Döpp (Parkstore Press), Les frères Bouquinquant de Jean Prévost (L’Imaginaire/Gallimard) et La Chambre aux pommes sous-titré Notes et gravures suivi de Correspondance de guerre (1942-1947) de Florence Hinneburg (Bleu autour).
Par la ligne Quatorze je rejoins le Book-Off de Quatre Septembre. Comme souvent ma récolte à un euro y est maigre : Journal en ruines de Noël Herpe (L’Arbalète/Gallimard), un ouvrage dont j’ai déjà eu un exemplaire, revendu à son auteur.
C’est à La Ville d’Argentan que j’attends l’heure de mon train de retour. Derrière moi un couple de quinquagénaires espagnols prend une leçon de français auprès de la serveuse. Leur prononciation de tarte tatin donne tata tata, ce qui les fait beaucoup rire. Je termine ma lecture du jour : La panthère des neiges de Sylvain Tesson. Au Tibet, par moins trente degrés, trois hommes et une femme cherchent à apercevoir cet animal devenu rare. Ils y parviennent trois fois et rentrent contents. L’attente, la nature, les animaux sauvages, les sagesses ancestrales, autant de sujets qui ne m’intéressent guère.
Vers dix-neuf heures j’arrive à Rouen juste après une averse. A l’intérieur de la terrasse couverte du Flo’s une télé diffuse un match de foute bien qu’il n’y ait personne pour le regarder.
*
Un point Rouen peu prévisible dans La panthère des neiges : … j’étais tombé nez à nez avec une fouine sur les toits de l’église de Saint-Maclou, à Rouen …
*
Gisèle, une chanson de Fantastic Mister Zguy, apprends-je en écrivant ma journée.
Mais t'es belle Gisèle quand tu pleures le soir
Et tes yeux qui coulent éclaboussent tes draps
Oh oui t'es belle Gisèle quand t'es seule le soir
Et ton nez qui coule, mouille mouille tes draps
22 novembre 2022
Dans la famille James, il y a Henry, l’écrivain, William, le philosophe, et Alice, la malade chronique, ma préférée. Lors de ma lecture de son Journal publié aux Editions des Femmes, ce qu’elle dit de la maternité (… ce que Fanny Moore appelle l’ « approfondissement du lien conjugal », comme elle l’écrit le treize juin mil huit cent quatre-vingt-neuf) m’a particulièrement réjoui :
Figurez-vous qu’on m’a rapporté que quelqu’un, ici, à Leamington, que je n’ai jamais vu, a déclaré que je suis « très charitable ». (…) Cette calomnie a été provoquée, je suppose, parce que j’ai donné six pence aux Brooks avant la naissance du numéro 9. Treize juin mil huit cent quatre-vingt-neuf
Alice Edwards a raconté à Nurse que « Maman était terriblement mal hier soir et que ce matin une dame a apporté un bébé »… peut-il exister une dame qui manque autant de jugement ? C’est le numéro 5 ; le père a vingt-huit ans et la mère vingt-trois… une toute petite voix de plus pour gonfler la vaste lamentation humaine qui s’élève perpétuellement jusqu’aux cieux ! Je me demande s’il est indélicat pour une vierge au corps mou d’être si préoccupée par la multiplication des espèces… Dix-huit juin mil huit cent quatre-vingt-neuf
Grace a donné à Mabel Quincy, comme cadeau de mariage, une œuvre de Montaigne dont toutes les pages « osées » étaient collées ! Peut-on imaginer quelque chose de plus délicieusement drôle ? Quatorze décembre mil huit cent quatre-vingt-neuf
J’apprends qu’un autre numéro va s’ajouter aux petits enfants ! Pour un cœur virginal, il semblerait que, même une âme de mère serait satisfaite d’avoir déjà imposé les souffrances humaines à trois infortunés, mais la compassion semble faire défaut aux entrailles des parents. Trente novembre mil huit cent quatre-vingt-dix
Figurez-vous qu’on m’a rapporté que quelqu’un, ici, à Leamington, que je n’ai jamais vu, a déclaré que je suis « très charitable ». (…) Cette calomnie a été provoquée, je suppose, parce que j’ai donné six pence aux Brooks avant la naissance du numéro 9. Treize juin mil huit cent quatre-vingt-neuf
Alice Edwards a raconté à Nurse que « Maman était terriblement mal hier soir et que ce matin une dame a apporté un bébé »… peut-il exister une dame qui manque autant de jugement ? C’est le numéro 5 ; le père a vingt-huit ans et la mère vingt-trois… une toute petite voix de plus pour gonfler la vaste lamentation humaine qui s’élève perpétuellement jusqu’aux cieux ! Je me demande s’il est indélicat pour une vierge au corps mou d’être si préoccupée par la multiplication des espèces… Dix-huit juin mil huit cent quatre-vingt-neuf
Grace a donné à Mabel Quincy, comme cadeau de mariage, une œuvre de Montaigne dont toutes les pages « osées » étaient collées ! Peut-on imaginer quelque chose de plus délicieusement drôle ? Quatorze décembre mil huit cent quatre-vingt-neuf
J’apprends qu’un autre numéro va s’ajouter aux petits enfants ! Pour un cœur virginal, il semblerait que, même une âme de mère serait satisfaite d’avoir déjà imposé les souffrances humaines à trois infortunés, mais la compassion semble faire défaut aux entrailles des parents. Trente novembre mil huit cent quatre-vingt-dix
20 novembre 2022
« Imbécile, tu as raté l’expulsion de l’imam extrémiste puis la gestion des migrants du bateau. A chaque fois que tu fanfaronnes pour te planter ensuite, c’est des milliers de voix supplémentaires pour Le Pen. Pour punition, tu iras au Qatar représenter la France à l’ouverture de la Coupe du Monde. », a déclaré Macron à Darmanin. « Le cas tare, je me demande si ce n’est pas toi. », a-t-il ajouté.
Car revoici l’époque de cette nuisible compétition sportive qui va encore mettre des hordes de fanatisés dans les rues à chaque victoire des joueurs de l’équipe de France. Mon souhait est toujours le même : Que ces fouteux français soient éliminés le plus tôt possible.
*
Ce que j’aurais aimé faire ce samedi après-midi, c’est aller au Lycée Marc Bloch de Val-de-Reuil pour la vente de livres d’occasion du groupe local d’Amnesty International (un évènement qui avant la Guerre du Covid avait lieu au printemps), mais même si je tousse moins je suis toujours patraque et d’autre part les averses auraient nui à la sécurité de mes sacs de livres (il faut marcher un bon kilomètre entre le Lycée et la Gare).
C’est là que je me dis qu’une voiture c’est utile, ou bien de connaître quelqu’un y allant qui aurait pu m’emmener.
J’en connais mais ce sont des concurrents aussi ils ne me voient pas d’un bon œil.
Car revoici l’époque de cette nuisible compétition sportive qui va encore mettre des hordes de fanatisés dans les rues à chaque victoire des joueurs de l’équipe de France. Mon souhait est toujours le même : Que ces fouteux français soient éliminés le plus tôt possible.
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Ce que j’aurais aimé faire ce samedi après-midi, c’est aller au Lycée Marc Bloch de Val-de-Reuil pour la vente de livres d’occasion du groupe local d’Amnesty International (un évènement qui avant la Guerre du Covid avait lieu au printemps), mais même si je tousse moins je suis toujours patraque et d’autre part les averses auraient nui à la sécurité de mes sacs de livres (il faut marcher un bon kilomètre entre le Lycée et la Gare).
C’est là que je me dis qu’une voiture c’est utile, ou bien de connaître quelqu’un y allant qui aurait pu m’emmener.
J’en connais mais ce sont des concurrents aussi ils ne me voient pas d’un bon œil.
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