Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Une plongée dans la famille Pollock

5 décembre 2022


Lettres américaines, c’est sous ce titre qu’est publiée chez Grasset la correspondance de LeRoy Pollock et de ses cinq fils, dont le célèbre Jackson. Une « première édition mondiale », se félicite la quatrième de couverture. Durant sa lecture, j’ai noté ceci :
Jackson (Los Angeles) à Charles et Frank (New York), vingt-deux octobre mil neuf cent vingt-neuf : Avec un autre gars, on s’est mis dans de beaux draps. On a prêté de l’argent à des filles pour qu’elles fuguent. On n’était pas au courant de la loi. On l’a fait par amitié. Mais ils nous tiennent et je ne suis pas sûr de ce qui va se passer. La peine encourue est de six à douze mois de prison.
Jackson (Missouri) à Charles (New York), dix juin mil neuf cent trente et un : J’ai essayé de sauter dans un train de marchandises à Indianapolis, mais il allait si vite que j’ai été projeté à plusieurs mètres. J’ai passé la nuit en taule…
Jackson (Californie) à Charles et Frank (New York), mil neuf cent trente et un : Mon voyage était fabuleux. J’ai eu droit à quelques coups de pieds au cul, je me suis retrouvé en prison deux fois, j’ai connu quelques journées de faim – mais quelle expérience formidable !
Jackson (Californie) à Charles (New York), mil neuf cent trente et un : Je ne sais pas quoi dire ni quoi faire – je réalise de plus en plus que j’ai vraiment besoin de trouver un moyen de gagner ma vie – mais je commence à me demander si je ne devrais pas me donner du temps pour m’y mettre. Pour ne rien arranger, je n’ai aucun goût particulier pour ce genre de truc. (…)
Papa a toujours du mal à lâcher son argent, il me prend pour un bon à rien, mais maman me conserve son affection.
Frank (Californie) à Charles (New York), trente octobre mil neuf cent trente-trois : Les socialistes ont toujours cru qu’une évolution par l’éducation améliorerait la société, mais quels sont les résultats ? Ils ont été réduits à néant en Italie et plus récemment en Allemagne par les Fascistes.
Charles (Virginie) à sa femme Elizabeth (New York), vendredi seize juin octobre mil neuf cent trente-quatre : Un soir, à Homestead, on a essayé de dessiner la sortie de l’usine avec les travailleurs à la fin de leur journée mais on a créé une sacrée cohue. La police de l’usine est devenue nerveuse et ils ont envoyé un de leur gars pour voir ce que l’on trafiquait. Finalement, au moment où j’ai décidé qu’il fallait partir, deux policiers de la ville nous ont accostés. Ils nous ont fouillés et interrogés, puis sont allés discuter avec les flics de l’usine pour finalement nous dire de filer.
Sanford (New York) à Charles (Michigan), mil neuf cent trente-huit : D’abord laisse-moi te féliciter, vous féliciter Elizabeth et toi, d’avoir pris la décision d’avoir un enfant. Avoir un enfant est un désir très sain, nécessaire pour la maturité d’un homme et d’une femme. Ça demande un putain de courage dans cette société tordue de tendre un tant soit peu vers la normalité. (…)
Les procès russes m’ont définitivement guéri de ma foi dans n’importe quelle forme de communisme ou de dictature en tout genre, y compris celle du prolétariat. Je sais très bien que j’ai tort mais je suis en train de développer une carapace extrêmement fataliste. L’espèce humaine m’apparaît telle une armée de chiens et si je le pouvais, je n’aurais rien à faire avec eux.
Sanford (New York) à Charles (Michigan), trois mai mil neuf cent trente-neuf : Nous allons tant bien que mal. Nous sommes plutôt abasourdis par tout ce foutu bazar, national et international, sans compter notre propre incapacité à résoudre quelques-unes des difficultés liées à la peinture.