La file d’attente a déjà commencé à se constituer devant la porte du rez-de-chaussée de la Halle aux Toiles lorsque j’y arrive ce vendredi matin quinze minutes avant l’heure de l’ouverture de la vente de livres d’occasion du Secours Populaire. S’y trouvent certains de mes habituels concurrents, dont quelques sympathiques, mais pas le bouquiniste qui se fait d’ordinaire remarquer en courant comme un fou d’un livre à l’autre. L’impatience de l’attente est partiellement diminuée par une conversation d’ascenseur à laquelle je ne participe pas.
Ensuite la déception est également habituelle chez ceux que je connais et moi-même. Il n’empêche que nos sacs se remplissent peu à peu et qu’en définitive ce n’est pas si mal que ça. L’organisation est toujours un peu soviétique mais j’ai appris à la supporter, on pose ses achats, l’une compte ce que l’on doit et inscrit une lettre sur la note, un deuxième remise les livres à l’arrière en posant dessus un carton avec la même lettre, on paie à un troisième tandis qu’un quatrième note la somme réglée dans un ordinateur, notre lettre est criée par le caissier, notre pile de livres nous est redonnée.
De retour dehors, j’emprunte le raccourci du transept de la Cathédrale qui consiste à entrer par la porte de la Calende pour ressortir par celle des Libraires, mais à l’intérieur du bâtiment je fais un détour par les soixante-quatre cloches du futur carillon que des ouvriers terminent d’installer dans la nef. Certaines sont couvertes de fleurs. D’autres se font lustrer.
A la maison, vidant mon sac, j’y trouve notamment Flâneries parisiennes de Franz Hessel (Rivages Poche), Lettres à Fanny du général Bertrand (Albin Michel) et Facéties et bons mots du Pogge Florentin et du curé Arlotto (Anatolia/Le Rocher), ce dernier trouvé en mauvaise compagnie, celle des ouvrages niais des comiques de télévision.
Ce même vendredi, à dix-sept heures, je rejoins le rassemblement décidé par la Cégété, la Haie Fessue, Sud (Solidaires) et l’Unef pour protester contre les violences policières ayant eu lieu la veille pendant la manifestation contre la « Loi Travail », attaques de Céhéresses devant la Préfecture pour empêcher son approche et devant l’Hôtel de Ville pour empêcher que s’y installent pour la nuit celles et ceux qui voulaient la passer debout, gazages, matraquages, treize arrestations.
Nous sommes environ trois cents dont deux porteurs de drapeaux du Saf, le Syndicat des Avocats de France dont j’ignorais l’existence. Se relayant au micro, les représentants des quatre syndicats disent clairement ce qu’ils pensent de l‘action de la Police. La Cégété notamment s’engage à défendre les jeunes manifestants interpellés s’il y avait des poursuites judiciaires et, en cas de futures arrestations, à participer aux protestations devant Brisout (ainsi appelle-t-on à Rouen l’Hôtel de Police sis dans la rue Brisout-de-Barneville). Elle a bien changé, cette Cégété. Dans les années soixante-dix, elle tapait sur les étudiants avant que la Police s’en charge.
Un représentant de la coordination des étudiants prend la parole et déclare que ce rassemblement c’est bien gentil mais que le mieux c’est d’aller en manifestation jusqu’à l’Hôtel de Ville d’où on s’est fait chasser hier. Le représentant de la Cégété appelle ceux qui se reconnaîtront à se mettre en branle pour bloquer la circulation automobile et nous voilà partis. Participer à une manifestation non autorisée est plus jouissif que de suivre un itinéraire défini à l’avance avec la Préfecture comme ce fut la cas la veille (une partie des manifestants s’étant échappée pour aller encore une fois maculer de peinture rouge la façade du local du Péhesse).
A l’approche de l’Hôtel de Ville la jeunesse étudiante se met à courir et s’engage dans le bâtiment. Robert, Maire, Socialiste, a de la visite.
Quant à moi, je rentre à la maison, ayant à voir et entendre Lise de la Salle à l’Opéra.
*
Ce vendredi ensoleillé, entre achat de livres et manifestation, je prends pour la première fois de l’année un café en chemise en terrasse. J’ai choisi le bar Le Sacre. Quoi de mieux pour célébrer le printemps, comme aurait dit Stravinsky s’il avait parlé français. J’y lis le numéro d’Europe consacré à Georges Perros. Adji, l’ancien bouquiniste de la rue Bouvreuil, passe par là. Je lui apprends qu’il a raté une fois encore l’ouverture de la vente de livres du Secours Pop.
*
Détruit et reconstruit en une semaine, la Café des Floralies s’est malheureusement transformé en Flo’s Café, « bar à salades ».
(Ne pas confondre un bar à salades avec un bar à embrouilles.)
Ensuite la déception est également habituelle chez ceux que je connais et moi-même. Il n’empêche que nos sacs se remplissent peu à peu et qu’en définitive ce n’est pas si mal que ça. L’organisation est toujours un peu soviétique mais j’ai appris à la supporter, on pose ses achats, l’une compte ce que l’on doit et inscrit une lettre sur la note, un deuxième remise les livres à l’arrière en posant dessus un carton avec la même lettre, on paie à un troisième tandis qu’un quatrième note la somme réglée dans un ordinateur, notre lettre est criée par le caissier, notre pile de livres nous est redonnée.
De retour dehors, j’emprunte le raccourci du transept de la Cathédrale qui consiste à entrer par la porte de la Calende pour ressortir par celle des Libraires, mais à l’intérieur du bâtiment je fais un détour par les soixante-quatre cloches du futur carillon que des ouvriers terminent d’installer dans la nef. Certaines sont couvertes de fleurs. D’autres se font lustrer.
A la maison, vidant mon sac, j’y trouve notamment Flâneries parisiennes de Franz Hessel (Rivages Poche), Lettres à Fanny du général Bertrand (Albin Michel) et Facéties et bons mots du Pogge Florentin et du curé Arlotto (Anatolia/Le Rocher), ce dernier trouvé en mauvaise compagnie, celle des ouvrages niais des comiques de télévision.
Ce même vendredi, à dix-sept heures, je rejoins le rassemblement décidé par la Cégété, la Haie Fessue, Sud (Solidaires) et l’Unef pour protester contre les violences policières ayant eu lieu la veille pendant la manifestation contre la « Loi Travail », attaques de Céhéresses devant la Préfecture pour empêcher son approche et devant l’Hôtel de Ville pour empêcher que s’y installent pour la nuit celles et ceux qui voulaient la passer debout, gazages, matraquages, treize arrestations.
Nous sommes environ trois cents dont deux porteurs de drapeaux du Saf, le Syndicat des Avocats de France dont j’ignorais l’existence. Se relayant au micro, les représentants des quatre syndicats disent clairement ce qu’ils pensent de l‘action de la Police. La Cégété notamment s’engage à défendre les jeunes manifestants interpellés s’il y avait des poursuites judiciaires et, en cas de futures arrestations, à participer aux protestations devant Brisout (ainsi appelle-t-on à Rouen l’Hôtel de Police sis dans la rue Brisout-de-Barneville). Elle a bien changé, cette Cégété. Dans les années soixante-dix, elle tapait sur les étudiants avant que la Police s’en charge.
Un représentant de la coordination des étudiants prend la parole et déclare que ce rassemblement c’est bien gentil mais que le mieux c’est d’aller en manifestation jusqu’à l’Hôtel de Ville d’où on s’est fait chasser hier. Le représentant de la Cégété appelle ceux qui se reconnaîtront à se mettre en branle pour bloquer la circulation automobile et nous voilà partis. Participer à une manifestation non autorisée est plus jouissif que de suivre un itinéraire défini à l’avance avec la Préfecture comme ce fut la cas la veille (une partie des manifestants s’étant échappée pour aller encore une fois maculer de peinture rouge la façade du local du Péhesse).
A l’approche de l’Hôtel de Ville la jeunesse étudiante se met à courir et s’engage dans le bâtiment. Robert, Maire, Socialiste, a de la visite.
Quant à moi, je rentre à la maison, ayant à voir et entendre Lise de la Salle à l’Opéra.
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Ce vendredi ensoleillé, entre achat de livres et manifestation, je prends pour la première fois de l’année un café en chemise en terrasse. J’ai choisi le bar Le Sacre. Quoi de mieux pour célébrer le printemps, comme aurait dit Stravinsky s’il avait parlé français. J’y lis le numéro d’Europe consacré à Georges Perros. Adji, l’ancien bouquiniste de la rue Bouvreuil, passe par là. Je lui apprends qu’il a raté une fois encore l’ouverture de la vente de livres du Secours Pop.
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Détruit et reconstruit en une semaine, la Café des Floralies s’est malheureusement transformé en Flo’s Café, « bar à salades ».
(Ne pas confondre un bar à salades avec un bar à embrouilles.)