Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
16 avril 2016
Ce Topo part de la gare d’Hendaye toutes les demi-heures, à trois et à trente-trois. C’est, je le découvre, un véritable métro, moderne, d’un joli gris, où l’on peut mettre son vélo. Son nom signifie la taupe, mais heureusement il ne la fait pas tout le temps. Où donc dois-je descendre ? Je ne le sais pas. Plus il s’emplit de voyageurs, plus je me le demande. Je montre mon plan de la ville aux deux dames espagnoles qui sont mes voisines. Elles ne me comprennent pas. Heureusement, un autre voyageur vient à mon secours. C’est un Français expatrié (comme on dit).
-Là où je descendrai, vous descendrez, me dit-il
Il m’explique que je devrai aller par la rue Easo. Au bout sera la plage, à droite le port et la vieille ville. Tout cela n’est pas loin, c’est une petite ville.
Lorsque nous descendons, il me demande d’où je suis.
-Ah Rouen ! J’en ai de bons souvenirs. Quand j’habitais à Paris, j’y avais une fiancée. Je prenais le train chaque week-end pour aller la retrouver.
Je remercie ce compatriote, lui souhaite une bonne journée et fait comme il a dit. Je suis déjà venu ici, il y a plus de dix ans, en voiture, et me souviens du port où se tenait un rassemblement de nationalistes énervés, l’une des leurs venait de se suicider dans une prison française. Je reconnais aussi les rues de la vieille ville, assez semblables à celles de Bilbao, retrouve les églises et la place de la Constitution aux fenêtres numérotées jusqu’à cent quarante-sept. Une vieille femme est à la sienne où est accrochée une cage à oiseau. Celui-ci chante à tue-tête, un peu plus tard quand je repasse par là.
Les cafetiers et restaurateurs terminent d’installer leurs terrasses sur cette place hautement touristique. Ce n’est pas chez l’un d’eux que je déjeune mais dans la petite rue Juan de Bilbao où se concentrent les tenants de l’indépendance du Pays Basque, chez Suhazi. La salle de restaurant est à l’étage. Ses nombreuses fenêtres sont à carreaux de verres dépolis. Un homme y mange avec son journal. Deux femmes s’installent tout au fond pour se dire des secrets. J’ai déjà mangé ici autrefois sur le conseil du Routard. Cette fois je suis déçu : une crêpe à la sauce blanche, du porc pané à la sauce blanche, une mousse de citron, rien de bon. La cuisinière fait aussi le service. Je paie treize euros trente, vin et café inclus, laisse un euro soixante-dix pour le service.
Dans l’après-midi, lassé de cette ville qui m’avait pourtant fait de l’effet la première fois, je retrouve le point de départ des métros et monte dans celui pour Hendaia.
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Donastia est, cette année deux mille seize, la Capitale Européenne de la Culture. Cela ne se voit pas.
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Dans le Huit Cent Seize, pour annoncer les arrêts, la voix féminine que l’on entend est la même que celle des transports en commun rouennais. C’est un phénomène paranormal.
15 avril 2016
Saint-Pée-sur-Nivelle (Sempere) est bien mal desservie par le Basque bondissant, une seule occasion d’y aller par jour en fin de matinée avec retour en tout début d’après-midi, inutile de songer à y déjeuner.
J’y vais néanmoins ce jeudi avec un chauffeur qui n’est pas sur sa ligne habituelle et va donc prudemment, un Basque mollissant. Après être passé au hameau d’Ibarrun par l’un des plus laids ronds-points de France (une sculpture représentant une immense chistera en est la décoration, que j’ai prise de loin pour un épi de maïs tordu), il me dépose au centre du village derrière le trinquet.
Je fais quelques photos des plus belles maisons du village et de son église fortifiée puis je retourne attendre le car. A deux heures moins le quart, je suis de retour à la halte routière de Saint-Jean-de-Luz. Je n’ai encore déjeuné si tard. On m’accepte au restaurant proche nommé Txantxangorri, maison basque à grande salle dont les poutres sont peintes en blanc. Des gens du pays y finissent leur repas. Le menu est à treize euros : tarte tatin de carottes, brochette de bœuf avec frites, panna cotta à la poire. Cela ne vaut pas la cuisine espagnole d’hier mais c’est correct. Avec un quart de vin rouge, cela fait seize euros.
Le café, je vais le boire avec l’abbé Mugnier en terrasse au Café de la Marine, où se font sentir de brusques coups de vent. Il fait lourd. Le spectacle d’un orage depuis la fenêtre de ma chambre de l’Ibis Budget me siérait.
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Au bout du pont, côté Saint-Jean-de-Luz, entre voie routière et voie ferrée, avec autorisation de quarante-huit heures, s’agglutinent les campigne-cars les uns contre les autres, dont les propriétaires n’ont vue sur rien d’autre que l’écran de télévision.
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Où se cache donc le poisson ? Neuf jours que je fais à pied le tour du port de Ciboure/ Saint-Jean-de-Luz d’où sortent et reviennent les bateaux de pêche et je n’en ai pas vu un seul sur le quai. Tout doit se passer du côté des hangars de la Coopérative Maritime.
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On discute au Vauban des problèmes du rugby local. Ciboure manque de joueurs et en demande à Saint-Jean-de-Luz. « On va quand même pas obliger des joueurs de Saint-Jean à aller jouer à Ciboure ! »
14 avril 2016
Nous ne sommes pas que des vieux dans le car. On y trouve aussi un jeune couple et des familles à grandes filles. J’ai en tête la Bilbao Song chantée par Yves Montand (paroles de Boris Vian) et aussi des regrets. Si le monde était mieux fait, c’est avec celle qui va bientôt encore une fois éclairer l’exposition consacrée au grand architecte américain (cette fois à Venise) que j’aurais dû visiter le Musée Guggenheim.
Le car prend la route de la corniche jusqu’à Hendaye, puis c’est Irun et l’Espagne, l’autoroute, à doubler des camions et à enfiler des tunnels. De part et d’autre sont des constructions diverses dont le point commun est l’inesthétique. Peut-être s’est-on inspiré de la nature, la montagne ici n’est pas belle.
A onze heures vingt, dix minutes avant l’arrivée à Bilbao, nous faisons une pause. Notre chauffeur distribue les contremarques permettant d’obtenir une entrée au Guggenheim (comme il dit). « Je vais vous déposez dessous et je vous reprendrai au même endroit à dix-sept heures quinze, ceux qui seront en retard rentreront en taxi. »
Bilbao fait en apparence honneur à sa réputation de ville moche mais en y regardant mieux c’est contestable et soudain surgit le bâtiment de Frank Gehry. Je m’empresse de semer mes compagnes et compagnons d’excursion et suis rapidement muni d’un vrai billet. Nulle fouille de sac à l’entrée, celui-ci est scanné au vestiaire. Comme à la Fondation Vuitton, toute en transparence, il s’agit de se perdre dans les trois niveaux du bâtiment dont les quelques ouvertures vers la lumière ne sont pas apparentes de l’extérieur.
Au niveau Un est montrée l’installation monumentale et labyrinthique de Richard Serra La matière du temps dans laquelle s’amusent des scolaires du pays et les Shadows d’Andy Warhol que je suis content de retrouver après leur première vue au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Au niveau Deux, c’est la grande exposition Louise Bourgeois Structures de l’existence : les cellules. Au niveau Trois, ce sont quelques chefs-d’œuvre de la collection permanente, des classiques de l’art moderne, américains surtout.
Je fais une quantité de photos du bâtiment puis, au bout d’une heure et demie, ressors et, muni d’un plan détaillé, je longue la rivière pour atteindre la vieille ville. Mon Guide du Routard de deux mille quatre y signale un restaurant qui n’existe plus, mais dans la même rue, calle Jardines, un menu à treize euros tout compris me fait signe, celui du restaurant Zeruan. La salle est très chic, belle vaisselle et nappes en tissu blanc. J’y suis accueilli par une jeune serveuse qui ne parle pas français, me dit-elle, mais comme je ne comprends pas non plus l’anglais, elle ose s’y mettre et fort bien, me traduisant le menu. J’opte pour paella, entrecôte et coupe de glace au chocolat. Il est une heure et demie. Seuls des Anglais m’ont précédé. Les Espagnols arrivent vers quatorze heures, de tous les âges et de tous les milieux sociaux. Une dame vêtue de rouge pourrait faire reine d’Angleterre. J’ai pour moi seul une bouteille de vin dont je ne boirai pas plus de la moitié. C’est copieux et excellent (quelques grains de gros sel sur une entrecôte peuvent faire beaucoup), servi avec le sourire de celle qui quand je lui dis « merci » me répond « avec plaisir ». Après le café, elle m’apporte l’addition : treize euros. Je lui laisse deux euros pour le service en espérant que c’est conforme à l’usage.
Sorti de là, je flâne dans les vieilles rues piétonnières étroites et sombres, certaines à linge qui sèche et à drapeaux basques revendicatifs. J’y croise le sosie de Marguerite Duras vieille, aussi petite que la défunte, une baguette de pain sous le bras. Puis je longe à nouveau la rivière par l’autre rive afin de photographier le Musée dû au grand architecte américain avec un recul suffisant. En chemin, je trouve un pissoir qui aurait beaucoup plu à Henry Miller et j’en fais usage. Assis sur un banc, face au Guggenheim, j’en lis la brochure et apprends que le billet d’entrée donne droit d’y retourner toute la journée. Ce que je fais illico.
A dix-sept heures, je retrouve le car. Notre chauffeur discute d’art avec deux vieilles qui ont préféré le Musée des Beaux-Arts.
-Le problème, dit-il, c’est qu’ils ont fait un beau bâtiment mais ils ne savent pas quoi mettre dedans, Ils prennent un bout de bois et un bout de fer, ils les mettent ensemble et ils disent que c’est de l’art.
Le n’importe quoi que l’on entend un peu partout. Je ne m’en mêle pas. Ce que j’attends de ce chauffeur de car, c’est qu’il me ramène à Saint-Jean-de-Luz. Il le fait vite et bien, se déjouant d'un interminable embouteillage de camions à la frontière.
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A l’extérieur du Musée Guggenheim : une araignée géante de Louise Bourgeois, des tulipes de Jeff Koons et l’énorme chien végétalisé nommé Puppi du même, la mascotte de Bilbao, une horreur canine et florale.
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Je n’aurais eu l’occasion d’emprunter ni le Bilbobus ni le Bilboat
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Vieille lune de Bilbao
Que l'amour était beau
Vieille lune de Bilbao
Fume ton cigare là-haut
Vieille lune de Bilbao
Jamais je te ferai défaut
13 avril 2016
Boudant le centre du bourg, trop loin, et muni d’un plan détaillé, je me mets en route pour rejoindre le sentier du littoral. Un gars du pays croisé dans un chemin incertain et sentant autant le tabac que l’alcool m’aide à ne pas me perdre.
-Vous allez au bout de c’te route, vous tapez le stop, là vous prenez à gauche et vous y serez, à la corniche.
Il s’avère que c’est plus loin que je ne croyais et que les renseignements sont exacts. Dominant les vagues qui s’écrasent sur la falaise, je longe cette corniche par le sentier qui longe lui-même la route qui mène d’Hendaye à Socoa, quartier lointain de Ciboure, connu pour son fort où Vauban a mis la main et qui abrite désormais un cleube de voile.
Quand j’y arrive, je prends un café à la terrasse de Chez Margot, l’un des restaurants du port de plaisance, tous proposant des menus touristiques à haut prix
Je préfère à midi déjeuner au Café de la Plage qui est séparé de celle-ci par la route mais possède une terrasse arborée et abritée du vent. Le menu du jour a pour nom « au boulot ». Il se compose d’un velouté de champignons, de rôti de porc à la provençale savamment présenté et d’une étroite part de tarte aux pommes. Malgré le nom de ce menu et les quelques travailleurs qui mangent là, nous ne sommes pas dans un restaurant ouvrier, le chef doit même avoir fait une école hôtelière. Le pichet de vin blanc est si peu cher que je me laisse aller au demi. Un café pour finir et ça fera dix-neuf euros cinquante.
Pour rentrer c’est à pied par le chemin qui longe la côte et rejoint le port de Ciboure.
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Chez Margot, évocation du dernier prêtre à soutane et à béret du lieu par un qui a eu à le connaître. Un vieux curé qui était méchant et qui est mort brûlé dans sa voiture. On n’a jamais su pourquoi ni comment. « C’est le diable qui l’a puni. »
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Devant le café Le Vauban (et ailleurs dans Saint-Jean-de-Luz), des parcmètres équipés d’un détecteur de métal offrent vingt minutes de stationnement gratuit. Quand une voiture se gare devant l’un d’eux, un compte à rebours vert démarre. Au bout des vingt minutes, le feu passe au rouge et l’agent verbalisateur peut sortir son carnet s’il est par là.
Astuce pour réinitialiser le compteur : quitter apparemment son emplacement puis d’un créneau s’y garer à nouveau.
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Comment résister à la tentation d’entrer chaque jour à la Grillerie du Port où la vente de livres d’occasion de mes amis du Rotary de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure se poursuit jusqu’à samedi prochain, tous les livres étant à un euro?
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Peut-on laver des vêtements avec du gel douche, il semblerait que oui.
12 avril 2016
Ce lieu est bordé de constructions aussi laides que dans mon souvenir mais j’y trouve un bel endroit pour déjeuner avec vue imprenable sur la mer à rouleaux et les rochers dits jumeaux : le Bar de la Plage, boulevard de la Mer.
-Je ne pense pas que l’on fasse cette formule plat dessert le ouiquennede, me dit la jeune et jolie serveuse.
-On est lundi.
-Ah oui, merci de me le rappeler.
Cette formule fait mon repas : un bon carpaccio de bœuf avec mozzarella, salade et frites fraiches, puis un assortiment gourmand en dessert. Avec le quart de vin blanc et le café, cela fait vingt euros cinquante.
Je longe ensuite la plage en direction de la paire de rochers dénommée « les deux jumeaux », observant les vagues, les vagues et les vagues où flottent puis trempent des surfeurs, des surfeurs, des surfeurs, et quelques surfeuses. Il y a aussi par-ci par-là des hommes à gros engins qui visent les surfeurs, les surfeurs, ou les quelques surfeuses, ce sont les tenants d’une sorte de photographie animalière. Certains de ces sportifs monomaniaques ont rejoint leur camionnette et se changent sous une robe de moine en tissu éponge. Arrivé au bout du sable, je ne peux approcher davantage des rochers jumeaux, l’Hôpital Marin d’Hendaye s’étant octroyé l’espace public.
Je rebrousse et vais lire l’abbé Mugnier au bar La Caravelle qui est du mauvais côté de la route mais situé à l’arrêt du car. Celui-ci est presque plein pour le retour de quatorze heures trente-deux. Son conducteur est paisible, il passe par une route plus directe qui évite les travaux et nous prive du bord de mer.
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Un couple de retraités au petit-déjeuner.
Lui : « On va emporter deux yaourts, ça nous fera le dessert à midi. Bah quoi, c’est le même prix qu’on les mange ici ou pas. »
Elle : « On verra si on peut ajeter kekchose en Espagne, si c’est moins cher, j’aurais besoin d’une couverture, par exemple. »
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Au matin, à la terrasse du Bar de la Marine de Saint-Jean-de-Luz, deux femmes du pays :
-Tiens, on est allé à Bilbao hier, on a fait le Guggenheim.
-Vous y êtes rentrés ? Non ?
-Ah non !
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Une mère et sa fille derrière moi au Bar de la Plage. La mère téléphone à je ne sais qui pour prendre des nouvelles « vu les circonstances ». Il est question du mari hospitalisé de cette personne, à qui on a enlevé « pas mal de boyaux ». La fille prend le téléphone pour dire combien ça l’a choquée d’apprendre cette opération, « on est à Hendaye au restaurant, pile en face de la mer, je t’enverrai une photo ».
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Un Québécois au bar La Caravelle :
-C’est vrai qu’à Lacanau ils ont des vagues plus fortes, mais ils ont plus de noyés.
11 avril 2016
Une foule descendue de cars de tourisme et de voitures particulières fait déjà longue file d’attente lorsque Le Basque bondissant les dépose au bas de la Rhune. Je finis le voyage seul avec le jeune conducteur barbu qui n’est pas d’ici par une route tortueuse à ravin.
Sare (Sara) me déçoit. Le village, qualifié d’un des plus beaux de France, a certes d’admirables maisons basques à colombages rouges, mais on en a d’aussi belles ailleurs et vite fait le tour. Pire, sa population est sévèrement luberonisée, comme je le constate en prenant un café à la terrasse du Bar de la Mairie situé dans un carrefour de voitures en incessant mouvement. Avec la pente, oubliée la bicyclette, le bobo redevient automobiliste, laissant le pédalage à des sportifs habillés comme des professionnels du vélo.
J’explore une à une les petites routes qui sortent du centre de Sare mais toutes descendent rudement et je ne me vois pas les remonter au retour, aussi je renonce à la promenade, me contentant d’observer la sortie de la messe donnée dans l’imposante église de pierre.
Je retrouve cinq vieilles paroissiennes sous l’auvent du Baketu, bar et salon de thé, où elles boivent un petit verre de vin blanc sucré tout en évoquant le nouveau curé : « Il fait gentil ce prêtre et il parle fort, on le comprend bien ». Je demande un même petit verre de vin à la serveuse, un Esprit des Landes, et le déguste cependant que le vent se met à souffler très fort, jusqu’à renverser pot de fleurs, pancarte et scouteur garé. « C’est la pluie pour ce soir », commente l’une des paroissiennes. Il est vrai que le beau ciel bleu du matin est déjà sali par de nombreux nuages gris.
Je déjeune à cet endroit, faute d’inspiration, d’un plat local en version touristique et d’une part de tarte aux pommes avec boule de glace vanille, craignant fort que l’auvent n’explose sous les bourrasques avant la fin de mon repas, mais il tient bon, de même que les nerfs des autres clients et ceux de la serveuse qui trouve que ça fait peur.
Je retrouve la terrasse du Bar de la Mairie pour le café et y suis seul un bon moment à lire l’abbé Mugnier puis, le vent ne faiblissant pas et surtout ne sachant que faire à Sare, je décide de rentrer par Le Basque bondissant de quatorze heures cinquante-neuf. Il chope au passage les grimpeuses de Rhune en train de l’aller qui trouvent ça cher pour ce que c’est et puis ce vent là-haut…
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Jean Borotra, joueur de tennis, fut surnommé le Basque bondissant lors de ses exploits sportifs. Il fut tout aussi bondissant politiquement : Croix de Feu, Ministre de Pétain, arrêté par la Gestapo, prisonnier au camp d’Oranienburg-Sachsenhausen, enfin gaulliste mais fidèle à la mémoire du Maréchal.
10 avril 2016
Le ciel est gris, des averses encore prévues, mais moins de vent permettra de tenir le parapluie. Quand je sors de l’Ibis Budget, je vais me balader le long de la Nivelle, rivière soumise à marées parsemée de bateaux de plaisance, puis j’explore un peu plus Ciboure (Ziburu) qui, apprends-je, était a l’origine un quartier d’Urrugne, le village voisin. Je photographie sur le quai la maison de style hollandais où est né, et a vécu trois mois, Maurice Ravel (Mazarin y a passé la nuit lors du mariage de Louis le Quatorzième) puis je monte jusqu'à l’église typiquement basque avec son chœur plein de dorures, ses trois galeries et son grand orgue. « Les cagots accédaient à l’intérieur par une petite porte située au fond de l’église et possédaient leur propre bénitier » explique un panneau de l’Office de Tourisme.
A midi, passé côté Saint-Jean-de-Luz (Donibane Lohizune) et ne voulant prendre aucun risque, je retourne déjeuner Chez Michel où encore une fois ne mangent que des habitué(e)s (ce restaurant est situé dans une petite rue non touristique et ne figure sur aucun guide). La plupart des client(e)s se connaissent et tutoient le chef qui les tutoie et les rudoie à leur grande joie.
L’une : « T’es enrhumé, Michel, non ? »
-Oui, c’est parce que j’ai dormi tout nu cette nuit.
-Oh la la, qu’il est rigolo ce Michel !
J’opte pour un axoa de veau servi avec du riz et l’accompagne d’un bon vin en pichet (trois euros le quart). Un groupe d’ami(e)s comprenant un enfant de dix ou onze ans s’installe à la grande table voisine :
-Tu as une maitresse ou des profs ? demande Michel à ce pré branlotin.
-Une maîtresse, une seule.
-Tu préfèrerais en avoir plusieurs comme ton père ?
(Oh la la, qu’il est rigolo ce Michel !)
Je demande à la serveuse quel est donc ce dessert fumant qui vient de sortir du four. Une tarte tatin mais, me dit-elle, elle est déjà quasiment réservée avant même d’avoir été faite. Elle va voir ce qu’elle peut faire. J’ai de la chance, je peux en avoir une part. A peine ai-je bu le café (un euro vingt) qu’arrivent deux femmes contentes d’hériter de ma table.
Je reviens au port par la plage et m’arrête à la grilladerie où l’on mange des sardines l’été. Le Rotary local y organise une vente de vinyles et de livres. Elle ne doit ouvrir qu’à quinze heures. Sans que je demande quoi que ce soit, l’un des organisateurs m’invite à entrer « comme ça vous pourrez choisir avant les autres ». Je ne me fais pas prier. Hélas, les livres proposés ne sont pas de mon goût ou bien trop abîmés.
Il pleut toujours par intermittence. Aussi, après un café lecture au Vauban, je rentre tôt à l’hôtel d’où j’ai spectacle permanent depuis la fenêtre de ma chambre : les deux beaux phares blancs, le port et ses bateaux de pêche en mouvement, les vagues qui explosent au loin sur les digues, et même les trains qui passent tout près sans qu’on les entende plus qu’à peine : tégévés, régionaux à peu de voyageurs, fret dont certains de voitures construites en Espagne venant en France et d’autres de voitures construites en France allant en Espagne.
Demain dimanche, il devrait faire meilleur, de quoi pouvoir satisfaire mon désir d’aller voir ailleurs mais également de quoi avoir moins de temps pour écrire.
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Pierre Benoît est mort à Ciboure, écrivain qui connut le succès, peu lu aujourd’hui. Il eut l’honneur d’être le premier édité au Livre de Poche avec son roman Kœnigsmark.
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Une Marseillaise dépitée au Vauban et au téléphone : « On a eu été en Bretagne, on n’a jamais eu de mauvais temps comme ça. » Trois jours qu’elle est là avec son mari et ils rentrent demain matin.
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Un couple d’Espagnols. Elle qui voyage à l’arrière de la voiture avec le bébé. Celui-ci installé le dos tourné à son père.
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Ici semblent bien loin la Loi Travail et la Nuit Debout, nul ne semble s’en soucier. Ignorées aussi les consignes de sécurité du plan Vigipirate, aucune barrière devant les écoles.
9 avril 2016
Du vent, des averses, un peu de grêle, un arc-en-ciel qui se déploie au-dessus de Ciboure, telle est la situation au matin de ce vendredi. Avec un temps aussi incertain, je n’envisage pas une excursion hors de la double ville. Je passe donc une nouvelle fois le pont qui mène à Saint-Jean-de-Luz et, comme les nuages laissent un peu de place au ciel bleu, m’engage sur la digue promenade qui longe la plage. Celle-ci a pour nom Jacques Thibaud, un violoniste qui fut célèbre et pour qui l’architecte André Pavlosky fit construire une villa. Ce musicien repose (comme on dit) dans le cimetière de la ville après être mort dans un accident d’avion en allant au Japon le premier septembre mil neuf cent cinquante-trois (« son fameux stradivarius de mil sept cent neuf, le Baillot, disparut avec lui »).
Une grêlée me rabat à l’intérieur de la ville. J’entre au Café Vauban en haut de la rue piétonnière, maison ouverte depuis mil neuf cent cinquante-huit où se retrouve la bourgeoisie locale. J’y lis un peu l’abbé Mugnier.
Redescendant vers le port, je visite l’église du mariage royal à galerie en bois à trois étages. Sur les piliers de bois, l’injonction « le dimanche six personnes par banc » laisse entendre un certain succès de fréquentation. Plus bas dans cette même rue, j’entre dans une solderie de livres déjà là il y a plus de dix ans car je me souviens y avoir acheté les deux volumes de la correspondance d’Henry de Monfreid, aujourd’hui revendus. On y entend une chanson irlandaise en basque.
Avant midi, je repasse à Ciboure dans les entrailles de laquelle je trouve un restaurant nommé Chez Valentin dont le menu unique et ouvrier est à quinze euros cinquante tout compris. La salle est grande, composée de tablées de seize et de quelques petites pour esseulés dans mon genre. Des buffets hideux décorés de bibelots hideux font le décor ainsi qu’un grand miroir caché par une grande télé dont je me tiens éloigné. Sur les tables sont disposés des litres de limonade et d’eau mais la question à laquelle répondent les ouvriers c’est « rouge ou rosé ? » Déjeuner ici est une expérience intéressante que je ne renouvellerai pas. La cuisine est sommaire et lourde, notamment le merlu pané au riz épais. Le tiramisu du dessert sauve un peu la mise.
Après un repas aussi calorique, je juge bon de repasser le pont et de reprendre la digue qui domine la plage. Cette fois, je poursuis jusqu’au petit bâtiment blanc au loin, une sorte d’oratoire, apprends-je en touchant au but, autour duquel des familles pique-niquent malgré le vent frisquet. De là-haut, on a une vue globale sur la baie et ses deux villes, ainsi que sur les Pyrénées dont se détache la Rhune où autrefois vaillant et bien accompagné je suis grimpé jusqu’au sommet à pied parmi les chevaux sauvages nommés pottocks.
Près de l’oratoire, un bouquet de fleurs artificielles est accroché au grillage qui protège d’une éventuelle chute en contrebas. Il est accompagné d’une affichette : « La vie de notre enfant s’est brusquement arrêtée ici. Pour respecter sa mémoire, merci de ne pas toucher aux fleurs. »
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A Saint-Jean-de-Luz, Sisyphe est sur la plage au volant d’un tractopelle jaune, s’employant à remonter le sable que la mer lui dispute.
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Une retraitée belge au petit-déjeuner : « Moi, je suis satisfaite de ce qu’on a. On aurait un peu plus, on serait content aussi. »