Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
28 juillet 2017
Assez souvent je lis entre midi et deux auprès de mon arbre au Son du Cor. Auprès mais non sous, car les oiseaux sont l’ennemi de qui ouvre un livre dehors. A cette raison s’ajoute une autre : il est mort. D’où le risque permanent d’une chute de branche qui ne semble pas effrayer les autres consommateurs. Son voisin est à demi-mort, mort du côté qui le touche, encore muni de feuilles de l’autre côté. Un troisième est encore vivant totalement.
Cela fait au moins un an que cette situation dure. A croire que ni la gestionnaire du patrimoine arboré ni quiconque de son service ne passent par la rue Eau-de-Robec. Cette technocrate municipale, toujours prête à abattre des arbres bien portants pour les remplacer par d’autres dont le tronc n’est pas plus épais que le bras d’un enfant, devrait pourtant se saisir du problème. Cet arbre et la moitié de son voisin sous lesquels est une terrasse de café sont dangereux. En cas d’accident, une plainte pour mise en danger de la vie d’autrui serait possible.
Pour repérer mon arbre c’est facile, il est mort et rose. Des orphelins de Patrice Quéréel en ont peint le tronc couleur salopette et y ont gravé « Votez Pat Réel » et « RRose Sélavy ».
*
-Les enfants, vous allez peut-être pas vous installer, vous allez bouger là.
Ce père divorcé dont c’est la période de garde n’a pas franchement envie d’avoir dans les jambes sa six sept ans et deux trois ans. Il leur offre une menthe à l’eau pour deux qu’ils boivent debout avec des pailles, puis discute avec ses peutes devant une bière sans se soucier le moins du monde de ce qu’ils font, courant partout autour du café, du boulodrome et de la fausse rivière.
Cela fait au moins un an que cette situation dure. A croire que ni la gestionnaire du patrimoine arboré ni quiconque de son service ne passent par la rue Eau-de-Robec. Cette technocrate municipale, toujours prête à abattre des arbres bien portants pour les remplacer par d’autres dont le tronc n’est pas plus épais que le bras d’un enfant, devrait pourtant se saisir du problème. Cet arbre et la moitié de son voisin sous lesquels est une terrasse de café sont dangereux. En cas d’accident, une plainte pour mise en danger de la vie d’autrui serait possible.
Pour repérer mon arbre c’est facile, il est mort et rose. Des orphelins de Patrice Quéréel en ont peint le tronc couleur salopette et y ont gravé « Votez Pat Réel » et « RRose Sélavy ».
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-Les enfants, vous allez peut-être pas vous installer, vous allez bouger là.
Ce père divorcé dont c’est la période de garde n’a pas franchement envie d’avoir dans les jambes sa six sept ans et deux trois ans. Il leur offre une menthe à l’eau pour deux qu’ils boivent debout avec des pailles, puis discute avec ses peutes devant une bière sans se soucier le moins du monde de ce qu’ils font, courant partout autour du café, du boulodrome et de la fausse rivière.
27 juillet 2017
Ce n’est pas la bétaillère attendue qui se présente en gare de Rouen, ce dernier mercredi de juillet à sept heures vingt-huit, mais l’un de ces trains à sièges colorés où il est assuré de ne pas avoir de places assises pour tout le monde. J’en chope une près d’une fille qui lit Yoga Magazine.
Quand ce train passe près de la petite église en pierre de Saint-Etienne-du-Rouvray, j’ai une pensée pour Jacques Hamel. Macron, Président, y est attendu à neuf heures pour la messe du premier anniversaire de l’assassinat.
« Quel asana êtes-vous ? » se demande ma voisine. Les restés debout font connaissance.
-Chut, chut, chuinte un assis. Vous pouvez parlez un peu moins fort, s’il vous plaît.
Cette requête est un ordre.
Ma voisine en est à l’article « Réveillez votre énergie sexuelle ». « La stimulation de l’énergie sexuelle rend globalement plus dynamique », apprend-elle. Si je m’intéresse autant à ce qu’elle lit, c’est que j’ai oublié de me munir d’un livre. Heureusement, ce train n’arrive dans la capitale qu’avec un retard de dix minutes.
Au Café du Faubourg, l’écran plat montre les images de la messe de l’Archevêque Lebrun à Saint-Etienne-du-Rouvay tandis que sont diffusées les chansons commerciales d’une quelconque radio privée.
Buvant un café verre d’eau au comptoir, je lis dans Le Parisien le témoignage du courageux couple d’octogénaires qui assistait à la messe ce matin-là. C’était le jour du quatre-vingt-septième anniversaire de l’homme qui, avant d’être grièvement blessé, fut obligé par les deux islamistes de filmer avec un téléphone l’assassinat du prêtre.
Il fait doux, un temps parfait pour moi. Je fais le tour des lieux qui me sont familiers, là où sont les livres à un euro, m’interrompant pour déjeuner au Palais de Pékin, avenue Parmentier.
A la reprise, j’ai la chance de trouver dans un seul endroit Correspondance Jean Paulhan André Suarès (Gallimard), Lettres de Robert Musil (Le Seuil), Correspondance avec une dame Helene von Nostitz de Rainer Maria Rilke (Aubier), Lettres à J. Middleton Murry de Katherine Mansfield, (Stock, mil neuf cent cinquante-quatre, pages non coupées), Correspondance de Jacques Rivière et Alain-Fournier, (Gallimard, mil neuf cent quarante) et le tome deux de Correspondance de Camille Pissarro (Editions du Valhermeil). Où donc est le premier tome ?
J’ai aussi, pour lire dans la bétaillère de dix-sept heures cinquante, Physiologie du goût de Brillat-Savarin (Champs/Flammarion). Elle part et arrive à l’heure.
*
Je n’ai pas oublié l’interviou de l’Archevêque Lebrun dans Liberté Dimanche sitôt après le drame, dans laquelle il s’en prenait à la laïcité et à l’école publique. C’est dire que j’ai peu de sympathie pour ce voisin que je ne croise jamais dans la rue, contrairement à son prédécesseur Descubes.
*
On pourrait bien me reprocher encore que je laisse quelquefois trop courir ma plume, et que, quand je conte, je tombe un peu dans la garrulité. Est-ce ma faute à moi si je suis vieux ? Est-ce ma faute si je suis comme Ulysse, qui avait vu les mœurs et les villes de beaucoup de peuples ? Suis-je donc blâmable de faire un peu de ma biographie ? (Brillat-Savarin, Physiologie du goût)
*
Mon vocabulaire vient encore de gagner un mot : garrulité. C’est le geai qui garrule. Au sens figuré, il s’agit de bavardage.
Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales n’a qu’un exemple à donner, précisément l’extrait que je cite.
Quand ce train passe près de la petite église en pierre de Saint-Etienne-du-Rouvray, j’ai une pensée pour Jacques Hamel. Macron, Président, y est attendu à neuf heures pour la messe du premier anniversaire de l’assassinat.
« Quel asana êtes-vous ? » se demande ma voisine. Les restés debout font connaissance.
-Chut, chut, chuinte un assis. Vous pouvez parlez un peu moins fort, s’il vous plaît.
Cette requête est un ordre.
Ma voisine en est à l’article « Réveillez votre énergie sexuelle ». « La stimulation de l’énergie sexuelle rend globalement plus dynamique », apprend-elle. Si je m’intéresse autant à ce qu’elle lit, c’est que j’ai oublié de me munir d’un livre. Heureusement, ce train n’arrive dans la capitale qu’avec un retard de dix minutes.
Au Café du Faubourg, l’écran plat montre les images de la messe de l’Archevêque Lebrun à Saint-Etienne-du-Rouvay tandis que sont diffusées les chansons commerciales d’une quelconque radio privée.
Buvant un café verre d’eau au comptoir, je lis dans Le Parisien le témoignage du courageux couple d’octogénaires qui assistait à la messe ce matin-là. C’était le jour du quatre-vingt-septième anniversaire de l’homme qui, avant d’être grièvement blessé, fut obligé par les deux islamistes de filmer avec un téléphone l’assassinat du prêtre.
Il fait doux, un temps parfait pour moi. Je fais le tour des lieux qui me sont familiers, là où sont les livres à un euro, m’interrompant pour déjeuner au Palais de Pékin, avenue Parmentier.
A la reprise, j’ai la chance de trouver dans un seul endroit Correspondance Jean Paulhan André Suarès (Gallimard), Lettres de Robert Musil (Le Seuil), Correspondance avec une dame Helene von Nostitz de Rainer Maria Rilke (Aubier), Lettres à J. Middleton Murry de Katherine Mansfield, (Stock, mil neuf cent cinquante-quatre, pages non coupées), Correspondance de Jacques Rivière et Alain-Fournier, (Gallimard, mil neuf cent quarante) et le tome deux de Correspondance de Camille Pissarro (Editions du Valhermeil). Où donc est le premier tome ?
J’ai aussi, pour lire dans la bétaillère de dix-sept heures cinquante, Physiologie du goût de Brillat-Savarin (Champs/Flammarion). Elle part et arrive à l’heure.
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Je n’ai pas oublié l’interviou de l’Archevêque Lebrun dans Liberté Dimanche sitôt après le drame, dans laquelle il s’en prenait à la laïcité et à l’école publique. C’est dire que j’ai peu de sympathie pour ce voisin que je ne croise jamais dans la rue, contrairement à son prédécesseur Descubes.
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On pourrait bien me reprocher encore que je laisse quelquefois trop courir ma plume, et que, quand je conte, je tombe un peu dans la garrulité. Est-ce ma faute à moi si je suis vieux ? Est-ce ma faute si je suis comme Ulysse, qui avait vu les mœurs et les villes de beaucoup de peuples ? Suis-je donc blâmable de faire un peu de ma biographie ? (Brillat-Savarin, Physiologie du goût)
*
Mon vocabulaire vient encore de gagner un mot : garrulité. C’est le geai qui garrule. Au sens figuré, il s’agit de bavardage.
Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales n’a qu’un exemple à donner, précisément l’extrait que je cite.
26 juillet 2017
Entré plein d’entrain dans la lecture de D’un moi l’autre (Une traversée du siècle) de Massin publié par Albin Michel en octobre deux mille seize, je déchante assez rapidement. Nombre des souvenirs, plus ou moins récents, narrés dans un désordre bienvenu, m’apparaissent au bout d’un moment sans grand intérêt, et l’auteur enclin à la vanité et à la naïveté. J’ai toutefois noté ceci dans mon carnet Muji :
Un soir de juin Isidore Isou déclamait ses poèmes lettristes dans ma piaule de l’hôtel Mazarin et comme la fenêtre était grande ouverte les gens d’en face lui criaient « Ta gueule ! »
Prévert quinze jours avant sa mort me disait au téléphone « Je ne tiens plus debout même assis »
Sartre était gentil comme tout Il ne faisait jamais d’histoires quand je lui montrais la couverture que j’avais dessinée pour l’un de ses livres Ce n’est pas comme la Simone avec son turban ses airs provinciaux et sa voie pincée si différente de celle qui a écrit ces livres qui ont tant fait pour l’émancipation de la femme On ne l’imagine pas telle que je l’ai connue quand elle venait voir où en était mon travail pour l’édition de luxe d’un livre d’elle qu’illustrait sa sœur qui lui ressemblait tant mais était plus aimable
Aragon dans sa propriété de Saint-Arnoult où nous travaillons à son Matisse manœuvre un levier et derrière la cage vitrée l’eau du moulin se précipite à gros bouillons « Est-ce point beau ? »
Allons bon ! voilà qu’on interdit l’exposition de Topor qui montre un bébé crucifié Et pourtant comme il me le dit il a pris la précaution de préciser que les clous sont faux tout comme l’enfant
Comme on le voit, la ponctuation est absente, remplacé par des espaces plus ou moins longues, une coquetterie d’auteur dont je me serais bien passé.
Massin, graphiste et typographe nonagénaire, connu notamment par son travail pour la collection Folio de chez Gallimard, est pour son livre le cordonnier mal chaussé. Non seulement il figure en photo sur la couverture tirant la langue de façon puérile mais encore, graphiquement, l’usage pour celle-ci de nombreuses polices de caractères de différentes tailles en noir et rouge semble être une illustration de ce qu’il ne faut pas faire dans ce domaine.
*
Dans son livre, Massin évoque une femme qui coucha avec lui pour connaître son prénom. Aurait-elle consulté Ouiquipédia qu’elle aurait su que c’est Robert sans être obligé d’en arriver à une telle extrémité.
Un soir de juin Isidore Isou déclamait ses poèmes lettristes dans ma piaule de l’hôtel Mazarin et comme la fenêtre était grande ouverte les gens d’en face lui criaient « Ta gueule ! »
Prévert quinze jours avant sa mort me disait au téléphone « Je ne tiens plus debout même assis »
Sartre était gentil comme tout Il ne faisait jamais d’histoires quand je lui montrais la couverture que j’avais dessinée pour l’un de ses livres Ce n’est pas comme la Simone avec son turban ses airs provinciaux et sa voie pincée si différente de celle qui a écrit ces livres qui ont tant fait pour l’émancipation de la femme On ne l’imagine pas telle que je l’ai connue quand elle venait voir où en était mon travail pour l’édition de luxe d’un livre d’elle qu’illustrait sa sœur qui lui ressemblait tant mais était plus aimable
Aragon dans sa propriété de Saint-Arnoult où nous travaillons à son Matisse manœuvre un levier et derrière la cage vitrée l’eau du moulin se précipite à gros bouillons « Est-ce point beau ? »
Allons bon ! voilà qu’on interdit l’exposition de Topor qui montre un bébé crucifié Et pourtant comme il me le dit il a pris la précaution de préciser que les clous sont faux tout comme l’enfant
Comme on le voit, la ponctuation est absente, remplacé par des espaces plus ou moins longues, une coquetterie d’auteur dont je me serais bien passé.
Massin, graphiste et typographe nonagénaire, connu notamment par son travail pour la collection Folio de chez Gallimard, est pour son livre le cordonnier mal chaussé. Non seulement il figure en photo sur la couverture tirant la langue de façon puérile mais encore, graphiquement, l’usage pour celle-ci de nombreuses polices de caractères de différentes tailles en noir et rouge semble être une illustration de ce qu’il ne faut pas faire dans ce domaine.
*
Dans son livre, Massin évoque une femme qui coucha avec lui pour connaître son prénom. Aurait-elle consulté Ouiquipédia qu’elle aurait su que c’est Robert sans être obligé d’en arriver à une telle extrémité.
25 juillet 2017
Ce mois de juillet fait succéder en une nuit aux jours trop chauds des jours trop frais et mouillés. Quel dimanche pourri et interminable ! Qu’en faire, passé le marché du matin ? Même pas un Casino à Rouen où en désespoir se réfugier.
Quel lieu empli d’histoires le Casino ! Combien de romans, films et chansons n’a-t-il pas inspirés ! A condition qu’il soit dans une ville thermale ou balnéaire. Ailleurs il est obscène, semble-t-il.
A Rouen, la création d’un est envisagée dans l’ancien chai à vin. Le projet, dû à un cabinet d’architectes, est l’un des gagnants de l’appel à « Réinventer la Seine ». Cette idée n’est qu’une idée, cela ne repose sur rien de concret, mais on s’en offusque préventivement du côté de la gauche morale et vertueuse.
Jean-Michel Bérégovoy et Stéphane Martot, deux élus municipaux rouennais issus de la liste Décidons Rouen Citoyenne et Ecologiste, y vont de leur communiqué :
« Un Casino, c’est le lieu de l’argent roi, avec peu de gagnants et beaucoup de perdants, flattant l’individualisme, le mirage du gain facile, symbole d’un mode de développement aux objectifs et aux capitaux douteux. »
Gagner de l’argent sans l’avoir mérité, c’est pourtant bien. Et puis voir des retraités allant offrir volontairement une partie de leur pension à l’Etat, des actifs faire de même avec une partie de leur salaire et des chômeurs rendre volontairement une partie de leur indemnité, c’est plutôt réconfortant. Et cela diminue d’autant les impôts de celles et ceux qui ne jouent pas.
Bref, un Casino sur la presqu’île de Waddington (rebaptisée esplanade Saint-Gervais), je suis pour.
A l’automne, avec les manèges de la Foire Saint-Romain tout autour, ce serait top.
*
« Rouen a besoin d’un grand musée d’art contemporain. », jugent les deux Ecolos et Citoyens municipaux. A aucun vernissage d’exposition d’art contemporain (ou non contemporain), je n’ai vu l’un d’eux.
*
Que ne demandent-ils pas, ces puritains locaux, la fermeture de tous les Casinos du coin : Dieppe, Forges-les-Eaux, Etretat, Fécamp, Le Tréport, Yport, Saint-Valéry-en-Caux, Veulettes-sur-Mer et Le Havre.
*
La bienveillance, nouvelle notion cucul à la mode. Pas moyen d’écouter la radio, de lire un journal, sans en être accablé.
*
Des pointes de température à cinquante degrés à la fin du siècle en France, s’inquiètent les climatologues. Si cette projection se révèle juste, celles et ceux qui procréent en ce moment promettent une belle vieillesse à leur descendance.
Quel lieu empli d’histoires le Casino ! Combien de romans, films et chansons n’a-t-il pas inspirés ! A condition qu’il soit dans une ville thermale ou balnéaire. Ailleurs il est obscène, semble-t-il.
A Rouen, la création d’un est envisagée dans l’ancien chai à vin. Le projet, dû à un cabinet d’architectes, est l’un des gagnants de l’appel à « Réinventer la Seine ». Cette idée n’est qu’une idée, cela ne repose sur rien de concret, mais on s’en offusque préventivement du côté de la gauche morale et vertueuse.
Jean-Michel Bérégovoy et Stéphane Martot, deux élus municipaux rouennais issus de la liste Décidons Rouen Citoyenne et Ecologiste, y vont de leur communiqué :
« Un Casino, c’est le lieu de l’argent roi, avec peu de gagnants et beaucoup de perdants, flattant l’individualisme, le mirage du gain facile, symbole d’un mode de développement aux objectifs et aux capitaux douteux. »
Gagner de l’argent sans l’avoir mérité, c’est pourtant bien. Et puis voir des retraités allant offrir volontairement une partie de leur pension à l’Etat, des actifs faire de même avec une partie de leur salaire et des chômeurs rendre volontairement une partie de leur indemnité, c’est plutôt réconfortant. Et cela diminue d’autant les impôts de celles et ceux qui ne jouent pas.
Bref, un Casino sur la presqu’île de Waddington (rebaptisée esplanade Saint-Gervais), je suis pour.
A l’automne, avec les manèges de la Foire Saint-Romain tout autour, ce serait top.
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« Rouen a besoin d’un grand musée d’art contemporain. », jugent les deux Ecolos et Citoyens municipaux. A aucun vernissage d’exposition d’art contemporain (ou non contemporain), je n’ai vu l’un d’eux.
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Que ne demandent-ils pas, ces puritains locaux, la fermeture de tous les Casinos du coin : Dieppe, Forges-les-Eaux, Etretat, Fécamp, Le Tréport, Yport, Saint-Valéry-en-Caux, Veulettes-sur-Mer et Le Havre.
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La bienveillance, nouvelle notion cucul à la mode. Pas moyen d’écouter la radio, de lire un journal, sans en être accablé.
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Des pointes de température à cinquante degrés à la fin du siècle en France, s’inquiètent les climatologues. Si cette projection se révèle juste, celles et ceux qui procréent en ce moment promettent une belle vieillesse à leur descendance.
24 juillet 2017
Pour rien au monde, je ne manquerais la reprise de Transports exceptionnels le duo pour un danseur et une pelleteuse imaginé et chorégraphié par Dominique Boivin de la Compagnie Beau Geste, un spectacle vu en mars deux mille sept sur la pelouse de la plage de Dieppe avec celle qui me tenait alors la main et découvert un an plus tôt sur le parvis de l’Opéra de Rouen. Aussi suis-je vingt minutes avant l’heure sur le parvis de la Cathédrale de Rouen, ce samedi soir, à une place de choix, face à l’engin, sur fond de gothique.
A vingt heures trente, Philippe Priasso, pantalon noir, chaussures noires, chemise blanche, gants noirs, entre dans le cercle et s’approche de la pelleteuse jaune fournie par Kiloutou, dont les vitres sont opacifiées. Le moteur de celle-ci démarre et commence le duo sensuel et poétique entre l’homme et la machine sur des airs d’opéras interprétés par Maria Callas (Le Cid de Massenet, Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns et Norma de Bellini).
La prise de risque est maximale pour l’interprète, debout sur le godet ou accroché à celui-ci par les mains ou les pieds, emporté par le mouvement circulaire à six ou sept mètres de hauteur. Le pavé irrégulier et mouillé ne facilite pas ses mouvements au sol. Bientôt sa chemise est trempée. Quel âge peut-il avoir ? me demandé-je. Déjà il ne me semblait pas tout jeune il y a dix ans, mais c’est difficile de donner un âge à un homme au crâne rasé.
Ce transport amoureux entre l’homme et la machine est de toute beauté (comme on dit). Philippe Priasso est très applaudi à l’issue. William Defresne, le conducteur invisible, dont le rôle est aussi important que celui du danseur, sort de sa cabine et l’est tout autant. « Merveilleux », crie une dame derrière moi.
Ce spectacle qui, en douze ans, a été montré plus de sept cents fois et sur tous les continents, est de ceux, très rares, que l’on peut qualifier d’inoubliable.
*
Redis à ma tendresse
Les serments d’autrefois,
Ces serments que j’aimais !
Ah! réponds à ma tendresse !
Verse-moi, verse-moi l’ivresse !
(Ferdinand Lemaire, auteur du livret du Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns)
*
Une recherche via Internet me donne la réponse : Philippe Priasso a soixante ans.
A vingt heures trente, Philippe Priasso, pantalon noir, chaussures noires, chemise blanche, gants noirs, entre dans le cercle et s’approche de la pelleteuse jaune fournie par Kiloutou, dont les vitres sont opacifiées. Le moteur de celle-ci démarre et commence le duo sensuel et poétique entre l’homme et la machine sur des airs d’opéras interprétés par Maria Callas (Le Cid de Massenet, Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns et Norma de Bellini).
La prise de risque est maximale pour l’interprète, debout sur le godet ou accroché à celui-ci par les mains ou les pieds, emporté par le mouvement circulaire à six ou sept mètres de hauteur. Le pavé irrégulier et mouillé ne facilite pas ses mouvements au sol. Bientôt sa chemise est trempée. Quel âge peut-il avoir ? me demandé-je. Déjà il ne me semblait pas tout jeune il y a dix ans, mais c’est difficile de donner un âge à un homme au crâne rasé.
Ce transport amoureux entre l’homme et la machine est de toute beauté (comme on dit). Philippe Priasso est très applaudi à l’issue. William Defresne, le conducteur invisible, dont le rôle est aussi important que celui du danseur, sort de sa cabine et l’est tout autant. « Merveilleux », crie une dame derrière moi.
Ce spectacle qui, en douze ans, a été montré plus de sept cents fois et sur tous les continents, est de ceux, très rares, que l’on peut qualifier d’inoubliable.
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Redis à ma tendresse
Les serments d’autrefois,
Ces serments que j’aimais !
Ah! réponds à ma tendresse !
Verse-moi, verse-moi l’ivresse !
(Ferdinand Lemaire, auteur du livret du Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns)
*
Une recherche via Internet me donne la réponse : Philippe Priasso a soixante ans.
22 juillet 2017
De la lecture en train du Sens unique de Walter Benjamin publié dans une traduction inédite de Frédéric Joly en deux mille treize dans la Petite Bibliothèque Payot, un ouvrage regroupant divers textes courts d’intérêt inégal publiés en Allemagne en mil neuf cent vingt-huit, j’ai retenu les trois bonheurs suivants :
Les opinions sont pour le gigantesque appareil de la vie sociale ce qu’est l’huile pour les machines ; on ne se met pas devant une turbine pour l’arroser d’huile à machine. On y injecte tout juste quelques gouttes sur les rivets et les joints cachés, qu’il s’agit de connaître.
Tout se passe comme si l’on était retenu prisonnier dans un théâtre, et comme s’il nous fallait suivre la pièce jouée sur scène, qu’on le veuille ou non, et comme s’il nous fallait faire de celle-ci, encore et toujours, qu’on le veuille ou non, l’objet de nos pensées et de nos paroles.
Personne ne voit plus loin que le dos de celui qui le précède, et chacun est fier de faire ainsi figure de modèle pour celui qui le suit.
Et aussi, dans la catégorie utilitaire, tiré de La technique de l’écrivain en treize thèses:
Ne laisse passer incognito aucune pensée, et tiens ton cahier de notes aussi strictement que les autorités tiennent le registre des étrangers.
Les opinions sont pour le gigantesque appareil de la vie sociale ce qu’est l’huile pour les machines ; on ne se met pas devant une turbine pour l’arroser d’huile à machine. On y injecte tout juste quelques gouttes sur les rivets et les joints cachés, qu’il s’agit de connaître.
Tout se passe comme si l’on était retenu prisonnier dans un théâtre, et comme s’il nous fallait suivre la pièce jouée sur scène, qu’on le veuille ou non, et comme s’il nous fallait faire de celle-ci, encore et toujours, qu’on le veuille ou non, l’objet de nos pensées et de nos paroles.
Personne ne voit plus loin que le dos de celui qui le précède, et chacun est fier de faire ainsi figure de modèle pour celui qui le suit.
Et aussi, dans la catégorie utilitaire, tiré de La technique de l’écrivain en treize thèses:
Ne laisse passer incognito aucune pensée, et tiens ton cahier de notes aussi strictement que les autorités tiennent le registre des étrangers.
21 juillet 2017
Troisième semaine de Terrasses du Jeudi, malgré mon envie à la baisse je m’y rends, optant pour un lieu qui m’est familier, Le Son du Cor, mais sans y boire quoi que ce soit, préférant la rive opposée du boulodrome. Bien calé entre deux vélos, j’évite le gros du public.
Celui-ci est nombreux et en majorité masculin pour MNNQNS, un groupe de quatre jeunes rockeurs locaux dont l’un a les cheveux aussi longs que je les avais à son âge. MNNQNS signifie Mannequins (il faut bien se démarquer). C’est du rock à l’ancienne, qui nécessite de s’enfiler des bouchons dans les oreilles. Ainsi protégé, c’est comme si j’écoutais leur musique sans les voyelles. A la fin, le lideur se jette dans le public, une performance un peu trop préparée.
Après avoir fait respirer mes oreilles à la maison, je suis de retour au même endroit, entre deux autres vélos, pour les Goaties, trois petits rigolos à cheveux courts et raie sur le côté, un anneau dans l’oreille et le visage passé à la chaux. Ces Bas-Normands, dont le titre le plus connu est Du whisky pour mon chien, font du « rock-punk des collines ». Ils se recommandent des Frères Jacques et d’Ici Paris, deux excellentes références. Le public est encore plus nombreux et mixte. Je protége une nouvelle fois mon audition et n’entends donc pas grand-chose des paroles des chansons de ces trois zozos mais je profite au mieux de leur jeu de scène et de leurs mimiques de décalqués. Dans le gros du public l’ambiance monte. Ça pogote et ça slamme gentiment. Le photographe officiel arrive en courant lorsque c’est presque terminé. Je ne suis pas surpris de le voir se prendre le pied dans les fils, ce qui a pour effet de débrancher l’unique projecteur. Deux morceaux joués en rappel augmentent encore l’enthousiasme agité du gros du public. Mes applaudissements m’apparaissent bien silencieux mais ils n’en sont pas moins appuyés.
*
D’où je suis j’ai une bonne vision de la terrasse du Son du Cor où picolent de vieux habitués. L’un d’eux tente de trouver encore une goutte d’alcool au fond de son godet en plastique, il aspire le glaçon, le recrache, à moins que ce soit l’une de ses dents.
*
Quand le concert de plein air de Cléa Vincent a été annulé pour cause d’orage qui n’est jamais venu, il y a deux semaines, celle-ci s’est rabattue sur le Trois Pièces, ai-je appris tardivement. La page Effe Bé des Terrasses du Jeudi ne l’a pas annoncé, ni celle du Trois Pièces. Cela n’a dû l’être que sur celle de l’artiste, que je ne suis pas. Ce fut donc un concert public mais uniquement pour son réseau d’amitiés réelles ou virtuelles.
Financement participatif pour les disques, concerts en appartement ou plus ou moins réservés à celles et ceux qui sont déjà conquis, la vie d’artiste n’est plus celle que chantait Léo Ferré. Ce copinage omniprésent me désappointe.
Je ne sais si le fait qu’elles et eux se tiennent assez souvent loin d’un vrai public composé de tout venant est l’une des causes de la péremption rapide de ces jeunes chanteuses et chanteurs. Deux ou trois disques, et, ayant lassé leur auditoire, les voilà remplacé(e)s par d’autres qui n’en feront pas davantage.
Celui-ci est nombreux et en majorité masculin pour MNNQNS, un groupe de quatre jeunes rockeurs locaux dont l’un a les cheveux aussi longs que je les avais à son âge. MNNQNS signifie Mannequins (il faut bien se démarquer). C’est du rock à l’ancienne, qui nécessite de s’enfiler des bouchons dans les oreilles. Ainsi protégé, c’est comme si j’écoutais leur musique sans les voyelles. A la fin, le lideur se jette dans le public, une performance un peu trop préparée.
Après avoir fait respirer mes oreilles à la maison, je suis de retour au même endroit, entre deux autres vélos, pour les Goaties, trois petits rigolos à cheveux courts et raie sur le côté, un anneau dans l’oreille et le visage passé à la chaux. Ces Bas-Normands, dont le titre le plus connu est Du whisky pour mon chien, font du « rock-punk des collines ». Ils se recommandent des Frères Jacques et d’Ici Paris, deux excellentes références. Le public est encore plus nombreux et mixte. Je protége une nouvelle fois mon audition et n’entends donc pas grand-chose des paroles des chansons de ces trois zozos mais je profite au mieux de leur jeu de scène et de leurs mimiques de décalqués. Dans le gros du public l’ambiance monte. Ça pogote et ça slamme gentiment. Le photographe officiel arrive en courant lorsque c’est presque terminé. Je ne suis pas surpris de le voir se prendre le pied dans les fils, ce qui a pour effet de débrancher l’unique projecteur. Deux morceaux joués en rappel augmentent encore l’enthousiasme agité du gros du public. Mes applaudissements m’apparaissent bien silencieux mais ils n’en sont pas moins appuyés.
*
D’où je suis j’ai une bonne vision de la terrasse du Son du Cor où picolent de vieux habitués. L’un d’eux tente de trouver encore une goutte d’alcool au fond de son godet en plastique, il aspire le glaçon, le recrache, à moins que ce soit l’une de ses dents.
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Quand le concert de plein air de Cléa Vincent a été annulé pour cause d’orage qui n’est jamais venu, il y a deux semaines, celle-ci s’est rabattue sur le Trois Pièces, ai-je appris tardivement. La page Effe Bé des Terrasses du Jeudi ne l’a pas annoncé, ni celle du Trois Pièces. Cela n’a dû l’être que sur celle de l’artiste, que je ne suis pas. Ce fut donc un concert public mais uniquement pour son réseau d’amitiés réelles ou virtuelles.
Financement participatif pour les disques, concerts en appartement ou plus ou moins réservés à celles et ceux qui sont déjà conquis, la vie d’artiste n’est plus celle que chantait Léo Ferré. Ce copinage omniprésent me désappointe.
Je ne sais si le fait qu’elles et eux se tiennent assez souvent loin d’un vrai public composé de tout venant est l’une des causes de la péremption rapide de ces jeunes chanteuses et chanteurs. Deux ou trois disques, et, ayant lassé leur auditoire, les voilà remplacé(e)s par d’autres qui n’en feront pas davantage.
20 juillet 2017
Ce mercredi, la voiture où j’ai place assise dans la bétaillère de sept heures vingt-huit qui mène à la capitale a les deux portières bloquées. Pour y monter ou en descendre, prière de passer par les voitures voisines. Ce n’est pas le moment d’être en situation d’évacuation d’urgence.
L’orage menace. Il est annoncé avec grêle éventuelle par Météo France. Quelques gouttes obligent le chauffeur du bus Vingt à faire fonctionner les essuie-glaces. Une grosse averse s’ensuit, sans éclairs ni tonnerre, pendant que je suis chez Book-Off. J’y trouve à un euro L’Amour mendiant (Notes sur le désir) de Richard Millet (la petite vermillon/ La Table Ronde) et la solitude des mourants de Norbert Elias (Titres/Christian Bourgois).
La drache cesse. Ayant aperçu au passage du bus une exposition de photos qui m’ont semblé intéressantes sur les grilles du square du Temple, je décide d’y retourner à pied.
Arrivé sur place, je déjeune en terrasse chez Manfred, face au jardin à l’angle des rues du Temple et de Réaumur, d’un poulet fermier au Boursin et pommes sautées (très bon) suivi d’un tiramisu traditionnel au café (moyen) que j’accompagne d’un verre de vin rouge de la maison hélas servi frais, ce dont je fais reproche au serveur décontracté avant de payer dix-neuf euros.
L’exposition de plein air est consacrée aux photos prises par Władysław Sławny (né en Pologne et mort à Paris) entre les années mil neuf cent cinquante et un et cinquante-sept, période pendant laquelle il était le chef du service de la photographie du magazine Świat (« Le Monde »).
Ces images relèvent du bon photojournalisme. Elles montrent la vie d’alors dans les Pays de l’Est, à Amsterdam et à Paris. En ce lieu où de nombreux passants passent, je suis le seul à m’y intéresser.
*
Le siège tourné vers l’arrière au-dessus de la roue avant gauche des bus parisiens : le meilleur allié de qui aime voir sous les jupes des filles.
*
-C’est Cantal le mot de passe, répond la serveuse du Café du Faubourg à celle qui lui demande le code ouifi.
-Cantal ?
Il lui faut épeler.
*
« Le silence est révélateur » « Le groupe Flo abandonne ses salariés », manifestation de ceux-ci, soutenus par la Cégété, devant un restaurant fermé du boulevard Saint-Denis.
*
Au bout de la rue Béranger, un trentenaire à cravate tente de vendre L’Internationaliste.
*
La femme qui découvre que Book-Off ne veut pas de la plupart des livres qu’elle désirait vendre :
-Je suis venu de ma province avec cette lourde valise, si j’avais su…
-On peut les mettre au recyclage si vous ne voulez pas les remporter.
-Ce que je ne veux pas, c’est qu’ils soient jetés.
-Ils vont dans la broyeuse pour faire de la pâte à papier.
-Ah non alors ! Je vais les remporter.
-Voilà, ça vous fait quatre euros soixante.
-Eh bien, j’en ai bavé sang et sueur pour pas grand-chose.
*
« On se reverra », me dit-elle après que je l’ai fait jouir d’un doigt dextère. Puis elle m’écrit qu’il n’en sera rien.
L’orage menace. Il est annoncé avec grêle éventuelle par Météo France. Quelques gouttes obligent le chauffeur du bus Vingt à faire fonctionner les essuie-glaces. Une grosse averse s’ensuit, sans éclairs ni tonnerre, pendant que je suis chez Book-Off. J’y trouve à un euro L’Amour mendiant (Notes sur le désir) de Richard Millet (la petite vermillon/ La Table Ronde) et la solitude des mourants de Norbert Elias (Titres/Christian Bourgois).
La drache cesse. Ayant aperçu au passage du bus une exposition de photos qui m’ont semblé intéressantes sur les grilles du square du Temple, je décide d’y retourner à pied.
Arrivé sur place, je déjeune en terrasse chez Manfred, face au jardin à l’angle des rues du Temple et de Réaumur, d’un poulet fermier au Boursin et pommes sautées (très bon) suivi d’un tiramisu traditionnel au café (moyen) que j’accompagne d’un verre de vin rouge de la maison hélas servi frais, ce dont je fais reproche au serveur décontracté avant de payer dix-neuf euros.
L’exposition de plein air est consacrée aux photos prises par Władysław Sławny (né en Pologne et mort à Paris) entre les années mil neuf cent cinquante et un et cinquante-sept, période pendant laquelle il était le chef du service de la photographie du magazine Świat (« Le Monde »).
Ces images relèvent du bon photojournalisme. Elles montrent la vie d’alors dans les Pays de l’Est, à Amsterdam et à Paris. En ce lieu où de nombreux passants passent, je suis le seul à m’y intéresser.
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Le siège tourné vers l’arrière au-dessus de la roue avant gauche des bus parisiens : le meilleur allié de qui aime voir sous les jupes des filles.
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-C’est Cantal le mot de passe, répond la serveuse du Café du Faubourg à celle qui lui demande le code ouifi.
-Cantal ?
Il lui faut épeler.
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« Le silence est révélateur » « Le groupe Flo abandonne ses salariés », manifestation de ceux-ci, soutenus par la Cégété, devant un restaurant fermé du boulevard Saint-Denis.
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Au bout de la rue Béranger, un trentenaire à cravate tente de vendre L’Internationaliste.
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La femme qui découvre que Book-Off ne veut pas de la plupart des livres qu’elle désirait vendre :
-Je suis venu de ma province avec cette lourde valise, si j’avais su…
-On peut les mettre au recyclage si vous ne voulez pas les remporter.
-Ce que je ne veux pas, c’est qu’ils soient jetés.
-Ils vont dans la broyeuse pour faire de la pâte à papier.
-Ah non alors ! Je vais les remporter.
-Voilà, ça vous fait quatre euros soixante.
-Eh bien, j’en ai bavé sang et sueur pour pas grand-chose.
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« On se reverra », me dit-elle après que je l’ai fait jouir d’un doigt dextère. Puis elle m’écrit qu’il n’en sera rien.
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