Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

14 novembre 2017


Pour cause d’activités prévues mardi et mercredi, c’est pour ce lundi que j’ai pris depuis longtemps un billet de train menant à Paris sans penser que c’était le jour du deuxième anniversaire des attentats des terrasses et du Bataclan, tous situés dans l’arrondissement où je me rends à l’arrivée après un voyage sans autre souci qu’un retard de dix minutes, voyage pendant lequel j’ai commencé la lecture des décevantes Chroniques parisiennes de Kurt Tucholsky (Rivages poche/Petite Bibliothèque). Le Président Macron, accompagné de son prédécesseur (comme il l’appelle), doit aller de lieu de massacre en lieu de massacre au cours de la matinée, ce qui rendra les déplacements compliqués.
Rien d’apparent quand je vais chez Book-Off puis, faute de marché place d’Aligre, directement chez Emmaüs rue de Charonne pas très loin de La Belle Equipe, l’une des terrasses attaquées, mais quand je rejoins la rue Ledru-Rollin dans le but de prendre un bus Quatre-Vingt-Six en direction du Quartier Latin, c’est pour découvrir le carrefour partiellement bloqué par des policiers. Renonçant à mon projet, j’entre à la brasserie Le Rollin où je déjeune d’une marinade de la mer (dorade, moules, avocat, salade), de lapin à la moutarde pommes sautées et d’une part de tarte à la rhubarbe, cela accompagné d’un quart de côtes-du-rhône. C’est bon, la serveuse est souriante, on y écoute Fip et il y a peu de monde. Au moment où je règle mes vingt-deux euros, une cadreuse ayant laissé sa caméra sur le trottoir à la garde de son collègue vient demander l’autorisation d’aller aux toilettes.
Le carrefour est dans le même état. La girouette du premier bus Quatre-Vingt-Six qui passe affiche  Place de la Bastille.
-Vous n’allez pas plus loin que Bastille, demandé-je à son chauffeur de me confirmer.
-Je vais jusqu’à Bastille, me répond-il en appuyant sur le jusqu’à, c’est déjà beaucoup pour moi,
Je lui souhaite bon courage et renonce au Quartier Latin difficilement accessible en métro à partir de ce quartier. Devant le Bataclan, les autorités de l’Etat ont laissé la place à une centaine d’hommes et de femmes entourés de caméras et encadrés par la Police. Elles et eux sont descendus d’un car et d’un minibus gris siglés « Musulmans contre le terrorisme ». Il fallait donc que ce soit précisé.
Je ne m’attarde pas devant ce bâtiment beau et tragique dans lequel au troisième étage un deux pièces est toujours à louer et attrape un bus Vingt sur le boulevard Richard-Lenoir. Il m’emmène près du second Book-Off où dans les livres à un euro m’attendaient la Correspondance de Jean Malaquais et Norman Mailer (Le Cherche Midi), L’EROUV de Jérusalem de Sophie Calle (Actes Sud) et Ramon de Dominique Fernandez (Grasset), la biographie de son père, écrivain pilier de la maison Gallimard devenu pronazi et collabo.
                                                          *
Réveillé par les infos de France Culture ce lundi matin : « Un violoncelliste cause la mort d’au moins deux cent sept personnes à la frontière entre l’Iran et l’Irak ». Hein quoi. ? Ayant repris mes esprits, je comprends que ce violoncelliste est un violent séisme.
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Ce lundi treize novembre est également la Journée de la Gentillesse. Sans commentaire (comme on dit).
 

13 novembre 2017


Ambiance sonore de cour de recréation ce vendredi soir à l’Opéra de Rouen, on y présente le célèbre Pierre et le loup de Sergueï Prokofiev, une œuvre que j’ai moult fois utilisée lorsque je faisais l’instituteur. J’ai place à l’une des extrémités de la partie centrale du premier rang de l’orchestre. A ma gauche s’installent une jeune femme et sa fille dans les huit neuf ans.
-Mais pourquoi c’est pas un spectacle ? demande l’enfant en découvrant la forêt de pupitres sur la scène.
-C’est bien que tu voies des choses différentes, lui répond sa mère.
-Pourquoi ?
-Pour ouvrir ton esprit.
Devant nous sont les chaises de la fosse. Sur l’une est assise une femme avec dans les bras un bébé. Jamais je n’ai vu un spectateur aussi jeune dans cette maison.
A l’entrée des musicien(ne)s le bruit décroît puis quasiment disparaît. Le chef Léo Warynski fait son apparition, suivi du récitant Florent Houdu, teinture blonde et vêture juvénile. Ce dernier ne m’est pas inconnu. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de le voir et apprécier dans des pièces de théâtre mises en scène par Yann Dacosta ou Catherine Delattres. Tout ce monde sait capter l’auditoire, aidé en cela par la projection des dessins à l’ancienne de Julia Wauters.
C’est elle aussi qui illustre Le Canard est toujours vivant, cette suite à Pierre et le loup donnée également ce soir. La composition musicale est de Jean-François Verdier et le texte de Bernard Friot. Cet ajout date de deux mille quinze, trop tard pour que je puisse l’utiliser en classe. Il tient la route. L’attention des moutard(e)s le confirme. Quant au bébé, il se tient coi depuis le début.
Musicien(ne)s, chef et récitant sont copieusement applaudis. Avec la rapidité du canard fuyant la casserole, je m’exfiltre par la porte latérale.
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Ce vendredi à quatorze heures, retrouvaille avec la bonne fée venue à mon aide lorsqu’il m’a fallu changer de box Internet, partie depuis terminer ses études dans le sud de la France et de passage à Rouen pour un entretien d’embauche dans le domaine artistique qui est le sien. Après un bon moment passé à discuter devant des cafés à la terrasse du Son du Cor, elle me propose d’aller se balader. Je lui fais découvrir la promenade des Petites Eaux du Robec et ses magnifiques feuillages d’automne. Nous allons jusqu’au four banal de la Pannevert où l’on cuit régulièrement le pain. Dix-sept heures sonnent à Saint-Maclou lorsqu’au retour nous nous séparons au bout de ma ruelle.
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Il pleut, si on tuait papa maman, le titre (qui m’a toujours réjoui) de la pièce de théâtre d’Yves Navarre est d’actualité ce samedi onze novembre mais au jardin on lui préfère « Il pleut, si on sortait le taille-haie ». Après le concert hebdomadaire de carillon, c’est coupe de bois dans la forêt des Vosges.
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Faire la fermeture d’un bar, c’est dans mes moyens, si celle-ci a lieu à seize heures. C’est le cas au Grand Saint Marc en ce jour férié commémorant la fin de la Grande Boucherie. L’après-midi est encore jeune, comme disent certains. Je passe à la boulangerie pâtisserie de la rue Saint-Nicolas, récemment nommée Le Fournil du Carré d’Or (cela fait riche), afin d’y acheter des chouquettes que j’emporte à l’Hôtel de l’Europe pour la partie de thé qu’organise le maître des lieux. Une troisième nous rejoint qui m’apprend que j’ai eu pour voisins immédiats l’un de ses fils et son amie. Ils habitaient dans la petite maison qui fait rêver les passant(e)s. Je ne me souviens pas d’eux, mais de leur chat oui, souvent à la fenêtre de l’étage et photographié par les touristes. « C’était le chat Piteau », nous dit-elle.
 

11 novembre 2017


Ce Journal fête vaille que vaille son onzième anniversaire. Si j’en crois les statistiques, il a selon les jours entre quarante et soixante lecteurs et lectrices quotidiens. Parfois le compteur explose. Ce n’est jamais bon signe. Le dernier emballement date du premier novembre. Ce jour-là, mon texte évoquait le prêt de moules à gâteaux par le réseau des petites bibliothèques rouennaises. Il a bénéficié de deux mille dix-neuf lectures.
Ce méchant succès est dû au fait qu’une bibliothécaire de ma connaissance l’a partagé (comme on dit) auprès de ses collègues et de ses relations ayant une autre profession afin qu’elles et eux sachent ce qu’ose écrire l’un de « ceux qui ne vont jamais en bibliothèque ». Certains se sont bien défoulés dans leurs commentaires. Une seule a pris ma défense.
La cuisine ne me vaut rien. Il m’est arrivé d’être menacé par des porteuses de rouleaux à pâtisserie après avoir évoqué un restaurant de la Croix de Pierre. Me voici, suite à ce texte évoquant le prêt de moules à gâteaux, qualifié de « poseur », de « plumitif », de « pauvre gars » « méprisant » aux « jugements de valeur classistes ».
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Pendant un certain temps, à mon arrivée à Rouen, j’ai fréquenté la bibliothèque Roger-Parment, la plus proche de mon domicile. J’y allais surtout pour lire sur place, mais je me suis lassé de n’y trouver deux fois sur trois aucune place assise. J’ai repris espoir avec le projet de Médiathèque de Pierre Albertini, Maire, Centriste de Droite. On sait ce qui arriva : Valérie Fourneyron, Socialiste, à peine élue Maire et conseillée par Laurent le Fabuleux, décida de sa mort, l’heure n’étant plus d’après elle aux cathédrales de livres. On sait aussi que Caen, véritable capitale de la Normandie, a ultérieurement décidé du contraire, mais sa Bibliothèque Alexis-de-Tocqueville est un peu trop loin pour que je la fréquente.
J’aime beaucoup aller dans les bibliothèques, encore faut-il qu’elles en méritent le nom.
                                                               *
Misère du réseau des petites bibliothèques rouennaises qui dans sa dernière Lettre d’information annonce : « En raison de difficultés avec le service de navette transportant les documents d’une bibliothèque à une autre sur le réseau Rn’Bi, les documents doivent être momentanément rendus dans leur bibliothèque d’origine pour une durée indéterminée. Par exemple, un document avec un bandeau rouge doit être rendu à la bibliothèque du Châtelet (bandeau rouge = bibliothèque du Châtelet, bandeau bleu = bibliothèque de la Grand’Mare, bandeau orange = bibliothèque Parment, bandeau jaune = bibliothèque Simone-de-Beauvoir, bandeau violet = bibliothèque patrimoniale Villon). Les documents des Capucins (bandeau vert) et de Saint-Sever (bandeau rose) peuvent être rendus dans n’importe quelle bibliothèque le temps de leurs fermetures respectives. »
 

10 novembre 2017


Ce mercredi soir à l’Opéra de Rouen, j’ai place en corbeille au deuxième rang pour le concert de musique de chambre Octuor à vent. Devant moi se trouve la portion de premier rang réservée au staff et à ses invités. A une extrémité est assis Monsieur le Maire. A l’autre devrait l’être Monsieur le Directeur mais Loïc Lachenal brille par son absence (comme on dit). Il ne peut donc entendre le mal que pensent mes voisines de droite de sa décision de supprimer l’abonnement Entrée Plus la saison prochaine.
Deux hautboïstes, deux clarinettistes, deux bassonistes et deux cornistes composent l’octuor qui s’installe derrière les pupitres. C’est d’abord l’Octuor numéro trois en si bémol majeur de Josef Mysliveček, compositeur « méconnu mais largement acclamé de son vivant » explique Charlotte Fellous dans le livret programme. Cet échantillon ne me donne pas envie de connaître davantage sa musique. Est ensuite joué la Suite de Roméo et Juliette de Sergueï Prokofiev dans l’arrangement qu’en fit Andreas Nicolai Tarkmann. A un moment, cette suite me devient familière. Peut-être ce morceau a-t-il été utilisé pour une publicité ou comme générique d’une émission de radio.
-Heureusement qu’il y a les Entrée Plus et les Pass Opéra sinon il n’y aurait pas grand monde dans la salle ce soir, déclare à l’entracte l’un de ceux qui bénéficient de la seconde option.
Il a toute raison d’être mécontent car Loïc Lachenal a également décidé la disparition de cette formule d’abonnement qui permet d’occuper le même fauteuil bien placé à toutes les représentations de la saison (il est ainsi possible de voir autant de fois qu’on le veut le même opéra). Ces abonnés de première catégorie paient quatre cent quatre-vingt-dix euros par an pour cela. Ils ne s’attendaient pas à être ainsi chassés par le nouveau venu.
A la reprise sont donnés le Divertimento pour octuor à vents de Gideon Klein (déporté par les nazis, il sera l’un des musiciens de Theresienstadt et mourra à vingt-cinq ans lors de la liquidation du camp) puis la Sérénade en mi bémol majeur de Wolfgang Amadeus Mozart. Tout cela est bien bon mais un peu plan plan. Les applaudissements ne durent pas longtemps.
Plus moyen de prendre le parvis de la Cathédrale en diagonale pour rentrer, par la faute de l’installation du Marché de Noël, nuisance annuelle.
                                                                *
Dans cet Opéra de Rouen où l’on est participatif côté musique, on ne l’est surtout pas côté attentes du public. Loïc Lachenal s’est bien gardé de faire un sondage : désirez-vous une programmation augmentée qui entraînera la disparition de votre abonnement ou le maintien de celui-ci avec une programmation moins ambitieuse ?
 

9 novembre 2017


Cela fait des années que je vendais des livres via Price Minister sans le moindre souci. Début octobre, cette entreprise de l’économie numérique m’envoie un mail circulaire expliquant que désormais la Banque de France exige l’identification officielle des vendeurs lorsque le chiffre d’affaire dépasse deux cent cinquante euros par mois. Pour ce faire je dois envoyer la photo de ma carte d’identité. J’essaie de la transmettre via mon ordinateur. Cela ne fonctionne pas. C’est plus facile avec un téléphone, est-il écrit. Je n’en ai pas. Le mercredi douze octobre, je suis donc passé rue Réaumur là où sont les locaux administratifs de Price Minister Rakuten. L’hôtesse ne voulait pas me laisser entrer mais grâce à deux fumeurs de l’entreprise j’ai passé ce barrage. Deux membres de l’équipe ont photocopié ma carte d’identité afin que mon « porte-monnaie » soit débloqué car depuis cette demande plus aucun versement ne m’est fait, c’est le moyen de pression. « Cela prendra au maximum cinq jours », m’a dit l’un. Sympathiques et serviables, ces jeunes gens de Price Minister, me suis-je dit en partant.
Il faudra deux semaines pour que je reçoive un mail circulaire me disant que mes documents sont en cours de validation puis, le deux novembre, un nouveau mail circulaire m’apprend qu’ils sont refusés. Comment est-ce possible alors que ma carte d’identité est valable jusqu’en deux mille dix-neuf et que la qualité de la photocopie a été assurée par les employés de l’entreprise ? Quand je demande pourquoi par message écrit, je n’obtiens pas de réponse. Quant au téléphone, il est toujours sur répondeur et on ne peut y laisser de message.
Ne voulant plus continuer à avancer d’importants frais de port à chaque vente faite, je mets ma « boutique » en « vacances » jusqu’à ce que le problème soit réglé et que l’argent qui m’est dû me soit versé. Et ce mardi matin sept novembre je repasse rue Réaumur afin d’y déposer de nouvelles photocopies de ma carte d’identité et même une de mon passeport. « Je vous reconnais, me dit l’hôtesse, vous ne pouvez pas monter ». Je lui explique que je viens simplement déposer un courrier. Elle n’a pas le droit de le prendre. « Bon alors, je vais le mettre dans la boîte à lettres ». Il n’y en a pas, je dois le poster. Elle consent quand même à me donner un autre numéro de téléphone permettant de joindre le Service Clients. « Bon courage », me dit-elle quand je lui dis au revoir. « Oui, il en faut », lui réponds-je.
Ce mercredi, avant de poster mon courrier, j’appelle ce numéro. Une voix enregistrée me répond que tous les conseillers sont occupés et que l’attente est estimée à dix minutes. Bien trop pour moi.
                                                                *
Lundi dernier, lassé de n’avoir aucune réponse personnelle, j’envoie un message à Price Minister Rakuten via le réseau social Effe Bé. Il me vaut cette réponse : « Pourriez-vous contacter le Service Clients ? Ils vont s'occuper de votre demande dans les meilleurs délais! ».
                                                                *
Le mercredi douze octobre, les deux aimables jeunes gens ayant photocopié ma carte d’identité m’ont demandé si j’avais des critiques à faire sur leur entreprise. « Depuis dix ans que j’y vends des livres, j’en suis tout à fait satisfait », leur ai-je dit. Mon point de vue a un peu changé.
 

8 novembre 2017


Fin de mes vacances virtuelles dans le Lot, je sauve mon billet de retour Paris Rouen en allant passer la journée de mardi dans la capitale. Pour ce faire, je prends le train de sept heures cinquante-neuf dans lequel le chef de bord s’excuse auprès des voyageurs ayant réservé dans la voiture onze. Celle-ci est absente.
Dans ce train qui fend tranquillement le brouillard, je lis Ce qu’on peut voir en six jours de Théophile Gautier (Editions Nicolas Chaudin), récit d’un voyage bien réel mené à un train d’enfer. Mon voisin de devant s’intéresse, quant à lui, à la nutrition entérale. Nous arrivons à l’heure prévue, neuf heures dix-huit. Le chef de bord nous souhaite « une bonne fin de journée ».
La mienne commence par un petit trajet en bus Vingt jusqu’à Opéra Quatre-Septembre car j’ai avec moi un sac de livres dont je veux me débarrasser au plus vite. Après un café au comptoir du Bistrot d’Edmond, je suis le premier chez Book-Off. J’y empoche six euros soixante-dix puis y dépense trois euros.
Je rejoins ensuite la rue de Réaumur à pied car loin d’être réglé, mon problème avec Price Minister perdure. Je me heurte une nouvelle fois à l’hôtesse d’accueil. Dépité, j’emprunte la rue Montorgueil afin de rejoindre Beaubourg dans l’espoir d’y déjeuner chez New New mais ce restaurant chinois est toujours mystérieusement fermé, sa porte bloquée par une chaîne et un cadenas.
Je poursuis donc pédestrement, profitant du beau soleil de novembre pour rejoindre le quartier de la Bastille par les rues Rambuteau, des Francs-Bourgeois et la place des Vosges où l’on pique-nique sur les bancs. Pour ma part, je déjeune au Rempart d’un jour en direct (comme disent les aimables jeunes serveurs). Ce plat du jour est un bien bon poulet basquaise pommes grenaille haricots verts. Je l’accompagne d’un verre de « vin du moment » et le fais suivre d’une part de tarte banane et chocolat. Après avoir réglé seize euros et des broutilles, je me rends au second Book-Off où j’achète aussi peu de livres.
Inutile de chercher la place assise numéro seize réservée depuis longtemps pour mon retour de Souillac dans la voiture treize du seize heures quarante-huit puisque le train prévu est remplacé par une bétaillère non numérotée. Celle-ci arrive néanmoins à dix-huit heures à Rouen.
                                                     *
Drastique, vu les circonstances, mon choix de livres rapportés de Paris. Que des ouvrages que je suis sûr de lire : Les débuts de Van Gogh de Paul Nizon (Les Cahiers Dessinés), Eloge du sein des femmes de Claude-François-Xavier Mercier de Compiègne (Chiron éditeur), Vision et hallucination (L’expérience du peyotl en littérature) sur Charles Duits (Albin Michel), La belle infidèle d’Aphra Behn (Philippe Picquier), Voyage en France du roi Sisowath (Mercure de France) et Chroniques parisiennes de Kurt Tucholsky (Rivages poche).
 

7 novembre 2017


C’est un bon article de Kim Hullot-Guiot, envoyée spéciale de Libération au Musée National de l’Education, qui m’incite à entrer dans cette maison des Quatre Fils Aymon dimanche à treize heures trente-cinq pour y voir l’exposition Portraits de classe, portrait classe !.
Une femme se tient derrière la porte vitrée.
-Posez votre sac sur la chaise, me dit-elle. On va le vérifier.
-C’est vous que le vérifiez ?
-Oui, ça vous étonne ? Il n’y pas que des hommes chez les vigiles.
Ce qui m’étonne, ce sont les personnes qui au lieu de parler d’elles en employant le pronom personnel « je » utilisent le pronom indéfini « on ».
-Je viens voir l’exposition, dis-je aux deux femmes de l’accueil.
-Laquelle ? me dit l’une.
J’apprends qu’il y en a deux, l’autre étant L’école en Algérie, l’Algérie à l’école.
Elle me remet un ticket gratuit. Après avoir laissé mon sac dans un casier, je découvre la première et qu’elle tient peu de place. J’ai vite fait le tour de la petite salle du rez-de-chaussée, admiratif de ce qu’a pu écrire Kim Hullot-Guiot sur ce peu. Qu’a-t-elle fait à Rouen de tout son temps restant?
L’histoire des relations entre la France et l’Algérie ne m’a jamais intéressé. Néanmoins, je monte dans les étages. L’exposition commence au troisième et se poursuit au deuxième. Elle est conséquente, fournie en documents de toutes sortes et complétée de vidéos évoquant le sujet. L’inévitable Edwy Plenel est requis, efficace repoussoir.
Je suis dehors un peu avant quatorze heures, me disant que si quelqu’un vient de loin pour voir l’exposition Portraits de classe, portrait classe ! convaincu de son intérêt par l’article de l’envoyée spéciale Kim Hullot-Guiot, il va la maudire. A moins qu’il soit séduit par la seconde exposition, dont il n’est pas question dans Libération.
                                                         *
L’exposition Portraits de classe, portrait classe ! se prolonge dans la rue Eau-de-Robec. Au-dessus du faux ruisseau sont fixés des agrandissements de photos de classe datant de différentes époques. Certaines ont été maculées de peinture jaune par un abruti. La plus intéressante a été prise au collège Alexis Carrel de Rouen en mil neuf cent soixante-quinze. On y voit, assis au premier rang, un professeur habillé à la mode d’alors et barbu comme certains de ses contemporains et, l’entourant, ses trente élèves dont les vêtements sont un témoignage des nombreuses couleurs en vogue à cette époque (le jaune en tête).
                                                        *
Quand et par qui a été donné le nom d’Alexis Carrel à un collège rouennais ? Etait-ce du temps du Canuet Maire ? Ce collège Carrel a été fort opportunément rebaptisé Lecanuet après la mort de celui-ci.
                                                        *
Je n’ai aucun souvenir des photographes scolaires venus dans les classes où j’ai exercé avant d’arriver au Bec-Hellouin. Là, j’ai fait la connaissance de Patrick Lebaube qui chaque année s’ingéniait à renouveler le genre, en extérieur ou à l’intérieur. Je l’ai retrouvé à Val-de-Reuil. De ceux croisés ensuite quand je suis passé en Seine-Maritime, je n’ai aucun souvenir.
                                                       *
Certaines de ces photos de classe, je les ai détruites. Celles qui me restent sont je ne sais où. Je dois aussi avoir quelque part certaines de celles faites quand j’étais élève.
 

6 novembre 2017


Affluence vendredi midi chez Sushi Tokyo, le restaurant japonais (et chinois) de la rue Verte. Parmi les clients, un couple de quinquagénaires bourgeois et leur petit-fils victime de la mode. La grand-mère le déclare âgé de neuf ans pour bénéficier du prix réduit au buffet à volonté. Il doit avoir plus.
Au milieu du repas, cette grand-mère pose son sac à main sur ses genoux. Elle l’ouvre et rabat les bords d’un plastique glissé à l’intérieur, dans lequel elle met des sushis et des makis. Un peu plus tard, elle récidive. Le grand-père fait semblant de ne rien voir. Le petit-fils n’a pas l’air surpris, ce n’est donc pas la première fois que sa mère-grand procède ainsi.
Entre la part de moi-même qui trouve dégueulasses ces riches qui volent aux dépens de personnes qui s’épuisent au travail et celle qui trouve moche de cafter, le débat est intense. Tenté de dénoncer la bourgeoise, je ne m’y résous pas 
Néanmoins, le trio parti, je signale le fait à la serveuse.
                                                          *
Que vois-je ce vendredi soir, place de la Calende? Le libraire d’A Juste Titre, la bouquinerie de la rue Thouret, ouvrant la boîte à livres et partant avec l’un. Il n’y a pas de petit profit (comme dit Madame Michu).
                                                          *
Un livre lu qui ne me laissera pas grand souvenir : Chemins aux vents de Pierre Sansot (Manuels Payot). Quand même ceci :
La station-service a le pouvoir de contaminer les produits qu’on y expose, car ils y perdent leur vertu originelle. Les bourgognes, les rosés de Provence, les buzets, les vins du terroir (quelle expression racoleuse et suspecte) ne flattent plus notre goût. Le cassoulet n’est plus le cassoulet, c’est dire que la partie est perdue.
 

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