Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
7 septembre 2019
J’entre au Jeu de Paume derrière un duo mère fille, des touristes étrangères avec qui le guichetier dialogue en anglais. La mère paie leurs entrées avec sa carte bancaire puis demande dans quelle salle sont les Nymphéas. Le guichetier constate leur erreur, L’Orangerie, c’est le bâtiment jumeau de l’autre côté du jardin, puis il rembourse leurs entrées en argent liquide. Quant à moi, j’ai droit à vingt-cinq pour cent de réduction sur l’entrée à dix euros en raison de mon âge. Cette lointaine année de naissance me sert aussi de code pour enfermer mon sac à dos dans un casier transparent.
Sally Mann (Mille et un passages) est à l’étage. La première salle est consacrée aux images que la photographe américaine a prises de ses enfants entre mil neuf cent quatre-vingt-cinq et quatre-vingt-quatorze dans leur chalet d’été de la vallée de Shenandoah et qui ont fait l’objet d’un livre titré Immediate Family. Les commissaires de l’exposition, toutes deux prénommées Sarah, ont choisi de montrer peu de celles qui peuvent faire naître des pensées coupables dans certaines têtes. Suivent, dans la deuxième salle, des paysages flous en noir et blanc qui m’intéressent peu. Dans la seconde partie de l’exposition sont visibles des images consacrées à des Afro-Américains (comme on dit) puis des portraits de ses enfants devenus adultes. J’y passe peu de temps. Une chose m’énerve, c’est la présence d’une vidéo au son fort dans chacune des salles, en anglais, montrant Sally Mann en interviou ou des spécialistes de son œuvre.
Au rez-de-chaussée, je fais le tour de l’exposition Marc Pataut (De proche en proche). Je ne connais pas ce photographe à l’inspiration sociale. Ses images ne me retiennent guère, mais au moins peut-on les regarder en silence.
En récupérant mon sac à dos, je me dis que je n’en ai pas eu pour mon argent. Cependant, je ne me risque pas à aller voir le guichetier pour lui demander où sont les Nymphéas.
*
« L’inclusion de photographies d’enfants nus et l’exploration des défis de l’enfance soulèvent à l’époque d’épineuses questions relatives à l’autorité parentale, à la liberté artistique ainsi qu’à la distinction entre images publiques et images privées. » écrivent les deux commissaires.
*
Dans ma bibliothèque, un exemplaire d’Immediate Family, acheté autrefois à un prix raisonnable chez un bouquiniste du boulevard Sébastopol.
Sally Mann (Mille et un passages) est à l’étage. La première salle est consacrée aux images que la photographe américaine a prises de ses enfants entre mil neuf cent quatre-vingt-cinq et quatre-vingt-quatorze dans leur chalet d’été de la vallée de Shenandoah et qui ont fait l’objet d’un livre titré Immediate Family. Les commissaires de l’exposition, toutes deux prénommées Sarah, ont choisi de montrer peu de celles qui peuvent faire naître des pensées coupables dans certaines têtes. Suivent, dans la deuxième salle, des paysages flous en noir et blanc qui m’intéressent peu. Dans la seconde partie de l’exposition sont visibles des images consacrées à des Afro-Américains (comme on dit) puis des portraits de ses enfants devenus adultes. J’y passe peu de temps. Une chose m’énerve, c’est la présence d’une vidéo au son fort dans chacune des salles, en anglais, montrant Sally Mann en interviou ou des spécialistes de son œuvre.
Au rez-de-chaussée, je fais le tour de l’exposition Marc Pataut (De proche en proche). Je ne connais pas ce photographe à l’inspiration sociale. Ses images ne me retiennent guère, mais au moins peut-on les regarder en silence.
En récupérant mon sac à dos, je me dis que je n’en ai pas eu pour mon argent. Cependant, je ne me risque pas à aller voir le guichetier pour lui demander où sont les Nymphéas.
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« L’inclusion de photographies d’enfants nus et l’exploration des défis de l’enfance soulèvent à l’époque d’épineuses questions relatives à l’autorité parentale, à la liberté artistique ainsi qu’à la distinction entre images publiques et images privées. » écrivent les deux commissaires.
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Dans ma bibliothèque, un exemplaire d’Immediate Family, acheté autrefois à un prix raisonnable chez un bouquiniste du boulevard Sébastopol.
6 septembre 2019
Dans la gare de Rouen, les panneaux publicitaires à gaspillage d’électricité vantent le City Guide de la ville, « médiévale et tendance », deux qualificatifs qui sont deux raisons d’aller voir ailleurs, et pour moi c’est à Paris comme chaque mercredi.
Un train au ralenti m’y mène, dans lequel j’entreprends la relecture de Jours tranquilles à Clichy. Il me permet néanmoins d’être à la porte du Book-Off de Ledru-Rollin pour son ouverture, après avoir au Café du Faubourg lu dans Le Parisien que son énergie Catherine Deneuve la tient de sa mère de cent huit ans. Je ne dépense que quatre euros pour quatre livres, passe au marché d’Aligre puis chez Emmaüs sans alourdir mon sac et entre à midi au Café Noisette afin de déjeuner.
La maison a changé de gérants. « Oui on est en famille, explique à une connaissance l’aimable jeune homme qui m’a accueilli, c’est mieux comme ça. Si on se casse la gueule, on se cassera la gueule ensemble ». J’entends qu’il y a conflit avec les anciens gérants.
Le menu est à seize euros quatre-vingt-dix : melon et jambon de pays (ce mystérieux pays), demi coquelet rôti au romarin et sa purée à l’huile de noisettes, tiramisu à la framboise, et le quart de côtes-du-rhône est à sept euros. Près de moi sont deux hommes qui ont le privilège d’avoir des douleurs articulaires dès la cinquantaine pour avoir joué au tennis. Je mange face à une rue Ledru sur le trottoir de laquelle des sans-gênes ont déversé un gros reste de déménagement.
Il s’amenuise au fil du repas. Une jeune femme emporte une chaise. Un clochard met je ne sais quoi dans son chariot de supermarché. Un couple descendu d’un camion immatriculé en Pologne en charge une grosse partie. Ce qui reste est irrécupérable.
En sortant je contourne ce tas pour descendre dans la station Ledru-Rollin. La ligne Huit m’emmène à Concorde où je monte les marches qui mènent au Jeu de Paume. Je veux voir l’exposition consacrée à Sally Mann.
Quand j’en ressors, je vais pédestrement, Madeleine Olympia Opéra, jusqu’au Book-Off de Quatre Septembre. Y suis-je déjà entré un quatre septembre, je ne sais. Je n’y dépense que trois euros pour trois livres puis vais lire un peu de celui de Miller à La Ville d’Argentan en attendant le train du retour.
Celui-ci ralentit tellement dans le tunnel de Tourville-la-Rivière que le chef de bord, le confondant avec un autre, annonce l’arrivée à Rouen. Les voyageurs inhabituels passent les quinze derniers kilomètres debout.
Un train au ralenti m’y mène, dans lequel j’entreprends la relecture de Jours tranquilles à Clichy. Il me permet néanmoins d’être à la porte du Book-Off de Ledru-Rollin pour son ouverture, après avoir au Café du Faubourg lu dans Le Parisien que son énergie Catherine Deneuve la tient de sa mère de cent huit ans. Je ne dépense que quatre euros pour quatre livres, passe au marché d’Aligre puis chez Emmaüs sans alourdir mon sac et entre à midi au Café Noisette afin de déjeuner.
La maison a changé de gérants. « Oui on est en famille, explique à une connaissance l’aimable jeune homme qui m’a accueilli, c’est mieux comme ça. Si on se casse la gueule, on se cassera la gueule ensemble ». J’entends qu’il y a conflit avec les anciens gérants.
Le menu est à seize euros quatre-vingt-dix : melon et jambon de pays (ce mystérieux pays), demi coquelet rôti au romarin et sa purée à l’huile de noisettes, tiramisu à la framboise, et le quart de côtes-du-rhône est à sept euros. Près de moi sont deux hommes qui ont le privilège d’avoir des douleurs articulaires dès la cinquantaine pour avoir joué au tennis. Je mange face à une rue Ledru sur le trottoir de laquelle des sans-gênes ont déversé un gros reste de déménagement.
Il s’amenuise au fil du repas. Une jeune femme emporte une chaise. Un clochard met je ne sais quoi dans son chariot de supermarché. Un couple descendu d’un camion immatriculé en Pologne en charge une grosse partie. Ce qui reste est irrécupérable.
En sortant je contourne ce tas pour descendre dans la station Ledru-Rollin. La ligne Huit m’emmène à Concorde où je monte les marches qui mènent au Jeu de Paume. Je veux voir l’exposition consacrée à Sally Mann.
Quand j’en ressors, je vais pédestrement, Madeleine Olympia Opéra, jusqu’au Book-Off de Quatre Septembre. Y suis-je déjà entré un quatre septembre, je ne sais. Je n’y dépense que trois euros pour trois livres puis vais lire un peu de celui de Miller à La Ville d’Argentan en attendant le train du retour.
Celui-ci ralentit tellement dans le tunnel de Tourville-la-Rivière que le chef de bord, le confondant avec un autre, annonce l’arrivée à Rouen. Les voyageurs inhabituels passent les quinze derniers kilomètres debout.
5 septembre 2019
Dans l’autobiographie de Georges-Arthur Goldschmidt La Traversée des fleuves publiée au Seuil en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, ceci :
Mais dans mon livre d’histoire il y avait une reproduction d’un autre tableau célèbre de l’époque, Le Porteur de mauvaises nouvelles de Lecomte de Noüy, qui nourrit aussi, comme on sait, l’imaginaire de Julien Green. Elle me jeta dans un trouble profond, comme un aveu à fleur de lèvres. On y voit, de derrière, couché à plat ventre sur le sol, un jeune esclave, entièrement nu. Cette gravure ne cessait d’occuper mon imaginaire, tout comme celle de mon livre de latin représentant une peinture de Pompéi où un élève nu porté sur les épaules d’un autre est fessé à coups de verge par son maître, sous un portique à colonnes, au vu et au su des autres élèves et des passants. Il avait donc éprouvé la même honte que moi et, à jamais marquée en lui et peut-être souvent répétée, elle lui était restée, comme pour moi, sa vie durant.
Et ceci :
Parmi les élèves de l’établissement, il y avait deux frères, Pierre et Jacques Rédélé, dont le père était propriétaire d’un important garage à Dieppe. Ils n’hésitèrent pas à mettre le chalet qu’ils possédaient de l’autre côté de Megève, en bas de Jaillet, à notre disposition ; on s’était dit, peut-être à juste raison, que les Allemands n’iraient pas faire des rafles dans les chalets fermés, qu’ils perdraient trop de temps à les fouiller un par un pour voir s’il y avait des réfugiés cachés.
La famille Rédélé est fort connue à Dieppe, notamment pour sa participation au développement de l’Alpine Renault. On voit qu’elle est estimable.
*
In Marcel Duchamp, biographie due à Bernard Marcadé parue chez Flammarion, cet extrait des Entretiens avec Pierre Cabanne :
Grâce à ma chance, j’ai pu passer à travers les gouttes. J’ai compris à un certain moment qu’il ne fallait pas embarrasser la vie de trop de poids, de trop de choses à faire, de ce qu’on appelle une femme, des enfants, une maison de campagne, une automobile. Et je l’ai compris, heureusement, assez tôt.
Et cet extrait de Marcel Mine de rien écrit par Denis de Rougemont le trois août mil neuf cent quarante-cinq :
Les masses sont inéducables, dit-il après le départ de nos hôtes. Elles nous détestent et nous tueraient volontiers. Ce sont les imbéciles qui, en se liguant contre les individus libres et inventifs, solidifient ce qu’ils appellent la réalité, le monde « matériel » tel que nous le souffrons. Ça les arrange. C’est ce même monde que la science, ensuite, observe, et dont elle décrète les prétendues lois. Mais tout l’effort de l’avenir sera d’inventer, par réaction à ce qui se passe maintenant, le silence, la lenteur, et la solitude. Aujourd’hui, on nous traque
*
Dans Lettres à Denise Lévy de Simone Breton (première femme d’André), marrant de découvrir que pendant que son mari et ses amis font du surréalisme (comme elle dit), elle-même fait de la couture, et que le couple a une domestique.
Mon petit, je suis encore abrutie des quinze jours sans bonne… écrit-elle à un jour de mil neuf cent vingt-trois à sa correspondante strasbourgeoise, avec laquelle elle entretient une amitié amoureuse sans passage à l’acte.
Le livre publié chez Joëlle Losfeld comprend aussi quatre lettres de Simone Breton (datant des années soixante-dix à soixante-quinze) à Sarane Alexandrian (que j’ai bien connu ultérieurement). Extrait : Evidemment, vous ne pouvez pas soupçonner la place qui fut la mienne auprès d’André Breton durant les huit années que j’ai vécues avec lui, collaboration intime et assidue – dont il s’est acharné durant toute une période à effacer les traces.
Mais dans mon livre d’histoire il y avait une reproduction d’un autre tableau célèbre de l’époque, Le Porteur de mauvaises nouvelles de Lecomte de Noüy, qui nourrit aussi, comme on sait, l’imaginaire de Julien Green. Elle me jeta dans un trouble profond, comme un aveu à fleur de lèvres. On y voit, de derrière, couché à plat ventre sur le sol, un jeune esclave, entièrement nu. Cette gravure ne cessait d’occuper mon imaginaire, tout comme celle de mon livre de latin représentant une peinture de Pompéi où un élève nu porté sur les épaules d’un autre est fessé à coups de verge par son maître, sous un portique à colonnes, au vu et au su des autres élèves et des passants. Il avait donc éprouvé la même honte que moi et, à jamais marquée en lui et peut-être souvent répétée, elle lui était restée, comme pour moi, sa vie durant.
Et ceci :
Parmi les élèves de l’établissement, il y avait deux frères, Pierre et Jacques Rédélé, dont le père était propriétaire d’un important garage à Dieppe. Ils n’hésitèrent pas à mettre le chalet qu’ils possédaient de l’autre côté de Megève, en bas de Jaillet, à notre disposition ; on s’était dit, peut-être à juste raison, que les Allemands n’iraient pas faire des rafles dans les chalets fermés, qu’ils perdraient trop de temps à les fouiller un par un pour voir s’il y avait des réfugiés cachés.
La famille Rédélé est fort connue à Dieppe, notamment pour sa participation au développement de l’Alpine Renault. On voit qu’elle est estimable.
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In Marcel Duchamp, biographie due à Bernard Marcadé parue chez Flammarion, cet extrait des Entretiens avec Pierre Cabanne :
Grâce à ma chance, j’ai pu passer à travers les gouttes. J’ai compris à un certain moment qu’il ne fallait pas embarrasser la vie de trop de poids, de trop de choses à faire, de ce qu’on appelle une femme, des enfants, une maison de campagne, une automobile. Et je l’ai compris, heureusement, assez tôt.
Et cet extrait de Marcel Mine de rien écrit par Denis de Rougemont le trois août mil neuf cent quarante-cinq :
Les masses sont inéducables, dit-il après le départ de nos hôtes. Elles nous détestent et nous tueraient volontiers. Ce sont les imbéciles qui, en se liguant contre les individus libres et inventifs, solidifient ce qu’ils appellent la réalité, le monde « matériel » tel que nous le souffrons. Ça les arrange. C’est ce même monde que la science, ensuite, observe, et dont elle décrète les prétendues lois. Mais tout l’effort de l’avenir sera d’inventer, par réaction à ce qui se passe maintenant, le silence, la lenteur, et la solitude. Aujourd’hui, on nous traque
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Dans Lettres à Denise Lévy de Simone Breton (première femme d’André), marrant de découvrir que pendant que son mari et ses amis font du surréalisme (comme elle dit), elle-même fait de la couture, et que le couple a une domestique.
Mon petit, je suis encore abrutie des quinze jours sans bonne… écrit-elle à un jour de mil neuf cent vingt-trois à sa correspondante strasbourgeoise, avec laquelle elle entretient une amitié amoureuse sans passage à l’acte.
Le livre publié chez Joëlle Losfeld comprend aussi quatre lettres de Simone Breton (datant des années soixante-dix à soixante-quinze) à Sarane Alexandrian (que j’ai bien connu ultérieurement). Extrait : Evidemment, vous ne pouvez pas soupçonner la place qui fut la mienne auprès d’André Breton durant les huit années que j’ai vécues avec lui, collaboration intime et assidue – dont il s’est acharné durant toute une période à effacer les traces.
4 septembre 2019
Ce dimanche, vers sept heures, c’est avec un bus Teor (le trajet m’étant offert car les bornes de validation sont en panne) que je me rapproche de la Basilique de la Madeleine près de laquelle est chaque année organisé un vide grenier à l’occasion de la Saint Fiacre, une messe en vêtements d’apparat ayant lieu dans l’édifice religieux avec des fruits et des légumes (j’y ai vu une fois la Sénatrice).
Bien qu’entre trois cents et quatre cents participants soient annoncés, ils ne doivent pas être deux cents. Le seul livre que je feuillette, un recueil de dessins de Max Ernst, m’est proposé à trente euros par le vendeur, un professionnel qui ne doute de rien.
Chez les amateurs, j’assiste à une petite scène rigolote au stand d’un trio père mère fille
-Mais c’est mes lunettes de soleil de vue !, s’exclame cette dernière alors qu’une femme les met dans son sac après les avoir payées.
L’acheteuse n’a plus qu’à les rendre. La mère la rembourse tandis que la fille s’en prend à elle : « Elles étaient dans mon sac ! Et ma casquette de New York, vous l’avez vendue aussi ? » On retrouve le sac, posé dans le bazar à vendre, la casquette y est.
Comme mes vieilles douleurs me donnent un peu de répit, je rentre pédestrement, passant par des rues que j’emprunte très peu souvent où se côtoient des villas de presque riches et d’affreux immeubles d’habitat collectif dont certains en construction.
*
Le Duc de Normandie, lui, se trouve ce dimanche dans sa campagne euroise à la Fête de la Pomme (la sienne et celle des autres). Il est en compagnie de ce qui reste de dirigeants chez Les Républicains. Il a le chic pour choisir le mauvais cheval (alors que le cheval c’est pourtant son domaine, sur vingt-cinq hectares). Ne l’a-t-on pas vu tour à tour Gilet Jaune puis derrière Wauquiez aux Européennes.
*
Il fait beau ce lundi pour la rentrée. Au milieu de la journée, parc et terrasses de l’hypercentre sont envahis par la population lycéenne.
L’une résume bien la situation : « J’ai l’impression qu’on est en fin d’année. »
Bien qu’entre trois cents et quatre cents participants soient annoncés, ils ne doivent pas être deux cents. Le seul livre que je feuillette, un recueil de dessins de Max Ernst, m’est proposé à trente euros par le vendeur, un professionnel qui ne doute de rien.
Chez les amateurs, j’assiste à une petite scène rigolote au stand d’un trio père mère fille
-Mais c’est mes lunettes de soleil de vue !, s’exclame cette dernière alors qu’une femme les met dans son sac après les avoir payées.
L’acheteuse n’a plus qu’à les rendre. La mère la rembourse tandis que la fille s’en prend à elle : « Elles étaient dans mon sac ! Et ma casquette de New York, vous l’avez vendue aussi ? » On retrouve le sac, posé dans le bazar à vendre, la casquette y est.
Comme mes vieilles douleurs me donnent un peu de répit, je rentre pédestrement, passant par des rues que j’emprunte très peu souvent où se côtoient des villas de presque riches et d’affreux immeubles d’habitat collectif dont certains en construction.
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Le Duc de Normandie, lui, se trouve ce dimanche dans sa campagne euroise à la Fête de la Pomme (la sienne et celle des autres). Il est en compagnie de ce qui reste de dirigeants chez Les Républicains. Il a le chic pour choisir le mauvais cheval (alors que le cheval c’est pourtant son domaine, sur vingt-cinq hectares). Ne l’a-t-on pas vu tour à tour Gilet Jaune puis derrière Wauquiez aux Européennes.
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Il fait beau ce lundi pour la rentrée. Au milieu de la journée, parc et terrasses de l’hypercentre sont envahis par la population lycéenne.
L’une résume bien la situation : « J’ai l’impression qu’on est en fin d’année. »
3 septembre 2019
Un de ma connaissance offre un verre ce samedi pour l’ouverture de son magasin de disques d’occasion (vinyles et cédés) rue Beauvoisine, pas loin d’où était la librairie Van Moé que les moins de vingt-cinq ans ne peuvent pas avoir connue. Je m’y rends dès quatorze heures. Par coïncidence, celui qui arrive juste après moi est Johan Asherton.
-Vous vous connaissez ? demande Emmanuel, le nouveau maître des lieux.
-Pas directement, dis-je, mais c’est à la sortie d’un concert de ce monsieur dans un théâtre près du Robec que j’ai fait ta connaissance.
-Ah oui, je t’avais ramené en voiture, se souvient le nouveau disquaire dont j’ai suivi l’avancement du projet au fil des mois à l’occasion de nos rencontres dans les vide greniers ou dans la rue.
-C’était il y a cinq ou six ans, précise l’artiste.
Nous furetons un peu dans le magasin que j’ai visité en avant-première un dimanche matin où je passais dans le coin. Les bacs à disques sont sobres et d’un beau gris, fabriqués par Emmanuel.
-J’adore le nom de ta boutique, lui dis-je, je n’aurais pas trouvé mieux.
-L’imprimeur d’en face l’aime beaucoup aussi, il est venu me le dire, me répond-il.
Si j’étais amateur de vinyles, je serais content de pouvoir acheter là plusieurs Gérard Manset à des prix convenables. A défaut peut-être achèterai-je un jour un cédé à cinq euros.
Mon kir bu, je laisse la place aux arrivants après avoir souhaité une bonne réussite au commerçant débutant.
*
Le concert de Johan Asherton au Théâtre de l’Echo du Robec, c’était il y a sept ans, me rappelle mon texte publié le vingt avril deux mille douze. Il était accompagné, entre autres, par Eléonore Chomant, qui a fait du chemin depuis sous le nom de Tallisker.
*
Détestant lire les rêves des autres, je ne raconte pas les miens. Sauf exception. Ainsi ce récurrent fait dans la nuit de samedi à dimanche :
C’est la rentrée scolaire. Je suis le dernier nommé dans une école maternelle situé dans un immeuble de vingt étages. Trois classes sont au rez-de-chaussée et la mienne, tout en haut sur le toit. J’y ai un tas d’élèves dont un avec des béquilles et l’ascenseur n’est pas fiable. Près de ma classe se trouve un local dans lequel une jolie jeune femme s’occupe d’alphabétisation et elle est tombée immédiatement amoureuse de moi (on voit à quel point c’est un rêve).
Le matin de la rentrée, alors que tous les élèves sont là avec leurs parents, la directrice m’en amène un dernier totalement perturbé. C’est trop, je sors de ma poche ma carte de retraité et lui déclare que oui j’avais accepté de faire une année supplémentaire mais là non impossible.
En ramassant mes affaires, j’explique aux parents comment dans l’Education Nationale le dernier arrivé hérite de la salle, et parfois des élèves, dont les autres ne veulent pas.
-Ne vous inquiétez pas, on va nommer un remplaçant pour cette classe.
*
Retrouvailles de professeur(e)s devant le lycée Camille Saint-Saëns. L’un à l’une : « On est en terrain connu. »
Je songe aux nouvelles et nouveaux dont ce sera lundi la première rentrée (pas ici, dans des lycées et des collèges mal cotés) et qui pourront dire : « On est en terre inconnue. »
-Vous vous connaissez ? demande Emmanuel, le nouveau maître des lieux.
-Pas directement, dis-je, mais c’est à la sortie d’un concert de ce monsieur dans un théâtre près du Robec que j’ai fait ta connaissance.
-Ah oui, je t’avais ramené en voiture, se souvient le nouveau disquaire dont j’ai suivi l’avancement du projet au fil des mois à l’occasion de nos rencontres dans les vide greniers ou dans la rue.
-C’était il y a cinq ou six ans, précise l’artiste.
Nous furetons un peu dans le magasin que j’ai visité en avant-première un dimanche matin où je passais dans le coin. Les bacs à disques sont sobres et d’un beau gris, fabriqués par Emmanuel.
-J’adore le nom de ta boutique, lui dis-je, je n’aurais pas trouvé mieux.
-L’imprimeur d’en face l’aime beaucoup aussi, il est venu me le dire, me répond-il.
Si j’étais amateur de vinyles, je serais content de pouvoir acheter là plusieurs Gérard Manset à des prix convenables. A défaut peut-être achèterai-je un jour un cédé à cinq euros.
Mon kir bu, je laisse la place aux arrivants après avoir souhaité une bonne réussite au commerçant débutant.
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Le concert de Johan Asherton au Théâtre de l’Echo du Robec, c’était il y a sept ans, me rappelle mon texte publié le vingt avril deux mille douze. Il était accompagné, entre autres, par Eléonore Chomant, qui a fait du chemin depuis sous le nom de Tallisker.
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Détestant lire les rêves des autres, je ne raconte pas les miens. Sauf exception. Ainsi ce récurrent fait dans la nuit de samedi à dimanche :
C’est la rentrée scolaire. Je suis le dernier nommé dans une école maternelle situé dans un immeuble de vingt étages. Trois classes sont au rez-de-chaussée et la mienne, tout en haut sur le toit. J’y ai un tas d’élèves dont un avec des béquilles et l’ascenseur n’est pas fiable. Près de ma classe se trouve un local dans lequel une jolie jeune femme s’occupe d’alphabétisation et elle est tombée immédiatement amoureuse de moi (on voit à quel point c’est un rêve).
Le matin de la rentrée, alors que tous les élèves sont là avec leurs parents, la directrice m’en amène un dernier totalement perturbé. C’est trop, je sors de ma poche ma carte de retraité et lui déclare que oui j’avais accepté de faire une année supplémentaire mais là non impossible.
En ramassant mes affaires, j’explique aux parents comment dans l’Education Nationale le dernier arrivé hérite de la salle, et parfois des élèves, dont les autres ne veulent pas.
-Ne vous inquiétez pas, on va nommer un remplaçant pour cette classe.
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Retrouvailles de professeur(e)s devant le lycée Camille Saint-Saëns. L’un à l’une : « On est en terrain connu. »
Je songe aux nouvelles et nouveaux dont ce sera lundi la première rentrée (pas ici, dans des lycées et des collèges mal cotés) et qui pourront dire : « On est en terre inconnue. »
2 septembre 2019
Ce vendredi, vers treize heures, je suis tranquillement installé à une table ensoleillée du Son du Cor quand il arrive vêtu d’un ticheurte estampillé Son du Cor, le même que portent les patron(ne)s et les serveurs de l’estaminet. Il fallait bien que quelqu’un s’offre un jour ce ridicule, me dis-je en me replongeant dans ma lecture tandis qu’il salue ses connaissances. Tout à coup, il est debout contre ma table et pose son sac sur celle-ci.
-Alors petit scribouillard ? me dit-il de sa voix de stentor.
Je comprends qu’il a découvert (ou qu’une bonne âme lui a fait découvrir) ce que j’ai écrit sur lui il y a un certain temps, notamment comment j’avais peu apprécié la manière bruyante dont il m’avait interpellé un jour en cet endroit au sujet de Sylvain Tesson.
Il n’est pas content.
-Quand on a des choses à dire, on va les dire, on les écrit pas, tonitrue-t-il. La prochaine fois, ça se passera pas comme ça.
Après cette menace, il va me dénoncer à l’équipe du bar puis s’assoit avec son livre et je reprends le mien tandis qu’alentour on me regarde bizarrement.
Il est toujours là quand, vers deux heures, je vais payer mon café au fils de la maison.
-Je suis désolé d’avoir causé un peu de bruit dans votre bar, lui dis-je.
-Je me demandais ce qui se passait, me répond-il, ça va aller ?
*
De retour à la maison, j’entends soudain le bruit d’une discussion qui enfle.
-Je fais ce que je veux, crie une voisine.
-Non, vous n’avez pas le droit de faire ce que vous voulez, lui répond une voix masculine.
Surgit alors en courant un homme jeune présent chez cette voisine.
-Sale fils de pute, hurle-t-il à l’interlocuteur invisible,
Celui-ci préfère prendre la fuite dans la ruelle.
Plus tard, j’apprends que l’agressé est un voisin qui a des responsabilités dans la gestion de la copropriété. En plus des injures, l’énervé a lancé des œufs sur lui et sur son appartement.
Le soir venu, je découvre qu’un de ces œufs s’est écrasé sur mon mur et a coulé sur les vitres de la porte qui donne sur le jardin.
-Alors petit scribouillard ? me dit-il de sa voix de stentor.
Je comprends qu’il a découvert (ou qu’une bonne âme lui a fait découvrir) ce que j’ai écrit sur lui il y a un certain temps, notamment comment j’avais peu apprécié la manière bruyante dont il m’avait interpellé un jour en cet endroit au sujet de Sylvain Tesson.
Il n’est pas content.
-Quand on a des choses à dire, on va les dire, on les écrit pas, tonitrue-t-il. La prochaine fois, ça se passera pas comme ça.
Après cette menace, il va me dénoncer à l’équipe du bar puis s’assoit avec son livre et je reprends le mien tandis qu’alentour on me regarde bizarrement.
Il est toujours là quand, vers deux heures, je vais payer mon café au fils de la maison.
-Je suis désolé d’avoir causé un peu de bruit dans votre bar, lui dis-je.
-Je me demandais ce qui se passait, me répond-il, ça va aller ?
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De retour à la maison, j’entends soudain le bruit d’une discussion qui enfle.
-Je fais ce que je veux, crie une voisine.
-Non, vous n’avez pas le droit de faire ce que vous voulez, lui répond une voix masculine.
Surgit alors en courant un homme jeune présent chez cette voisine.
-Sale fils de pute, hurle-t-il à l’interlocuteur invisible,
Celui-ci préfère prendre la fuite dans la ruelle.
Plus tard, j’apprends que l’agressé est un voisin qui a des responsabilités dans la gestion de la copropriété. En plus des injures, l’énervé a lancé des œufs sur lui et sur son appartement.
Le soir venu, je découvre qu’un de ces œufs s’est écrasé sur mon mur et a coulé sur les vitres de la porte qui donne sur le jardin.
31 août 2019
C’est par une affiche dans la gare de Rouen que j’ai eu connaissance de l’existence de l’exposition Madeleine Project (de la cave au musée) au Musée d’Histoire de la Vie Quotidienne de Saint-Martin-en-Campagne, apprenant du même coup l’existence de ce Musée et de ce « p’tit village qu’a un nom pas du tout commun ». Il est situé entre Dieppe et Eu. Ayant lu depuis longtemps différents articles sur le Madeleine Project de Clara Beaudoux, il me vient l’envie d’aller voir l’exposition et, apprends-je, c’est possible par le car qui va de Dieppe au Tréport et Eu.
Ce jeudi, je monte dans le train de neuf heures douze pour Dieppe puis, après un café au Balto, je paie deux euros au chauffeur du Soixante-Huit de dix heures quarante-cinq. Arrivé au village de Saint-Martin, qui jouxte Penly et sa centrale nucléaire, j’en descends devant l’école Georges Brassens, près de la salle des fêtes Jacques Brel.
Je repère vite le Musée, imposant bâtiment à l’architecture contemporaine situé près de l’église et son cimetière. Comme il ferme sur le temps de midi, je remets ma visite à plus tard et me renseigne auprès d’un employé communal sur où manger (comme on dit dans Le Guide du Routard). Il n’y a que deux possibilités : L’Annexe et Le Central Grill. Le premier a une petite terrasse champêtre mais ne propose que des moules au menu. Aussi vais-je jusqu’à l’autre, situé dans un mini centre commercial donnant sur un rond-point autour duquel tournent des campigne-cars. En arrière-plan, ce sont des pales d’éoliennes qui tournent dans le ciel bleu. On en voit souvent près des centrales nucléaires.
Il y a foule de jeunes travailleurs dans ce restaurant qui propose un menu tout compris à quinze euros quatre-vingt-quinze, entrée (salade de gambas à l’aneth), plat (bavette d’aloyau grillée sauce au poivre, frites maison), dessert (gâteau basque), quart de vin rouge et café. A ma droite, on parle kilowatts. A ma gauche, on parle betteraves. C’est une affaire familiale, la fille dirige tout depuis le bar et gare au serveur qui traîne.
A quatorze heures, j’entre au Musée, et en raison de mon âge, paie demi-tarif (deux euros cinquante) puis je laisse mon sac à la consigne. « Chez nous, me dit l’aimable guichetière, tout est en sous-sol, exposition permanente et exposition temporaire ». Je descends l’escalier et arrive dans un espace énorme et quelque peu surchauffé qui a été creusé sous le jardin qui entoure la partie visible du bâtiment.
L’exposition Madeleine Project n’en occupe que le fond. Y sont visibles nombre des objets ayant appartenu à une femme prénommée Madeleine. Objets que Clara Beaudoux a découverts après avoir fait céder à l’aide d’une scie à métaux le cadenas de la cave de l’appartement parisien qu’elle avait loué. Objets qu’elle a sortis de l’ombre et inventoriés, se mettant pour cela en disponibilité de son emploi de journaliste à France Info.
Madeleine était institutrice. Il est heureux que je ne sois plus concerné par cette profession pour apprécier ce que je vois sans être touché par l’angoisse de la rentrée. Parmi ses possessions, la plus surprenante est le disque de Colette Renard Chansons gaillardes. Il tranche avec les témoignages de vie bien sage qui l’entourent.
Une fois parcouru l’univers de Madeleine, sauvé d’une cave pour être momentanément exposé dans une autre, je fais le tour des multiples objets de la vie d’autrefois dans tous les domaines que recèle ce Musée et m’y intéresse autant que j’en suis capable, c’est-à-dire peu. Le cheminement mène à la Maison Mercier, belle bâtisse restaurée dans son état du seizième siècle, que je visite également.
La guichetière me confirme que tout cela a été possible grâce à l’argent du nucléaire. Je ne lui demande pas s’il est prévu que la population du village se réfugie au sous-sol en cas d’accident à la centrale.
Une institutrice traverse la cour de l’école Georges Brassens lorsque j’attends le car du retour, faisant sa prérentrée personnelle un jour avant l’officielle. J’ai une pensée pour elle et pour tou(te)s les autres.
C’est le Soixante-Huit de quinze heures quarante-deux, d’où l’on a belle vue sur la mer et les falaises, qui me ramène à Dieppe. J’en descends au Foyer du Marin et passe un bon moment à la terrasse du Mieux Ici Qu’En Face à lire Le Voyage à Nuremberg de Hermann Hesse puis rentre par le train de dix-neuf heures.
*
Saint-Martin-en-Campagne possède aussi un superbe Espace Périscolaire Henri Dès et une salle Edith Piaf. Il ne lui manque qu’une salle François Béranger dont j’ai eu Tranche de vie dans la tête toute la journée.
*
« Madeleine naît à Bourges en 1915 et arrive toute petite à Paris. » « Elle décède en 2012 dans l’anonymat d’une vie bien remplie. »
Ce jeudi, je monte dans le train de neuf heures douze pour Dieppe puis, après un café au Balto, je paie deux euros au chauffeur du Soixante-Huit de dix heures quarante-cinq. Arrivé au village de Saint-Martin, qui jouxte Penly et sa centrale nucléaire, j’en descends devant l’école Georges Brassens, près de la salle des fêtes Jacques Brel.
Je repère vite le Musée, imposant bâtiment à l’architecture contemporaine situé près de l’église et son cimetière. Comme il ferme sur le temps de midi, je remets ma visite à plus tard et me renseigne auprès d’un employé communal sur où manger (comme on dit dans Le Guide du Routard). Il n’y a que deux possibilités : L’Annexe et Le Central Grill. Le premier a une petite terrasse champêtre mais ne propose que des moules au menu. Aussi vais-je jusqu’à l’autre, situé dans un mini centre commercial donnant sur un rond-point autour duquel tournent des campigne-cars. En arrière-plan, ce sont des pales d’éoliennes qui tournent dans le ciel bleu. On en voit souvent près des centrales nucléaires.
Il y a foule de jeunes travailleurs dans ce restaurant qui propose un menu tout compris à quinze euros quatre-vingt-quinze, entrée (salade de gambas à l’aneth), plat (bavette d’aloyau grillée sauce au poivre, frites maison), dessert (gâteau basque), quart de vin rouge et café. A ma droite, on parle kilowatts. A ma gauche, on parle betteraves. C’est une affaire familiale, la fille dirige tout depuis le bar et gare au serveur qui traîne.
A quatorze heures, j’entre au Musée, et en raison de mon âge, paie demi-tarif (deux euros cinquante) puis je laisse mon sac à la consigne. « Chez nous, me dit l’aimable guichetière, tout est en sous-sol, exposition permanente et exposition temporaire ». Je descends l’escalier et arrive dans un espace énorme et quelque peu surchauffé qui a été creusé sous le jardin qui entoure la partie visible du bâtiment.
L’exposition Madeleine Project n’en occupe que le fond. Y sont visibles nombre des objets ayant appartenu à une femme prénommée Madeleine. Objets que Clara Beaudoux a découverts après avoir fait céder à l’aide d’une scie à métaux le cadenas de la cave de l’appartement parisien qu’elle avait loué. Objets qu’elle a sortis de l’ombre et inventoriés, se mettant pour cela en disponibilité de son emploi de journaliste à France Info.
Madeleine était institutrice. Il est heureux que je ne sois plus concerné par cette profession pour apprécier ce que je vois sans être touché par l’angoisse de la rentrée. Parmi ses possessions, la plus surprenante est le disque de Colette Renard Chansons gaillardes. Il tranche avec les témoignages de vie bien sage qui l’entourent.
Une fois parcouru l’univers de Madeleine, sauvé d’une cave pour être momentanément exposé dans une autre, je fais le tour des multiples objets de la vie d’autrefois dans tous les domaines que recèle ce Musée et m’y intéresse autant que j’en suis capable, c’est-à-dire peu. Le cheminement mène à la Maison Mercier, belle bâtisse restaurée dans son état du seizième siècle, que je visite également.
La guichetière me confirme que tout cela a été possible grâce à l’argent du nucléaire. Je ne lui demande pas s’il est prévu que la population du village se réfugie au sous-sol en cas d’accident à la centrale.
Une institutrice traverse la cour de l’école Georges Brassens lorsque j’attends le car du retour, faisant sa prérentrée personnelle un jour avant l’officielle. J’ai une pensée pour elle et pour tou(te)s les autres.
C’est le Soixante-Huit de quinze heures quarante-deux, d’où l’on a belle vue sur la mer et les falaises, qui me ramène à Dieppe. J’en descends au Foyer du Marin et passe un bon moment à la terrasse du Mieux Ici Qu’En Face à lire Le Voyage à Nuremberg de Hermann Hesse puis rentre par le train de dix-neuf heures.
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Saint-Martin-en-Campagne possède aussi un superbe Espace Périscolaire Henri Dès et une salle Edith Piaf. Il ne lui manque qu’une salle François Béranger dont j’ai eu Tranche de vie dans la tête toute la journée.
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« Madeleine naît à Bourges en 1915 et arrive toute petite à Paris. » « Elle décède en 2012 dans l’anonymat d’une vie bien remplie. »
30 août 2019
Ce mercredi, le sept heures cinquante-neuf est de retour. Il ne rate pas sa rentrée en arrivant du Havre avec quelques minutes d’avance. Au contentement de qui se trouve au borduquet. Dont moi-même qui prends place dans la voiture Six, côté opposé à l’éblouissement du soleil. J’y lis Autour du Chat Noir de Maurice Donnay.
Tous les feux sont verts piéton entre la gare et le Bistrot d’Edmond, ce qui m’arrange, ayant un lourd sac de livres à la main. A dix heures, le responsable de Book-Off me les échange contre onze euros soixante. Je trouve à en dépenser six dans des livres à un euro, dont L’art de l’insulte, une anthologie littéraire due à Elsa Delachair et illustrée par Yann Legendre (Editions Inculte).
Le métro Huit m’emmène à Ledru-Rollin d’où je rejoins à pied le marché d’Aligre. J’y vois enfin du nouveau et paie deux euros Lettres inédites des filles de Karl Marx (Jenny, Laura et Eleanor) aux Editions Albin Michel.
A midi moins le quart, je suis à ma table habituelle au Péhemmu chinois. A midi précis, les femmes de l’atelier de couture s’installent à mon côté devant leurs plats déjà sur table. Aujourd’hui, il est question de sacs qu’on n’aura pas le temps de finir, puis de l’orientation sexuelle de l’une d’elles que sa mère a mis trois ans à comprendre (« Ah mais je croyais que c’était juste une copine »).
Comme convenu, je retrouve à treize heures sous Beaumarchais celle qui travaille près de la Bastille. Nous allons boire des cafés en terrasse au Week-End et avons beaucoup à nous dire.
Quand il lui faut retourner au labeur, je contourne à nouveau la place de la Bastille en travaux, où six hommes en orange étalent du goudron, celui à peau blanche aux manettes de l’engin, ceux à peau noire à la pelle respirant les vapeurs délétères, puis je poursuis prudemment sur le trottoir défoncé de la rue du Faubourg Saint-Antoine jusqu’au second Book-Off où pour un euro je deviens propriétaire de Vie rêvée (pages d’un journal, 1965, 1971-1977) de Thadée Klossowski de Rola, fils de Balthus.
C’est par le train Corail de seize heures quarante-huit que je rejoins Rouen, dans lequel les contrôleurs préviennent un abonné qu’à la fin de l’année, quand la région Normandie aux mains Hervé Morin, prendra la responsabilité des trains, ce sera mauvais pour la tarification. « On est trois mille à faire l’aller et retour pour le travail, on ne va pas se laisser faire », leur répond-il.
*
Une escroquerie éditoriale, cet Autour du Chat Noir publié par Les Cahiers Rouges/Grasset. Seulement cinquante pages en gros caractères de souvenirs puis cent pages en petits caractères de poèmes et pièces de Maurice Donnay, manquant d’intérêt. Quand même ceci :
Pour t’envoler à quelques lieues,
N’entre-t-il pas dans ton concept
De prendre devers les banlieues
Un train de neuf heures dix-sept ?
Tous les feux sont verts piéton entre la gare et le Bistrot d’Edmond, ce qui m’arrange, ayant un lourd sac de livres à la main. A dix heures, le responsable de Book-Off me les échange contre onze euros soixante. Je trouve à en dépenser six dans des livres à un euro, dont L’art de l’insulte, une anthologie littéraire due à Elsa Delachair et illustrée par Yann Legendre (Editions Inculte).
Le métro Huit m’emmène à Ledru-Rollin d’où je rejoins à pied le marché d’Aligre. J’y vois enfin du nouveau et paie deux euros Lettres inédites des filles de Karl Marx (Jenny, Laura et Eleanor) aux Editions Albin Michel.
A midi moins le quart, je suis à ma table habituelle au Péhemmu chinois. A midi précis, les femmes de l’atelier de couture s’installent à mon côté devant leurs plats déjà sur table. Aujourd’hui, il est question de sacs qu’on n’aura pas le temps de finir, puis de l’orientation sexuelle de l’une d’elles que sa mère a mis trois ans à comprendre (« Ah mais je croyais que c’était juste une copine »).
Comme convenu, je retrouve à treize heures sous Beaumarchais celle qui travaille près de la Bastille. Nous allons boire des cafés en terrasse au Week-End et avons beaucoup à nous dire.
Quand il lui faut retourner au labeur, je contourne à nouveau la place de la Bastille en travaux, où six hommes en orange étalent du goudron, celui à peau blanche aux manettes de l’engin, ceux à peau noire à la pelle respirant les vapeurs délétères, puis je poursuis prudemment sur le trottoir défoncé de la rue du Faubourg Saint-Antoine jusqu’au second Book-Off où pour un euro je deviens propriétaire de Vie rêvée (pages d’un journal, 1965, 1971-1977) de Thadée Klossowski de Rola, fils de Balthus.
C’est par le train Corail de seize heures quarante-huit que je rejoins Rouen, dans lequel les contrôleurs préviennent un abonné qu’à la fin de l’année, quand la région Normandie aux mains Hervé Morin, prendra la responsabilité des trains, ce sera mauvais pour la tarification. « On est trois mille à faire l’aller et retour pour le travail, on ne va pas se laisser faire », leur répond-il.
*
Une escroquerie éditoriale, cet Autour du Chat Noir publié par Les Cahiers Rouges/Grasset. Seulement cinquante pages en gros caractères de souvenirs puis cent pages en petits caractères de poèmes et pièces de Maurice Donnay, manquant d’intérêt. Quand même ceci :
Pour t’envoler à quelques lieues,
N’entre-t-il pas dans ton concept
De prendre devers les banlieues
Un train de neuf heures dix-sept ?
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