Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
18 avril 2018
J’ai place en deuxième rangée de corbeille, ce dimanche après-midi, pour l’oratorio de Johann Sebastian Bach Passion selon Saint Jean. Sur scène, dans la pénombre, les instruments et les pupitres sont dominés par une grande croix blanche. La première ligne du livret programme me fait bouillir intérieurement : « Qu’est-ce que la vérité religieuse ? » Pire qu’un oxymore.
Deux heures quinze sans entracte, soupire-t-on derrière moi. Eh oui, ce n’est pas un abrégé du Bach. On y a même ajouté en ouverture There is no love that doesn’t pierce the hands and feet, le prologue d’And You Must Suffer d’Annelies Van Parys et entre les deux parties l’Apocalypse arabe de Samir Odeh-Tamimi.
Passion selon Saint-Jean est un spectacle de la catégorie contes et légendes. J’en connais l’histoire, aussi puis-je me concentrer sur la musique jouée par le B’Rock Orchestra dirigé par Andreas Spering, sur le chant des solistes et du Cappella Amsterdam, sur la mise en espace de Pierre Audi, sur la mise en lumière de Peter Quasters et sur la projection des images de Wim Delvoye. A la fin, je peux dire que j’ai passé un bon dimanche après-midi.
*
Principale préoccupation de beaucoup des spectateurs de l’Opéra de Rouen : la durée du spectacle. Plus c’est court, plus ça leur va. Leur désir quand ils sortent (comme on dit) : rentrer chez eux le plus vite possible.
Deux heures quinze sans entracte, soupire-t-on derrière moi. Eh oui, ce n’est pas un abrégé du Bach. On y a même ajouté en ouverture There is no love that doesn’t pierce the hands and feet, le prologue d’And You Must Suffer d’Annelies Van Parys et entre les deux parties l’Apocalypse arabe de Samir Odeh-Tamimi.
Passion selon Saint-Jean est un spectacle de la catégorie contes et légendes. J’en connais l’histoire, aussi puis-je me concentrer sur la musique jouée par le B’Rock Orchestra dirigé par Andreas Spering, sur le chant des solistes et du Cappella Amsterdam, sur la mise en espace de Pierre Audi, sur la mise en lumière de Peter Quasters et sur la projection des images de Wim Delvoye. A la fin, je peux dire que j’ai passé un bon dimanche après-midi.
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Principale préoccupation de beaucoup des spectateurs de l’Opéra de Rouen : la durée du spectacle. Plus c’est court, plus ça leur va. Leur désir quand ils sortent (comme on dit) : rentrer chez eux le plus vite possible.
17 avril 2018
Encore un vide grenier d’hypercentre ce dimanche à Rouen, cette fois « dans les rues du Palais », comme dit l’organisateur, le Comité Massacre (du nom de la rue chère aux rockeurs locaux). Il faut comprendre : dans les rues voisines du Palais de Justice.
Cette année, les exposants sont essentiellement installés rue du Gros. Dans les autres, ils se tiennent éloignés les uns des autres. Le nombre annoncé, entre cinquante et cent, est atteint, mais la qualité est moindre que l’an dernier, aucun livre ne peut m’intéresser.
J’échange quelques mots avec un semi professionnel de ma connaissance. Il tente de me vendre un de ses romans (je n’en lis plus) puis un de ses livres sur Rouen (le sujet ne m’a jamais intéressé). Lui aussi est déçu par les vide greniers. Désormais, il achète en salle des ventes.
-Oui, lui dis-je, mais on ne peut acheter que des lots.
-C’est pourquoi je dois me débarrasser de tout ça, me dit il.
Au moins sera-t-il à l’abri s’il se met à pleuvoir, ayant choisi de s’installer sous l’arcade de la boutique de la Senecefe, rue aux Juifs.
*
Il avait été question de remplacer ce Palais de Justice par un autre à l’architecture fonctionnelle qui aurait été situé près de la prison Bonne Nouvelle, pour le côté pratique. Le projet a été abandonné faute d’argent.
A Paris c’est fait. Le Palais de Justice de l’île de la Cité a vécu. L’un des derniers procès s’y déroulant aura été celui des relaxés de Tarnac et de Rouen. Le nouveau, dû à Renzo Piano, trois parallélépipèdes vitrés posés l’un sur l’autre, que je vois chaque mercredi en allant et revenant de la capitale, est tout en hauteur, fonctionnel sûrement, mais laid, du moins de loin. Sa structure en béton avait pourtant de l’allure au temps de sa construction.
J’irai voir ça de plus près, ce nouveau Palais de Justice est situé dans le quartier des Batignolles. Pour s’y rendre en métro, c’est la ligne Treize, laquelle était déjà saturée avant son ouverture, comme le rappelle Libération dans un article où est cité l’humoriste Bun Hay Mean, alias «le Chinois marrant» :
-La ligne 13, c’est celle qui relie la Roumanie aux enfers. C’est même à cause d’elle que le 13 porte malheur.
Ce bâtiment coûtera quatre-vingt-six millions d’euros par an, en loyer versé à Bouygues, jusqu’en deux mille quarante-quatre, pris sur le budget du Ministère de la Justice, la faute à Sarkozy et à son partenariat public privé.
*
La gaffe.
Lui : « Ah, tu es drôlement bien sur cette photo ! »
Elle : « Ce n’est pas moi, c’est un modèle pour la coiffeuse. »
Cette année, les exposants sont essentiellement installés rue du Gros. Dans les autres, ils se tiennent éloignés les uns des autres. Le nombre annoncé, entre cinquante et cent, est atteint, mais la qualité est moindre que l’an dernier, aucun livre ne peut m’intéresser.
J’échange quelques mots avec un semi professionnel de ma connaissance. Il tente de me vendre un de ses romans (je n’en lis plus) puis un de ses livres sur Rouen (le sujet ne m’a jamais intéressé). Lui aussi est déçu par les vide greniers. Désormais, il achète en salle des ventes.
-Oui, lui dis-je, mais on ne peut acheter que des lots.
-C’est pourquoi je dois me débarrasser de tout ça, me dit il.
Au moins sera-t-il à l’abri s’il se met à pleuvoir, ayant choisi de s’installer sous l’arcade de la boutique de la Senecefe, rue aux Juifs.
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Il avait été question de remplacer ce Palais de Justice par un autre à l’architecture fonctionnelle qui aurait été situé près de la prison Bonne Nouvelle, pour le côté pratique. Le projet a été abandonné faute d’argent.
A Paris c’est fait. Le Palais de Justice de l’île de la Cité a vécu. L’un des derniers procès s’y déroulant aura été celui des relaxés de Tarnac et de Rouen. Le nouveau, dû à Renzo Piano, trois parallélépipèdes vitrés posés l’un sur l’autre, que je vois chaque mercredi en allant et revenant de la capitale, est tout en hauteur, fonctionnel sûrement, mais laid, du moins de loin. Sa structure en béton avait pourtant de l’allure au temps de sa construction.
J’irai voir ça de plus près, ce nouveau Palais de Justice est situé dans le quartier des Batignolles. Pour s’y rendre en métro, c’est la ligne Treize, laquelle était déjà saturée avant son ouverture, comme le rappelle Libération dans un article où est cité l’humoriste Bun Hay Mean, alias «le Chinois marrant» :
-La ligne 13, c’est celle qui relie la Roumanie aux enfers. C’est même à cause d’elle que le 13 porte malheur.
Ce bâtiment coûtera quatre-vingt-six millions d’euros par an, en loyer versé à Bouygues, jusqu’en deux mille quarante-quatre, pris sur le budget du Ministère de la Justice, la faute à Sarkozy et à son partenariat public privé.
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La gaffe.
Lui : « Ah, tu es drôlement bien sur cette photo ! »
Elle : « Ce n’est pas moi, c’est un modèle pour la coiffeuse. »
16 avril 2018
Jouer de la musique tandis que boivent, mangent et discutent ceux qui l’écoutent, c’est l’expérience à laquelle sont soumis des trios d’élèves du Conservatoire pour lesquels a été installée une scène sur la partie centrale des marches du foyer de l’Opéra de Rouen ce dimanche après-midi en avant-programme du concert Beethoven et Bizet.
Une femme assise à l’une des tables filme sa violoniste de fille avec son smartphone. Mon œil va de l’une à l’autre. Regarder celle qui admire celle qui joue, c’est voir la musicienne dans vingt-cinq ans.
Je n’attends pas qu’en ait terminé le deuxième trio pour aller m’asseoir au troisième rang du premier balcon et y étudier le programme tandis qu’on s’installe autour de moi. En cette fin de saison, il m’en coûte de plus en plus d’avoir des voisins. Ceux-là ne sont pourtant pas gênants.
Des caméras sont placées en différents points. Certaines se débrouillent seules, dont l’une qui va et vient horizontalement en fond de scène. D’autres sont dirigées ou portées par des cadreurs. Le concert est enregistré par la Compagnie Lyonnaise Cinéma et sera notamment diffusé sur La Chaîne Normande.
En apéritif, c’est Leonore, l’ouverture numéro un du Fidelio de Ludwig van Beethoven. David Reiland est à la direction musicale, chef d’orchestre de tendance expressionniste, dont l’ample gestuelle est un moyen de l’efficacité.
Il donne toute sa mesure avec le Concerto pour violon en ré majeur du même. Lorenzo Gatto est au violon, un stradivarius de mil six cent quatre-vingt-dix-huit dont il tire le meilleur. L’Orchestre n’est pas en reste, conduit d’une main de maître par le maestro dansant. Sa façon de jeter son corps en arrière puis de le lancer vers l’avant me plait particulièrement. Impossible pour moi d’entendre ce concerto sans y inclure en arrière-fond La Route du levant que Gérard Manset écrivit pour Anne Vanderlove en mil neuf cent soixante-dix.
Lorenzo Gatto est triomphalement applaudi, et rappelé avec insistance. Il nous offre un bonus qu’il a l’obligeance d’annoncer avant de le jouer : Carnaval de Venise de Paganini. Sa délectable interprétation lui vaut un nouveau rappel, ce qui nous vaut un presto de Jean Sébastien Bach. Nouvelle ovation, Lorenzo Gatto nous dit avoir l’épaule qui commence à fatiguer mais ajoute à notre plaisir une sarabande du même.
En dessert, après l’entracte, l’Orchestre, toujours magnifiquement conduit par le mouvant David Reiland, joue la Symphonie en ut majeur de Georges Bizet, qu’il composa à dix-sept ans et ne fut jouée que soixante ans après sa mort. Chaque mouvement est un régal. L’adagio permet à Jérôme Laborde de montrer ce qu’il sait faire avec son hautbois. Il est applaudi très fort. L’Orchestre a sa part. Et le maestro la sienne, qui ordinairement se partage entre la direction de l’Orchestre National de Lorraine et celle du Sinfonietta de Lausanne. Il serait prêt à nous donner un bis mais quand il consulte les musiciens du regard, ceux-ci lui font comprendre que non, Lorenzo Gatto nous a déjà mis en retard, la journée de travail est finie, c’est l’heure d’aller au lit.
*
Je ne sais plus à quel moment les musiciens de l’Opéra de Rouen ont été autorisés à jeter la cravate rouge qui les faisait ressembler aux gardiens de la Fondation Vuitton mais ce fut une heureuse initiative.
*
Au tour de certains des arbres situés derrière l’église Saint-Maclou de se faire tronçonner. Je le constate tristement ce jeudi en début d’après-midi quand je vais boire un café au Grand Saint Marc. Je fais quelques photos du massacre. Personne ne proteste ? s’étonne un ancien Rouennais de ma connaissance. Eh non ! A chaque fois, le voisinage se lamente, et c’est tout.
*
Première fois de l’année, ce samedi, que la température extérieure me permet d’ouvrir la fenêtre de ma chambre pour écouter le concert de carillon de onze heures trente. Dans le programme : Sur la route de Louviers.
Ville natale, cela fait un moment que je ne t’aie pas vue.
Une femme assise à l’une des tables filme sa violoniste de fille avec son smartphone. Mon œil va de l’une à l’autre. Regarder celle qui admire celle qui joue, c’est voir la musicienne dans vingt-cinq ans.
Je n’attends pas qu’en ait terminé le deuxième trio pour aller m’asseoir au troisième rang du premier balcon et y étudier le programme tandis qu’on s’installe autour de moi. En cette fin de saison, il m’en coûte de plus en plus d’avoir des voisins. Ceux-là ne sont pourtant pas gênants.
Des caméras sont placées en différents points. Certaines se débrouillent seules, dont l’une qui va et vient horizontalement en fond de scène. D’autres sont dirigées ou portées par des cadreurs. Le concert est enregistré par la Compagnie Lyonnaise Cinéma et sera notamment diffusé sur La Chaîne Normande.
En apéritif, c’est Leonore, l’ouverture numéro un du Fidelio de Ludwig van Beethoven. David Reiland est à la direction musicale, chef d’orchestre de tendance expressionniste, dont l’ample gestuelle est un moyen de l’efficacité.
Il donne toute sa mesure avec le Concerto pour violon en ré majeur du même. Lorenzo Gatto est au violon, un stradivarius de mil six cent quatre-vingt-dix-huit dont il tire le meilleur. L’Orchestre n’est pas en reste, conduit d’une main de maître par le maestro dansant. Sa façon de jeter son corps en arrière puis de le lancer vers l’avant me plait particulièrement. Impossible pour moi d’entendre ce concerto sans y inclure en arrière-fond La Route du levant que Gérard Manset écrivit pour Anne Vanderlove en mil neuf cent soixante-dix.
Lorenzo Gatto est triomphalement applaudi, et rappelé avec insistance. Il nous offre un bonus qu’il a l’obligeance d’annoncer avant de le jouer : Carnaval de Venise de Paganini. Sa délectable interprétation lui vaut un nouveau rappel, ce qui nous vaut un presto de Jean Sébastien Bach. Nouvelle ovation, Lorenzo Gatto nous dit avoir l’épaule qui commence à fatiguer mais ajoute à notre plaisir une sarabande du même.
En dessert, après l’entracte, l’Orchestre, toujours magnifiquement conduit par le mouvant David Reiland, joue la Symphonie en ut majeur de Georges Bizet, qu’il composa à dix-sept ans et ne fut jouée que soixante ans après sa mort. Chaque mouvement est un régal. L’adagio permet à Jérôme Laborde de montrer ce qu’il sait faire avec son hautbois. Il est applaudi très fort. L’Orchestre a sa part. Et le maestro la sienne, qui ordinairement se partage entre la direction de l’Orchestre National de Lorraine et celle du Sinfonietta de Lausanne. Il serait prêt à nous donner un bis mais quand il consulte les musiciens du regard, ceux-ci lui font comprendre que non, Lorenzo Gatto nous a déjà mis en retard, la journée de travail est finie, c’est l’heure d’aller au lit.
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Je ne sais plus à quel moment les musiciens de l’Opéra de Rouen ont été autorisés à jeter la cravate rouge qui les faisait ressembler aux gardiens de la Fondation Vuitton mais ce fut une heureuse initiative.
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Au tour de certains des arbres situés derrière l’église Saint-Maclou de se faire tronçonner. Je le constate tristement ce jeudi en début d’après-midi quand je vais boire un café au Grand Saint Marc. Je fais quelques photos du massacre. Personne ne proteste ? s’étonne un ancien Rouennais de ma connaissance. Eh non ! A chaque fois, le voisinage se lamente, et c’est tout.
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Première fois de l’année, ce samedi, que la température extérieure me permet d’ouvrir la fenêtre de ma chambre pour écouter le concert de carillon de onze heures trente. Dans le programme : Sur la route de Louviers.
Ville natale, cela fait un moment que je ne t’aie pas vue.
13 avril 2018
Ce mercredi midi, mon déjeuner au Palais de Pékin est sans histoire mais en remontant la rue du Chemin-Vert en direction de la Petite Rockette je me fais choper par la voiture à Mappy qui la descend au son d’une musique de kermesse. Protégé que j’étais par une camionnette stationnée, j’espère ne pas être trop visible sur les images.
Il est presque treize heures. Ce sont surtout des femmes qui attendent devant la recyclerie, venues pour le chiffon et le bibelot ; personne d’autre que moi pour le livre.
J’en ressors avec deux ouvrages de poésie publiés chez Gallimard, Ombre du Paradis de Vicente Alexandre et Axion Esti d’Odysseus Elytis, puis avec le métro Trois rejoins Quatre-Septembre. Au café brasserie des Ducs, j’achève la lecture d’Et devant moi, le monde, l’autobiographie de Joyce Maynard, qui narre en détail sa relation avec Jerry, c'est-à-dire Salinger, écrivain devenu mythique par sa volonté de se tenir loin des médias et de ses lecteurs.
Le portrait de l’homme qui a écrit, après avoir vu sa photo dans un magazine, à la jeune fille de dix-huit ans qu’elle était et l’a séduite, la convaincant de quitter ses études pour vivre recluse avec lui, ne se souciant ni de ses problèmes d’anorexie ni de ses problèmes sexuels, uniquement occupé à l’étude de l’homéopathie, à la confection de repas ascétiques et au visionnage de deux films par soirée, puis la congédiant brutalement, est édifiant. Bien qu’elle ne l’accable pas, l’image de l’auteur de L’Attrape-cœurs en prend un coup.
Après être passé au second Book-Off et y avoir trouvé à un euro Quand vous viendrez me voir aux Antipodes (Lettres à Pierre Boncenne) de Simon Leys (Editions Philippe Rey), je prends un autre café A la Ville d’Argentan. L’écran muet dans mon dos montre en boucle les assauts des Gendarmes Mobiles contre les courageux zadistes de Notre-Dame-des-Landes. Un habitué, gros beauf à moustache, juge qu’on devrait y envoyer la Légion, ça irait plus vite.
Qu’ont fait ces réfractaires à Macron, Philippe, Collomb et autres chantres de l’ordre libéral ? Il faut faire peur à ceux qui tentent de vivre autrement. Sûr que ce n’est pas moi qui irais m'installer dans ce bocage boueux et sans charme.
Le dix-sept heures quarante-huit est à quai quand j’arrive à Saint-Lazare. Ce n’est pas la bétaillère habituelle mais pire : un ancien Transilien à rangées de triples sièges se faisant face. La saleté de la voiture dans laquelle je monte est impressionnante.
-Quelle horreur, commente celui qui me suit. Et en plus il pue.
La cheffe de bord signale que les contrôleurs passeront annoter les billets de première classe pour la raison qu’il n’y en a pas.
-Nous vous souhaitons un bon voyage à bord de ce train Excellence 2020, ajoute-t-elle.
A l’arrivée à Rouen, ce sera vingt minutes de retard, la faute au train nous précédant.
*
Combien de fois ai-je entendu dire que l’Ecole devait se tenir hors de la politique. Ce jeudi midi, Macron est dans une classe de l’école de Berd’huis dans l’Orne (ce département que Morin, Duc de Normandie, a qualifié de trou du cul du monde), Il discute avec le vieux Pernaut aux cheveux teints. Ce copain des évêques serait plus à sa place dans l’église du village.
*
La bonne nouvelle de ce jeudi : la relaxe des « inculpé(e)s » de l’affaire dite de Tarnac.
Il est presque treize heures. Ce sont surtout des femmes qui attendent devant la recyclerie, venues pour le chiffon et le bibelot ; personne d’autre que moi pour le livre.
J’en ressors avec deux ouvrages de poésie publiés chez Gallimard, Ombre du Paradis de Vicente Alexandre et Axion Esti d’Odysseus Elytis, puis avec le métro Trois rejoins Quatre-Septembre. Au café brasserie des Ducs, j’achève la lecture d’Et devant moi, le monde, l’autobiographie de Joyce Maynard, qui narre en détail sa relation avec Jerry, c'est-à-dire Salinger, écrivain devenu mythique par sa volonté de se tenir loin des médias et de ses lecteurs.
Le portrait de l’homme qui a écrit, après avoir vu sa photo dans un magazine, à la jeune fille de dix-huit ans qu’elle était et l’a séduite, la convaincant de quitter ses études pour vivre recluse avec lui, ne se souciant ni de ses problèmes d’anorexie ni de ses problèmes sexuels, uniquement occupé à l’étude de l’homéopathie, à la confection de repas ascétiques et au visionnage de deux films par soirée, puis la congédiant brutalement, est édifiant. Bien qu’elle ne l’accable pas, l’image de l’auteur de L’Attrape-cœurs en prend un coup.
Après être passé au second Book-Off et y avoir trouvé à un euro Quand vous viendrez me voir aux Antipodes (Lettres à Pierre Boncenne) de Simon Leys (Editions Philippe Rey), je prends un autre café A la Ville d’Argentan. L’écran muet dans mon dos montre en boucle les assauts des Gendarmes Mobiles contre les courageux zadistes de Notre-Dame-des-Landes. Un habitué, gros beauf à moustache, juge qu’on devrait y envoyer la Légion, ça irait plus vite.
Qu’ont fait ces réfractaires à Macron, Philippe, Collomb et autres chantres de l’ordre libéral ? Il faut faire peur à ceux qui tentent de vivre autrement. Sûr que ce n’est pas moi qui irais m'installer dans ce bocage boueux et sans charme.
Le dix-sept heures quarante-huit est à quai quand j’arrive à Saint-Lazare. Ce n’est pas la bétaillère habituelle mais pire : un ancien Transilien à rangées de triples sièges se faisant face. La saleté de la voiture dans laquelle je monte est impressionnante.
-Quelle horreur, commente celui qui me suit. Et en plus il pue.
La cheffe de bord signale que les contrôleurs passeront annoter les billets de première classe pour la raison qu’il n’y en a pas.
-Nous vous souhaitons un bon voyage à bord de ce train Excellence 2020, ajoute-t-elle.
A l’arrivée à Rouen, ce sera vingt minutes de retard, la faute au train nous précédant.
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Combien de fois ai-je entendu dire que l’Ecole devait se tenir hors de la politique. Ce jeudi midi, Macron est dans une classe de l’école de Berd’huis dans l’Orne (ce département que Morin, Duc de Normandie, a qualifié de trou du cul du monde), Il discute avec le vieux Pernaut aux cheveux teints. Ce copain des évêques serait plus à sa place dans l’église du village.
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La bonne nouvelle de ce jeudi : la relaxe des « inculpé(e)s » de l’affaire dite de Tarnac.
12 avril 2018
Les bûcherons ont bien travaillé sur le parvis de la gare de Rouen. Les arbres, côté taxis, qui protégeaient les voyageurs de la pluie, ou leur donnaient de l’ombre, sont désormais parfaitement rangés sous forme de rondins. Il s’agit pour la Métropole de requalifier la place (comme ils disent)
« Ce n'est pas une surprise, commente France Trois Normandie. Sur les maquettes du projet d'aménagement, ces arbres ne figuraient pas. Les espaces verts seront des « salons urbains ». Un concept très à la mode chez les architectes et les élus. La verdure est millimétrée. L'arbre grandeur nature, refuge des oiseaux, qui laisse tomber des feuilles, ombrage, rafraîchit lors des grosses chaleurs est devenu dérangeant. »
La surprise, c’est l’arrivée d’un train Corail en gare à sept heures cinquante-six. Depuis au moins deux mois, il était remplacé par moins bien. L’un des deux phares de la locomotive est en panne mais elle roule bien et ce n’est qu’avec cinq minutes de retard que j’arrive à Saint-Lazare.
De quoi être devant le Book-Off de Ledru-Rollin pour l’ouverture des portes. Il est rare que j’y trouve un livre à un euro achetable au rayon Erotisme, mais là oui : Anthologie du coït de Mathias et Jean-Jacques Pauvert (La Musardine).
Il fait beau. Le soleil me permet de m’attarder au marché d’Aligre mais j’en repars bredouille en direction de la rue du Chemin Vert.
*
Ligne Huit du métro, un trentenaire à l’homme aux cheveux blancs qui lorgne avidement sur sa place assise :
-Désolé monsieur, vous n’êtes pas encore assez vieux pour que je vous donne ma place.
*
Dans la ville que je délaisse le mercredi se déroule ce onze avril au Cent Six une réunion des élus de tous les bords : « Rouen, capitale européenne de la culture en 2028 ? » Le fantasme est dans la formule et la réalité dans le point d’interrogation.
Cette réunion aurait dû se tenir le premier avril.
« Ce n'est pas une surprise, commente France Trois Normandie. Sur les maquettes du projet d'aménagement, ces arbres ne figuraient pas. Les espaces verts seront des « salons urbains ». Un concept très à la mode chez les architectes et les élus. La verdure est millimétrée. L'arbre grandeur nature, refuge des oiseaux, qui laisse tomber des feuilles, ombrage, rafraîchit lors des grosses chaleurs est devenu dérangeant. »
La surprise, c’est l’arrivée d’un train Corail en gare à sept heures cinquante-six. Depuis au moins deux mois, il était remplacé par moins bien. L’un des deux phares de la locomotive est en panne mais elle roule bien et ce n’est qu’avec cinq minutes de retard que j’arrive à Saint-Lazare.
De quoi être devant le Book-Off de Ledru-Rollin pour l’ouverture des portes. Il est rare que j’y trouve un livre à un euro achetable au rayon Erotisme, mais là oui : Anthologie du coït de Mathias et Jean-Jacques Pauvert (La Musardine).
Il fait beau. Le soleil me permet de m’attarder au marché d’Aligre mais j’en repars bredouille en direction de la rue du Chemin Vert.
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Ligne Huit du métro, un trentenaire à l’homme aux cheveux blancs qui lorgne avidement sur sa place assise :
-Désolé monsieur, vous n’êtes pas encore assez vieux pour que je vous donne ma place.
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Dans la ville que je délaisse le mercredi se déroule ce onze avril au Cent Six une réunion des élus de tous les bords : « Rouen, capitale européenne de la culture en 2028 ? » Le fantasme est dans la formule et la réalité dans le point d’interrogation.
Cette réunion aurait dû se tenir le premier avril.
11 avril 2018
Ce dimanche après-midi, j’ai une place centrée au cinquième rang du premier balcon de l’Opéra de Rouen pour L’Enlèvement au sérail de Wolfgang Amadeus Mozart, opéra singspiel (chanté parlé) dont je ne connais que l’ouverture. Le livret est dû à Johann Gottlieb Stephanie.
A la baguette, c’est le sympathique et chevronné Antony Hermus dont je peux apercevoir la tête et la gestuelle tout en ayant vue sur l’ensemble du plateau et le surtitrage en français. Emmanuelle Cordoliani, la metteuse en scène, a transporté l’action d’un palais turc du dix-huitième siècle à un cabaret de la Belle Epoque nommé Le Sérail. Constance et sa servante Blonde y sont retenues par Selim Bassa et son âme damnée Osmin. Leurs amoureux respectifs, Belmonte et Pedrillo, cherchent à les délivrer et y parviendront grâce à la magnanimité du geôlier.
« Trois heures vingt avec entracte, ça a intérêt à être bien », s’inquiétait l’un de mes voisins de derrière. Ça l’est. La musique, le décor, la mise en scène, le jeu et le chant, tout me va. Les solistes sont pour partie les lauréats deux mille dix-sept du Concours International de Chant de Clermont-Ferrand. Comme souvent, j’apprécie surtout les chanteuses, deux sopranos talentueuses : Katharine Dain qui interprète Constance et Pauline Texier qui interprète Blonde, perruque bleue et tenue sexy. Je ne dois pas être le seul que cette petite soubrette fasse rêver. Les dames du public n’ont pas à se plaindre avec Stéphane Mercoyrol qui tient le rôle parlé de Selim, voix mâle et sensuelle, physique à l’avenant. Le discret murmure approbateur qui suit l’enlèvement de sa chemise me donne à penser que plus d’une serait ravie d’être sa prisonnière.
Un peu d’humour, un peu de gravité, le recours ponctuel aux marionnettes, au mime et aux ombres chinoises, un propos féministe qui pourrait bien avoir été modernisé dans la partie parlée, cet Enlèvement au sérail assure un véritable triomphe aux chanteurs, comédiens et musiciens, ainsi qu’au maestro, et à Mozart.
*
La réplique de la fille aux cheveux bleus à la question : « Et Blonde, qui va l’emmener ? » : « On n’emmène pas Blonde. Elle s’en va toute seule. »
*
Et dans la bouche de Selim, de quoi cogiter un moment : « Puisque dans ce monde tout est néant, suppose que tu n’existes pas et sois libre. »
*
Quand on consulte Internet, on ne trouve rien sur Stéphane Mercoyrol, hormis qu’il a joué dans quelques films, dont La Vie d’Adèle. Et son adresse et numéro de téléphone à Paris (cela dit au cas où l’une).
*
Le correcteur automatique d’orthographe me dit « plus d’une seraient ». Je vérifie et suis conforté dans mon « plus d’une serait ». Quand même, c’est étrange ce plus d’un, c’est-à-dire au moins deux, suivi d’un verbe au singulier. Tout aussi étrange, moins de deux, c’est-à-dire un ou zéro, suivi d’un verbe au pluriel.
*
Plus d’un est venu et moins de deux sont partis, combien en reste-t-il ?
A la baguette, c’est le sympathique et chevronné Antony Hermus dont je peux apercevoir la tête et la gestuelle tout en ayant vue sur l’ensemble du plateau et le surtitrage en français. Emmanuelle Cordoliani, la metteuse en scène, a transporté l’action d’un palais turc du dix-huitième siècle à un cabaret de la Belle Epoque nommé Le Sérail. Constance et sa servante Blonde y sont retenues par Selim Bassa et son âme damnée Osmin. Leurs amoureux respectifs, Belmonte et Pedrillo, cherchent à les délivrer et y parviendront grâce à la magnanimité du geôlier.
« Trois heures vingt avec entracte, ça a intérêt à être bien », s’inquiétait l’un de mes voisins de derrière. Ça l’est. La musique, le décor, la mise en scène, le jeu et le chant, tout me va. Les solistes sont pour partie les lauréats deux mille dix-sept du Concours International de Chant de Clermont-Ferrand. Comme souvent, j’apprécie surtout les chanteuses, deux sopranos talentueuses : Katharine Dain qui interprète Constance et Pauline Texier qui interprète Blonde, perruque bleue et tenue sexy. Je ne dois pas être le seul que cette petite soubrette fasse rêver. Les dames du public n’ont pas à se plaindre avec Stéphane Mercoyrol qui tient le rôle parlé de Selim, voix mâle et sensuelle, physique à l’avenant. Le discret murmure approbateur qui suit l’enlèvement de sa chemise me donne à penser que plus d’une serait ravie d’être sa prisonnière.
Un peu d’humour, un peu de gravité, le recours ponctuel aux marionnettes, au mime et aux ombres chinoises, un propos féministe qui pourrait bien avoir été modernisé dans la partie parlée, cet Enlèvement au sérail assure un véritable triomphe aux chanteurs, comédiens et musiciens, ainsi qu’au maestro, et à Mozart.
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La réplique de la fille aux cheveux bleus à la question : « Et Blonde, qui va l’emmener ? » : « On n’emmène pas Blonde. Elle s’en va toute seule. »
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Et dans la bouche de Selim, de quoi cogiter un moment : « Puisque dans ce monde tout est néant, suppose que tu n’existes pas et sois libre. »
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Quand on consulte Internet, on ne trouve rien sur Stéphane Mercoyrol, hormis qu’il a joué dans quelques films, dont La Vie d’Adèle. Et son adresse et numéro de téléphone à Paris (cela dit au cas où l’une).
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Le correcteur automatique d’orthographe me dit « plus d’une seraient ». Je vérifie et suis conforté dans mon « plus d’une serait ». Quand même, c’est étrange ce plus d’un, c’est-à-dire au moins deux, suivi d’un verbe au singulier. Tout aussi étrange, moins de deux, c’est-à-dire un ou zéro, suivi d’un verbe au pluriel.
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Plus d’un est venu et moins de deux sont partis, combien en reste-t-il ?
10 avril 2018
Encore un vide grenier de proximité ce dimanche, rue de la Champmeslé et dans les adjacentes, il est organisé par le Comité Commercial Leclerc Ouest, deux cents à trois cents exposants annoncés.
Quand j’y arrive, ils ne sont pas cent. La pluie, annoncée elle aussi, n’y est pas. Cette fois, on trouve des vendeurs du lieu, notamment des commerçants, mais ce n’est pas plus fructueux pour moi.
Je ne m’y attarde pas et vais au marché du Clos Saint-Marc, côté brocanteurs et bouquinistes, pour rien.
*
La veille, profitant d’un relatif beau temps, je m’installe pour la première fois de l’année vers midi à la terrasse du Son du Cor. Celle-ci est désormais surmontée d’un nouvel auvent avec des abattants. C’est pesant. On se croirait sous une tente de l’Armée. Autre nouveauté : un cendrier et une carte des boissons sur les tables dont la nouvelle disposition me déplaît. La mienne bénéficie quand même du soleil. Des trois arbres qui devaient remplacer les trois abattus durant l’hiver, seuls deux ont été plantés. J’y lis tranquillement Endetté comme une mule d’Eric Losfeld jusqu’à ce qu’arrivent des copines de la serveuse, une quadragénaire à gros chien, une vingtenaire à petit chien. Ce dernier non seulement aboie mais se met à vomir, m’obligeant à décamper.
*
Dans la boîte à lettres, ma déclaration préremplie de revenus deux mille dix-sept :
« Si votre revenu fiscal de référence de 2016 est supérieur à 15 000 euros et que votre résidence principale est équipée d’un accès à internet, votre déclaration de revenus doit être réalisée par internet.
Toutefois, si vous estimez ne pas être en mesure de le faire, vous pouvez continuer à utiliser le présent formulaire. »
Vous devez mais vous pouvez.
Quand j’y arrive, ils ne sont pas cent. La pluie, annoncée elle aussi, n’y est pas. Cette fois, on trouve des vendeurs du lieu, notamment des commerçants, mais ce n’est pas plus fructueux pour moi.
Je ne m’y attarde pas et vais au marché du Clos Saint-Marc, côté brocanteurs et bouquinistes, pour rien.
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La veille, profitant d’un relatif beau temps, je m’installe pour la première fois de l’année vers midi à la terrasse du Son du Cor. Celle-ci est désormais surmontée d’un nouvel auvent avec des abattants. C’est pesant. On se croirait sous une tente de l’Armée. Autre nouveauté : un cendrier et une carte des boissons sur les tables dont la nouvelle disposition me déplaît. La mienne bénéficie quand même du soleil. Des trois arbres qui devaient remplacer les trois abattus durant l’hiver, seuls deux ont été plantés. J’y lis tranquillement Endetté comme une mule d’Eric Losfeld jusqu’à ce qu’arrivent des copines de la serveuse, une quadragénaire à gros chien, une vingtenaire à petit chien. Ce dernier non seulement aboie mais se met à vomir, m’obligeant à décamper.
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Dans la boîte à lettres, ma déclaration préremplie de revenus deux mille dix-sept :
« Si votre revenu fiscal de référence de 2016 est supérieur à 15 000 euros et que votre résidence principale est équipée d’un accès à internet, votre déclaration de revenus doit être réalisée par internet.
Toutefois, si vous estimez ne pas être en mesure de le faire, vous pouvez continuer à utiliser le présent formulaire. »
Vous devez mais vous pouvez.
9 avril 2018
Au tour de Jacques Higelin de mourir, après avoir survécu à bien des abus, malade depuis un certain temps d’on ne sait quoi. La nouvelle m’attriste et rend également triste celle avec qui je l’ai vu en concert, comme me le dit le message qu’elle m’envoie de Nancy ce vendredi après-midi.
Au milieu des années soixante-dix les disques d’Higelin (avec ceux de Ferré) étaient sans cesse sur ma platine dans les trous perdus de l’Eure où je faisais l’instituteur, en maternelle au hameau de Garel, en classe unique à Champigny-la-Futelaye puis au hameau des Taisnières.
De cette époque date la première fois où je l’ai vu en concert. J’étais allé à Paris avec ma Quatre Ailes à trois vitesses. Dans un immense hangar près du périphérique se succédaient nombre de chanteuses et de chanteurs. Il s’agissait de sauver Libération dont les caisses étaient vides. Higelin fut le dernier à chanter et cela dura jusqu’à la fin de la nuit. En sortant je croisais mon frère Jacques que je ne savais pas là.
Ce n’est qu’après mon installation à Rouen que je le revis sur scène, notamment fin deux mille cinq ou début deux mille six, pour son spectacle Higelin enchante Trenet. C’était avant que je commence l’écriture de ce Journal.
En janvier deux mille sept, j’étais au Rive Gauche avec celle qui me tenait la main. Les places nous avaient été offertes par ses parents (ils avaient eu deux invitations). Il en reste une trace écrite. Extrait :
Toujours en forme l’artiste, higelinesque en diable, commençant « au minimum » pour bientôt prendre son envol, « tomber du ciel » et se rattraper au branches ; justifiant sa « réputation d’équilibriste », un petit verre de vin rouge pas loin, ses lunettes posées n’importe où, un chien entrant en scène côté jardin et vite rattrapé ; ne sachant pas (Higelin, pas le chien) les paroles des chansons de son dernier disque (vraiment très bien ce nouvel opus) ; se plantant au piano, s’arrêtant, recommençant ; racontant n’importe quoi, parlant par exemple des femmes de France Culture qui posent des questions sur les Esquimaux et en arrivant au projet d’aller « niquer les otaries » ; bref faisant le Jacques comme lui seul sait le faire.
En février deux mille huit, il passe au Hangar Vingt-Trois et j’y suis seul :
La salle est comble maintenant, des assis comme moi et des debout collé(e)s à la scène. Les lumières baissent. Les musiciens entrent et attaquent la première chanson. Le Jacques commence à chanter Je veux cette fille, à l’arrière, invisible : Je veux cette fille/ Cette fille/ Qui était avec moi. Je suis comme lui, mais ce soir, hélas, elle est à Paris (sans doute pas dans son lit).
Le voici dans son grand manteau gris, les cheveux en bataille un peu plus blancs que l’an dernier peut-être, le visage émacié et le regard assuré, apparemment en pleine forme. C’est qu’il n’est plus tout jeune, « né sous les bombes en quarante », comme il dit. Il se glisse devant le piano, se lève, se rassoit, derrière lui ses cinq musiciens mettent la dose, à la guitare un virtuose chevelu et habité, aux claviers un jeune homme discret, au violoncelle un quinquagénaire débonnaire, aux percussions un docteur bricoleur et à la batterie un autre jeune homme qui semble avoir seize ans et qui en a peut-être vingt, applaudissements pour tout le monde et bravos pour les autres.
Je le revois en mars deux mille neuf mais pas sur scène, à l’enterrement de Bashung :
Là-bas sur un autre banc, Higelin est assis avec un de ses amis, près d’une femme à bouquet, se décoiffant régulièrement, comme il sait bien le faire.
Nous étions peu au Père Lachaise, pour la raison que la cérémonie avait lieu avant l’heure indiquée. Je me souviens qu’un des présents lui avait dit, à propos de je ne sais quoi, « C’était le bon temps », à qui il avait répondu :
-Le bon temps, c’est toujours maintenant.
En mars deux mille onze, Higelin est de nouveau programmé au Rive Gauche. Celle avec qui je dois aller à son concert vient de Paris à cet effet, ce qui lui réserve une surprise :
Dans le train, ayant envie d’aller aux toilettes et n’en trouvant pas d’ouvertes, elle s’adresse à un type qui lit Le Canard Enchaîné vautré sur la banquette d’une voiture de première classe dont il est le seul passager:
-Vous ne savez pas s’il y a des toilettes ouvertes quelque part dans ce train ?
-Ah ça, mademoiselle, il faut poser la question au contrôleur, lui répond-il ironiquement.
Elle se retourne un peu agacée et découvre qu’il s’agit d’Higelin. Elle lui dit qu’elle vient le voir en concert.
-Vous avez des places ? lui demande-t-il.
Oui, elle en a, ou j’en ai, plus précisément. Higelin lui souhaite de trouver des toilettes avant l’heure du concert.
Lors de cette soirée, il y avait en première partie une chanteuse fatigante dont j’omets le nom et il fut trop bavard, ce qui me découragea d’aller le revoir.
*
Deux souvenirs des concerts d’Higelin auxquels j’ai assisté avant de commencer à les raconter. Son excuse à une arrivée en retard : « Je suis allé me branler sur la tombe d’Apollinaire ». Cette formule revigorante : « La vie est dure, oui elle est dure. Manquerait plus qu’elle soit molle. »
*
Samedi matin, j’achète Libération. En couverture, une belle photo noir et blanc jouxtée des paroles d’une de ses chansons : Sur la terre/ Face au ciel/ Tête en l’air/ Amoureux. A l’intérieur, seulement quatre pages sur l’artiste, et des plus banales. Ceux qui les ont rédigées ne doivent pas connaître l’histoire du journal dans lequel ils travaillent.
*
Soixante-dix-sept ans. Higelin, c’était aussi ma balise de dans dix ans. Ses obsèques auront lieu jeudi à quinze heures trente au Père Lachaise et le public y est invité. J’irai sur sa tombe (comme on dit) plus tard.
Au milieu des années soixante-dix les disques d’Higelin (avec ceux de Ferré) étaient sans cesse sur ma platine dans les trous perdus de l’Eure où je faisais l’instituteur, en maternelle au hameau de Garel, en classe unique à Champigny-la-Futelaye puis au hameau des Taisnières.
De cette époque date la première fois où je l’ai vu en concert. J’étais allé à Paris avec ma Quatre Ailes à trois vitesses. Dans un immense hangar près du périphérique se succédaient nombre de chanteuses et de chanteurs. Il s’agissait de sauver Libération dont les caisses étaient vides. Higelin fut le dernier à chanter et cela dura jusqu’à la fin de la nuit. En sortant je croisais mon frère Jacques que je ne savais pas là.
Ce n’est qu’après mon installation à Rouen que je le revis sur scène, notamment fin deux mille cinq ou début deux mille six, pour son spectacle Higelin enchante Trenet. C’était avant que je commence l’écriture de ce Journal.
En janvier deux mille sept, j’étais au Rive Gauche avec celle qui me tenait la main. Les places nous avaient été offertes par ses parents (ils avaient eu deux invitations). Il en reste une trace écrite. Extrait :
Toujours en forme l’artiste, higelinesque en diable, commençant « au minimum » pour bientôt prendre son envol, « tomber du ciel » et se rattraper au branches ; justifiant sa « réputation d’équilibriste », un petit verre de vin rouge pas loin, ses lunettes posées n’importe où, un chien entrant en scène côté jardin et vite rattrapé ; ne sachant pas (Higelin, pas le chien) les paroles des chansons de son dernier disque (vraiment très bien ce nouvel opus) ; se plantant au piano, s’arrêtant, recommençant ; racontant n’importe quoi, parlant par exemple des femmes de France Culture qui posent des questions sur les Esquimaux et en arrivant au projet d’aller « niquer les otaries » ; bref faisant le Jacques comme lui seul sait le faire.
En février deux mille huit, il passe au Hangar Vingt-Trois et j’y suis seul :
La salle est comble maintenant, des assis comme moi et des debout collé(e)s à la scène. Les lumières baissent. Les musiciens entrent et attaquent la première chanson. Le Jacques commence à chanter Je veux cette fille, à l’arrière, invisible : Je veux cette fille/ Cette fille/ Qui était avec moi. Je suis comme lui, mais ce soir, hélas, elle est à Paris (sans doute pas dans son lit).
Le voici dans son grand manteau gris, les cheveux en bataille un peu plus blancs que l’an dernier peut-être, le visage émacié et le regard assuré, apparemment en pleine forme. C’est qu’il n’est plus tout jeune, « né sous les bombes en quarante », comme il dit. Il se glisse devant le piano, se lève, se rassoit, derrière lui ses cinq musiciens mettent la dose, à la guitare un virtuose chevelu et habité, aux claviers un jeune homme discret, au violoncelle un quinquagénaire débonnaire, aux percussions un docteur bricoleur et à la batterie un autre jeune homme qui semble avoir seize ans et qui en a peut-être vingt, applaudissements pour tout le monde et bravos pour les autres.
Je le revois en mars deux mille neuf mais pas sur scène, à l’enterrement de Bashung :
Là-bas sur un autre banc, Higelin est assis avec un de ses amis, près d’une femme à bouquet, se décoiffant régulièrement, comme il sait bien le faire.
Nous étions peu au Père Lachaise, pour la raison que la cérémonie avait lieu avant l’heure indiquée. Je me souviens qu’un des présents lui avait dit, à propos de je ne sais quoi, « C’était le bon temps », à qui il avait répondu :
-Le bon temps, c’est toujours maintenant.
En mars deux mille onze, Higelin est de nouveau programmé au Rive Gauche. Celle avec qui je dois aller à son concert vient de Paris à cet effet, ce qui lui réserve une surprise :
Dans le train, ayant envie d’aller aux toilettes et n’en trouvant pas d’ouvertes, elle s’adresse à un type qui lit Le Canard Enchaîné vautré sur la banquette d’une voiture de première classe dont il est le seul passager:
-Vous ne savez pas s’il y a des toilettes ouvertes quelque part dans ce train ?
-Ah ça, mademoiselle, il faut poser la question au contrôleur, lui répond-il ironiquement.
Elle se retourne un peu agacée et découvre qu’il s’agit d’Higelin. Elle lui dit qu’elle vient le voir en concert.
-Vous avez des places ? lui demande-t-il.
Oui, elle en a, ou j’en ai, plus précisément. Higelin lui souhaite de trouver des toilettes avant l’heure du concert.
Lors de cette soirée, il y avait en première partie une chanteuse fatigante dont j’omets le nom et il fut trop bavard, ce qui me découragea d’aller le revoir.
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Deux souvenirs des concerts d’Higelin auxquels j’ai assisté avant de commencer à les raconter. Son excuse à une arrivée en retard : « Je suis allé me branler sur la tombe d’Apollinaire ». Cette formule revigorante : « La vie est dure, oui elle est dure. Manquerait plus qu’elle soit molle. »
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Samedi matin, j’achète Libération. En couverture, une belle photo noir et blanc jouxtée des paroles d’une de ses chansons : Sur la terre/ Face au ciel/ Tête en l’air/ Amoureux. A l’intérieur, seulement quatre pages sur l’artiste, et des plus banales. Ceux qui les ont rédigées ne doivent pas connaître l’histoire du journal dans lequel ils travaillent.
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Soixante-dix-sept ans. Higelin, c’était aussi ma balise de dans dix ans. Ses obsèques auront lieu jeudi à quinze heures trente au Père Lachaise et le public y est invité. J’irai sur sa tombe (comme on dit) plus tard.
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