Belle journée annoncée, c’est le moment de réussir à aller de Rouen à Fécamp. Il faut prendre un premier train qui va au Havre puis un second qui vient du Havre. Le battement entre les deux est de dix minutes en gare de Bréauté Beuzeville. Le premier (venant de Paris) doit donc être à l’heure. C’est le cas ce vendredi.
Jamais encore je n’ai pris un train si court, me dis-je en voyant arriver le deuxième. Il ne se compose que d’une voiture, n’est pas plus long qu’un bus. Surprise, il est quasiment plein. Un cleube du troisième âge est en vadrouille, désirant visiter la Bénédictine et y goûter. Les quelques personnes montées en même temps que moi à Bréauté doivent se caser sur des strapontins. Je m’assois sur le seul siège vacant au risque d’être pris pour l’un des retraités réjouis voyageant en troupeau. Ils ne cessent de blablater. Madame Michu est dans la bande, qui déclare : « Comme on dit, des fois faut mettre un peu plus cher pour que ce soit bien. ».
A l’arrivée je prends la direction du port, faisant une photo de mon ombre avec des jambes que le soleil bas rend démesurées. Puis je longe les bateaux sur le souple tapis rouge que la municipalité a fait poser sur les gros pavés.
Me voici sur le front de mer. Ne s’y trouvent que des vieilles et des vieux qui le parcourent en solitaire. La plupart des volets sont clos pour de nombreux mois. Les brasseries n’ouvrent qu’à onze heures. Je fais demi-tour. Quel est donc cet homme à casquette marchant sur les galets en compagnie d’une jeune femme brune et qui me salue d’un geste de la main ? Je ne sais le reconnaître.
Dans le port ce n’est guère plus vivant. Quand même, la bien nommée Cave du Salut est ouverte. Je m’installe à sa terrasse couverte pour un café qui ne coûte qu’un euro vingt. Seul un bon moment, je lis Les Morts à leur place de Gregor von Rezzori. Quand arrivent deux touristes anglaises pour un petit-déjeuner et deux locaux pour un canon et des propos populistes (« Quand même la place elle doit être bonne puisqu’ils la veulent tous »), je quitte le lieu.
Fécamp est mal orientée, elle tourne le dos au soleil. A midi, l’ombre est partout sauf sur une petite place triangulaire où se serrent des gargotes à terrasse. J’opte pour celle du Forban, la plus ensoleillée. On y propose un menu ouvrier, mais ce jour n’y mange aucun travailleur. J’ai vue sur la falaise d’en face, derrière laquelle tournent un peu les éoliennes, et sur les Pêcheries de Fécamp devenues Musée. La municipalité a fait peindre la bordure des trottoirs en rouge. Cela n’empêche pas une touriste allemande de chuter lourdement. Elle se relève vivement, un peu honteuse. Son mari l’est davantage, qui file, elle à sa suite. Filet de hareng pommes à huile salade (avec peu de hareng), pâtes carbonara au saumon (avec peu de saumon) et crêpe au caramel (avec suffisamment de caramel), un quart de sauvignon, cela fait vingt euro cinquante.
Peu désireux de m’attarder, je rentre en début d’après-midi par un duo de trains ramenant chez leurs parents des élèves mâles d’un quelconque lycée professionnel où ils doivent être internes à en juger par leurs énormes valises.
A quinze heures quinze, je suis à la terrasse du Sacre et y poursuis la lecture de Gregor von Rezzori jusqu’à ce que le soleil décline. A peine ai-je poussé la porte chez moi que dans le jardin se fait entendre un aboiement reconnaissable point entendu depuis longtemps.
*
J’aimais bien quand tu parlais des chiens de tes voisines, me disait l’une il y a quelques mois, pourquoi tu ne le fais plus ?
C’est qu’Aboyus et Abrutus ont pris le large. Les voilà de retour temporairement, semblables à eux-mêmes, surtout le bruyant, après lequel court toujours l’une de ses propriétaires afin de lui coller une tape sur le cul quand il se précipite sur qui entre ou sort.
Jamais encore je n’ai pris un train si court, me dis-je en voyant arriver le deuxième. Il ne se compose que d’une voiture, n’est pas plus long qu’un bus. Surprise, il est quasiment plein. Un cleube du troisième âge est en vadrouille, désirant visiter la Bénédictine et y goûter. Les quelques personnes montées en même temps que moi à Bréauté doivent se caser sur des strapontins. Je m’assois sur le seul siège vacant au risque d’être pris pour l’un des retraités réjouis voyageant en troupeau. Ils ne cessent de blablater. Madame Michu est dans la bande, qui déclare : « Comme on dit, des fois faut mettre un peu plus cher pour que ce soit bien. ».
A l’arrivée je prends la direction du port, faisant une photo de mon ombre avec des jambes que le soleil bas rend démesurées. Puis je longe les bateaux sur le souple tapis rouge que la municipalité a fait poser sur les gros pavés.
Me voici sur le front de mer. Ne s’y trouvent que des vieilles et des vieux qui le parcourent en solitaire. La plupart des volets sont clos pour de nombreux mois. Les brasseries n’ouvrent qu’à onze heures. Je fais demi-tour. Quel est donc cet homme à casquette marchant sur les galets en compagnie d’une jeune femme brune et qui me salue d’un geste de la main ? Je ne sais le reconnaître.
Dans le port ce n’est guère plus vivant. Quand même, la bien nommée Cave du Salut est ouverte. Je m’installe à sa terrasse couverte pour un café qui ne coûte qu’un euro vingt. Seul un bon moment, je lis Les Morts à leur place de Gregor von Rezzori. Quand arrivent deux touristes anglaises pour un petit-déjeuner et deux locaux pour un canon et des propos populistes (« Quand même la place elle doit être bonne puisqu’ils la veulent tous »), je quitte le lieu.
Fécamp est mal orientée, elle tourne le dos au soleil. A midi, l’ombre est partout sauf sur une petite place triangulaire où se serrent des gargotes à terrasse. J’opte pour celle du Forban, la plus ensoleillée. On y propose un menu ouvrier, mais ce jour n’y mange aucun travailleur. J’ai vue sur la falaise d’en face, derrière laquelle tournent un peu les éoliennes, et sur les Pêcheries de Fécamp devenues Musée. La municipalité a fait peindre la bordure des trottoirs en rouge. Cela n’empêche pas une touriste allemande de chuter lourdement. Elle se relève vivement, un peu honteuse. Son mari l’est davantage, qui file, elle à sa suite. Filet de hareng pommes à huile salade (avec peu de hareng), pâtes carbonara au saumon (avec peu de saumon) et crêpe au caramel (avec suffisamment de caramel), un quart de sauvignon, cela fait vingt euro cinquante.
Peu désireux de m’attarder, je rentre en début d’après-midi par un duo de trains ramenant chez leurs parents des élèves mâles d’un quelconque lycée professionnel où ils doivent être internes à en juger par leurs énormes valises.
A quinze heures quinze, je suis à la terrasse du Sacre et y poursuis la lecture de Gregor von Rezzori jusqu’à ce que le soleil décline. A peine ai-je poussé la porte chez moi que dans le jardin se fait entendre un aboiement reconnaissable point entendu depuis longtemps.
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J’aimais bien quand tu parlais des chiens de tes voisines, me disait l’une il y a quelques mois, pourquoi tu ne le fais plus ?
C’est qu’Aboyus et Abrutus ont pris le large. Les voilà de retour temporairement, semblables à eux-mêmes, surtout le bruyant, après lequel court toujours l’une de ses propriétaires afin de lui coller une tape sur le cul quand il se précipite sur qui entre ou sort.