« Usagers, on vous ment ! » titre le tract que distribuent des cheminots de Sud devant la gare de Rouen, ce mercredi matin, où j’arrive porteur d’un lourd sac de livres à vendre dans la capitale, les bouquinistes locaux les dédaignant. C’est encore un train court à la place du confortable pour lequel j’avais place réservée. Le Train de l’Impressionnisme, dont les vitres sont couvertes d’un film plastique sale qui empêche de bien voir le paysage. Je m’installe à l’étage derrière trois filles et un garçon qui parlent de Brice et de Jules. Il ne s’agit pas de leur peutes mais des boutiques de ce nom sises dans le centre commercial de Saint-Sever. Elles et lui y sont employés et évoquent les vols fréquents, dont le plus récent, une pile de polos jaunes partie en courant, les vigiles regardant ailleurs, à se demander si.
Le ciel est bleu à l’arrivée. Je prends le bus Vingt qui avance lentement en raison de gros travaux. Cela me permet de ne pas attendre plus de cinq minutes l’ouverture du Book-Off de Quatre Septembre. Un employé examine mes livres, en refuse six, paie les autres onze euros cinquante. Je furète ensuite dans les rayonnages à un euro, n’y trouvant que trois livres à mon usage : Aventures d’un gourmand vagabond de Jim Harrison (Christian Bourgois), Ma mère de Richard Ford (Editions de l’Olivier) et La terre des morts est lointaine (Sylvia Plath) de Sylvie Doizelet (L’un et l’autre/Gallimard).
Par le métro Huit je vais à Ledru-Rollin et passe au marché d’Aligre où des vieux distribuent des tracts « pour l’augmentation des retraites ». Je les évite, et évite aussi d’acheter des livres bien que je sois tenté. Chez Emmaüs, je dépose mes invendus de Book-Off.
Pour déjeuner je choisis L’Entrecôte, rue de la Roquette, au carrefour avec la rue Keller qui est redevenue quelconque depuis que Manuel Valls n’est plus qu’un député lambda. Je prends place derrière la vitre avec vue sur une jolie fille qui boit un café à l’une des deux tables de la terrasse. Sur la peau de l’épaule dénudée qu’elle offre au soleil, ce tatouage : « ma petite marque de chagrin ».
Je commande l’avocat crevettes, le coucous au bœuf et un quart de cabernet sauvignon. Le tout est fort bon (pour vingt euros). Au comptoir discutent un cinéaste blanc à pantalon rouge et un saxophoniste noir à long manteau noir.
Le premier raconte qu’une femme l’a recontacté récemment en lui rappelant que du temps où il était punk, il l’avait emmenée en moto toute une nuit pour lui offrir un petit-déjeuner en Angleterre. « Je ne m’en souviens pas du tout », s’étonne-t-il.
Le second raconte qu’une fille à qui il a offert le restaurant lui a dit qu’elle était en manque de câlins et qu’elle aimerait qu’il l’accompagne avec son saxo lors de ses lectures de poésies érotiques mais il n’a pas voulu lui céder. « En Afrique, si tu sors avec une fille et que tu fais pas la gymnastique, elle peut te tuer », conclut-il.
*
C'est pour pouvoir acheter l'entrecôte/ Qui nourrira les chères têtes blondes/ Qu'elle commit son initiale faute/ Qui la rabaisse au rang du demi-monde, je ne peux voir ou entendre le mot entrecôte sans avoir cette chanson dans la tête. Ma version préférée est celle de Raoul de Godewarsvelde.
*
Je n’aime pas les vieux (ni les vieilles), comment se fait-il que j’en sois un.
Le ciel est bleu à l’arrivée. Je prends le bus Vingt qui avance lentement en raison de gros travaux. Cela me permet de ne pas attendre plus de cinq minutes l’ouverture du Book-Off de Quatre Septembre. Un employé examine mes livres, en refuse six, paie les autres onze euros cinquante. Je furète ensuite dans les rayonnages à un euro, n’y trouvant que trois livres à mon usage : Aventures d’un gourmand vagabond de Jim Harrison (Christian Bourgois), Ma mère de Richard Ford (Editions de l’Olivier) et La terre des morts est lointaine (Sylvia Plath) de Sylvie Doizelet (L’un et l’autre/Gallimard).
Par le métro Huit je vais à Ledru-Rollin et passe au marché d’Aligre où des vieux distribuent des tracts « pour l’augmentation des retraites ». Je les évite, et évite aussi d’acheter des livres bien que je sois tenté. Chez Emmaüs, je dépose mes invendus de Book-Off.
Pour déjeuner je choisis L’Entrecôte, rue de la Roquette, au carrefour avec la rue Keller qui est redevenue quelconque depuis que Manuel Valls n’est plus qu’un député lambda. Je prends place derrière la vitre avec vue sur une jolie fille qui boit un café à l’une des deux tables de la terrasse. Sur la peau de l’épaule dénudée qu’elle offre au soleil, ce tatouage : « ma petite marque de chagrin ».
Je commande l’avocat crevettes, le coucous au bœuf et un quart de cabernet sauvignon. Le tout est fort bon (pour vingt euros). Au comptoir discutent un cinéaste blanc à pantalon rouge et un saxophoniste noir à long manteau noir.
Le premier raconte qu’une femme l’a recontacté récemment en lui rappelant que du temps où il était punk, il l’avait emmenée en moto toute une nuit pour lui offrir un petit-déjeuner en Angleterre. « Je ne m’en souviens pas du tout », s’étonne-t-il.
Le second raconte qu’une fille à qui il a offert le restaurant lui a dit qu’elle était en manque de câlins et qu’elle aimerait qu’il l’accompagne avec son saxo lors de ses lectures de poésies érotiques mais il n’a pas voulu lui céder. « En Afrique, si tu sors avec une fille et que tu fais pas la gymnastique, elle peut te tuer », conclut-il.
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C'est pour pouvoir acheter l'entrecôte/ Qui nourrira les chères têtes blondes/ Qu'elle commit son initiale faute/ Qui la rabaisse au rang du demi-monde, je ne peux voir ou entendre le mot entrecôte sans avoir cette chanson dans la tête. Ma version préférée est celle de Raoul de Godewarsvelde.
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Je n’aime pas les vieux (ni les vieilles), comment se fait-il que j’en sois un.