La lecture de Michel de Montaigne, la biographie qu’écrivit Madeleine Lazard et que publièrent les Editions Fayard en mil neuf cent quatre-vingt-douze, me ramène brutalement à l’actualité :
Au cours de l’été 1548, alors que prenait fin le cycle de ses études ès arts, survint un évènement dramatique dont Montaigne adolescent devait garder une impression profonde et durable. Dès le mois de juin, les paysans s’étaient révoltés en Aunis, en Saintonge, en Angoumois et en Guyenne, et massacraient les « gabeleurs », officiers royaux chargés du contrôle et de la perception de l’impôt sur le sel. La sédition s’étendit à Bordeaux. (…) La révolte n’oppose pas le menu peuple seul aux autorités officielles, mais les habitants de la province au pouvoir central. (…)
Le 12 août, près de dix-sept mille hommes avaient pris Saintes, ouvert les prisons au son du tocsin, pillé et torturé, exigeant la suppression de la gabelle et le renvoi des gens d’armes. Bordeaux ouvrit ses portes aux émeutiers. Affolé, Tristan de Moneins, lieutenant général et gouverneur de la ville par procuration en l’absence du roi de Navarre, (…) se hasarde à sortir pour parlementer. Les séditieux l’assassinent, avec une vingtaine de gabeleurs, dans la rue des Ayres. Maîtres de Bordeaux pendant vingt-quatre heures, ils arborent même l’étendard anglais. L’émeute sévit dans la ville et dans les faubourgs du 17 au 22 août. (…)
Montaigne assista en personne au meurtre de Moneins. (…)
La précision de sa description est-elle due à l’émotion violente laissée dans son souvenir par ce drame ? Son oncle Bussaguet, son beau-père et le grand-père de La Chassaigne (qui avait failli y perdre la vie), durent en discuter souvent par la suite, il est vrai. (…)
Montaigne s’est borné à faire allusion à l’insurrection. Il n’a point parlé de la répression qui s’ensuivit, deux mois plus tard. (…) Des nobles furent décapités, cent vingt bourgeois furent suppliciés et périrent brûlés vifs, écartelés, sur la roue ou par le pal. Des manants, attachés dix par dix par le milieu du corps, eurent les membres rompus à coups de barre de fer, et l’on brûla leurs troncs avant de les jeter dans le fleuve.
De cela on peut conclure qu’en matière de rébellion et de maintien de l’ordre on est vraiment modéré aujourd’hui, et que ce n’est peut-être pas par hasard si la ville de Bordeaux est à ce point touchée par le mouvement actuel au point d’être qualifiée de capitale des Gilets Jaunes.
*
Il me plaît de constater que dans le domaine de la répression, la hiérarchie sociale fut respectée : décapitation pour les nobles, supplices divers pour les bourgeois et massacre groupé pour la populace.
Au cours de l’été 1548, alors que prenait fin le cycle de ses études ès arts, survint un évènement dramatique dont Montaigne adolescent devait garder une impression profonde et durable. Dès le mois de juin, les paysans s’étaient révoltés en Aunis, en Saintonge, en Angoumois et en Guyenne, et massacraient les « gabeleurs », officiers royaux chargés du contrôle et de la perception de l’impôt sur le sel. La sédition s’étendit à Bordeaux. (…) La révolte n’oppose pas le menu peuple seul aux autorités officielles, mais les habitants de la province au pouvoir central. (…)
Le 12 août, près de dix-sept mille hommes avaient pris Saintes, ouvert les prisons au son du tocsin, pillé et torturé, exigeant la suppression de la gabelle et le renvoi des gens d’armes. Bordeaux ouvrit ses portes aux émeutiers. Affolé, Tristan de Moneins, lieutenant général et gouverneur de la ville par procuration en l’absence du roi de Navarre, (…) se hasarde à sortir pour parlementer. Les séditieux l’assassinent, avec une vingtaine de gabeleurs, dans la rue des Ayres. Maîtres de Bordeaux pendant vingt-quatre heures, ils arborent même l’étendard anglais. L’émeute sévit dans la ville et dans les faubourgs du 17 au 22 août. (…)
Montaigne assista en personne au meurtre de Moneins. (…)
La précision de sa description est-elle due à l’émotion violente laissée dans son souvenir par ce drame ? Son oncle Bussaguet, son beau-père et le grand-père de La Chassaigne (qui avait failli y perdre la vie), durent en discuter souvent par la suite, il est vrai. (…)
Montaigne s’est borné à faire allusion à l’insurrection. Il n’a point parlé de la répression qui s’ensuivit, deux mois plus tard. (…) Des nobles furent décapités, cent vingt bourgeois furent suppliciés et périrent brûlés vifs, écartelés, sur la roue ou par le pal. Des manants, attachés dix par dix par le milieu du corps, eurent les membres rompus à coups de barre de fer, et l’on brûla leurs troncs avant de les jeter dans le fleuve.
De cela on peut conclure qu’en matière de rébellion et de maintien de l’ordre on est vraiment modéré aujourd’hui, et que ce n’est peut-être pas par hasard si la ville de Bordeaux est à ce point touchée par le mouvement actuel au point d’être qualifiée de capitale des Gilets Jaunes.
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Il me plaît de constater que dans le domaine de la répression, la hiérarchie sociale fut respectée : décapitation pour les nobles, supplices divers pour les bourgeois et massacre groupé pour la populace.