Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Repas parisien de nouvelle année à l’Auberge Flora

24 janvier 2020


Ce mercredi vingt-deux janvier, maintenant que la circulation est redevenue normale pour le train et le métro parisien, il s’agit de fêter la nouvelle année comme il se doit avec celle qui travaille près de la Bastille.
Dans le Corail parti de Rouen à sept heures cinquante-six, j’ai pour voisine une ancêtre de petite taille qui me prend pour son auxiliaire de vie. Il me faut mettre son manteau dans le porte-bagage, lui rappeler à chaque fois qu’elle y va de quel côté sont les toilettes, l’aider à retrouver sa place, lui redonner son manteau à l’arrivée
-Et ma valise, s’il vous plaît.
La valise, elle est où l’a mise son fils et je ne le sais pas. J’abandonne lâchement celle qui me fait songer à Alois pour reprendre mes automatismes de métro et déboucher au pied du Café du Faubourg, ciel bleu et soleil jaune.
Mon café bu, je regarde se lever le rideau métallique de Book-Off. J’y cherche de quoi me plaire et ne le trouve pas, non plus au marché d’Aligre, non plus chez Emmaüs.
De là, pédestrement, je rejoins le boulevard Richard-Lenoir et comme il n’est pas encore midi je me balade dans le jardin Truillot jusqu’à l’église Saint-Amboise. Ses tours jumelles sont en passe d’être recouvertes de filets de protection contre les chutes de pierres à l’aide d’un long bras télescopique.
L’édifice est chauffé, ce qui lui vaut d’être fréquenté par des clochards sagement assis sur des chaises. Quelques dames de sacristie vaquent à leurs occupations sans s’en soucier.
A midi dix, je pousse la porte de l’Auberge Flora et suis aimablement accueilli par une petite serveuse et le couple propriétaire de ce charmant hôtel restaurant recommandé par Michelin où j’ai déjà déjeuné une fois avec celle que je vois arriver cinq minutes plus tard joliment vêtue.
-Tu es bien élégante, lui dis-je.
Une excellente cuisine, une bouteille de bon vin rouge, la joie de se revoir et de converser font des deux heures que nous passons ensemble un moment fort agréable, pendant lequel elle se plaint d’être à un âge où elle plaît aux hommes de toutes les classes d’âge, de quatorze et soixante ans (c’est la même chose pour sa copine rouennaise devenue parisienne comme elle).
Nous marchons ensemble jusqu’à la Bastille, puis nous séparons, elle devant dessiner des plans pour un appartement où rien n’est droit (le vin l’y aidera) et moi descendant (avec prudence) dans le métro.
Le Huit m’emmène à Opéra. Au second Book-Off, dans les livres à un euro, je fais la découverte d’un ouvrage publié par Christian Bourgois, Histoire réversible de Lydia Davis, qu’en quatrième de couverture The Guardian juge « aussi puissante que Kafka, aussi subtile que Flaubert et aussi représentative de son époque – à sa manière – que Proust de la sienne » et d’un épais roman publié chez Lunatique d’un certain Clinquart, Esthétique du viol, dans lequel, l’ouvrant au hasard, page deux cent dix-sept, je lis ceci : Certaines femmes ont la bouche ainsi faite que leur sexe en devient superflu.
                                                                          *
Autre voisine de train, d’outre couloir, une grande et jolie fille lisant, ou plutôt ayant sur les genoux, le livre de François Ruffin Il est où le bonheur. « Dans ton cul », serais-je tenté de répondre, si je n’étais pas aussi poli.
                                                                          *
Pierre Desporges : « Et ne me parlez pas de l’église Saint-Ambroise. Quand je la croise, j’ai honte pour Dieu. » A l’intérieur, une tablette permet de faire un don à la religion et de repartir avec un reçu fiscal.
                                                                           *
Un train de retour dont il manque la voiture Dix où certains avaient réservation. Le chef de bord indique que la voiture Une la remplace et invite ceux qui l’occupent à libérer leur place, d’où un certain énervement. Peu avant l’arrivée à Rouen, grosse dispute entre un voyageur qui n’est pas dans le bon train et le contrôleur qui le taxe de cinquante euros.
« Voleur ! », crie le premier quand le second s’éloigne. « Outrage ! », lui répond ce dernier qui revient vers lui pour entreprendre une procédure. Je ne sais comment cela se termine.