Ayant entendu dire que pour Schopenhauer porter une barbe, c’était afficher ses génitoires au bas du visage, je fais une recherche pour trouver son texte. Il s’agit d’une note infrapaginale dans son ouvrage Parerga et Paralipomena :
Il suffit de regarder autour de soi ! On peut même voir, comme symptôme extérieur de la grossièreté triomphante, la compagne habituelle de celle-ci, la longue barbe ; cet attribut sexuel au milieu du visage indique que l’on préfère à l’humanité la masculinité commune aux hommes et aux animaux. On veut être avant tout un mâle, « viril », et seulement après un homme. La suppression de la barbe, à toutes les époques et dans tous les pays hautement civilisés, est née du sentiment légitime opposé : celui de constituer avant tout un être humain, en quelque sorte un être humain « au sens abstrait du terme », sans tenir compte de la différence animale de sexe. La longueur de la barbe a toujours, au contraire, marché de pair avec la barbarie, que son seul nom rappelle. Voilà pourquoi les barbes ont fleuri au Moyen Âge, ce millénaire de la grossièreté et de l’ignorance, dont nos nobles contemporains s’efforcent d’imiter le costume et l’architecture.
La barbe, dit-on, est naturelle à l’homme. Assurément : et pour ce motif elle lui convient parfaitement dans l’état de nature ; mais sa suppression lui convient de la même façon dans l’Etat civilisé. Celle-ci témoigne en effet que la force bestiale, dont le signe caractéristique est cette excroissance particulière au sexe mâle, a dû céder à la loi, à l’ordre et à la civilisation. La barbe augmente la partie animale du visage et la met en relief : elle lui donne par là son aspect si étrangement brutal : on n’a qu’à regarder de profil un homme à barbe pendant qu’il lit ! On voudrait faire passer la barbe pour un ornement — ornement que, depuis deux cents ans, on n’était accoutumé à trouver que chez les juifs, les Cosaques, les capucins, les prisonniers et les voleurs de grand chemin. La férocité et l’air atroce que la barbe imprime à la physionomie proviennent de ce qu’une masse plutôt sans vie occupe la moitié du visage, et la moitié exprimant le côté moral. En un mot, toute pilosité est bestiale, tandis que sa suppression est le signe d’une civilisation supérieure. La police doit d’ailleurs être en droit d’interdire la barbe, parce qu’elle est un demi-masque sous lequel il est difficile de reconnaître son homme et qui favorise tous les désordres.
De quoi susciter une jolie polémique si à son époque Schopenhauer avait eu des lecteurs.
*
Aujourd’hui les polémiques prospèrent grâce à Internet. Ne voilà-t-il pas qu’un écrivain cathodique de cinquante ans, ayant de nombreux lecteurs et beaucoup moins de talent que Schopenhauer, a récemment déclaré qu’il préférait les femmes de vingt-cinq ans à celles de son âge. Que n’avait-il pas fait là ! Ces dernières, et d’autres, lui sont tombées dessus à bras raccourcis.
Ayant le même vice que lui, je ne la ramène pas.
Il suffit de regarder autour de soi ! On peut même voir, comme symptôme extérieur de la grossièreté triomphante, la compagne habituelle de celle-ci, la longue barbe ; cet attribut sexuel au milieu du visage indique que l’on préfère à l’humanité la masculinité commune aux hommes et aux animaux. On veut être avant tout un mâle, « viril », et seulement après un homme. La suppression de la barbe, à toutes les époques et dans tous les pays hautement civilisés, est née du sentiment légitime opposé : celui de constituer avant tout un être humain, en quelque sorte un être humain « au sens abstrait du terme », sans tenir compte de la différence animale de sexe. La longueur de la barbe a toujours, au contraire, marché de pair avec la barbarie, que son seul nom rappelle. Voilà pourquoi les barbes ont fleuri au Moyen Âge, ce millénaire de la grossièreté et de l’ignorance, dont nos nobles contemporains s’efforcent d’imiter le costume et l’architecture.
La barbe, dit-on, est naturelle à l’homme. Assurément : et pour ce motif elle lui convient parfaitement dans l’état de nature ; mais sa suppression lui convient de la même façon dans l’Etat civilisé. Celle-ci témoigne en effet que la force bestiale, dont le signe caractéristique est cette excroissance particulière au sexe mâle, a dû céder à la loi, à l’ordre et à la civilisation. La barbe augmente la partie animale du visage et la met en relief : elle lui donne par là son aspect si étrangement brutal : on n’a qu’à regarder de profil un homme à barbe pendant qu’il lit ! On voudrait faire passer la barbe pour un ornement — ornement que, depuis deux cents ans, on n’était accoutumé à trouver que chez les juifs, les Cosaques, les capucins, les prisonniers et les voleurs de grand chemin. La férocité et l’air atroce que la barbe imprime à la physionomie proviennent de ce qu’une masse plutôt sans vie occupe la moitié du visage, et la moitié exprimant le côté moral. En un mot, toute pilosité est bestiale, tandis que sa suppression est le signe d’une civilisation supérieure. La police doit d’ailleurs être en droit d’interdire la barbe, parce qu’elle est un demi-masque sous lequel il est difficile de reconnaître son homme et qui favorise tous les désordres.
De quoi susciter une jolie polémique si à son époque Schopenhauer avait eu des lecteurs.
*
Aujourd’hui les polémiques prospèrent grâce à Internet. Ne voilà-t-il pas qu’un écrivain cathodique de cinquante ans, ayant de nombreux lecteurs et beaucoup moins de talent que Schopenhauer, a récemment déclaré qu’il préférait les femmes de vingt-cinq ans à celles de son âge. Que n’avait-il pas fait là ! Ces dernières, et d’autres, lui sont tombées dessus à bras raccourcis.
Ayant le même vice que lui, je ne la ramène pas.