Un plaisir de trouver l’abbé Mugnier sous la plume de Paul Morand dans son Journal d’un attaché d’ambassade (Gallimard) :
Dix février mil neuf cent dix-sept : Déjeuné chez Hélène avec l’abbé Mugnier, Hector de Béarn et Jean Cocteau. On parle de Victor Hugo. (…)
L’abbé cite cette phrase de Coulanghéon : « Victor Hugo fait le tonnerre, le canon, le bon Dieu et l’idiot. » (…)
L’abbé raconte qu’il alla porter l’extrême-onction, au milieu de la nuit, à Montparnasse, appelé d’urgence, à deux heures du matin, auprès d’une femme atteinte d’une péritonite foudroyante. Maison éclairée bizarrement ; dans un salon, il est reçu par une dame très digne, en robe de soie. Elle le conduit vers la chambre de la mourante ; sur le passage du Saint-Sacrement, toutes les pensionnaires sorties de leur chambre en chemise se mettent à genoux. C’était un bordel.
Neuf mars mil neuf cent dix-sept : « Après vous, monsieur le Ministre, fait à Berthelot, fort civilement, à un déjeuner, le chanoine Mugnier. – Après vous, répond Berthelot. Nous faisons toujours passer l’Eglise devant, pour mieux la frapper dans le dos. »
Vingt-quatre avril mil neuf cent dix-sept : Je dis à l’abbé Mugnier :
« M. l’abbé, je veux vous faire déjeuner avec l’actrice Gina Palerme. – C’est cela, mon cher enfant, vous faites bien ; répond l’abbé, j’en ai assez des dérèglements de la rive gauche. »
Cinq juin mil neuf cent dix-sept : Dîner, hier soir, chez Hélène. La princesse Eugène Murat, Pierre de Polignac, Proust, Cocteau, l’abbé Mugnier, Zouboff.
(…) L’abbé, le toupet dressé comme la fumée hors de l’encensoir, tire de derrière sa soutane une édition populaire des Fleurs du Mal. Grand succès. Il sourit : « Désormais, avec la préface de Paul Bourget, il faudra dire : Les Fleurs du Bien. »
Six juillet mil neuf cent dix-sept : Dîner fort agréable au Ritz, donné par Hélène. L’abbé Mugnier, Walter Berry, Mme de Béarn, les Rehbinder, Proust, Pierre de Polignac. (…) Les dames demandent en riant, à l’abbé Mugnier, de les accompagner demain aux Folies-Bergères : « Non, répond-il, demain, je confesse ; ce sont mes Folies-Brebis. »
Dix-sept juillet mil neuf cent dix-sept : Déjeuné ce matin chez Marie Scheikevitch : Hélène, Mme de Durfort, Mme de Pange, M. Briand, Léon Bérard, Pierre de Polignac, Metman, l’abbé Mugnier, Chaumeix, Recouly. (…)
Au mot de Combourg, l’abbé se déclenche. Il parle aussitôt de la jeunesse de Chateaubriand, à l’ombre de la vieille tour de l’an mille. « Comme il est moderne ! Tout ce qu’il écrit se réalise ! Je vous assure (…) notre 1917 se trouve en entier dans les Mémoires d’Outre-Tombe.
-Mais tout ce qu’on dit arrive, l’abbé, réplique Briand, c’est ce qui sauve les politiciens. »
*
Ce mercredi après-midi, rendez-vous arraché de haute lutte avec l’ophtalmologue de la Clinique Mathilde, puis un autre rendez-vous, sur lequel je resterai discret, qui peut-être me tiendra pendant quelques jours loin d’un ordinateur.
Dix février mil neuf cent dix-sept : Déjeuné chez Hélène avec l’abbé Mugnier, Hector de Béarn et Jean Cocteau. On parle de Victor Hugo. (…)
L’abbé cite cette phrase de Coulanghéon : « Victor Hugo fait le tonnerre, le canon, le bon Dieu et l’idiot. » (…)
L’abbé raconte qu’il alla porter l’extrême-onction, au milieu de la nuit, à Montparnasse, appelé d’urgence, à deux heures du matin, auprès d’une femme atteinte d’une péritonite foudroyante. Maison éclairée bizarrement ; dans un salon, il est reçu par une dame très digne, en robe de soie. Elle le conduit vers la chambre de la mourante ; sur le passage du Saint-Sacrement, toutes les pensionnaires sorties de leur chambre en chemise se mettent à genoux. C’était un bordel.
Neuf mars mil neuf cent dix-sept : « Après vous, monsieur le Ministre, fait à Berthelot, fort civilement, à un déjeuner, le chanoine Mugnier. – Après vous, répond Berthelot. Nous faisons toujours passer l’Eglise devant, pour mieux la frapper dans le dos. »
Vingt-quatre avril mil neuf cent dix-sept : Je dis à l’abbé Mugnier :
« M. l’abbé, je veux vous faire déjeuner avec l’actrice Gina Palerme. – C’est cela, mon cher enfant, vous faites bien ; répond l’abbé, j’en ai assez des dérèglements de la rive gauche. »
Cinq juin mil neuf cent dix-sept : Dîner, hier soir, chez Hélène. La princesse Eugène Murat, Pierre de Polignac, Proust, Cocteau, l’abbé Mugnier, Zouboff.
(…) L’abbé, le toupet dressé comme la fumée hors de l’encensoir, tire de derrière sa soutane une édition populaire des Fleurs du Mal. Grand succès. Il sourit : « Désormais, avec la préface de Paul Bourget, il faudra dire : Les Fleurs du Bien. »
Six juillet mil neuf cent dix-sept : Dîner fort agréable au Ritz, donné par Hélène. L’abbé Mugnier, Walter Berry, Mme de Béarn, les Rehbinder, Proust, Pierre de Polignac. (…) Les dames demandent en riant, à l’abbé Mugnier, de les accompagner demain aux Folies-Bergères : « Non, répond-il, demain, je confesse ; ce sont mes Folies-Brebis. »
Dix-sept juillet mil neuf cent dix-sept : Déjeuné ce matin chez Marie Scheikevitch : Hélène, Mme de Durfort, Mme de Pange, M. Briand, Léon Bérard, Pierre de Polignac, Metman, l’abbé Mugnier, Chaumeix, Recouly. (…)
Au mot de Combourg, l’abbé se déclenche. Il parle aussitôt de la jeunesse de Chateaubriand, à l’ombre de la vieille tour de l’an mille. « Comme il est moderne ! Tout ce qu’il écrit se réalise ! Je vous assure (…) notre 1917 se trouve en entier dans les Mémoires d’Outre-Tombe.
-Mais tout ce qu’on dit arrive, l’abbé, réplique Briand, c’est ce qui sauve les politiciens. »
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Ce mercredi après-midi, rendez-vous arraché de haute lutte avec l’ophtalmologue de la Clinique Mathilde, puis un autre rendez-vous, sur lequel je resterai discret, qui peut-être me tiendra pendant quelques jours loin d’un ordinateur.