Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Faisant bon usage de Petites Morts d’Isabelle Rossignol

12 novembre 2019


S’il m’arrive d’offrir des livres, récemment trois Marguerite Long à celui qui a voté pour moi aux Européennes, le premier d’Alexandre Tharaud et un Balzac à l’ami de Stockholm ainsi que le dernier d’Annie Ernaux à celle qui l’accompagne, je n’en prête pas, ayant eu par le passé à le regretter. « Je peux t’emprunter ce livre ? », celui-ci sorti de ma bibliothèque avant même que j’aie répondu et jamais rendu.
Cependant quand, ce dimanche après-midi, je découvre sur le réseau social Effe Bé le message d’une étudiante qui se désole de ne trouver Petites Morts d’Isabelle Rossignol, dont elle a absolument besoin, ni dans les librairies ni dans les bibliothèques (il y est inconnu) et lance un appel au secours auprès de qui l’aurait et pourrait le lui prêter, je me signale.
Cette étudiante polonaise a quitté Gdansk pour s’inscrire en Lettres Modernes à l’Université de Rouen. Il lui faudrait ce livre à partir de lundi jusqu’à jeudi. « C'est vraiment important pour moi, ça peut être très gentil de votre côté ! », m’écrit-elle.
Je préfère ne pas l’inviter à passer chez moi. Cela pourrait l’inquiéter. Je lui donne rendez-vous ce lundi onze novembre devant l’Omnia. Elle choisit treize heures.
Le soir venu, au lit, je relis l’ouvrage d’Isabelle Rossignol publié par les Editions du Rouergue. « Espèces animales fantasmées, avec leurs machineries sexuelles, organes génitaux, secrétions, cavités, poils, saillies. Crudité des gestes et des paroles. Et puis un corps de femme, prisonnier d’images et de mots, cuisses scellées. Qui se cherche. » annonce la quatrième de couverture.
Le texte fait alterner, en courts chapitres, la description de coïts d’insectes imaginaires : La Corixa crocuta dispose d'un clitoris aux dimensions de pénis qu'elle peut retourner comme un gant pour en faire un vagin. et celle des blocages d’une jeune fille face à la relation sexuelle : Je me déshabillais devant eux. Je me mettais nue contre leur corps et, dans leurs bras, je vivais les premiers instants de l’amour. Ils pouvaient embrasser ma poitrine, prendre le temps de me caresser… puis au moment où ils croyaient que… je fermais mes cuisses, m’excusais, me rhabillais et je quittais les lieux.
Il tombe une sacrée drache quand je rejoins l’Omnia. A peine suis-je arrivé que je suis hélé par celle avec qui j’ai rendez-vous, grande, blonde, jolie et souriante, accompagnée d’une brune tout aussi grande et jolie. Avec un charmant accent, elle me dit encore une fois qu’elle a absolument besoin de ce livre et que ne l’ayant trouvé nulle part, heureusement que je suis là.
-Cela me fait plaisir de vous aider, lui dis-je.
-Est-ce que je pourrais vous l’acheter ? s’enhardit-elle à me demander.
Me traverse l’esprit l’envie de le lui offrir, mais une transaction financière me semble plus raisonnable.
-Je vous le laisse pour un euro, lui dis-je.
Si peu ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un tel contentement. Après m’avoir encore une fois remercié, pour le livre et pour avoir affronté l’averse, elle va s’abriter avec sa copine sous un parasol et je rentre sous le parapluie.
                                                                       *
J’ai voulu et j’ai obtenu que l’amour soit beau. C’est arrivé un jour de novembre où j’avais quitté ma ville pour une autre. écrit Isabelle Rossignol vers la fin de son livre. Le onze de ce mois de novembre marque le treizième anniversaire de mon Journal.