Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Encore une dose de Korneï Tchoukovski

13 février 2021


Temps interminablement glacial, actualité totalement déprimante, je ne peux être bien qu’ailleurs et autrefois, ainsi à Saint-Pétersbourg en compagnie de Korneï Tchoukovski dans les premières années d’après la Révolution d’Octobre :
Dix octobre mil neuf cent dix-huit : Dans le train Rozanov a reproché à Pavel Berline de porter le même nom que la capitale de l’Allemagne. « Et puis il y a aussi Jack London ! Qu’est-ce que c’est que cette nouvelle mode ?! Est-ce que je m’appelle Pétersbourg, moi ? Et Tchoukovski, il ne s’appelle pas Moscou. Nous sommes des gens modestes. Pas comme cet Anatole France. Il ferait beau voir que je m’appelle Vassili Russie, moi, je n’oserais pas mettre le nez dehors. »
Quatre décembre mil neuf cent dix-huit : Il faut que je voie le docteur à propos de mes insomnies, que je m’achète des caoutchoucs et une chapka, et que je me plonge dans Nekrassov.
Vingt-huit avril mil neuf cent dix-neuf : J’en arrive à la conclusion que tout grand écrivain est pour une part un maniaque de l’écriture. Il faut qu’il écrive, des vétilles au besoin, mais il faut qu’il écrive.
Mai mil neuf cent dix-neuf : J’écris un chapitre sur la technique de Nekrassov, mais je sais bien qu’il n’y a pas en Russie une seule personne que ça intéresse.
Deux novembre mil neuf cent dix-neuf : Benkendorf raconte qu’à l’église, quand les gens se mettent à genoux, on voit toute une collection de trous sur leurs semelles. Il n’y a pas une seule semelle vierge !
Onze novembre mil neuf cent dix-neuf : Vladimir Pozner est dans la pièce voisine et recopie à la machine sa petite pièce sur le Studio, L’instruction est une lumière, l’ignorance l’obscurité. Il a quatorze ans, et sa pièce est très caustique, il y a de bons vers.
Quatorze novembre mil neuf cent dix-neuf : Aujourd’hui j’ai parlé à Lénine au téléphone ; c’était à propos du décret sur les chercheurs. Il rit. Il rit tout le temps. Il promet de tout faire, mais demande : « Comment ça se fait qu’on ne vous ait pas encore donné des postes de responsabilité…, à vous, les gens de Pétersbourg, c’est pourtant dans nos intentions depuis longtemps. »
Vingt-cinq novembre mil neuf cent dix-neuf : Je travaille de façon originale en ce moment : chaque jour je commence une chose nouvelle, que je ne termine pas, et passe à la suivante.
Dimanche trente novembre mil neuf cent dix-neuf : Alexeï Pavlovitch (Koudriavtsev) est le président de la commission des Bibliothèques, c’est un voleur et un ivrogne. J’ai vu, de mes yeux vu, un bouquiniste (de l’avenue Liteïny) lui sortir une bouteille de derrière son comptoir.
Dix avril mil neuf cent vingt : On nous attaque de toutes parts : et pourquoi ne rejoignons-nous pas le ministère, les sections, sous-sections, les secteurs et sous-secteurs, etc. ? Je réponds que nous autres, écrivains, nous ne sommes pas très compétents pour ça, que nous serions heureux de … mais que… 
Même date : J’étais très jeune à l’époque de « mon apparition » à Pétersbourg. Ma jeunesse a rapidement lassé tout le monde. « Tchoukovski va bientôt fêter le vingt-cinquième anniversaire de ses dix-sept ans », disait Kouprine.
Cinq décembre mil neuf cent vingt : Hier Maïakovski, que j’avais invité à venir faire des conférences, est arrivé à Petrograd. (…) quand je lui ai dit qu’à la Maison des arts, où il serait hébergé, il y avait un billard, il m’a tout de suite donné son accord. Il est venu avec Lili Brik, sa femme, qui est merveilleuse avec lui : amicale, gaie, simple. On voit que leur relation est forte, et ancienne : elle dure depuis 1915. Je n’aurais jamais pensé qu’un homme comme Maïakovski puisse rester aussi longtemps avec une femme.
Premier avril mil neuf cent vingt et un : Les livres attaqués par la Pravda attirent instantanément l’attention compatissante du public. Les Izvestia de Moscou ont par exemple dénigré le Recueil de Pétersbourg et le livre a été épuisé en quelques jours !
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Je donne à lire mes notes de lecture du Journal de Korneï Tchoukovski mais je sais bien qu’il n’y a pas dix personnes que ça intéresse.