Pendant ma lecture de Lettres intimes d’Eugène Delacroix (L’Imaginaire/Gallimard), missives écrites dans sa jeunesse, adressées à des amis connus au lycée et à son frère Charles, j’ai prélevé ceci :
On trouve en province de certaines beautés qui ne manquent ni de tournure ni d’agréments de toute espèce. Il n’est pas rare d’y trouver au milieu de ces troupeaux de niaises prétentieuses qui y fourmillent, quelques caractères singuliers et saillants dans de jolis petits corps. A Félix Guillemardet, Paris, le premier décembre mil huit cent vingt-trois
Il y avait quinze ans à peu près que j’y étais venu. Juge de mon étonnement d’y trouver tout si peu changé qu’il pouvait me sembler que je ne l’avais pas quitté un instant. C’est une chose incroyable ou qui l’était pour moi jusqu’à ce jour ; c’est combien les choses changent peu et combien nous autres nous changeons. Si j’ai tout trouvé à la même place et avec la même figure, en revanche n’ai-je pas été reconnu par un seul des individus qui m’y avaient vu autrefois. Quelques-uns de ceux qui y étaient alors sont furieusement changés, car ils sont morts… A Félix Guillemardet, Valmont (où il passa ses vacances à quinze ans chez son cousin propriétaire de l’abbaye), le deux novembre mil huit cent vingt-neuf
Au reste, bien que tout aille de travers, nous n’avons pas le droit de crier plus haut que tous les humains qui nous ont précédés. De tout temps, on a dit que cela allait mal, que le monde touchait à sa fin et que tout était épuisé. Nos neveux sont encore destinés à nous trouver plus heureux qu’eux. A Félix Guillemardet, Paris, le quinze février mil huit cent trente et un
Encore ce matin en me levant, je me disais : où est le bon temps, celui où j’étais malheureux. A Charles Soulier, Paris, mil huit cent vingt-neuf
*
De tout temps, on a dit que cela allait mal, que le monde touchait à sa fin et que tout était épuisé. Delacroix a trente-deux ans lorsqu’il écrit cela au début du dix-neuvième siècle. Les temps et le temps ont changé depuis.
On trouve en province de certaines beautés qui ne manquent ni de tournure ni d’agréments de toute espèce. Il n’est pas rare d’y trouver au milieu de ces troupeaux de niaises prétentieuses qui y fourmillent, quelques caractères singuliers et saillants dans de jolis petits corps. A Félix Guillemardet, Paris, le premier décembre mil huit cent vingt-trois
Il y avait quinze ans à peu près que j’y étais venu. Juge de mon étonnement d’y trouver tout si peu changé qu’il pouvait me sembler que je ne l’avais pas quitté un instant. C’est une chose incroyable ou qui l’était pour moi jusqu’à ce jour ; c’est combien les choses changent peu et combien nous autres nous changeons. Si j’ai tout trouvé à la même place et avec la même figure, en revanche n’ai-je pas été reconnu par un seul des individus qui m’y avaient vu autrefois. Quelques-uns de ceux qui y étaient alors sont furieusement changés, car ils sont morts… A Félix Guillemardet, Valmont (où il passa ses vacances à quinze ans chez son cousin propriétaire de l’abbaye), le deux novembre mil huit cent vingt-neuf
Au reste, bien que tout aille de travers, nous n’avons pas le droit de crier plus haut que tous les humains qui nous ont précédés. De tout temps, on a dit que cela allait mal, que le monde touchait à sa fin et que tout était épuisé. Nos neveux sont encore destinés à nous trouver plus heureux qu’eux. A Félix Guillemardet, Paris, le quinze février mil huit cent trente et un
Encore ce matin en me levant, je me disais : où est le bon temps, celui où j’étais malheureux. A Charles Soulier, Paris, mil huit cent vingt-neuf
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De tout temps, on a dit que cela allait mal, que le monde touchait à sa fin et que tout était épuisé. Delacroix a trente-deux ans lorsqu’il écrit cela au début du dix-neuvième siècle. Les temps et le temps ont changé depuis.