« Merdre, ça te coupe la chique du clavier ce co-truc ! Vite des notes de lecture au moins…! », m’écrit l’ami de Stockholm qui est venu à Rouen durant les vacances de Toussaint sans que nous puissions nous voir puisque j’étais ailleurs.
Combien il a raison. Ce deuxième confinement est pire que le premier. Il n’a pas l’air d’en être un mais plus rien n’existe pour qui ne travaille pas. Il ne se passe absolument rien dans ma vie depuis que je suis rentré. Même celles et ceux à qui j’ai écrit pour demander de leurs nouvelles ne me répondent pas.
En attendant les notes de lecture, ces copies de deux lettres que j’ai trouvées dans un livre autrefois acheté un euro chez Book-Off, collées qu’elles étaient à intérieur de l’ouvrage Le rat et l’abeille (Court traité de gastronomie préhistorique), publié chez Phébus. Ces missives furent envoyées à son ami René Delmas par l’auteur, Raymond Dumay.
La première, le quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept :
Mon cher ami
Je ne saurais te dire combien je suis touché par ta lettre. Tu as acheté mon livre et tu as pris la peine et le temps de m’en écrire – et bien. Double exploit qu’à ce jour tu es le seul à avoir réalisé. Si tu penses un instant à l’inquiétude que j’ai pu éprouver en me lançant dans cette aventure, une spécialité abordée à 80 ans ! tu comprendras mon bonheur de recevoir tes éloges, en particulier sur mon style, qui est plus moi-même que moi, mais si peu »scientifique ».
Quand je dis « à bientôt », je ferai de mon mieux.
A vous deux, Raymond.
La seconde, le quinze juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept :
Mon cher Delmas,
Merci, merci. Moi aussi j’ai été éberlué par ces éloges démesurés – déclenchés peut-être par ta lettre à Jérôme Garcin. Tu étais l’œil du public !
N’empêche que cette préhistoire me rend heureux. Je compte y baigner encore un volume ou deux.
Mais auparavant je serai passé par le Limousin. Qu’on cause un peu.
L’amitié en retour. Raymond.
C’est donc le livre de René Delmas que j’ai acheté à Paris. S’il s’est trouvé là où je l’ai trouvé, c’est qu’il est mort.
Raymond Dumay, lui, est mort le vingt-huit mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, sans avoir le temps d’un autre volume.
*
Acheté une broutille, j’ai revendu ce livre une broutille.
Combien il a raison. Ce deuxième confinement est pire que le premier. Il n’a pas l’air d’en être un mais plus rien n’existe pour qui ne travaille pas. Il ne se passe absolument rien dans ma vie depuis que je suis rentré. Même celles et ceux à qui j’ai écrit pour demander de leurs nouvelles ne me répondent pas.
En attendant les notes de lecture, ces copies de deux lettres que j’ai trouvées dans un livre autrefois acheté un euro chez Book-Off, collées qu’elles étaient à intérieur de l’ouvrage Le rat et l’abeille (Court traité de gastronomie préhistorique), publié chez Phébus. Ces missives furent envoyées à son ami René Delmas par l’auteur, Raymond Dumay.
La première, le quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept :
Mon cher ami
Je ne saurais te dire combien je suis touché par ta lettre. Tu as acheté mon livre et tu as pris la peine et le temps de m’en écrire – et bien. Double exploit qu’à ce jour tu es le seul à avoir réalisé. Si tu penses un instant à l’inquiétude que j’ai pu éprouver en me lançant dans cette aventure, une spécialité abordée à 80 ans ! tu comprendras mon bonheur de recevoir tes éloges, en particulier sur mon style, qui est plus moi-même que moi, mais si peu »scientifique ».
Quand je dis « à bientôt », je ferai de mon mieux.
A vous deux, Raymond.
La seconde, le quinze juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept :
Mon cher Delmas,
Merci, merci. Moi aussi j’ai été éberlué par ces éloges démesurés – déclenchés peut-être par ta lettre à Jérôme Garcin. Tu étais l’œil du public !
N’empêche que cette préhistoire me rend heureux. Je compte y baigner encore un volume ou deux.
Mais auparavant je serai passé par le Limousin. Qu’on cause un peu.
L’amitié en retour. Raymond.
C’est donc le livre de René Delmas que j’ai acheté à Paris. S’il s’est trouvé là où je l’ai trouvé, c’est qu’il est mort.
Raymond Dumay, lui, est mort le vingt-huit mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, sans avoir le temps d’un autre volume.
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Acheté une broutille, j’ai revendu ce livre une broutille.