Le Cerbère Paris est l’un des rares trains de nuit qui circule encore en France, notamment le dimanche. Grâce à lui, j’ai gagné une journée à Collioure. Après avoir laissé les clés de mon studio sur la table, je l’attends en compagnie de trois autres sur le quai d’une gare fermée. J’ai l’expérience de cette forme de voyage, l’ayant utilisée pour aller à Venise avec mes amoureuses. Cependant, quand j’y grimpe à dix-neuf heures trente et une, et que je redécouvre le long couloir en forme de coursive bordé des cabines de six couchettes superposées à l’allure de cellules, je me dis que ce n’était sans doute pas une bonne idée de vouloir renouveler l’expérience. Je dispose d’une des deux couchettes du bas. M’effleure l’espoir que je n’aurai pas de compagnons de voyage, vite déçu par le contrôleur à qui je pose la question. « Le reste de la cabine montera à Toulouse », me dit-il après consultation de son écran.
J’ouvre la pochette-cadeau de la Senecefe : une petite bouteille d’eau, des bouchons d’oreille, un mouchoir en papier et une lingette, puis je fais mon lit et, comme il n’y a pas moyen de faire autre chose, je me couche. A Perpignan, le train s’emplit davantage. Parmi les nouveaux voyageurs : trois jeunes étrangers vite repérés par le contrôleur qui leur enjoint de quitter la cabine qu’ils veulent squatter et d’aller s’asseoir dans la première voiture qui est à sièges inclinables. « Je vous ferai des billets quand on sera à Toulouse », leur dit-il. Je pense qu’à l’arrivée dans la ville rose, des hommes à l’uniforme différent s’occuperont d’eux.
Je dors un peu avant l’arrivée dans cette ville. Ma porte s’ouvre énergiquement et entrent deux jeunes couples voyageant ensemble qui n’envisageaient pas qu’il puisse y avoir déjà quelqu'un dans leur chambre. Cette arrivée brutale est le seul reproche que je puisse leur faire. Une fois installés, ils ne font pas le moindre bruit et s’endorment rapidement.
Je ne peux pas dire que je ne dors pas mais je ne peux pas dire que je dors. Ce qui me gêne le plus, ce n’est pas la présence d’autrui, ni le peu de confort, c’est l’obscurité totale. Que ce soit chez moi ou en villégiature, la nuit je ne tire pas les rideaux d’au moins une fenêtre. Surtout quand le train est arrêté longuement, je me sens dans un caveau. Je n’attends qu’une chose : en sortir.
Vers quatre heures et demie, debout dans le couloir, je vois passer un contrôleur qui me dit qu’il n’y a aucune place de libre chez les inclinables. Il ne peut m’ouvrir une cabine vide, il n’y en a pas. Je retourne m’allonger dans le noir. Quand je remets le nez dans le couloir, nous passons la gare de Brétigny. Cela devient bon. Je regarde la pleine lune jusqu’à la gare d’Austerlitz où nous arrivons à l’heure prévue : six heures cinquante-deux. Je suis l’un des premiers à quitter la prison roulante, alors que d’autres, dont les deux jeunes couples, ne sont pas encore levés.
Cette gare que je ne connais pas est en travaux. Je suis les tireurs de valises. Ils m’emmènent au métro. Par les lignes Dix puis Douze, je rejoins Saint-Lazare. N’ayant pas pris de billet à l’avance par crainte d’un retard du train de nuit, je paie plus de quinze euros pour le Paris Rouen de sept heures cinquante dans lequel je monte aussitôt.
Ce train matinal est fréquenté par de jeunes Parisien(ne)s qui étudient en Normandie. Leurs valises montrent qu’elles et eux y passent la semaine. L’une lit Le Canard Enchaîné et je me dis qu’il est rare de voir des moins de cinquante ans avec ce journal, peut-être sont-ce ses parents que le lui ont passé.
A l’arrivée, un gros nuage noir bouche l’horizon. Une averse vient de tomber. Je tire ma valise et porte ma fatigue sur le parvis mouillé. Rouen est toujours jumelée avec Lubrizol mais cette dernière ne parfume plus la ville.
*
Le Cerbère Paris de nuit avait été supprimé. La région Occitanie l’a remis sur les rails au moins jusqu’en deux mille vingt. Il est très fréquenté mais ce n’est pas une raison pour le conserver. Ses voyageurs prendraient un train de jour plus rentable pour la Senecefe.
J’ouvre la pochette-cadeau de la Senecefe : une petite bouteille d’eau, des bouchons d’oreille, un mouchoir en papier et une lingette, puis je fais mon lit et, comme il n’y a pas moyen de faire autre chose, je me couche. A Perpignan, le train s’emplit davantage. Parmi les nouveaux voyageurs : trois jeunes étrangers vite repérés par le contrôleur qui leur enjoint de quitter la cabine qu’ils veulent squatter et d’aller s’asseoir dans la première voiture qui est à sièges inclinables. « Je vous ferai des billets quand on sera à Toulouse », leur dit-il. Je pense qu’à l’arrivée dans la ville rose, des hommes à l’uniforme différent s’occuperont d’eux.
Je dors un peu avant l’arrivée dans cette ville. Ma porte s’ouvre énergiquement et entrent deux jeunes couples voyageant ensemble qui n’envisageaient pas qu’il puisse y avoir déjà quelqu'un dans leur chambre. Cette arrivée brutale est le seul reproche que je puisse leur faire. Une fois installés, ils ne font pas le moindre bruit et s’endorment rapidement.
Je ne peux pas dire que je ne dors pas mais je ne peux pas dire que je dors. Ce qui me gêne le plus, ce n’est pas la présence d’autrui, ni le peu de confort, c’est l’obscurité totale. Que ce soit chez moi ou en villégiature, la nuit je ne tire pas les rideaux d’au moins une fenêtre. Surtout quand le train est arrêté longuement, je me sens dans un caveau. Je n’attends qu’une chose : en sortir.
Vers quatre heures et demie, debout dans le couloir, je vois passer un contrôleur qui me dit qu’il n’y a aucune place de libre chez les inclinables. Il ne peut m’ouvrir une cabine vide, il n’y en a pas. Je retourne m’allonger dans le noir. Quand je remets le nez dans le couloir, nous passons la gare de Brétigny. Cela devient bon. Je regarde la pleine lune jusqu’à la gare d’Austerlitz où nous arrivons à l’heure prévue : six heures cinquante-deux. Je suis l’un des premiers à quitter la prison roulante, alors que d’autres, dont les deux jeunes couples, ne sont pas encore levés.
Cette gare que je ne connais pas est en travaux. Je suis les tireurs de valises. Ils m’emmènent au métro. Par les lignes Dix puis Douze, je rejoins Saint-Lazare. N’ayant pas pris de billet à l’avance par crainte d’un retard du train de nuit, je paie plus de quinze euros pour le Paris Rouen de sept heures cinquante dans lequel je monte aussitôt.
Ce train matinal est fréquenté par de jeunes Parisien(ne)s qui étudient en Normandie. Leurs valises montrent qu’elles et eux y passent la semaine. L’une lit Le Canard Enchaîné et je me dis qu’il est rare de voir des moins de cinquante ans avec ce journal, peut-être sont-ce ses parents que le lui ont passé.
A l’arrivée, un gros nuage noir bouche l’horizon. Une averse vient de tomber. Je tire ma valise et porte ma fatigue sur le parvis mouillé. Rouen est toujours jumelée avec Lubrizol mais cette dernière ne parfume plus la ville.
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Le Cerbère Paris de nuit avait été supprimé. La région Occitanie l’a remis sur les rails au moins jusqu’en deux mille vingt. Il est très fréquenté mais ce n’est pas une raison pour le conserver. Ses voyageurs prendraient un train de jour plus rentable pour la Senecefe.