Cette fois c’est la pluie, toute la nuit, et encore le matin. Pour la première fois depuis mon arrivée, je dois ouvrir mon parapluie. Le vent de la promenade du bord de mer lui étant contraire, c’est par le boulevard de la Plage que je rejoins le café du même nom. L’un des habitués y raconte sa mésaventure de la veille. Il est allé aider un copain à bricoler, une bière, deux apéros, et puis du vin pendant le repas. « Je suis rentré à la mi-temps du match et là les gendarmes était au pré salé avec leur alcootest. »
-Vous habitez loin ? lui ont-ils demandé après qu’il eut soufflé.
-Non, juste à côté.
-Eh bien, rentrez vous coucher !
« Je ne me le suis pas fait dire deux fois. » conclut-il et puis il la raconte une deuxième fois, et une troisième fois.
Je rentre par le même chemin et, la pluie ne cessant pas, vais lire quelques chroniques de Vialatte aux Marquises, place du même nom, où le marché du samedi n’attire pas foule. Lire ou plutôt survoler car leur systématisme m’a découragé. M’a lassé notamment le recours récurent aux énumérations loufoques. De temps à autre, je trouve quand même quelque chose à noter dans mon carnet Muji. A onze heures entre dans l’établissement le vieux couple à cannes qui l’autre jour a dû faire deux tours de minibus pour atteindre le quartier du Moullaud. Un café vite bu et elle et lui repartent, toujours vaillants.
Pour déjeuner je vais au plus près, à la Pizzeria de Jéhenne (« depuis mil neuf cent soixante-dix-huit »), rue du même nom. J’en vois le haut de l’enseigne depuis ma fenêtre.
-Vous êtes tout seul, cher monsieur ? me demande l’une des serveuses.
Elle me donne la table qui fait face au pizzaiolo. Beaucoup d’habitués mangent ici, des jeunes qui arrivent ensemble et des vieux qui arrivent seuls mais se regroupent en une unique tablée. J’apprends que ces derniers sont envoyés par le Cécéhahesse (Centre Communal d’Action Sociale) et déjeunent ici du mardi au samedi. Ils sont bien mis. A Arcachon, certains pauvres n’ont pas l’apparence de leur état.
Je choisis la Campagnarde à treize euros quatre-vingts avec un quart de vin italien à trois euros vingt. Un couple fait une arrivée remarquée, lui pulvérisant avec sa tête l’applique située au-dessus de la table où il devait s’asseoir. Les membres du personnel se partagent entre ceux qui rient dans les coins et ceux qui disent « Oh putain ! ». Suit le jeune couple avec bébé qui manquait et nécessite une chaise haute. Le père a un faux air de Roberto Benigni et se plonge dans son mobile. La mère couve leur descendant. « Mon p’tit cœur », dit-elle à celui qui l’appellera la daronne (ou son équivalent) dans quinze ans. Pendant ce temps, le pizzaiolo n’arrête pas, ingrat labeur.
En dessert, je prends un tiramisu à six euros vingt. Il ne les vaut pas.
-Vous n’avez rien laissé, jeune homme, me dit une autre serveuse.
-Eh non !
-Eh bien bravo !
Une accalmie me permet de faire un aller et retour le long de la mer, puis je vais prendre un café à un euro quatre-vingt-dix au Grand Café Repetto. Deux vieilles habituées permanentées s’y plaignent auprès d’un serveur de l’homme à pull rouge qui leur a demandé de l’argent dans la rue. « Même ici », répètent-elles. Arcachon n’est plus ce qu’elle était.
En rentrant, j’allume la télé sur l’autre chaine d’info continue et y vois des images de Rouen où le temps a l’air meilleur qu’ici. Quelques dizaines de Gilets Jaunes se font repousser vers la rive gauche à l’aide de gaz lacrymogène tandis que d’autres ayant envahi les rues du centre-ville interdit à la manifestation se font courser près du Café des Taxis. Un engin de chantier a été incendié je ne sais où (les ouvriers apprécieront).
-Vous habitez loin ? lui ont-ils demandé après qu’il eut soufflé.
-Non, juste à côté.
-Eh bien, rentrez vous coucher !
« Je ne me le suis pas fait dire deux fois. » conclut-il et puis il la raconte une deuxième fois, et une troisième fois.
Je rentre par le même chemin et, la pluie ne cessant pas, vais lire quelques chroniques de Vialatte aux Marquises, place du même nom, où le marché du samedi n’attire pas foule. Lire ou plutôt survoler car leur systématisme m’a découragé. M’a lassé notamment le recours récurent aux énumérations loufoques. De temps à autre, je trouve quand même quelque chose à noter dans mon carnet Muji. A onze heures entre dans l’établissement le vieux couple à cannes qui l’autre jour a dû faire deux tours de minibus pour atteindre le quartier du Moullaud. Un café vite bu et elle et lui repartent, toujours vaillants.
Pour déjeuner je vais au plus près, à la Pizzeria de Jéhenne (« depuis mil neuf cent soixante-dix-huit »), rue du même nom. J’en vois le haut de l’enseigne depuis ma fenêtre.
-Vous êtes tout seul, cher monsieur ? me demande l’une des serveuses.
Elle me donne la table qui fait face au pizzaiolo. Beaucoup d’habitués mangent ici, des jeunes qui arrivent ensemble et des vieux qui arrivent seuls mais se regroupent en une unique tablée. J’apprends que ces derniers sont envoyés par le Cécéhahesse (Centre Communal d’Action Sociale) et déjeunent ici du mardi au samedi. Ils sont bien mis. A Arcachon, certains pauvres n’ont pas l’apparence de leur état.
Je choisis la Campagnarde à treize euros quatre-vingts avec un quart de vin italien à trois euros vingt. Un couple fait une arrivée remarquée, lui pulvérisant avec sa tête l’applique située au-dessus de la table où il devait s’asseoir. Les membres du personnel se partagent entre ceux qui rient dans les coins et ceux qui disent « Oh putain ! ». Suit le jeune couple avec bébé qui manquait et nécessite une chaise haute. Le père a un faux air de Roberto Benigni et se plonge dans son mobile. La mère couve leur descendant. « Mon p’tit cœur », dit-elle à celui qui l’appellera la daronne (ou son équivalent) dans quinze ans. Pendant ce temps, le pizzaiolo n’arrête pas, ingrat labeur.
En dessert, je prends un tiramisu à six euros vingt. Il ne les vaut pas.
-Vous n’avez rien laissé, jeune homme, me dit une autre serveuse.
-Eh non !
-Eh bien bravo !
Une accalmie me permet de faire un aller et retour le long de la mer, puis je vais prendre un café à un euro quatre-vingt-dix au Grand Café Repetto. Deux vieilles habituées permanentées s’y plaignent auprès d’un serveur de l’homme à pull rouge qui leur a demandé de l’argent dans la rue. « Même ici », répètent-elles. Arcachon n’est plus ce qu’elle était.
En rentrant, j’allume la télé sur l’autre chaine d’info continue et y vois des images de Rouen où le temps a l’air meilleur qu’ici. Quelques dizaines de Gilets Jaunes se font repousser vers la rive gauche à l’aide de gaz lacrymogène tandis que d’autres ayant envahi les rues du centre-ville interdit à la manifestation se font courser près du Café des Taxis. Un engin de chantier a été incendié je ne sais où (les ouvriers apprécieront).