Je suis le seul ce jeudi à huit heures six à monter en gare de Collioure dans le train venu de Perpignan. J’en descends avec tous les voyageurs seize minutes plus tard à son terminus, la Gare Internationale de Cerbère, dernier village côtier avant l’Espagne. Le comité d’accueil est constitué d’une équipe de la Police Nationale qui ne trouve personne suspect.
Cette gare est perchée. Un passage souterrain entièrement graffé est le raccourci pour rejoindre port et plage. Je m’y risque en compagnie d’un couple et de leur fille adolescente. Il est si long que l’on n’en voit pas la fin. La jeune fille pense que l’on va arriver dans les égouts. A la sortie, c’est la Méditerranée.
Cerbère est bien lotie, comme l’écrit narquoisement Le Routard, et située dans une anse de petite taille. A première vue, on peut la trouver presque laide, surtout si on la compare à ses voisines françaises. En la regardant mieux, je lui trouve beaucoup de charme. J’aime ses hôtels en activité ou faillis, son école Jean Jaurès vieillie, sa banale église contemporaine, ses maisons entassées et surtout, encore un hôtel, ce paquebot de béton posé au-dessus des voies ferrée, datant du début des années trente, dont le tribord qui surplombe les trains est muni d’un horrible filet vert destiné à enrayer les chutes d’éléments de façade. Cet Hôtel du Belvédère du Rayon Vert est une réalisation de l’architecte Léon Baille. Ce fut la première construction en béton armé moulé au monde. Il est doté d’une salle de spectacle de cent cinquante places. On peut le louer pour se marier.
Aujourd’hui, à Cerbère, chez les écoliers, c’est éducation civique sur le terrain. Une classe assiste à la récupération par des plongeurs de poubelles tombées dans la mer. Une autre parcourt les rues en ramassant les déchets qui traînent, ce qui n’est pas du goût d’une femme qui le dit à une autre : « Les gens jettent leurs ordures n’importe où, c’est pas à nos enfants de les ramasser. »
En bord de mer, sous les voies ferrées, devant un antique wagon de marchandises, est érigée une statue de femme à panier d’oranges. C’est un hommage aux transbordeuses, ces femmes qui, à cause de la différence d’écartement des voies entre la France et l’Espagne, étaient employées à la manutention des marchandises qu’elles faisaient passer du wagon en provenance d’Espagne à un wagon français disposé en vis-à-vis. En mil neuf cent six, ce sont elles qui firent la première grève de femmes en France.
Une autre statue est installée sur la placette des Transbordeuses, un endroit sous la protection de Voisins Vigilants « en liaison immédiate avec la gendarmerie ». Mon appareil photo me permet de montrer patte blanche (si je puis dire).
Après avoir fait tout le tour de Cerbère, je prends un café verre d’eau à un euro cinquante à la terrasse du Restaurant de la Plage. Bien que le ciel hésite entre se voiler et se dévoiler, il y fait bon commencer ma relecture du Journal de Gouverneur Morris. Je la poursuis sur un banc du port en assistant au repêchage d’une dernière poubelle.
C’est également au Restaurant de la Plage, qui n’a guère de concurrence, que je déjeune pour seize euros de sardines grillées pommes frites suivies d’une crème catalane, en buvant deux verres de vin blanc de Collioure à trois euros cinquante. On y est pingre en pain. Je n’ose en redemander une deuxième fois.
Afin de prendre le train de quinze heures trente-sept, je monte à la gare par la route sous un ciel devenu bleu. En chemin, je m’engage le long de la voie ferrée pour prendre une dernière photo de l’Hôtel du Belvédère du Rayon Vert quand une voix féminine m’interpelle.
-Vous n’avez pas le droit d’aller par-là, monsieur.
Cette voisine vigilante travaille au poste de contrôle.
-Je fais une photo, lui dis-je.
-Une photo et vous revenez, m’ordonne-t-elle.
Je n’irai pas jusqu’à la qualifier de cerbère.
Je monte dans mon train en compagnie de quelques Espagnols arrivés de Port-Bou par la compagnie Rodalies de Catalunya. L’une me demande s’il va bien à Perpignan en me tutoyant comme font souvent les étrangers quand ils parlent en français et j’aime ça.
Descendu à Collioure, c’est par un temps que l’on peut qualifier d’estival que je poursuis ma lecture après avoir bu mon habituel café au Petit Café. Il doit son nom au local en forme de trou dans lequel il est installé. Sa terrasse est immense.
*
Une arrivante à Collioure : « C’est où, l’église ? C’est quand même pas ça ! »
*
Une autre : « C’est plus joli que Saint-Tropez. Et puis surtout, pas encombré d’énormes bateaux pouraves. »
Cette gare est perchée. Un passage souterrain entièrement graffé est le raccourci pour rejoindre port et plage. Je m’y risque en compagnie d’un couple et de leur fille adolescente. Il est si long que l’on n’en voit pas la fin. La jeune fille pense que l’on va arriver dans les égouts. A la sortie, c’est la Méditerranée.
Cerbère est bien lotie, comme l’écrit narquoisement Le Routard, et située dans une anse de petite taille. A première vue, on peut la trouver presque laide, surtout si on la compare à ses voisines françaises. En la regardant mieux, je lui trouve beaucoup de charme. J’aime ses hôtels en activité ou faillis, son école Jean Jaurès vieillie, sa banale église contemporaine, ses maisons entassées et surtout, encore un hôtel, ce paquebot de béton posé au-dessus des voies ferrée, datant du début des années trente, dont le tribord qui surplombe les trains est muni d’un horrible filet vert destiné à enrayer les chutes d’éléments de façade. Cet Hôtel du Belvédère du Rayon Vert est une réalisation de l’architecte Léon Baille. Ce fut la première construction en béton armé moulé au monde. Il est doté d’une salle de spectacle de cent cinquante places. On peut le louer pour se marier.
Aujourd’hui, à Cerbère, chez les écoliers, c’est éducation civique sur le terrain. Une classe assiste à la récupération par des plongeurs de poubelles tombées dans la mer. Une autre parcourt les rues en ramassant les déchets qui traînent, ce qui n’est pas du goût d’une femme qui le dit à une autre : « Les gens jettent leurs ordures n’importe où, c’est pas à nos enfants de les ramasser. »
En bord de mer, sous les voies ferrées, devant un antique wagon de marchandises, est érigée une statue de femme à panier d’oranges. C’est un hommage aux transbordeuses, ces femmes qui, à cause de la différence d’écartement des voies entre la France et l’Espagne, étaient employées à la manutention des marchandises qu’elles faisaient passer du wagon en provenance d’Espagne à un wagon français disposé en vis-à-vis. En mil neuf cent six, ce sont elles qui firent la première grève de femmes en France.
Une autre statue est installée sur la placette des Transbordeuses, un endroit sous la protection de Voisins Vigilants « en liaison immédiate avec la gendarmerie ». Mon appareil photo me permet de montrer patte blanche (si je puis dire).
Après avoir fait tout le tour de Cerbère, je prends un café verre d’eau à un euro cinquante à la terrasse du Restaurant de la Plage. Bien que le ciel hésite entre se voiler et se dévoiler, il y fait bon commencer ma relecture du Journal de Gouverneur Morris. Je la poursuis sur un banc du port en assistant au repêchage d’une dernière poubelle.
C’est également au Restaurant de la Plage, qui n’a guère de concurrence, que je déjeune pour seize euros de sardines grillées pommes frites suivies d’une crème catalane, en buvant deux verres de vin blanc de Collioure à trois euros cinquante. On y est pingre en pain. Je n’ose en redemander une deuxième fois.
Afin de prendre le train de quinze heures trente-sept, je monte à la gare par la route sous un ciel devenu bleu. En chemin, je m’engage le long de la voie ferrée pour prendre une dernière photo de l’Hôtel du Belvédère du Rayon Vert quand une voix féminine m’interpelle.
-Vous n’avez pas le droit d’aller par-là, monsieur.
Cette voisine vigilante travaille au poste de contrôle.
-Je fais une photo, lui dis-je.
-Une photo et vous revenez, m’ordonne-t-elle.
Je n’irai pas jusqu’à la qualifier de cerbère.
Je monte dans mon train en compagnie de quelques Espagnols arrivés de Port-Bou par la compagnie Rodalies de Catalunya. L’une me demande s’il va bien à Perpignan en me tutoyant comme font souvent les étrangers quand ils parlent en français et j’aime ça.
Descendu à Collioure, c’est par un temps que l’on peut qualifier d’estival que je poursuis ma lecture après avoir bu mon habituel café au Petit Café. Il doit son nom au local en forme de trou dans lequel il est installé. Sa terrasse est immense.
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Une arrivante à Collioure : « C’est où, l’église ? C’est quand même pas ça ! »
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Une autre : « C’est plus joli que Saint-Tropez. Et puis surtout, pas encombré d’énormes bateaux pouraves. »