Lever du soleil à Guingamp : sept heures quarante-trois, me répond Gougueule lorsque je m’inquiète ce jeudi matin de l’obscurité persistante. Du soleil, il y en a en Bretagne ces jours-ci, au point que des natifs demandent aux cafetiers de baisser le store. Pour ma dernière journée au Petit Montparnasse, d’où j’aime entendre la petite musique de la Senecefe, je choisis de ne pas quitter la ville.
Le ciel est gris en cette matinée. Après un arrêt café croissant au Bar des Sports, je rejoins le Trieux dont il me reste à parcourir la rive de la partie plus urbanisée. Le chemin passe à proximité du stade de Roudourou que connaissent ceux qui aiment le foute (la boutique En Avant Guingamp est en face du Bar des Sports mais je n’ai pas acheté de maillot). Ce sentier est agréable et il ne mène qu’à sa fin.
Celle-ci atteinte, je reviens par l’autre rive et rejoins la place du Centre où je prends un café Léautaud à la terrasse du Grand Café près de boutiquières qui y attendent dix heures pour ouvrir le magasin, des teintes en blond qui ne se voient pas vieillir. La fontaine la Plomée, aux trois vasques, et les jeux d’eau disparates de la place commencent également leur journée à dix heures. On reconnaît les quelques touristes qui passent, en dehors de leur air égaré, à ce qu’ils sont encore habillés en été avec un pull par-dessus, élégance garantie.
Il me reste à passer à la Mairie afin d’y voir les tableaux de Paul Sérusier. On y entre comme dans un moulin. Ne sachant pas où ils sont, je m’adresse au Service Culturel qui m’apprend que je suis passé devant sans les voir malgré leur grande taille. C’est qu’ils sont accrochés en hauteur dans le couloir sombre de l’entrée. Pas étonnant que Le Routard quand il est passé par là n’en ait vu que deux alors qu’il s’agit d’un triptyque : Moïse et le buisson ardent, L’annonciation à Marie et La nativité. Ces tableaux n’ont pas eu de chance. Sérusier les avait peints pour l’église de Châteauneuf-du-Faou. Le curé n’en a pas voulu. A la mort du peintre, sa veuve en a fait don à la ville de Guingamp qui devait ouvrir un Musée Régional. Celui-ci n’a jamais vu le jour.
Je choisis à nouveau le Grand Café pour déjeuner en extérieur de la formule à treize euros vingt : rillettes de thon maison, jambonnette de dinde sauce Boursin avec frites de patates douces (tout cela fort bon) avec café offert.
Après avoir réglé au comptoir, je garde mon masque jusqu’à l’Office de Tourisme. Une autre employée que la fois précédente, tout aussi serviable, s’emploie à rassembler la documentation qui me sera utile pour la suite. Il s’agit maintenant d’aller voir la mer.
*
Pendant mon périple Auvergne Limousin, l’une m’a demandé : « Mais quand est-ce que vous allez rentrer ? » Là, un me demande « Vous n'allez plus jamais arrêter de voyager ? ».
C’est que je suis en état d’urgence. Alarmé par mon état de santé, conscient que si je chope le Covid cela risque d’être très mauvais voire fatal, traumatisé par le confinement et sa suite (fini Paris le mercredi, fini le vide grenier le dimanche), j’ai perdu mes repères et ne les retrouverai pas..
Je vis cet été comme si c’était le dernier et à l’exemple de Michel de Montaigne qui écrivait dans Les Essais : Toute ma petite prudence, en ces guerres civiles où nous sommes, s’emploie à ce qu’elles n’interrompent ma liberté d’aller et venir. (remplacer guerres civiles par guerre du coronavirus).
*
Parmi les nés à Guingamp, Yann Andréa, de son vrai nom Yann Lemée, le vingt-quatre décembre mil neuf cent cinquante-deux (bizarrement, je le voyais bien plus jeune que moi). Il vivait à Caen lorsqu’il décida un soir de s’inviter aux Roches Noires à Trouville chez Marguerite Duras. Je le croyais toujours vivant mais j’apprends qu’on l’a retrouvé mort le dix juillet deux mille quatorze dans son appartement du sixième arrondissement de Paris.
Je me souviens l’avoir entendu raconter sur France Culture comment lors d’une de ses disputes avinées avec l’écrivaine, celle-ci l’avait mis dehors. Alors qu’il la suppliait sous son balcon, elle avait ouvert la fenêtre et lui avait lancé le quarante-cinq tours de sa chanson préférée Capri c’est fini sur la pochette duquel elle avait écrit « Cette fois c’est vraiment fini ».
Après quelques jours à l’hôtel, Yann Andréa est allé frapper chez elle. Quand elle a ouvert, la première chose que Marguerite Duras lui a dite, c’est « Vous avez le disque d’Hervé Vilard ? ».
Le ciel est gris en cette matinée. Après un arrêt café croissant au Bar des Sports, je rejoins le Trieux dont il me reste à parcourir la rive de la partie plus urbanisée. Le chemin passe à proximité du stade de Roudourou que connaissent ceux qui aiment le foute (la boutique En Avant Guingamp est en face du Bar des Sports mais je n’ai pas acheté de maillot). Ce sentier est agréable et il ne mène qu’à sa fin.
Celle-ci atteinte, je reviens par l’autre rive et rejoins la place du Centre où je prends un café Léautaud à la terrasse du Grand Café près de boutiquières qui y attendent dix heures pour ouvrir le magasin, des teintes en blond qui ne se voient pas vieillir. La fontaine la Plomée, aux trois vasques, et les jeux d’eau disparates de la place commencent également leur journée à dix heures. On reconnaît les quelques touristes qui passent, en dehors de leur air égaré, à ce qu’ils sont encore habillés en été avec un pull par-dessus, élégance garantie.
Il me reste à passer à la Mairie afin d’y voir les tableaux de Paul Sérusier. On y entre comme dans un moulin. Ne sachant pas où ils sont, je m’adresse au Service Culturel qui m’apprend que je suis passé devant sans les voir malgré leur grande taille. C’est qu’ils sont accrochés en hauteur dans le couloir sombre de l’entrée. Pas étonnant que Le Routard quand il est passé par là n’en ait vu que deux alors qu’il s’agit d’un triptyque : Moïse et le buisson ardent, L’annonciation à Marie et La nativité. Ces tableaux n’ont pas eu de chance. Sérusier les avait peints pour l’église de Châteauneuf-du-Faou. Le curé n’en a pas voulu. A la mort du peintre, sa veuve en a fait don à la ville de Guingamp qui devait ouvrir un Musée Régional. Celui-ci n’a jamais vu le jour.
Je choisis à nouveau le Grand Café pour déjeuner en extérieur de la formule à treize euros vingt : rillettes de thon maison, jambonnette de dinde sauce Boursin avec frites de patates douces (tout cela fort bon) avec café offert.
Après avoir réglé au comptoir, je garde mon masque jusqu’à l’Office de Tourisme. Une autre employée que la fois précédente, tout aussi serviable, s’emploie à rassembler la documentation qui me sera utile pour la suite. Il s’agit maintenant d’aller voir la mer.
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Pendant mon périple Auvergne Limousin, l’une m’a demandé : « Mais quand est-ce que vous allez rentrer ? » Là, un me demande « Vous n'allez plus jamais arrêter de voyager ? ».
C’est que je suis en état d’urgence. Alarmé par mon état de santé, conscient que si je chope le Covid cela risque d’être très mauvais voire fatal, traumatisé par le confinement et sa suite (fini Paris le mercredi, fini le vide grenier le dimanche), j’ai perdu mes repères et ne les retrouverai pas..
Je vis cet été comme si c’était le dernier et à l’exemple de Michel de Montaigne qui écrivait dans Les Essais : Toute ma petite prudence, en ces guerres civiles où nous sommes, s’emploie à ce qu’elles n’interrompent ma liberté d’aller et venir. (remplacer guerres civiles par guerre du coronavirus).
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Parmi les nés à Guingamp, Yann Andréa, de son vrai nom Yann Lemée, le vingt-quatre décembre mil neuf cent cinquante-deux (bizarrement, je le voyais bien plus jeune que moi). Il vivait à Caen lorsqu’il décida un soir de s’inviter aux Roches Noires à Trouville chez Marguerite Duras. Je le croyais toujours vivant mais j’apprends qu’on l’a retrouvé mort le dix juillet deux mille quatorze dans son appartement du sixième arrondissement de Paris.
Je me souviens l’avoir entendu raconter sur France Culture comment lors d’une de ses disputes avinées avec l’écrivaine, celle-ci l’avait mis dehors. Alors qu’il la suppliait sous son balcon, elle avait ouvert la fenêtre et lui avait lancé le quarante-cinq tours de sa chanson préférée Capri c’est fini sur la pochette duquel elle avait écrit « Cette fois c’est vraiment fini ».
Après quelques jours à l’hôtel, Yann Andréa est allé frapper chez elle. Quand elle a ouvert, la première chose que Marguerite Duras lui a dite, c’est « Vous avez le disque d’Hervé Vilard ? ».