Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

7 juillet 2022


De retour au U Express de l’Hôtel de Ville ce mercredi matin, je constate que les prix ont continué d’augmenter pendant mon absence (le stèque haché vaut maintenant le double d’il y a quelques mois) et que les rayons sont maigrement fournis. Je trouve quand même de quoi assurer ma survie.
L’après-midi je passe de la terrasse du Son du Cor à celle du Sacre où je dois me mettre à l’ombre. Il fait presque trop chaud en Normandie. Je suis peut-être fait pour le climat brestois, bien que j’en aie rapporté une toux persistante. Ce glandage me permet de lire Avec Bas Jan Ader en diagonale, car la façon qu’a Thomas Giraud d’évoquer en le tutoyant la vie de l’artiste de la chute et sa mort dans ce qui fut sa dernière performance, la traversée de l’Atlantique sur un petit bateau pas fait pour ça, ne me convainc pas.
En ville, de nouveaux commerces et restaurants ont ouvert et l’Hôtel d’Angleterre a fermé pour proxénétisme. Je ne pense pas avoir manqué grand-chose. Quand même, je regrette de ne pas avoir été là pour la traversée de la Seine du funambule Nathan Paulin sur son fil reliant la Cathédrale à la Tour des Archives. J’aime faire le badaud à ce genre d’exploit et ça m’aurait intéressé d’assister aux préparatifs, de savoir comment on fait pour attacher le fil aux deux extrémités.
Maintenant vont commencer les routinières Terrasses du Jeudi du mois de juillet. Le programme de ces concerts gratuits ne me poussera pas à y assister.
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Entendu dans la rue :
« Un enfant ça coûte de l’argent, et avec tout ce qui se passe là, comment ça augmente… »
 

6 juillet 2022


Une seule serviette de bain (et c’est un bien grand mot pour une si petite chose) à mon arrivée dans le studio Air Bibi de la rue Saint-Saëns à Brest. Quand je suis allé le signaler à la conciergerie qui le gère (elle est à la même adresse), une fille style pimbêche m’a répondu péremptoirement : « On fournit une seule serviette par personne ». « Pour trois semaines ? » « Ben oui ». Un de ses collègues, moins stupide, est allé m’en chercher une deuxième, grande et moelleuse.
Je l’utilise pour la dernière fois ce mardi matin, laisse la clé du studio Air Bibi sur la table comme demandé et tire la porte derrière moi puis ma valise de même. La distance à parcourir jusqu’à la Gare est minime. J’ai le temps de boire un allongé à un euro soixante-dix dans ce qui tient lieu de buffet avant de m’installer en voiture Cinq place Quinze.
Car il me faut ce jour quitter Brest / La rade, le port, ce qu'il en reste / Le vent dans l'avenue Jean Jaurès.
« Le départ de votre Tégévé va partir », nous annonce une cheffe de bord moyennement réveillée. Il est sept heures dix-huit lorsqu’il s’ébroue. Par la vitre, je peux revoir Moulin Blanc (son port sa plage) puis l’Elorn jusqu’à Landerneau.
Ce sont ensuite Morlaix, Guingamp, Saint-Brieuc, villes de l’an dernier. A Rennes, cela se gâte. Le Tégévé de Quimper qui doit s’accoupler avec le nôtre est retardé à cause d’un animal heurté par un autre train. Le retard annoncé est de vingt-cinq minutes. J’ai à peine le temps de me dire Animal on est mal, que ce retard est ramené à quinze minutes, le temps qu'il me faut pour achever ma relecture de Lettres à sa femme du Marquis de Sade.
Quand les deux trains n’en forment plus qu’un,  nous filons à grande vitesse.
Comme j’ai prévu de la marge entre ce Brest Paris et le Paris Rouen, j’ai l’esprit tranquille quand je vais de Montparnasse à Saint-Lazare avec le métro Treize. J’ai même le temps de boire un café à un euro trente au comptoir de La Ville d’Argentan avant de prendre place dans le train Nomad de douze heures quarante. Il est peu fréquenté et ne rencontre pas de problème jusqu’à Rouen.
Arrivé chez moi peu après quatorze heures vingt, mon premier geste est de remettre l’électricité et le second d’aller chercher un kébab au Djurdjura, salade tomate oignon, sauce blanche, désormais à cinq euros quatre-vingts.
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Aperçu du Tégévé, un Café des Abattoirs. Moins glamour que le Café de la Plage.
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A la Gare Saint-Lazare, une Gilet Rouge interrogée par un voyageur, quinquagénaire élégant. « Je ne peux pas vous dire, je m’occupe des lignes normandes, pas de la banlieue », lui répond-elle. « Conflans-Sainte-Honorine, ça n’est pas la banlieue », s’insurge-t-il.
 

5 juillet 2022


Ce lundi est mon dernier jour dans le Finistère. Je prends le car BreizhGo numéro Onze qui va au Conquet pour encore une fois en descendre au Trez-Hir (commune de Plougonvelin) et marcher par le Géherre Trente-Quatre jusqu’à Trégana-Plage (commune de Locmaria-Plouzané). Plougonvelin se réjouit à l’avance d’accueillir fin juillet la Tournée des Années 80 dont la locomotive est Lio (tombée bien bas).  Locmaria-Plouzané affiche qu’elle cherche un boulanger.
Moins de chiens cette fois sur le chemin et quelques randonneurs en éclaireurs de tous ceux qui vont débouler sur la côte après la fermeture des écoles. Parmi les oiseaux qui chantent se fait remarquer un coq peu matinal. Je prends mon temps car je sais L’Albatros fermé le lundi. Il ne me faut arriver au Café de la Plage qu’après son ouverture : dix heures.
Je réussis parfaitement, réserve une dernière fois la table d’angle à la terrasse de l’étage puis bois un café à la terrasse du bas où je lis ensuite longuement Lettres à sa femme du Marquis de Sade.
Il fait à demi beau pour mon dernier repas finistérien. Après le buffet d’entrées, c’est une blanquette de poulet avec des frites maison. Un plat que je savoure l’œil sur le large. D’ici je vois bien la Pointe de Pen Hir et les Tas de Pois au bout de la Presqu’île de Crozon et au loin j’aperçois la Pointe du Raz, un peu voilée. En dessert, je choisis une salade de melon.
J’ai le temps d’un café en bas avant l’arrivée du car de retour conduit par le chauffeur du matin. « Alors la balade a été belle ? » me demande-t-il.
Arrivé à Brest, comme je dispose de deux tickets BreizhGo me donnant droit à un trajet d’une heure chez Bibus, je descends la rue de Siam en tram et m’offre un nouveau tour de manège avec le Téléphérique qui a retrouvé la santé. A l’arrivée aux Capucins, j’en repars immédiatement dans une cabine occupée par un Ehpad en promenade, un très vieux et des très vieilles, dont une centenaire, deux en fauteuil et une grincheuse qui crie qu’on lui a piqué ses sous. Elles et lui sont assis et ne voient pas grand-chose mais sont quand même contents. Les monitrices sont deux filles pas très futées qui jurent avoir le vertige. En cette charmante compagnie, je regarde de là-haut l’Arsenal, le Château et le Port de Commerce pour la dernière fois.
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Brest (sous toutes ses coutures), Le Conquet, Plouzané (plage Sainte-Anne), Plougastel, Saint-Renan, Plougonvelin (Le Trez-Hir), Locmaria-Plouzané (Trégana-Plage), Landerneau, Plougerneau, Landéda (Aber Wrac’h), Porspoder, Ploudalmézeau (Portsall), Plounéour-Brignogan-Plages, Lampaul-Plouarzel, Camaret-sur-Mer, Lesneven, Le Faou, Le Folgoët, Hôpital-Camfrout, Logonna-Daoulas, Daoulas, Crozon (Morgat).
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Les autres vont arriver. Il est temps de rentrer.
 

4 juillet 2022


Ce dimanche matin à Brest, des victimes du folklore local attendent, écroulés, le passage du premier tram dans quarante-sept minutes. D’autres préfèrent descendre la rue de Siam d’un pied incertain, en grappes, les mains dans les poches, disant c’est dommage qu’il n’y ait pas un café ouvert on aurait pu prendre un café.
Un café ouvert, il y en a un mais peu visible, caché par un barnum du marché, le Café de l’Océan, plus connu sous le nom de Chez Alain. Lequel Alain a remis son masque pour protéger ses soixante-dix-sept ans. La clientèle est moitié café croissant, moitié en train de cuver. « Bonne soirée », dit l’une en partant ; il est huit heures, encore trente minutes avant le premier tram. Une très ancienne beauté tente de se hisser sur un tabouret, n’y arrive pas, renonce.
-Elle est où ta femme ? demande l’un à Alain.
-Ma femme, elle est avec son amant.
-Et tu voudrais bien qu’elle ne revienne pas.
Avant que n’arrive cette harpie, je quitte ce café pittoresque dont je ne connais pas d’équivalent ailleurs et monte dans le tram avec mon dernier billet BreizhGo trafiqué. J’en descends à l’arrêt Capucins. A partir de là, c’est mon adieu pédestre à Brest : Capucins, Téléphérique, Recouvrance, Arsenal, Pont, Château et me voici arrivé au Port de Commerce.
A la terrasse couverte de La Presqu’île, je commande un café qui m’est apporté par la petite serveuse en alternance dont l’attitude si sage contraste sacrément avec celle de la partie imbibée de la clientèle. Un beau deux-mâts quitte le Port. Un dragueur non alcoolisé déclare à la fille avec qui il est arrivé : « J’aime bien le petit matin avec toi » ; il est dix heures et quart.
Le ciel reste gris. A midi je déjeune encore une fois chez Cocorico. Là aussi, le personnel a remis le masque, mais pas le patron. Arrivent de jeunes embiérés, un quatuor composé de deux couples. Ce sont les filles que l’on entend, tonitruantes et vulgaires, les garçons eux sont amortis. Un serveur vient leur dire qu’il va y avoir des familles et qu’il va falloir faire moins de bruit, puis on leur sert les pintes commandées. Je choisis encore une fois la terrine de poisson et la saucisse de Molène, avec de l’eau, pour quinze euros.
Le café, je vais le prendre à La Presqu’île. Il est treize heures trente. Le dragueur et la fille sont toujours à la même table. « Je vais t’offrir un ticket à gratter, lui dit-il, et si tu gagnes tu garderas tout pour toi ».
Une dernière fois je remonte la rampe. Une femme de ménage s’occupe du logement Air Bibi voisin du mien. Les trois bruyants ne seront restés à Brest que le temps de se piquer la ruche.
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Dans les cafés de cette ville, on ignore la loi qui interdit de servir de l’alcool à des personnes qui arrivent manifestement ivres.
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A Brest, le réseau Bibus est géré par la Régie Autonome des Transports Parisiens. En fin de semaine, il vaut mieux laisser passer le premier tram et monter dans le suivant.
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La mère de la fille d’en face ne sort jamais, sauf pour fumer sur son balcon.
 

3 juillet 2022


Revoir ou ne pas revoir Roscoff, lieu empreint de si bons souvenirs, j’hésite longtemps car cela demande deux heures de voyage en car. Ce samedi matin, je me décide à y aller et pour ce faire monte dans le BreizhGo numéro Vingt et Un. Son chauffeur colle un coup de dateur sur mon ticket. Je lui demande s’il y a bien correspondance à Lesneven avec le BreizhGo numéro Vingt-Cinq pour Roscoff et là il m’apprend que celui-ci a été supprimé par la Région en raison d’un manque de conducteur.
Le sort aura donc décidé que non. Je me fais rembourser le ticket tamponné au guichet mais l’utilise quand même comme ticket de Bibus pour prendre le Deux, direction Océanopolis. J’en descends à Port de Plaisance devant la plage de Moulin Blanc.
C’est aussi paisible que la fois précédente. Les militaires ne sont plus là pour barrer le chemin. Et il fait quasiment beau, ce qui me permet de lire agréablement sur un banc au-dessus de cette plage. De temps en temps sur la hauteur passe le train de Landerneau.
Vers onze heures je monte à la terrasse du Tour du Monde de Kersauson et retrouve la table en coin avec vue sur le port et sur la presqu’île de Plougastel. J’y bois un café à un euro cinquante et la retiens pour midi.
Le choix est minimal : moules frites ou fish and chips. J’opte pour le second avec un quart de vin blanc, pas possible d’obtenir du pain, on n’en a pas (il y a pourtant une longue boulangerie Paul au bout du quai sous le Couett’Hôtel).
Sans en demander plus, je règle mes dix-huit euros trente et vais lire au bord du port jusqu’à ce que le ciel devienne gris. Un ticket Breizhgo déjà utilisé mais dont la date est illisible m’incite à rejoindre gratuitement mon logis provisoire. Ce n’est pas une journée très honnête. Il ne fallait pas supprimer le car que je voulais prendre.
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Dans le Bibus de l’aller, un jeune père à casquette à l’envers, le regard méprisant posé sur tout, à commencer par la mère de son enfant. Je me demande « Mais qu’est-ce qu’elle fait avec un type pareil ? » Ça sent le féminicide.
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Dans le Bibus du retour, une jeune mère plutôt élégante. Signe particulier : pieds nus.
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Arrivée de bruyants ce vendredi dans le logement Air Bibi d’à côté (j’ai eu la chance d’y échapper jusqu’à ce jour). Trois garçons qui heureusement partent en bamboche vers vingt-deux heures et ne reviennent qu’au petit matin, murgés.
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La fille d’en face, le temps qu’elle met à essayer ses vêtements avant de sortir.
 

2 juillet 2022


Cap sur Crozon ce vendredi matin, commune qui occupe une grande partie de la presqu’île du même nom. Elle inclut notamment Morgat par où ne passe pas le car BreizhGo numéro Trente-Quatre dont le terminus est Camaret,
Je descends donc à l’arrêt Gare de Crozon, laquelle n’a pas vu de train depuis mil neuf cent soixante-sept. Il me reste à marcher jusqu’à la mer. Je demande à un vieil autochtone masqué de quel côté aller. Il me regarde comme s’il n’avait rien entendu de plus étrange. C’est loin, et ça descend alors après il faudra remonter, mais si  vraiment je veux y aller, à gauche au deuxième rond-point, je finirai par arriver à Morgat.
Il est dix heures quand j’entreprends cette descente, dix heures quarante-cinq quand j’arrive près d’un hôtel de luxe avec à sa droite une longue plage courbe et au loin l’essentiel des constructions de bord de mer dont quelques bâtiments colorés. A gauche, au-delà de l’hôtel, je ne vois que côtes découpées, fort jolies mais inaccessibles.
Je remonte donc et arrive dans le centre de Crozon à onze heures et demie. Sur la place jouxtant l’église, le marché a pris ses aises, un marché qui tient à peu de chose, moins d’une dizaine de vendeurs et peu de clients.
La terrasse du bar restaurant Le Bretagne donne sur cette place et m’invite à m’asseoir. Le café y est à un euro soixante. Je demande à ma voisine, une étrangère qui a l’air du pays, si elle sait où est le restaurant ouvrier Le Cornouaille. Elle croit savoir mais n’est pas sûre, aussi elle ameute les serveuses qui ameutent le patron. Me voilà bien énervé. « Il ne faut jamais demander un restaurant dans un autre restaurant », dis-je à cette dame. Quand le patron se pointe, c’est avec sa carte pour me dire qu’on mange bien ici, et que là-bas, c’est vraiment mauvais.
Je vais voir Le Cornouaille devenu Le Crozonnais. Il a changé de nom mais pas de formule, me dit son patron. Cela sent le renfermé. Ce midi, c’est jambon braisé.
Je reviens au Bretagne. Côté formule du jour, c’est quand même mieux, bien que minimal. Pour treize euros, des pâtes au saumon avec très peu de saumon, un part de far caoutchouteux et un café. J’ajoute un verre de côtes-du-rhône à trois euros vingt. La cheffe serveuse est mielleuse et sa syntaxe toute personnelle. « C’est nous qu’on vous place », dit-elle à des arrivants. Cette terrasse a l’intérêt d’être au soleil et de donner à voir les marchands qui remballent. Celui qui doit avoir le moins vendu range tristement ses pots de miel.
A l’issue de ce banal repas, j’entre dans l’église pour y voir ce qui en fait la réputation, un retable de vingt-quatre panneaux en bois sculpté et peint, datant du début du dix-septième siècle, à quatre cents personnages, évocation naïve du martyre de dix mille soldats au temps d’Hadrien, moins spectaculaire que ce à quoi je m’attendais, puis je vais lire en bordure de cette place, sur le banc situé devant la Maison Paroissiale, jusqu’à ce qu’il soit l’heure de rejoindre la Gare et de rentrer à Brest.
Il me semblait bien avoir été déçu dans le passé par Crozon et Morgat.
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Dans Le Télégramme du jour parcouru au Vauban : « Lesneven : la gestion du trait de côte est contestée ».
Il y avait le bord de mer, il y a maintenant le trait de côte. Je soupçonne les géographes.
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Traversant Crozon un tandem jamais vu encore. Lui derrière, pédalant à la normale. Elle devant, pédalant allongée. C’est quand même lui qui tient le guidon.
 

1er juillet 2022


Ce jeudi matin, la dernière étape de mon exploration de la presqu’île de Plougastel a pour nom Daoulas, bourg renommé pour son abbaye devenue centre culturel.
Encore une fois, je prends le car BreizhGo numéro Trente-Deux de sept heures cinquante-cinq ayant pour terminus Le Faou. J’en descends à Daoulas Centre, arrêt situé dans  une rue principale trop soumise au flux de la circulation automobile et ornée de calicots qui volent au vent.
Ici coule la Mignonne, charmant cours d’eau je le constate, et sur la hauteur doit se trouver l’abbaye. Je suis les flèches destinées aux piétons, m’étonnant de la succession de voitures dans la rue étroite et pentue bordée de belles maisons qui y mène. J’en comprends la cause en arrivant au but. Une école catho jouxte l’abbaye. Les parents y conduisent leur progéniture et sont accueillis par une femme mielleuse « Oh ! Comme ça vous va bien cette nouvelle coiffure !».
Je ne saurai rien de l’intérieur de l’abbaye devenue centre culturel, ce n’est pas l’heure de l’ouverture d’une part et je n’aurais pas voulu payer d’autre part, ni de ses jardins, mais j’ai pour moi l’église abbatiale, le portail du cimetière (ancien porche d’église avec ses douze apôtres), des chapelles, un calvaire, tout ce qu’il faut.
Redescendu, je suis le cours de la Mignonne, passe par l’étang du moulin et retrouve vite la rue principale. Il n’est qu’un peu plus de neuf heures quand j’entre au Vincennes, un bar tabac tenu par un jeune couple. Aucune radio ne s’y fait entendre. De quoi faire suivre mon café à un euro cinquante d’une bonne lecture des lettres de Sade à sa femme.
De temps en temps tombent quelques gouttes. Quand le soleil revient durablement, je traverse la rue aux nombreuses voitures pour en face réserver une table avec vue sur la Mignonne à La Bigorne puis je longe le petit fleuve vers l’amont par un sentier bucolique qui fait office de parcours de pêche. Il ne va malheureusement pas loin avant de retrouver une route. Je fais demi-tour et vais lire sur un muret ensoleillé près du moulin de l’étang (ou l’inverse).
La Bigorne est un restaurant pizzéria tenu par un jeune couple. Sa clientèle est constituée d’habitués ou de gens de passage. On y trouve quand même trois ouvriers, dont deux semblent être passés chez O’Barber. Dans le menu à dix-sept euros, après le buffet d’entrées, je choisis la dorade crème basilic et le tiramisu aux fruits rouges, avec un quart de chardonnay à cinq euros quatre-vingt-dix, et ressors satisfait.
L’arrêt de car est à proximité. Arrivé en haut de la Jean-Jaurès, j’utilise mon ticket BreizhGo pour la descendre en tram Bibus. Presque personne ne porte le masque à nouveau fortement conseillé dans les transports en commun par nos dirigeant(e)s ou ce qu’il en reste.
 

30 juin 2022


Entre les bourgs de Daoulas et d’Hôpital-Camfrout se trouve une commune moins connue, Logonna-Daoulas. C’est là où je me rends ce mercredi avec le car du Faou, malgré le risque d’averses et l’impossibilité de savoir si le restaurant La Grignotière est ouvert ou non. Par prudence, j’emporte de l’eau et une banane, le minimum pour survivre en milieu hostile.
Le car BreizhGo numéro Trente-Deux me dépose devant une maison couverte d’une fresque représentant un bord de mer idyllique. Elle a été peinte par un artiste brestois nommé Guillaume Duval. Je la photographie puis prends la rue principale et trouve bientôt La Grignotière d’où sort la patronne avec une quantité de bouteilles vides à jeter. Je retiens une table pour midi puis découvre quelques jolies maisons à hortensias et l’église.
Quand je reviens à mon point de départ, une caravane est garée devant la fresque, celle d’O’Barber. L’homme au rasoir espère la clientèle des néo barbus de Logonna-Daoulas. Pour ma part, je désire aller jusqu’au port de Moulin Mer et je constate que je ne peux le faire que par la route. Aucune averse n’étant en vue, je me lance dans cette marche assez désagréable. De plus, ça monte et ça descend.
Quand j’arrive au port, je vois qu’il est peu de chose et jouxté d’une école de voile. De l’autre côté du bras de mer mais inatteignable, car privé, est l’ancien moulin qui donne son nom à l’endroit. Ne pouvant aller plus loin, je m’assois sur un banc face à l’immensité marine et fais mon Philippe Katherine Non mais laissez-moi manger ma banane.
Une animatrice du cleube de voile me confirme qu’il est impossible de retourner au centre de Logonna autrement que par la route. Je marche à nouveau au bord du bitume avec face à moi un arc-en-ciel indiquant une averse lointaine.
De retour dans le bourg, je bois un café à l’une des deux tables de trottoir du Celtic, un bar tabac sinistre tenu par une aimable dame. Il ne coûte qu’un euro trente-cinq. Sitôt terminé, je vais lire sur le banc d’un terrain public négligé.
Une averse se déclenche vers onze heures quinze. Je me refugie pour un autre café dans la salle de bar de La Grignotière, non moins déprimante que celle du Celtic.
A midi, la patronne au sourire timide me fait passer dans une salle d’une tristesse encore plus grande où je suis rejoint par un jeune ouvrier à demi de bière et par un duo de quadragénaires, deux habitués qui ont droit à un pot de moutarde, cette rareté, et ne se disent pas un mot. Une autre salle est réservée à un groupe de vieilles et de vieux.
Pour accompagner mon repas, la patronne m’apporte une bouteille de bordeaux Château Lamothe. C’est d’abord une assiette variée : tartelette aux herbes, pâté, surimi, melon, puis un bon émincé de volaille à la crème avec pommes sautées. Pour le dessert, le minimum est de mise : fruit, glace ou fromage, enfin un café. Je paie quatorze euros quarante, ce prix incluant mon café d’avant déjeuner.
« Allez-y monsieur c’est gratuit », me dit le chauffeur du car de retour. Je remets le ticket dans ma poche et ne peux l’utiliser pour descendre la rue Jean-Jaurès en tram. A pied, ça fait une trotte et, même sans vent, il me faut une vingtaine de minutes.
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J’ai déjà eu droit au « Allez-y monsieur c’est gratuit » l’an dernier dans le Sud Finistère. Il s’agissait pour les chauffeurs d’afficher un mécontentement après affectation sur une ligne qui ne leur convenait pas.
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« Juillet août, le GR, c’est l’autoroute des touristes. » (le chauffeur du car de l’aller)
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« J’embrasse plus, y a recrudescence. » (l’une des vieilles du repas commun, lors de son arrivée à La Grignotière)
 

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