Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
27 juin 2023
Soleil et fraîcheur sont de nouveau là ce lundi tandis que je descends vers Le Fournil du Casino et le Mustang. Dans ce dernier, les habitué(e)s parlent des enivré(e)s d’hier matin :
-Y en avait deux qui dormaient dans leur voiture, la bouche ouverte.
-Y sont marrants.
-Tant que c’est pas les nôtres.
-Les nôtres, y feraient pas ça ici.
Sur le sentier de randonnée, je m’intéresse au Château de Calan. En passant par la venelle de la Comtesse je vais voir de plus près ce bâtiment que certains désignent abusivement par le nom d’Hôtel Ker Moor alors que cet hôtel, sous ses pieds, n’a rien à voir avec lui. Personnellement, à la suite de l’ami d’Orléans, je l’appelle la turquerie.
Difficile de s’en approcher, cela ne peut se faire que par les parquignes de l’hôtel et certains sont fermés avec digicode. Je fais néanmoins quelques photos. C’est le comte de Calan, ancien diplomate au Moyen-Orient, qui lança sa construction en mil huit cent quatre-vingt, laquelle fut poursuivie par le deuxième propriétaire, un amateur du style mauresque en vogue depuis l’exposition universelle de dix-neuf cent. Une partie de la décoration intérieure est due au célèbre mosaïste Odorico. Je n’en verrai rien.
A mon arrivée au Portrieux, je vais à la supérette acheter du thé et me trouve à la caisse derrière la pénible de service, une femme à casquette montmartroise, qui en a pour cinquante-trois euros, surtout du jambon rose et d’Aoste. C’est pour son chien qui a retrouvé l’appétit. Elle ne trouve pas sa carte bancaire et quand elle l’a enfin, n’est pas sûre de son code. Même l’épicier en a marre : « Tu me fais le coup à chaque fois », lui dit-il. Quand c’est enfin mon tour, je donne mon euro quarante-cinq que j’ai eu le temps de préparer et la contourne. A part son clébard nourri au jambon, je ne vois pas qui pourrait la supporter.
Je retrouve le calme à la terrasse des Plaisanciers. Dans le port sont alignés des voiliers identiques qui présagent d’une course prochaine. A une table voisine boivent des cafés six employés de l’agglo de Saint-Brieuc (c’est écrit dans leur dos). C’est aussi ici que je déjeune à midi.
Je retrouve ensuite mon perchoir du Café de la Plage. « J’ai pris le risque », me dit la gentille serveuse en m’apportant un café verre d’eau à peine suis-je installé. Ce n’était pas un grand risque. A l’horizon naviguent quatre bateaux à voile noire, une couleur peu courante dans ce milieu. Je passe un moment avec La Rochefoucauld dont les maximes, souvent construites sur des paradoxes, sont pour moi d’inégal intérêt. Sa plus courte : Peu de gens savent être vieux.
*
Pas loin du Château de Calan est un beau bâtiment blanc et rouge nommé Bretania, une résidence appart hôtel gérée par l’Association Nationale d’Action Sociale des personnels de la Police Nationale et du Ministère de l’Intérieur. On y a accueilli des réfugiés ukrainiens, surtout des femmes et des enfants. Je ne sais pas s’ils y sont encore.
*
La patronne des Plaisanciers à un saisonnier pas très performant : « Un jour, je te féliciterai, mais je ne sais pas quand ».
*
L’affichette du jour de La Presse d’Armor : « L’été s’annonce compliqué ».
-Y en avait deux qui dormaient dans leur voiture, la bouche ouverte.
-Y sont marrants.
-Tant que c’est pas les nôtres.
-Les nôtres, y feraient pas ça ici.
Sur le sentier de randonnée, je m’intéresse au Château de Calan. En passant par la venelle de la Comtesse je vais voir de plus près ce bâtiment que certains désignent abusivement par le nom d’Hôtel Ker Moor alors que cet hôtel, sous ses pieds, n’a rien à voir avec lui. Personnellement, à la suite de l’ami d’Orléans, je l’appelle la turquerie.
Difficile de s’en approcher, cela ne peut se faire que par les parquignes de l’hôtel et certains sont fermés avec digicode. Je fais néanmoins quelques photos. C’est le comte de Calan, ancien diplomate au Moyen-Orient, qui lança sa construction en mil huit cent quatre-vingt, laquelle fut poursuivie par le deuxième propriétaire, un amateur du style mauresque en vogue depuis l’exposition universelle de dix-neuf cent. Une partie de la décoration intérieure est due au célèbre mosaïste Odorico. Je n’en verrai rien.
A mon arrivée au Portrieux, je vais à la supérette acheter du thé et me trouve à la caisse derrière la pénible de service, une femme à casquette montmartroise, qui en a pour cinquante-trois euros, surtout du jambon rose et d’Aoste. C’est pour son chien qui a retrouvé l’appétit. Elle ne trouve pas sa carte bancaire et quand elle l’a enfin, n’est pas sûre de son code. Même l’épicier en a marre : « Tu me fais le coup à chaque fois », lui dit-il. Quand c’est enfin mon tour, je donne mon euro quarante-cinq que j’ai eu le temps de préparer et la contourne. A part son clébard nourri au jambon, je ne vois pas qui pourrait la supporter.
Je retrouve le calme à la terrasse des Plaisanciers. Dans le port sont alignés des voiliers identiques qui présagent d’une course prochaine. A une table voisine boivent des cafés six employés de l’agglo de Saint-Brieuc (c’est écrit dans leur dos). C’est aussi ici que je déjeune à midi.
Je retrouve ensuite mon perchoir du Café de la Plage. « J’ai pris le risque », me dit la gentille serveuse en m’apportant un café verre d’eau à peine suis-je installé. Ce n’était pas un grand risque. A l’horizon naviguent quatre bateaux à voile noire, une couleur peu courante dans ce milieu. Je passe un moment avec La Rochefoucauld dont les maximes, souvent construites sur des paradoxes, sont pour moi d’inégal intérêt. Sa plus courte : Peu de gens savent être vieux.
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Pas loin du Château de Calan est un beau bâtiment blanc et rouge nommé Bretania, une résidence appart hôtel gérée par l’Association Nationale d’Action Sociale des personnels de la Police Nationale et du Ministère de l’Intérieur. On y a accueilli des réfugiés ukrainiens, surtout des femmes et des enfants. Je ne sais pas s’ils y sont encore.
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La patronne des Plaisanciers à un saisonnier pas très performant : « Un jour, je te féliciterai, mais je ne sais pas quand ».
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L’affichette du jour de La Presse d’Armor : « L’été s’annonce compliqué ».
26 juin 2023
Ce dimanche, vers sept heures et demie, Le Mustang a son lot de jeunes excités alcoolisés, des petits bourges venus de L’Etrier, discothèque avec sortie sur la plage, située sous Le Café de la Plage et Les Cochons Flingueurs, chemise blanche et coiffure de surfeur pour les garçons, appas en vitrine pour les filles. Je ne m’y attarde pas, d’autant qu’il va faire encore plus chaud aujourd’hui, bien que cela reste loin de ce que subissent d’autres villes, dont Rouen.
Je décide de faire mon habituel circuit à l’envers, d’aller jusqu’aux ports par l’intérieur du bourg puis de retourner au point de départ par le chemin côtier, histoire de voir les choses différemment. Dans mon souvenir, c’est plus dur dans ce sens. J’en ai la confirmation, davantage de marches à monter. Je dois m’asseoir à mi-chemin, près du belvédère, pour reprendre souffle.
Quand je suis presque arrivé, une jeune femme en mauve vient vers moi :
-Vous vous promenez depuis un moment par-là ? Est-ce que je peux vous poser une petite question ? Est-ce que vous avez vu cette personne ?
Elle me montre une photo sur son téléphone, un brun barbu comme il en est tant.
-Non, je ne l’ai pas vu. Il est tout seul ?
-Oui tout seul en sortie de boîte. Et je viens de trouver son téléphone.
-Ah ! Eh bien non, je ne l’ai pas vu.
Je profite d’un banc temporairement à l’ombre pour attendre qu’à dix heures ouvre le Café de la Plage. Ce moment venu, malgré le soleil qui cogne (comme on dit ici), je m’installe à mon perchoir favori et de cette hauteur me demande si le garçon en chorte blanc qui marche sur la plage ne serait pas celui que cherche la fille en mauve. Il est loin et elle est je ne sais où, je ne peux rien faire. Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d’autrui. Je commence Maximes et Réflexions de La Rochefoucauld, le vieux Livre de Poche préfacé par Paul Morand que j’ai trouvé dans une boîte à livres.
Vers onze heures et quart, j’entre pour payer mon euro cinquante mais le serveur néo barbu qui est peut-être aussi patron, comme celui qui lui tient compagnie ce matin, me dit : « On vous l’offre, le petit café. »
-C’est gentil, mais ça fait deux fois.
-Ça nous fait plaisir, me disent-ils en chœur.
Au Fournil du Casino, je prends un pan bagnat, une tarte aux abricots et une petite bouteille d’eau, ce qui correspond à une formule à sept euros. Je traverse la place et trouve une table à l’ombre à la terrasse du Mustang. Audrey est là, toujours aussi sexy, à qui je commande une formule huîtres avec pain et beurre. Quand il s’agit de la payer, elle me rend un euro cinquante sur mon billet de dix, appliquant enfin le véritable prix, établi par sa mère, qui n’est plus là.
Aucun banc n’est à l’ombre en bord de mer. C’est près du terrain de pétanque que je mange mon pique-nique tiré du sac. La chaleur étant contre moi, je décide, le repas terminé, de rentrer sans attendre.
*
Dans la nuit de samedi à dimanche, une arrivée vers deux heures du matin dans le studio Air Bibi du dessous. Un jeune couple. A peine entré, au lit (pour dormir). Des invités à un mariage peut-être. Chaque jour, je surveille l’état des locations de ce logement gênant.
Rien à craindre pour l’ultime semaine de juin, sauf réservation de dernière minute, comme les deux motards de l’autre jour.
*
Boire le coup de l’étrier, on s’y emploie à Saint-Quay. Avant de monter, non à cheval, mais en voiture.
Je décide de faire mon habituel circuit à l’envers, d’aller jusqu’aux ports par l’intérieur du bourg puis de retourner au point de départ par le chemin côtier, histoire de voir les choses différemment. Dans mon souvenir, c’est plus dur dans ce sens. J’en ai la confirmation, davantage de marches à monter. Je dois m’asseoir à mi-chemin, près du belvédère, pour reprendre souffle.
Quand je suis presque arrivé, une jeune femme en mauve vient vers moi :
-Vous vous promenez depuis un moment par-là ? Est-ce que je peux vous poser une petite question ? Est-ce que vous avez vu cette personne ?
Elle me montre une photo sur son téléphone, un brun barbu comme il en est tant.
-Non, je ne l’ai pas vu. Il est tout seul ?
-Oui tout seul en sortie de boîte. Et je viens de trouver son téléphone.
-Ah ! Eh bien non, je ne l’ai pas vu.
Je profite d’un banc temporairement à l’ombre pour attendre qu’à dix heures ouvre le Café de la Plage. Ce moment venu, malgré le soleil qui cogne (comme on dit ici), je m’installe à mon perchoir favori et de cette hauteur me demande si le garçon en chorte blanc qui marche sur la plage ne serait pas celui que cherche la fille en mauve. Il est loin et elle est je ne sais où, je ne peux rien faire. Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d’autrui. Je commence Maximes et Réflexions de La Rochefoucauld, le vieux Livre de Poche préfacé par Paul Morand que j’ai trouvé dans une boîte à livres.
Vers onze heures et quart, j’entre pour payer mon euro cinquante mais le serveur néo barbu qui est peut-être aussi patron, comme celui qui lui tient compagnie ce matin, me dit : « On vous l’offre, le petit café. »
-C’est gentil, mais ça fait deux fois.
-Ça nous fait plaisir, me disent-ils en chœur.
Au Fournil du Casino, je prends un pan bagnat, une tarte aux abricots et une petite bouteille d’eau, ce qui correspond à une formule à sept euros. Je traverse la place et trouve une table à l’ombre à la terrasse du Mustang. Audrey est là, toujours aussi sexy, à qui je commande une formule huîtres avec pain et beurre. Quand il s’agit de la payer, elle me rend un euro cinquante sur mon billet de dix, appliquant enfin le véritable prix, établi par sa mère, qui n’est plus là.
Aucun banc n’est à l’ombre en bord de mer. C’est près du terrain de pétanque que je mange mon pique-nique tiré du sac. La chaleur étant contre moi, je décide, le repas terminé, de rentrer sans attendre.
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Dans la nuit de samedi à dimanche, une arrivée vers deux heures du matin dans le studio Air Bibi du dessous. Un jeune couple. A peine entré, au lit (pour dormir). Des invités à un mariage peut-être. Chaque jour, je surveille l’état des locations de ce logement gênant.
Rien à craindre pour l’ultime semaine de juin, sauf réservation de dernière minute, comme les deux motards de l’autre jour.
*
Boire le coup de l’étrier, on s’y emploie à Saint-Quay. Avant de monter, non à cheval, mais en voiture.
25 juin 2023
Une bonne résolution qui n’aura pas duré longtemps, celle de ne pas servir d’alcool à qui est déjà ivre. Ce samedi matin, six bruyants embiérés en boivent une autre à la terrasse du Mustang. A l’intérieur ne sont là que le patron et l’habitué en chef. Le premier est à peu près réveillé puisqu’il est à deux doigts de poser mon allongé verre d’eau sur la table du second. Tandis que je mange mes trois crêpes du Fournil du Casino arrive le couple qui est là pour six mois. J’occupe sa place. Elle et lui en choisissent une autre. « C’est pas pareil », lui dit-elle.
C’est un jour de franc soleil. J’ai déjà un peu trop chaud quand je rejoins Le Portrieux par le sentier. Il est huit heures et demie quand j’arrive. Devant le stand du marchand de poisson ambulant, la file d’attente est conséquente, composée d’une vingtaine de femmes et d’hommes de plus ou moins soixante ans qui attendent en plein soleil près des deux grands et beaux véhicules (il semble que le commerce des poissons et des crustacés rapporte gros).
Il faut que je m’économise. Ma visite du jour est à deux pas, rue Sainte-Anne, que du port on atteint au choix par la venelle du Soleil Levant ou par la venelle de la Chapelle. La chapelle Sainte Anne est modeste, sobre et peinte en blanc. Inutile d’y vouloir entrer. J’en fais deux photos puis monte jusqu’à la pharmacie pour mon renouvellement de gouttes pour les yeux.
Redescendu, je me rends à Port d’Armor, réserve une table bien à l’ombre aux Plaisanciers et, comme c’est encore possible, bois un café à sa terrasse de bord de port dépourvue de parasol. Près de celle-ci, les Sauveteurs en Mer ont installé un barnum d’information.
Quand j’ai trop chaud, je trouve un banc à l’ombre près de l’école de plongée dont tous les profs et élèves sont partis sur trois bateaux il y a une heure.
A midi, parmi les touristes et habitués du coin, les Sauveteurs en Mer déjeunent aux Plaisanciers, une bouteille de rosé sur la table. La chaleur me conduit à choisir le filet de merlan risotto de légumes plutôt que l’andouillette écrasé de pommes de terre. Pour le dessert, c’est la panna cotta caramel.
Je cherche l’ombre dans les rues du bourg qui mènent au Café de la Plage. Arrivé à destination, j’élis comme perchoir celui qui n’est pas au soleil, en retrait près d’une des portes de ce restaurant bar. C’est moins bien, je ne peux faire le surveillant de baignade, mais je vois quand même la mer. Pour la première fois des padeules sont de sortie. C’est ici et dans ces conditions que je termine ma relecture de Correspondance de Charles Baudelaire.
*
Aux Plaisanciers, un homme à sa femme :
-Je prendrais bien des moules, mais je crois qu’on en a mangé y a pas longtemps.
Elle :
-Hier soir.
C’est un jour de franc soleil. J’ai déjà un peu trop chaud quand je rejoins Le Portrieux par le sentier. Il est huit heures et demie quand j’arrive. Devant le stand du marchand de poisson ambulant, la file d’attente est conséquente, composée d’une vingtaine de femmes et d’hommes de plus ou moins soixante ans qui attendent en plein soleil près des deux grands et beaux véhicules (il semble que le commerce des poissons et des crustacés rapporte gros).
Il faut que je m’économise. Ma visite du jour est à deux pas, rue Sainte-Anne, que du port on atteint au choix par la venelle du Soleil Levant ou par la venelle de la Chapelle. La chapelle Sainte Anne est modeste, sobre et peinte en blanc. Inutile d’y vouloir entrer. J’en fais deux photos puis monte jusqu’à la pharmacie pour mon renouvellement de gouttes pour les yeux.
Redescendu, je me rends à Port d’Armor, réserve une table bien à l’ombre aux Plaisanciers et, comme c’est encore possible, bois un café à sa terrasse de bord de port dépourvue de parasol. Près de celle-ci, les Sauveteurs en Mer ont installé un barnum d’information.
Quand j’ai trop chaud, je trouve un banc à l’ombre près de l’école de plongée dont tous les profs et élèves sont partis sur trois bateaux il y a une heure.
A midi, parmi les touristes et habitués du coin, les Sauveteurs en Mer déjeunent aux Plaisanciers, une bouteille de rosé sur la table. La chaleur me conduit à choisir le filet de merlan risotto de légumes plutôt que l’andouillette écrasé de pommes de terre. Pour le dessert, c’est la panna cotta caramel.
Je cherche l’ombre dans les rues du bourg qui mènent au Café de la Plage. Arrivé à destination, j’élis comme perchoir celui qui n’est pas au soleil, en retrait près d’une des portes de ce restaurant bar. C’est moins bien, je ne peux faire le surveillant de baignade, mais je vois quand même la mer. Pour la première fois des padeules sont de sortie. C’est ici et dans ces conditions que je termine ma relecture de Correspondance de Charles Baudelaire.
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Aux Plaisanciers, un homme à sa femme :
-Je prendrais bien des moules, mais je crois qu’on en a mangé y a pas longtemps.
Elle :
-Hier soir.
24 juin 2023
Une paire de motards quinquagénaires, voilà ce qui arrive jeudi à vingt-deux heures trente dans le studio Air Bibi du dessous. Ils ne sont là que pour une nuit et ont tôt fait de se coucher. Je dors donc correctement.
Au matin, comme la veille, je prends le car BreizhGo de sept heures trente-quatre direction Saint-Brieuc. J’en descends à Binic, arrêt Estran. J’achète deux excellents pains au chocolat à la boulangerie Aux Plaisirs Gourmands et les consomme avec un allongé au Narval.
Sorti de là, je marche sur la promenade du Grain de Beauté qui longe la plage de la Banche. Elle se termine en impasse après l’Hôtel de la Plage où seuls deux couples sont visibles dans la grande salle des petits déjeuners.
Je fais ensuite le tour du port puis trouve une place à la petite terrasse du Chaland Qui Passe pour un café lecture près d’une population locale dont la conversation est sans intérêt.
Il n’en est en pas de même au Narval où je retourne après avoir réservé une table à L’Etincelle. J’ai près de moi un trio de quinquagénaires, deux femmes et un homme, qui en savent long sur l’explosion de la rue Saint-Jacques à Paris. Ce n’est pas le gaz. C’est un attentat contre le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique qui avait ses locaux dans l’immeuble d’à côté. C’est comme pour l’incendie de Notre-Dame, on sait bien qu’il y avait un souterrain en-dessous. De toute façon, tu sais bien que l’année prochaine, il n’y aura pas de rentrée scolaire. Parce que c’est démoniaque ce qu’ils leur enseignent. Les Chapeaux Blancs vont passer à l’action dans le monde entier.
Les deux femmes apprennent ensuite à l’homme, qui avoue s’être endormi hier soir pendant la dernière vidéo de Géopolitique Profonde, que Christophe Charrette va mettre en vente la racine qui vient d’Inde et qui guérit tout, le cancer, le diabète, Alzheimer, tout, trente-cinq euros au lieu de cinquante, t’en as pour quatre mois, c’est quand même valable.
Quand on les voit, on peut les croire tout à fait équilibrés alors que ce sont trois cinglés, un échantillon représentatif des dingues qui font réseau grâce à Internet. Ce qui s’appelle : travailler du chapeau.
Le dynamique patron de L’Etincelle n’arrive qu’à midi ce jour, en trottinette électrique. Il ne semble pas se souvenir que j’ai déjà déjeuné dans son restaurant. Dans le menu du jour à seize euros, je choisis la salade baltique au saumon fumé, le pavé de morue aïoli et le tartare d’ananas mousse coco. Comme la fois précédente, c’est bien bon. « Est-ce qu’après le petit dessert, on prend un petit café? », me demande la serveuse. « Non merci, ma petite dame », ai-je envie de lui répondre.
Le service ayant été plus rapide que la fois précédente, j’ai du temps avant le car du retour. Je vais lire un peu près de la Maison des Jeunes sous un arbre qui s’avère être un cerisier. Ses fruits murissent. J’en prélève quelques-uns déjà rouges. Ce sont sans doute les seules cerises que je mangerai cette année.
Un car imprévu se présente peu avant l’heure de celui que j’attends. Son terminus affiché est Saint-Quay. Il emmène une jeunesse, surtout féminine, à la plage. Son conducteur ne juge pas nécessaire de viser ma carte dix voyages, encore un de gagné.
Ce car va directement à l’arrêt Casino. Je m’installe un peu avant quatorze heures à mon perchoir du Café de la Plage. En contrebas, les filles et les garçons descendus en même temps que moi sont déjà en maillot. Il fait un peu chaud. Toutefois je reste là pour lire après le café.
-Que lisez-vous monsieur ? me demande une femme du genre prof de lettres à la retraite. Vous avez l’air passionné.
-La correspondance de Baudelaire.
-Ah ! Intéressant. Bon, au revoir.
*
Honneur aux Côtes d’Armor, seul département breton à avoir refusé le passage du lumignon olympique.
Au matin, comme la veille, je prends le car BreizhGo de sept heures trente-quatre direction Saint-Brieuc. J’en descends à Binic, arrêt Estran. J’achète deux excellents pains au chocolat à la boulangerie Aux Plaisirs Gourmands et les consomme avec un allongé au Narval.
Sorti de là, je marche sur la promenade du Grain de Beauté qui longe la plage de la Banche. Elle se termine en impasse après l’Hôtel de la Plage où seuls deux couples sont visibles dans la grande salle des petits déjeuners.
Je fais ensuite le tour du port puis trouve une place à la petite terrasse du Chaland Qui Passe pour un café lecture près d’une population locale dont la conversation est sans intérêt.
Il n’en est en pas de même au Narval où je retourne après avoir réservé une table à L’Etincelle. J’ai près de moi un trio de quinquagénaires, deux femmes et un homme, qui en savent long sur l’explosion de la rue Saint-Jacques à Paris. Ce n’est pas le gaz. C’est un attentat contre le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique qui avait ses locaux dans l’immeuble d’à côté. C’est comme pour l’incendie de Notre-Dame, on sait bien qu’il y avait un souterrain en-dessous. De toute façon, tu sais bien que l’année prochaine, il n’y aura pas de rentrée scolaire. Parce que c’est démoniaque ce qu’ils leur enseignent. Les Chapeaux Blancs vont passer à l’action dans le monde entier.
Les deux femmes apprennent ensuite à l’homme, qui avoue s’être endormi hier soir pendant la dernière vidéo de Géopolitique Profonde, que Christophe Charrette va mettre en vente la racine qui vient d’Inde et qui guérit tout, le cancer, le diabète, Alzheimer, tout, trente-cinq euros au lieu de cinquante, t’en as pour quatre mois, c’est quand même valable.
Quand on les voit, on peut les croire tout à fait équilibrés alors que ce sont trois cinglés, un échantillon représentatif des dingues qui font réseau grâce à Internet. Ce qui s’appelle : travailler du chapeau.
Le dynamique patron de L’Etincelle n’arrive qu’à midi ce jour, en trottinette électrique. Il ne semble pas se souvenir que j’ai déjà déjeuné dans son restaurant. Dans le menu du jour à seize euros, je choisis la salade baltique au saumon fumé, le pavé de morue aïoli et le tartare d’ananas mousse coco. Comme la fois précédente, c’est bien bon. « Est-ce qu’après le petit dessert, on prend un petit café? », me demande la serveuse. « Non merci, ma petite dame », ai-je envie de lui répondre.
Le service ayant été plus rapide que la fois précédente, j’ai du temps avant le car du retour. Je vais lire un peu près de la Maison des Jeunes sous un arbre qui s’avère être un cerisier. Ses fruits murissent. J’en prélève quelques-uns déjà rouges. Ce sont sans doute les seules cerises que je mangerai cette année.
Un car imprévu se présente peu avant l’heure de celui que j’attends. Son terminus affiché est Saint-Quay. Il emmène une jeunesse, surtout féminine, à la plage. Son conducteur ne juge pas nécessaire de viser ma carte dix voyages, encore un de gagné.
Ce car va directement à l’arrêt Casino. Je m’installe un peu avant quatorze heures à mon perchoir du Café de la Plage. En contrebas, les filles et les garçons descendus en même temps que moi sont déjà en maillot. Il fait un peu chaud. Toutefois je reste là pour lire après le café.
-Que lisez-vous monsieur ? me demande une femme du genre prof de lettres à la retraite. Vous avez l’air passionné.
-La correspondance de Baudelaire.
-Ah ! Intéressant. Bon, au revoir.
*
Honneur aux Côtes d’Armor, seul département breton à avoir refusé le passage du lumignon olympique.
23 juin 2023
Du car BreizhGo de sept heures trente-quatre direction Saint-Brieuc, je descends ce jeudi à l’arrêt Office du Tourisme d’Etables-sur-Mer. A la boulangerie Au Goût du Jour, j’achète un pain au chocolat à un euro vingt et demande à la boulangère où trouver un café ouvert. « Elle, elle ouvre pas avant neuf heures », me répond-elle en me montrant celui d’en face.
Elle, c’est Calamity Jane. C’est du moins le nom de son bistrot pas très engageant. Il n’y en a pas d’autres. Je vais manger ma viennoiserie sur un banc de pierre dans le Parc de la Belle Issue qui jouxte l’Hôtel de Ville, un beau jardin disposant de grands arbres.
Quand j’ai terminé, je fais le tour du pays : une église, Saint-Jean-Baptiste, un cinéma, Le Korrigan, et une librairie café restaurant, Le Tagarin. Au moment où je suis devant cette dernière, la libraire en sort, ferme la porte à clé, me jette un vague regard sans me dire bonjour et s’en va je ne sais où. Moi qui pensais y déjeuner, cela me refroidit. Il est écrit que ça ouvre à onze heures.
Quand il est presque neuf heures, rien ne bouge chez Calamity Jane. Aussi je vais attendre le BreizhGo de huit heures cinquante-neuf direction Paimpol. Il n’arrive qu’à neuf heures cinq et le troquet rose n’est manifestement pas prêt d’ouvrir. Le conducteur est le même qu’à l’aller. Il me dit que c’est bon, qu’il a déjà visé ma carte dix voyages tout à l’heure. Me voici donc avec un voyage en plus.
Ce car ne dessert pas le port du Portrieux. Je descends à l’arrêt Casino et rejoins pédestrement Port d’Armor par le dedans du bourg. Je réserve une table ombragée en terrasse aux Plaisanciers et m’installe au bord de l’eau pour un café lecture. A la table voisine, deux quinquagénaires dans les affaires ont commandé des huîtres. Ils envoient une photo de leur festin à je ne sais qui, resté à Paris où il pleut. L’un se vante de sa Rolex, une vieille à trois mille cinq cents euros. Il est allé au Hellfest avec et il ne lui est rien arrivé. Dommage.
A midi, parmi les attablés est un couple de quinquagénaires avec leur enfant handicapé adulte. Sa mère le nourrit comme un bébé. Son père, chorte jaune et casquette à l’envers, ne s’en occupe que pour déplacer le fauteuil roulant quand il gêne d’autres convives et pour dire à sa femme de le laisser vivre sa vie quand il pousse des cris. De la langue sauce piquante pas très bonne est au menu du jour.
Des marcheurs à bâtons immobiles encombrent le chemin près des Cochons Flingueurs quand je vais au Café de la Plage. Ils mangent des sandouiches debout tout en parlant de pansements. Le vent souffle un peu. Il me permet de supporter le soleil en terrasse. J’ai bientôt terminé Correspondance de Baudelaire.
*
En vue de l’arrivée prochaine des estivants à Saint-Quay-Portrieux (suite) :
Installation pour les moutards d’un « Club des Canetons » plage du Portrieux.
Installation d’un ponton flottant à n’utiliser que sous la surveillance d’un maître-nageur plage de la Comtesse.
Installation de kayaks et de catamarans à louer plage du Casino.
Elle, c’est Calamity Jane. C’est du moins le nom de son bistrot pas très engageant. Il n’y en a pas d’autres. Je vais manger ma viennoiserie sur un banc de pierre dans le Parc de la Belle Issue qui jouxte l’Hôtel de Ville, un beau jardin disposant de grands arbres.
Quand j’ai terminé, je fais le tour du pays : une église, Saint-Jean-Baptiste, un cinéma, Le Korrigan, et une librairie café restaurant, Le Tagarin. Au moment où je suis devant cette dernière, la libraire en sort, ferme la porte à clé, me jette un vague regard sans me dire bonjour et s’en va je ne sais où. Moi qui pensais y déjeuner, cela me refroidit. Il est écrit que ça ouvre à onze heures.
Quand il est presque neuf heures, rien ne bouge chez Calamity Jane. Aussi je vais attendre le BreizhGo de huit heures cinquante-neuf direction Paimpol. Il n’arrive qu’à neuf heures cinq et le troquet rose n’est manifestement pas prêt d’ouvrir. Le conducteur est le même qu’à l’aller. Il me dit que c’est bon, qu’il a déjà visé ma carte dix voyages tout à l’heure. Me voici donc avec un voyage en plus.
Ce car ne dessert pas le port du Portrieux. Je descends à l’arrêt Casino et rejoins pédestrement Port d’Armor par le dedans du bourg. Je réserve une table ombragée en terrasse aux Plaisanciers et m’installe au bord de l’eau pour un café lecture. A la table voisine, deux quinquagénaires dans les affaires ont commandé des huîtres. Ils envoient une photo de leur festin à je ne sais qui, resté à Paris où il pleut. L’un se vante de sa Rolex, une vieille à trois mille cinq cents euros. Il est allé au Hellfest avec et il ne lui est rien arrivé. Dommage.
A midi, parmi les attablés est un couple de quinquagénaires avec leur enfant handicapé adulte. Sa mère le nourrit comme un bébé. Son père, chorte jaune et casquette à l’envers, ne s’en occupe que pour déplacer le fauteuil roulant quand il gêne d’autres convives et pour dire à sa femme de le laisser vivre sa vie quand il pousse des cris. De la langue sauce piquante pas très bonne est au menu du jour.
Des marcheurs à bâtons immobiles encombrent le chemin près des Cochons Flingueurs quand je vais au Café de la Plage. Ils mangent des sandouiches debout tout en parlant de pansements. Le vent souffle un peu. Il me permet de supporter le soleil en terrasse. J’ai bientôt terminé Correspondance de Baudelaire.
*
En vue de l’arrivée prochaine des estivants à Saint-Quay-Portrieux (suite) :
Installation pour les moutards d’un « Club des Canetons » plage du Portrieux.
Installation d’un ponton flottant à n’utiliser que sous la surveillance d’un maître-nageur plage de la Comtesse.
Installation de kayaks et de catamarans à louer plage du Casino.
22 juin 2023
Peu de monde dans le car BreizhGo de sept heures quarante-huit direction Paimpol, les scolaires seraient-ils déjà en vacances ? La conductrice est guillerette. Elle chante avec Radio Nostalgie J’veux du soleil. Le soleil est là, le ciel tout bleu. Je revois au passage l’église de Lanloup et m’arrête à Bréhec Plage.
En descendant la rue qui mène à cette plage, je passe devant le bel hôtel bar restaurant Chez Tonton puis très vite je touche au but. Plus que sa plage, c’est son port qui donne du charme à ce quartier de Plouézec. Des bateaux à voiles et à moteur en sortent quand je parviens au bout de sa jetée.
Le Géherre Trente-Quatre va d’un côté vers Plouha et ses falaises les plus hautes de Bretagne, de l’autre vers Paimpol. C’est cette dernière direction que je choisis. Ça monte bien. Le sentier n’est pas plus large que mes pieds. Par deux fois, je dois me ranger comme je peux pour laisser passer des moins vieux. Arrivé à la première pointe, je domine le port et ai bonne vue sur la pointe de la Tour en face. Je juge que c’est assez.
Redescendu avec prudence, je vais boire un café verre d’eau à la terrasse de Chez Tonton. Une autre table est occupée par deux couples de randonneurs. Deux quadragénaires et deux vingtenaires qui se sont rencontrés en chemin. Ils étudient leur étape du jour qui doit les mener séparément à Paimpol. Les plus vieux pensent faire des courses à Kérity. Ils seront déçus par l’absence de commerces.
Tonton profite de son monopole pour faire payer son café un euro quatre-vingts. Bien qu’on n’ait pas la vue directe sur la mer. Cela me dissuade d’y déjeuner. Je décide de rentrer par le seul car direct avant celui du soir. Il passe ici à dix heures pile avec la même conductrice. Elle ne chante plus.
Je descends à l’arrêt Port au Portrieux et réserve une table aux Plaisanciers où je n’ai plus à dire mon nom. Tout le personnel titulaire le connaît. Je m’installe à sa terrasse pour un nouveau café (un euro cinquante avec vue sur le port). C’est une nouvelle serveuse qui me l’apporte, une étudiante qui manie le plateau avec la sûreté de qui n’en est pas à sa première saison.
« Tu as vu, on a recruté du personnel », dit la patronne à l’un de ses amis qui mange ici à midi. Evoquant la saison qui arrive, elle déclare « Ça va être dur ». Une aile de raie est mon plat du jour. Une tarte poire et chocolat conclut mon repas, choisie sur le plateau de Miss Desserts qui de jour en jour gagne en efficacité.
Le ciel vire au gris quand je m’installe à la table haute du Café de la Plage. Contrairement à hier, les gouttes d’eau se retiennent jusqu’à l’heure où je le quitte habituellement. Quand j’entre pour payer mon café, le gentil serveur et le patron dansent sur le reggae diffusé. « Je vois qu’on s’amuse bien à l’intérieur », leur dis-je en tendant un billet de cinq euros. « Laissez, me dit le patron, c’est pour la maison. »
*
Curieuses plantes que les hortensias. Quasiment invisibles quand ils n’étaient que feuillage, ils explosent de couleurs depuis quelques jours.
Eux aussi seront prêts à temps pour l’arrivée des estivants.
En descendant la rue qui mène à cette plage, je passe devant le bel hôtel bar restaurant Chez Tonton puis très vite je touche au but. Plus que sa plage, c’est son port qui donne du charme à ce quartier de Plouézec. Des bateaux à voiles et à moteur en sortent quand je parviens au bout de sa jetée.
Le Géherre Trente-Quatre va d’un côté vers Plouha et ses falaises les plus hautes de Bretagne, de l’autre vers Paimpol. C’est cette dernière direction que je choisis. Ça monte bien. Le sentier n’est pas plus large que mes pieds. Par deux fois, je dois me ranger comme je peux pour laisser passer des moins vieux. Arrivé à la première pointe, je domine le port et ai bonne vue sur la pointe de la Tour en face. Je juge que c’est assez.
Redescendu avec prudence, je vais boire un café verre d’eau à la terrasse de Chez Tonton. Une autre table est occupée par deux couples de randonneurs. Deux quadragénaires et deux vingtenaires qui se sont rencontrés en chemin. Ils étudient leur étape du jour qui doit les mener séparément à Paimpol. Les plus vieux pensent faire des courses à Kérity. Ils seront déçus par l’absence de commerces.
Tonton profite de son monopole pour faire payer son café un euro quatre-vingts. Bien qu’on n’ait pas la vue directe sur la mer. Cela me dissuade d’y déjeuner. Je décide de rentrer par le seul car direct avant celui du soir. Il passe ici à dix heures pile avec la même conductrice. Elle ne chante plus.
Je descends à l’arrêt Port au Portrieux et réserve une table aux Plaisanciers où je n’ai plus à dire mon nom. Tout le personnel titulaire le connaît. Je m’installe à sa terrasse pour un nouveau café (un euro cinquante avec vue sur le port). C’est une nouvelle serveuse qui me l’apporte, une étudiante qui manie le plateau avec la sûreté de qui n’en est pas à sa première saison.
« Tu as vu, on a recruté du personnel », dit la patronne à l’un de ses amis qui mange ici à midi. Evoquant la saison qui arrive, elle déclare « Ça va être dur ». Une aile de raie est mon plat du jour. Une tarte poire et chocolat conclut mon repas, choisie sur le plateau de Miss Desserts qui de jour en jour gagne en efficacité.
Le ciel vire au gris quand je m’installe à la table haute du Café de la Plage. Contrairement à hier, les gouttes d’eau se retiennent jusqu’à l’heure où je le quitte habituellement. Quand j’entre pour payer mon café, le gentil serveur et le patron dansent sur le reggae diffusé. « Je vois qu’on s’amuse bien à l’intérieur », leur dis-je en tendant un billet de cinq euros. « Laissez, me dit le patron, c’est pour la maison. »
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Curieuses plantes que les hortensias. Quasiment invisibles quand ils n’étaient que feuillage, ils explosent de couleurs depuis quelques jours.
Eux aussi seront prêts à temps pour l’arrivée des estivants.
21 juin 2023
Ce mardi matin, au lieu de tourner à droite au bout de la rue et de descendre, je tourne à gauche et je monte. Mon objectif se pose un peu là. Chaque après-midi, quand je rentre, ce dôme est mon point de repère. C’est celui de la chapelle Notre-Dame de la Garde. Le mot chapelle évoque une petite église. Celle-là est énorme. Elle est là, entre des maisons, dans la périphérie de Saint-Quay, depuis mil huit cent vingt-huit. Ce gros dôme de quatorze mille ardoises repose sur un cylindre en pierre de même diamètre. Je tourne autour de ce monument où au retour de la grande pêche les marins venaient s’acquitter de leur vœux. C’est fermé. Je ne peux voir les onze ex-voto qu’il contient, ni le tableau représentant un navire qui aurait été sauvé par la Vierge. Ce n’est ouvert qu’en juillet août, pour les estivants.
Demi-tour, je descends sous un ciel bleu vers mon petit-déjeuner. Au Mustang est diffusée une télé pour turfistes, heureusement sans le son. Qui vois-je à l’écran ce matin ? Hervé Morin, marchand de chevaux (par ailleurs Duc de Normandie). Il n’est pas interrogé. Il participe à l’émission. En spécialiste de la façon dont certains riches truandent certains pauvres en les faisant parier sur les courses de leurs canassons. Le tiercé, l’un des plus vieux jeux à perdre.
Il a plu cette nuit. Cela se voit sur le chemin douanier. Le belvédère est recouvert de grosses gouttes d’eau. Le vieil homme en a terminé la restauration. Chaque nom de lieu a été repeint en noir.
Faute de Poisson Rouge, je marche jusqu’au Café de la Marine pour mon café verre d’eau lecture. Cet estaminet est sur le port lui aussi, mais grosse différence, sa terrasse donne sur des voitures garées entre la mer et lui. Pendant que je lis les missives de Baudelaire des nuages inquiétants font leur apparition.
Je juge prudent de revenir plus près de mon studio Air Bibi et vais donc prendre un autre café au Café de la Plage où je réserve une table à l’intérieur pour le déjeuner.
Il ne pleut pas à midi. Beaucoup s’installent en terrasse pour manger. Le menu du jour se compose d’un duo houmous et caviar d’aubergine, de brochettes de bœuf sauce saté nouilles chinoises et d’une salade de fruits, tout cela bien bon sur fond de Fip Reggae.
Mon addition réglée, je vais prendre le café dehors, perché. Au moment où la gentille serveuse me l’apporte, les premières gouttes tombent. Branle-bas pour ceux qui déjeunaient dehors, ils migrent à l’intérieur. « Vous voulez rentrer ? » me demande la serveuse. « Ça va passer », lui dis-je. « J’aime bien les gens qui pensent que ça va s’arranger », me dit-elle.
Ce ne sont que quelques gouttes. Cependant, je ne peux pas lire tant qu’elles tombent. Quand le soleil réapparait, un homme vient occuper l’autre perchoir. Il lit également. Un quart d’heure plus tard, une nouvelle drachette nous chasse tous les deux.
*
Saint-Quay-Portrieux est de ces communes pour lesquelles la Fête de la Musique, ce n’est pas le jour du solstice d’été. Si on se couchait tard, comment qu’on ferait pour bien travailler le lendemain ?
Ce sera donc vendredi soir et sous la tutelle de la Mairie. Au programme : l’école de musique municipale, Moundrag (rock psyche) et un platiniste dont le nom ne figure pas sur les affiches.
Demi-tour, je descends sous un ciel bleu vers mon petit-déjeuner. Au Mustang est diffusée une télé pour turfistes, heureusement sans le son. Qui vois-je à l’écran ce matin ? Hervé Morin, marchand de chevaux (par ailleurs Duc de Normandie). Il n’est pas interrogé. Il participe à l’émission. En spécialiste de la façon dont certains riches truandent certains pauvres en les faisant parier sur les courses de leurs canassons. Le tiercé, l’un des plus vieux jeux à perdre.
Il a plu cette nuit. Cela se voit sur le chemin douanier. Le belvédère est recouvert de grosses gouttes d’eau. Le vieil homme en a terminé la restauration. Chaque nom de lieu a été repeint en noir.
Faute de Poisson Rouge, je marche jusqu’au Café de la Marine pour mon café verre d’eau lecture. Cet estaminet est sur le port lui aussi, mais grosse différence, sa terrasse donne sur des voitures garées entre la mer et lui. Pendant que je lis les missives de Baudelaire des nuages inquiétants font leur apparition.
Je juge prudent de revenir plus près de mon studio Air Bibi et vais donc prendre un autre café au Café de la Plage où je réserve une table à l’intérieur pour le déjeuner.
Il ne pleut pas à midi. Beaucoup s’installent en terrasse pour manger. Le menu du jour se compose d’un duo houmous et caviar d’aubergine, de brochettes de bœuf sauce saté nouilles chinoises et d’une salade de fruits, tout cela bien bon sur fond de Fip Reggae.
Mon addition réglée, je vais prendre le café dehors, perché. Au moment où la gentille serveuse me l’apporte, les premières gouttes tombent. Branle-bas pour ceux qui déjeunaient dehors, ils migrent à l’intérieur. « Vous voulez rentrer ? » me demande la serveuse. « Ça va passer », lui dis-je. « J’aime bien les gens qui pensent que ça va s’arranger », me dit-elle.
Ce ne sont que quelques gouttes. Cependant, je ne peux pas lire tant qu’elles tombent. Quand le soleil réapparait, un homme vient occuper l’autre perchoir. Il lit également. Un quart d’heure plus tard, une nouvelle drachette nous chasse tous les deux.
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Saint-Quay-Portrieux est de ces communes pour lesquelles la Fête de la Musique, ce n’est pas le jour du solstice d’été. Si on se couchait tard, comment qu’on ferait pour bien travailler le lendemain ?
Ce sera donc vendredi soir et sous la tutelle de la Mairie. Au programme : l’école de musique municipale, Moundrag (rock psyche) et un platiniste dont le nom ne figure pas sur les affiches.
20 juin 2023
C’est le merlou qui me réveille ce lundi par ma fenêtre ouverte. Il est cinq heures et demie. Cinq minutes plus tard, le voisin du dessus racle son sol avec sa chaise. Si l’oiseau n’avait pas fait son boulot, le lourdaud ne m’aurait pas raté.
Le patron parti en course, c’est sa fille qui tient les rênes du Mustang. Ma table préférée est occupée par un couple. « Va falloir vous y faire, me dit un habitué, ils sont là pour six mois et c’est leur place. » Il me cède la sienne mais arrivent l’habitué en chef et un comparse qui s’assoient là d’habitude alors je dis que je vais aller ailleurs. Tout le monde proteste mais ils sont bien contents de ma proposition. De quoi parle-t-on ? De Plouha qui s’est accaparé la Fête de la Morue. Alors qu’il n’y jamais eu de morue à Plouha. La morue, c’était à Binic.
Le ciel est bleu sur mon chemin et Le Poisson Rouge en vacances. Je continue ma marche, passe au-dessus du marché, rejoins le chemin de la Corniche qui est une route goudronnée et arrive au parc départemental de Port-es-Leu qui j’ai traversé le jour où je suis allé de Binic à Saint-Quay par le Géherre. Sis sur la commune d’Etables-sur-Mer, il ne manque pas de grands et beaux arbres et de vues plongeantes sur la mer. Je reste à son entrée, m’assois sur un vieux tronc qui fait office de banc et j’écoute le chant des oiseaux.
A la pointe de ce parc départemental de Port-es-Leu est un escalier métallique peu visible qui permet de rejoindre le port du Portrieux à la hauteur de l’école de voile. De là, je rejoins le marché que je traverse en me disant qu’il devrait proposer sa candidature au concours du plus beau marché de France, puis je rejoins Port d’Armor. Je réserve une table en terrasse et à l’ombre aux Plaisanciers et y bois un café verre d’eau au-dessus des bateaux de plaisance, lisant ensuite Correspondance de Baudelaire un long moment.
Ce midi, il y a des plaisanciers parmi les clients des Plaisanciers. Ces gens qui n’arrêtent pas de parler de bateaux me saoulent, comme me saoulent tous ceux qui ont un intérêt particulier qui monopolise leur conversation. Au menu du jour, drôle de proposition : un bœuf bourguignon. Personne n’en veut. Tout le monde opte pour le filet de lieu noir beurre blanc écrasé de pommes de terre. Résultat : il n’y en a pas pour tout le monde. Pour les derniers arrivés, le lieu est remplacé par le tacaud. Quand Miss Desserts vient me voir avec son sourire et son plateau, j’en choisis un dont je ne connais pas le nom.
Des nuages noirs montent dans le ciel tandis je suis perché au Café de la Plage. Quand deux gouttes tombent sur mon livre, je le range et remonte à mon logis provisoire.
*
Au Portrieux, trois femmes Témoins de Jéhovah sont là pour t’expliquer ce qu’est « La vraie réussite ».
*
Quelle triste image donne de lui Baudelaire dans ses lettres. Un quémandeur et un flagorneur. Un lettre de compliments et de flatteries à Feydeau pour Fanny et dans le même temps une lettre à sa mère où il dit tout le mal qu’il en pense.
Le patron parti en course, c’est sa fille qui tient les rênes du Mustang. Ma table préférée est occupée par un couple. « Va falloir vous y faire, me dit un habitué, ils sont là pour six mois et c’est leur place. » Il me cède la sienne mais arrivent l’habitué en chef et un comparse qui s’assoient là d’habitude alors je dis que je vais aller ailleurs. Tout le monde proteste mais ils sont bien contents de ma proposition. De quoi parle-t-on ? De Plouha qui s’est accaparé la Fête de la Morue. Alors qu’il n’y jamais eu de morue à Plouha. La morue, c’était à Binic.
Le ciel est bleu sur mon chemin et Le Poisson Rouge en vacances. Je continue ma marche, passe au-dessus du marché, rejoins le chemin de la Corniche qui est une route goudronnée et arrive au parc départemental de Port-es-Leu qui j’ai traversé le jour où je suis allé de Binic à Saint-Quay par le Géherre. Sis sur la commune d’Etables-sur-Mer, il ne manque pas de grands et beaux arbres et de vues plongeantes sur la mer. Je reste à son entrée, m’assois sur un vieux tronc qui fait office de banc et j’écoute le chant des oiseaux.
A la pointe de ce parc départemental de Port-es-Leu est un escalier métallique peu visible qui permet de rejoindre le port du Portrieux à la hauteur de l’école de voile. De là, je rejoins le marché que je traverse en me disant qu’il devrait proposer sa candidature au concours du plus beau marché de France, puis je rejoins Port d’Armor. Je réserve une table en terrasse et à l’ombre aux Plaisanciers et y bois un café verre d’eau au-dessus des bateaux de plaisance, lisant ensuite Correspondance de Baudelaire un long moment.
Ce midi, il y a des plaisanciers parmi les clients des Plaisanciers. Ces gens qui n’arrêtent pas de parler de bateaux me saoulent, comme me saoulent tous ceux qui ont un intérêt particulier qui monopolise leur conversation. Au menu du jour, drôle de proposition : un bœuf bourguignon. Personne n’en veut. Tout le monde opte pour le filet de lieu noir beurre blanc écrasé de pommes de terre. Résultat : il n’y en a pas pour tout le monde. Pour les derniers arrivés, le lieu est remplacé par le tacaud. Quand Miss Desserts vient me voir avec son sourire et son plateau, j’en choisis un dont je ne connais pas le nom.
Des nuages noirs montent dans le ciel tandis je suis perché au Café de la Plage. Quand deux gouttes tombent sur mon livre, je le range et remonte à mon logis provisoire.
*
Au Portrieux, trois femmes Témoins de Jéhovah sont là pour t’expliquer ce qu’est « La vraie réussite ».
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Quelle triste image donne de lui Baudelaire dans ses lettres. Un quémandeur et un flagorneur. Un lettre de compliments et de flatteries à Feydeau pour Fanny et dans le même temps une lettre à sa mère où il dit tout le mal qu’il en pense.
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