Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
13 octobre 2016
-C’est de la musique de chambre ce soir ? me demande mon voisin de la loge Sept ce mardi soir à l’Opéra de Rouen.
Il est arrivé là clandestinement avec un couple, alors qu’ils devaient être au balcon, tous trois profitant de places restées libres pour Le Feu aux Poudres par le Concert impromptu.
-Oui, mais avec projection.
Dans la note musicologique signée Jason Julliot, il est question de « Cross opera », d’un art total selon le vœu de Wagner, lequel fait appel « aux arts visuels, décoratifs, chorégraphiques, de la mise en scène, du théâtre et bien sûr du sonore ». Vaste ambition dont on est loin sur scène. Je ne vois que théâtre musical sans moyens.
On se croirait à la Salle des Fêtes de Beaumont-en-Ouche le soir du spectacle de fin d’année de l’Ecole de Musique. La directrice a prêté ses draps et son mari y projette des détails de tableaux de Fragonard (le banc blanc doit être aussi à elle). Ses meilleur(e)s élèves déambulent devant et derrière en jouant des airs connus de Gluck, Mozart et Berlioz.
-Dommage, dit Monsieur le Maire, qu’ils soient malhabiles quand ils parlent et bougent mais on n’a pas les moyens d’avoir des professeurs de théâtre et de danse.
Un homme quitte la salle, plus radical que moi. Je m’ennuie pourtant prodigieusement.
-Qu’est-ce qu’on fait, on applaudit quand même ? demande à l’issue mon voisin à ses amis.
Ils le font, comme l’ensemble du public, la politesse prévalant sur toute autre considération dans les lieux de spectacle du vingt et unième siècle.
Je m’en abstiens et file avant même que les lumières de la salle soient rallumées, me disant que jamais encore à l’Opéra de Rouen je n’avais vu dans le domaine musical un spectacle aussi bas de gamme.
*
Pourquoi donc ce spectacle à l’Opéra de Rouen ? Il entre dans le thématique de la saison : « Libertinage ».
On y prononce quelques mots osés et, dans une demi pénombre et de dos, l’hautboïste s’y montre nue le temps d’un changement de tenue.
Les fesses de cette musicienne, dignes d’un tableau de Fragonard, on en parlera encore dans dix ans à Beaumont-en-Ouche.
Il est arrivé là clandestinement avec un couple, alors qu’ils devaient être au balcon, tous trois profitant de places restées libres pour Le Feu aux Poudres par le Concert impromptu.
-Oui, mais avec projection.
Dans la note musicologique signée Jason Julliot, il est question de « Cross opera », d’un art total selon le vœu de Wagner, lequel fait appel « aux arts visuels, décoratifs, chorégraphiques, de la mise en scène, du théâtre et bien sûr du sonore ». Vaste ambition dont on est loin sur scène. Je ne vois que théâtre musical sans moyens.
On se croirait à la Salle des Fêtes de Beaumont-en-Ouche le soir du spectacle de fin d’année de l’Ecole de Musique. La directrice a prêté ses draps et son mari y projette des détails de tableaux de Fragonard (le banc blanc doit être aussi à elle). Ses meilleur(e)s élèves déambulent devant et derrière en jouant des airs connus de Gluck, Mozart et Berlioz.
-Dommage, dit Monsieur le Maire, qu’ils soient malhabiles quand ils parlent et bougent mais on n’a pas les moyens d’avoir des professeurs de théâtre et de danse.
Un homme quitte la salle, plus radical que moi. Je m’ennuie pourtant prodigieusement.
-Qu’est-ce qu’on fait, on applaudit quand même ? demande à l’issue mon voisin à ses amis.
Ils le font, comme l’ensemble du public, la politesse prévalant sur toute autre considération dans les lieux de spectacle du vingt et unième siècle.
Je m’en abstiens et file avant même que les lumières de la salle soient rallumées, me disant que jamais encore à l’Opéra de Rouen je n’avais vu dans le domaine musical un spectacle aussi bas de gamme.
*
Pourquoi donc ce spectacle à l’Opéra de Rouen ? Il entre dans le thématique de la saison : « Libertinage ».
On y prononce quelques mots osés et, dans une demi pénombre et de dos, l’hautboïste s’y montre nue le temps d’un changement de tenue.
Les fesses de cette musicienne, dignes d’un tableau de Fragonard, on en parlera encore dans dix ans à Beaumont-en-Ouche.
12 octobre 2016
Pas étonnant que je sois entré au Garden Resto qui remplace Pizza Paï, rue des Carmes. On y propose, dès onze heures trente, un menu à volonté pour onze euros quatre-vingt-dix.
La salle est grande, façon cantine, mais la décoration et la musique zenifiantes empêchent de la percevoir ainsi, d’autant que les surveillants en tenue noire sont des jeunes gens décontractés et efficaces de toutes origines.
Le buffet est vaste, partagé en deux parties, l’une dédiée aux entrées et desserts, l’autre au plat principal.
A ma droite mange un duo de jeunes Japonais qui doivent travailler dans le créatif. A ma gauche s’installe un couple de sexagénaires.
-Bon, je vais faire un tour au pipi room, déclare-t-il.
-Non, lui dit-elle, tu vas rester là jusqu’à la commande.
-C’est incroyable, ajoute-t-elle, à chaque fois c’est la même chose.
Il obtempère et se plonge dans la carte qui ne sert qu’à commander les boissons, tout cela pour demander une carafe d’eau.
Quand il revient, elle et lui vont se servir l’un après l’autre car « on ne peut pas laisser nos affaires ». Je suis le seul qui pourrait plonger la main dans le sac mais je ne fais pas de commentaire. D’autres femmes serrent le leur sous le bras pendant le remplissage de l’assiette.
-La formule à volonté à nos âges c’est terminé, déclare-t-il à son retour l’assiette à demi remplie, mais je crois qu’à trente ans, tu peux tout te permettre, après tout.
Ils sont là entre la visite au cardiologue pour elle ce matin et celle du Musée des Beaux-Arts l’après-midi, pour elle aussi si j’en juge par son peu d’enthousiasme à lui.
Un peu plus loin, quatre filles fêtent sagement un anniversaire. Vers midi trente, presque toutes les tables sont occupées.
-Avec ça, y vont couler les p’tits restos pas chers avec menu du jour, diagnostique mon voisin. L’autre fois, on a payé plus que ça juste pour une moule frites.
-On va le dire à Francine, lui dit-elle, mais bon, elle, c’est pas son genre, elle va Chez l’Gros.
-Y en a aussi qui préfèrent Les P’tits Parapluies où tu paies cinquante euros et ne bouffes pas grand-chose.
Ce Garden Resto, avec sa nourriture à volonté, certes un peu industrielle mais plutôt bonne, et pas chère, est un piège situé à deux cents mètres de chez moi.
Plus de deux semaines que je n’y suis pas retourné, quand même. Ce repas aurait dû être raconté lorsqu’il a eu lieu. Une urgence m’en a empêché, aller dire non à l’abattage des arbres de la rue d’Amiens. Ils sont encore là.
*
Sale automne pour les patrons de bars rouennais, surtout ceux qui ont une cave où ils organisent des concerts. Après les quatorze morts du Cuba Libre, la Mairie mène une opération de contrôle du respect des normes de sécurité. Beaucoup les ignoraient.
Sur seize déjà contrôlés, quinze sont contraints à la fermeture définitive ou temporaire jusqu’à la réalisation des travaux demandés.
Le Trois Pièces voit ainsi sa cave où des concerts avaient lieu chaque semaine définitivement condamnée car si deux escaliers permettent d’y descendre et remonter, ils arrivent au même endroit.
L’Emporium doit aussi suspendre ses concerts, comme l’explique son tout nouveau propriétaire à Paris Normandie :
« Moi, j’ai acheté un pub, ça fait dix-neuf ans qu’il existe. Et maintenant, il faut un désenfumage, des espaces plus grands, etc. C’est impossible, ce sont des caves voûtées…
J’ai licencié deux personnes la semaine dernière et mon comptable me dit que ce ne sera pas suffisant. J’ai hypothéqué du foncier pour racheter cette affaire. Quarante ans de travail, ils m’auront mis à genoux en cinq mois… »
Cette frénésie municipale est l’aveu de sa négligence antérieure, laquelle a conduit au drame du Cuba Libre.
*
Les restaurants rouennais ayant une deuxième salle dans une cave voûtée ont sans doute du souci à se faire. J’en connais un dont la seule salle est souterraine et jouxte le four où sont cuites les pizzas. Un seul escalier y mène, aux marches irrégulières.
*
A Paris, dans les brasseries, les toilettes sont souvent au sous-sol, avec dans certains cas un escalier incommode. Parfois, la cuisine est également souterraine et contiguë. S’il s’y déclenchait un incendie, les clients descendus aux toilettes seraient en danger de mort.
La salle est grande, façon cantine, mais la décoration et la musique zenifiantes empêchent de la percevoir ainsi, d’autant que les surveillants en tenue noire sont des jeunes gens décontractés et efficaces de toutes origines.
Le buffet est vaste, partagé en deux parties, l’une dédiée aux entrées et desserts, l’autre au plat principal.
A ma droite mange un duo de jeunes Japonais qui doivent travailler dans le créatif. A ma gauche s’installe un couple de sexagénaires.
-Bon, je vais faire un tour au pipi room, déclare-t-il.
-Non, lui dit-elle, tu vas rester là jusqu’à la commande.
-C’est incroyable, ajoute-t-elle, à chaque fois c’est la même chose.
Il obtempère et se plonge dans la carte qui ne sert qu’à commander les boissons, tout cela pour demander une carafe d’eau.
Quand il revient, elle et lui vont se servir l’un après l’autre car « on ne peut pas laisser nos affaires ». Je suis le seul qui pourrait plonger la main dans le sac mais je ne fais pas de commentaire. D’autres femmes serrent le leur sous le bras pendant le remplissage de l’assiette.
-La formule à volonté à nos âges c’est terminé, déclare-t-il à son retour l’assiette à demi remplie, mais je crois qu’à trente ans, tu peux tout te permettre, après tout.
Ils sont là entre la visite au cardiologue pour elle ce matin et celle du Musée des Beaux-Arts l’après-midi, pour elle aussi si j’en juge par son peu d’enthousiasme à lui.
Un peu plus loin, quatre filles fêtent sagement un anniversaire. Vers midi trente, presque toutes les tables sont occupées.
-Avec ça, y vont couler les p’tits restos pas chers avec menu du jour, diagnostique mon voisin. L’autre fois, on a payé plus que ça juste pour une moule frites.
-On va le dire à Francine, lui dit-elle, mais bon, elle, c’est pas son genre, elle va Chez l’Gros.
-Y en a aussi qui préfèrent Les P’tits Parapluies où tu paies cinquante euros et ne bouffes pas grand-chose.
Ce Garden Resto, avec sa nourriture à volonté, certes un peu industrielle mais plutôt bonne, et pas chère, est un piège situé à deux cents mètres de chez moi.
Plus de deux semaines que je n’y suis pas retourné, quand même. Ce repas aurait dû être raconté lorsqu’il a eu lieu. Une urgence m’en a empêché, aller dire non à l’abattage des arbres de la rue d’Amiens. Ils sont encore là.
*
Sale automne pour les patrons de bars rouennais, surtout ceux qui ont une cave où ils organisent des concerts. Après les quatorze morts du Cuba Libre, la Mairie mène une opération de contrôle du respect des normes de sécurité. Beaucoup les ignoraient.
Sur seize déjà contrôlés, quinze sont contraints à la fermeture définitive ou temporaire jusqu’à la réalisation des travaux demandés.
Le Trois Pièces voit ainsi sa cave où des concerts avaient lieu chaque semaine définitivement condamnée car si deux escaliers permettent d’y descendre et remonter, ils arrivent au même endroit.
L’Emporium doit aussi suspendre ses concerts, comme l’explique son tout nouveau propriétaire à Paris Normandie :
« Moi, j’ai acheté un pub, ça fait dix-neuf ans qu’il existe. Et maintenant, il faut un désenfumage, des espaces plus grands, etc. C’est impossible, ce sont des caves voûtées…
J’ai licencié deux personnes la semaine dernière et mon comptable me dit que ce ne sera pas suffisant. J’ai hypothéqué du foncier pour racheter cette affaire. Quarante ans de travail, ils m’auront mis à genoux en cinq mois… »
Cette frénésie municipale est l’aveu de sa négligence antérieure, laquelle a conduit au drame du Cuba Libre.
*
Les restaurants rouennais ayant une deuxième salle dans une cave voûtée ont sans doute du souci à se faire. J’en connais un dont la seule salle est souterraine et jouxte le four où sont cuites les pizzas. Un seul escalier y mène, aux marches irrégulières.
*
A Paris, dans les brasseries, les toilettes sont souvent au sous-sol, avec dans certains cas un escalier incommode. Parfois, la cuisine est également souterraine et contiguë. S’il s’y déclenchait un incendie, les clients descendus aux toilettes seraient en danger de mort.
11 octobre 2016
En l’an quarante, Jean Malaquais, Juif apatride d’origine polonaise, né Wladimir Jan Pavel Malacki, s’évade sans tarder de la colonne de soldats prisonniers qui aurait dû le conduire en Allemagne nazie. Il rejoint Marseille avec l’intention de se réfugier outre-Atlantique. C’est ce qu’il raconte au jour le jour dans son Journal du métèque publié par Phébus à la suite du Journal de guerre. On y croise du beau monde, Voline, Gide et Brauner, par exemple :
Passé un couple d’heures avec Vsevolod Voline, auteur de La Révolution inconnue, rédacteur, avec Sébastien Faure, de l’Encyclopédie anarchiste, et j’en passe. (…) frisant la soixantaine, malade, pauvre comme Job, à la merci d’une rafle, il reste, la tête haute, plus réfractaire que jamais. (vingt-cinq octobre mil neuf cent quarante et un)
Nice, hôtel Adriatic, Gide a l’air d’y camper. Une valise bée sur le lit, une autre sous la table. Il trotte en pantoufles, tombe en arrêt, renifle, repart, prend un livre, le repose, parle à bâtons rompus, mentionne Malraux, la Petite Dame, Catherine ; puis, sans rime ni raison, m’interroge sur le sort de mes parents, là-bas, en Pologne. Sentiment qu’il hésite, se tâte, incertain où il en est.
A une heure, au restau, rue de France, lui, la voix affable, à la serveuse, pas très aguichante, frisant la cinquantaine :
-Beaucoup de travail, n’est-ce pas, madame ?
-Oh la la…
-Mais vous avez bien votre dimanche de libre, je voudrais croire ?
Du coup, elle, le sourire épanoui :
-Oh, pas ce dimanche-ci, mais le dimanche d’après, oui, si Monsieur veut bien…
Il a ce chic, Gide, de susciter des réactions pour le moins inattendues. (douze février mil neuf cent quarante-deux)
Victor Brauner. Sa prunelle de verre qui vous dévisage fixement. C’est Oscar Dominguez qui lui creva l’œil lors d’une joyeuse beuverie. (cinq avril mil neuf cent quarante deux)
*
Jean Malaquais réussira à s’embarquer pour le Venezuela d’où il ira à New York et sera naturalisé américain. De son expérience guerrière, il fera un roman Planète sans visa, publié en mil neuf cent quarante-sept par Le Pré aux Clercs, réédité en deux mille neuf par Phébus. Je préfère les documents bruts du Journal de guerre et du Journal du métèque.
*
Parmi les lectures de Jean Malaquais à Marseille, le Journal de Jules Renard. Il en extrait quelques pépites, à la date du vingt-deux novembre mil neuf cent quarante et un, dont ces deux-ci :
Toute cette bonté me tue. Si je m’interdis d’être un peu méchant, à quoi suis-je bon ?
Quand je ne pense pas à moi, c’est que je ne pense à personne.
Passé un couple d’heures avec Vsevolod Voline, auteur de La Révolution inconnue, rédacteur, avec Sébastien Faure, de l’Encyclopédie anarchiste, et j’en passe. (…) frisant la soixantaine, malade, pauvre comme Job, à la merci d’une rafle, il reste, la tête haute, plus réfractaire que jamais. (vingt-cinq octobre mil neuf cent quarante et un)
Nice, hôtel Adriatic, Gide a l’air d’y camper. Une valise bée sur le lit, une autre sous la table. Il trotte en pantoufles, tombe en arrêt, renifle, repart, prend un livre, le repose, parle à bâtons rompus, mentionne Malraux, la Petite Dame, Catherine ; puis, sans rime ni raison, m’interroge sur le sort de mes parents, là-bas, en Pologne. Sentiment qu’il hésite, se tâte, incertain où il en est.
A une heure, au restau, rue de France, lui, la voix affable, à la serveuse, pas très aguichante, frisant la cinquantaine :
-Beaucoup de travail, n’est-ce pas, madame ?
-Oh la la…
-Mais vous avez bien votre dimanche de libre, je voudrais croire ?
Du coup, elle, le sourire épanoui :
-Oh, pas ce dimanche-ci, mais le dimanche d’après, oui, si Monsieur veut bien…
Il a ce chic, Gide, de susciter des réactions pour le moins inattendues. (douze février mil neuf cent quarante-deux)
Victor Brauner. Sa prunelle de verre qui vous dévisage fixement. C’est Oscar Dominguez qui lui creva l’œil lors d’une joyeuse beuverie. (cinq avril mil neuf cent quarante deux)
*
Jean Malaquais réussira à s’embarquer pour le Venezuela d’où il ira à New York et sera naturalisé américain. De son expérience guerrière, il fera un roman Planète sans visa, publié en mil neuf cent quarante-sept par Le Pré aux Clercs, réédité en deux mille neuf par Phébus. Je préfère les documents bruts du Journal de guerre et du Journal du métèque.
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Parmi les lectures de Jean Malaquais à Marseille, le Journal de Jules Renard. Il en extrait quelques pépites, à la date du vingt-deux novembre mil neuf cent quarante et un, dont ces deux-ci :
Toute cette bonté me tue. Si je m’interdis d’être un peu méchant, à quoi suis-je bon ?
Quand je ne pense pas à moi, c’est que je ne pense à personne.
10 octobre 2016
Quelques notes prises lors de ma lecture du Journal de guerre de Jean Malaquais, lequel ne la fera pas, attendant longtemps qu’elle commence puis étant fait prisonnier immédiatement après son début :
C’est dans le « métier militaire », comme ils disent, que l’on se rend compte que le gros des Français ont la mentalité, la rudesse, l’inculture du paysan ; pareils en cela au cul-terreux lituanien, croate, polonais… (quatre septembre mil neuf cent trente-neuf)
Je t’en fiche, de « l’expérience accumulée ». Jamais jamais ce temps tordu ne portera fruit. Pour ma part, à supposer que je m’en sorte avec mes tripes au complet, j’aurai la cervelle criblée de pustules. (quatorze novembre mil neuf cent trente-neuf)
Le capitaine Piron, depuis qu’il commande deux groupes, le nôtre par intérim et le sien, me fait penser à une adolescente qui, en vue de son premier bal à la sous-préfecture, aurait coiffé ses tresses en chignon. (vingt-sept novembre mil neuf cent trente-neuf)
Des types qui n’ont jamais réfléchi à rien de rien, dont l’horizon se borne à leur boutique, à leur bistro, à leur étal de tripier, les voilà qui disent France, disant qu’elle est pourrie oh la la, négroïde, enjuivée, maçonnique, capitaliste… Radio Stuttgart n’a pas de meilleures élèves que les nains invétérés qui d’emblée se couchent sous la houlette du plus fort. (quatre juin mil neuf cent quarante)
*
Jean Malaquais reçut le prix Renaudot en mil neuf cent trente-neuf pour Les Javanais, roman dans lequel il raconte son expérience de travailleur dans la mine de plomb et d'argent de La-Londe-les-Maures dans le Var. Bien qu’apatride, il fut mobilisé (contre son gré) dans l’armée française. Son Journal de guerre a été publié en français à New York en mil neuf cent quarante-trois. Il est disponible chez Phébus depuis mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept (suivi du Journal du métèque qui était resté inédit).
C’est dans le « métier militaire », comme ils disent, que l’on se rend compte que le gros des Français ont la mentalité, la rudesse, l’inculture du paysan ; pareils en cela au cul-terreux lituanien, croate, polonais… (quatre septembre mil neuf cent trente-neuf)
Je t’en fiche, de « l’expérience accumulée ». Jamais jamais ce temps tordu ne portera fruit. Pour ma part, à supposer que je m’en sorte avec mes tripes au complet, j’aurai la cervelle criblée de pustules. (quatorze novembre mil neuf cent trente-neuf)
Le capitaine Piron, depuis qu’il commande deux groupes, le nôtre par intérim et le sien, me fait penser à une adolescente qui, en vue de son premier bal à la sous-préfecture, aurait coiffé ses tresses en chignon. (vingt-sept novembre mil neuf cent trente-neuf)
Des types qui n’ont jamais réfléchi à rien de rien, dont l’horizon se borne à leur boutique, à leur bistro, à leur étal de tripier, les voilà qui disent France, disant qu’elle est pourrie oh la la, négroïde, enjuivée, maçonnique, capitaliste… Radio Stuttgart n’a pas de meilleures élèves que les nains invétérés qui d’emblée se couchent sous la houlette du plus fort. (quatre juin mil neuf cent quarante)
*
Jean Malaquais reçut le prix Renaudot en mil neuf cent trente-neuf pour Les Javanais, roman dans lequel il raconte son expérience de travailleur dans la mine de plomb et d'argent de La-Londe-les-Maures dans le Var. Bien qu’apatride, il fut mobilisé (contre son gré) dans l’armée française. Son Journal de guerre a été publié en français à New York en mil neuf cent quarante-trois. Il est disponible chez Phébus depuis mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept (suivi du Journal du métèque qui était resté inédit).
8 octobre 2016
Ce vendredi un peu avant dix-huit heures et avant qu’arrive le vigile en contrôlant l’accès, j’entre dans l’Abbatiale Saint-Ouen qui sert une nouvelle fois de salle d’exposition d’art contemporain local avec La Mort se nourrit de fleurs (titre Toussaint compatible).
Celle-ci regroupe des œuvres des vingt lauréats de la bourse municipale Impulsion entre deux mille onze et quinze, dont certain(e)s ancien(ne)s beauzarteux et beauzarteuses et un peu de personnel de cette Ecole exilée sur les hauteurs de Rouen.
L’immensité du lieu et son passé religieux nuisent aux œuvres. Celles-ci sont dans le droit fil de ce que l’on voit depuis des années, donc m’intéressent peu ou pas du tout. Lorsque je m’approche d’un cube en tissu noir dans lequel je crois diffusée une vidéo, je suis arrêté par une jeune femme qui me dit qu’il s’agit d’une installation participative.
-Alors ce n’est pas pour moi, lui dis-je.
-Je peux vous expliquer de quoi il s’agit ? me demande-t-elle.
-Non, quand j’entends le mot participatif, je prends la fuite.
Il est d’ailleurs temps que je quitte le lieu. Des micros indiquent qu’une autorité municipale, Maire ou Adjointe à la Culture, va y faire un discours dont je connais le texte.
*
Au Son du Cor.
Une femme à propos de son nouveau supérieur hiérarchique :
-J’ai découvert que je connais son père et je suis sortie avec son oncle.
(Etre sortie, cet euphémisme me réjouira toujours)
*
Au bout de ma rue.
Une femme à une autre :
-Regarde la ruelle, là, de dans le temps. Bah, tu peux venir, tu vas voir les baraques, c’est aut’chose.
Celle-ci regroupe des œuvres des vingt lauréats de la bourse municipale Impulsion entre deux mille onze et quinze, dont certain(e)s ancien(ne)s beauzarteux et beauzarteuses et un peu de personnel de cette Ecole exilée sur les hauteurs de Rouen.
L’immensité du lieu et son passé religieux nuisent aux œuvres. Celles-ci sont dans le droit fil de ce que l’on voit depuis des années, donc m’intéressent peu ou pas du tout. Lorsque je m’approche d’un cube en tissu noir dans lequel je crois diffusée une vidéo, je suis arrêté par une jeune femme qui me dit qu’il s’agit d’une installation participative.
-Alors ce n’est pas pour moi, lui dis-je.
-Je peux vous expliquer de quoi il s’agit ? me demande-t-elle.
-Non, quand j’entends le mot participatif, je prends la fuite.
Il est d’ailleurs temps que je quitte le lieu. Des micros indiquent qu’une autorité municipale, Maire ou Adjointe à la Culture, va y faire un discours dont je connais le texte.
*
Au Son du Cor.
Une femme à propos de son nouveau supérieur hiérarchique :
-J’ai découvert que je connais son père et je suis sortie avec son oncle.
(Etre sortie, cet euphémisme me réjouira toujours)
*
Au bout de ma rue.
Une femme à une autre :
-Regarde la ruelle, là, de dans le temps. Bah, tu peux venir, tu vas voir les baraques, c’est aut’chose.
7 octobre 2016
Quand j’ai acheté L’occupation de Georges Perros (Joseph K.) chez Gibert Joseph j’ai fait une affaire car s’y cachent d’autres textes, lesquels sont vendus séparément par d’autres éditeurs : En vue d’un éloge de la paresse, Echancrures, Notes d’enfance, Lexique, Gardavu, Huit poèmes et Télé-notes.
Hélas, ces posthumes ne sont pas du meilleur Perros. Après lecture, je ne trouve à retenir que deux passages de la Lettre-préface destinée Jean Grenier :
On nous croit bon, acharné à vouloir le meilleur de chacun. Comme si nous n’avions pas besoin des imperfections du voisin, comme si nous n’étions pas heureux de le voir trébucher à la moindre difficulté. (…/…)
Et l’on atteint la trentaine complètement rabougri, fier d’une médiocrité chargée de diplômes. On va se marier, on fait des enfants, on loue des places pour la séance hebdomadaire au cinéma, et en voiture jusqu’au cimetière. Beaucoup n’ont pas même le courage de maudire une telle situation, ou se vengent en obligeant leurs enfants à refaire erreur identique.
*
Dommage ce « refaire » , « faire » s’imposait.
Hélas, ces posthumes ne sont pas du meilleur Perros. Après lecture, je ne trouve à retenir que deux passages de la Lettre-préface destinée Jean Grenier :
On nous croit bon, acharné à vouloir le meilleur de chacun. Comme si nous n’avions pas besoin des imperfections du voisin, comme si nous n’étions pas heureux de le voir trébucher à la moindre difficulté. (…/…)
Et l’on atteint la trentaine complètement rabougri, fier d’une médiocrité chargée de diplômes. On va se marier, on fait des enfants, on loue des places pour la séance hebdomadaire au cinéma, et en voiture jusqu’au cimetière. Beaucoup n’ont pas même le courage de maudire une telle situation, ou se vengent en obligeant leurs enfants à refaire erreur identique.
*
Dommage ce « refaire » , « faire » s’imposait.
6 octobre 2016
Un lever encore plus matinal ce mercredi, mon train pour la capitale est celui de six heures quarante-sept. Cela me permet de passer au marché d’Aligre avant Book-Off et d’y trouver pour trois euros Marie Bashkirtseff (Un portrait sans retouches) de Colette Cosnier publié en mil neuf cent quatre-vingt-cinq par Pierre Horay. Cet exemplaire n’a jamais été lu. S’y trouve encore la carte postale représentant Cléo de Mérode offerte par l’éditeur. Un autre vendeur de livres a posé un écriteau sur son étalage : « Beaucoup de livres dédicacés à Michel Debré ». Cet argument de vente ne suscite que des commentaires ironiques.
Un vent frisquet souffle qui me pousse jusqu’au Café du Faubourg. Je m’y réchauffe d’un café au comptoir. Près de moi, un habitué se confie au jeune patron patient :
-J’aime pas avoir les ongles sales. Je tiens ça de ma mère. Et les chaussures cirées. Elle était pas méchante pour deux sous, mais elle était exigeante.
Ce genre d’épanchement est courant et autorisé. En revanche, « Les épanchements d’urine sont interdits sur la voie publique » affiche la Mairie devant Book-Off. « Quatre cents sanisettes gratuites sont à votre disposition à Paris », ajoute-t-elle.
Muni de peu de livres, je me rends à Belleville en métro. J’ai envie de canard laqué mais le restaurant que je visais n’y est plus et je n’en trouve pas d’autre. Je me rabats sur Les Triplettes, lieu bobo à la décoration faussement authentique. On y propose une formule à douze euros cinquante, café inclus. J’opte pour les bulots mayonnaise (industrielle) et la bavette sauce béarnaise frites (maison). Le verre de vin est à quatre euros. Je choisis un Pont du Gard bio. Mal m’en prend. Il est servi frais et n’a le goût de rien. Je le signale à la serveuse.
-Je ne sais pas pourquoi ils font ça, me dit-elle, moi non plus je n’aime pas le vin rouge frais.
-C’est peut-être parce que c’est un mauvais vin, lui dis je, et que le servir frais cela permet de le cacher, ça n’a même plus le goût de vin.
Elle ne propose pas de me le remplacer par un autre.
Sorti de là, je passe par la rue Dénoyez, l’une des plus graffées de Paris (elle est en passe d’être détruite, une pelleteuse a déjà mis à bas plusieurs bâtiments) et grimpe jusqu’aux Buttes Chaumont. Sur un banc et sous un soleil devenu chaud, je lis En Patagonie de Bruce Chatwin (Les Cahiers Rouges/Grasset). J’y apprends qu’un village du Pays de Galles s’appelle Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch.
C’est le nom de lieu le plus long du monde, indique Bruce Chatwin en note infrapaginale. Ce que dément Ouiquipédia. Ce n’est que le nom de ville le plus long d’Europe. Au Pays de Galles même, un nom de gare est encore plus long. Le champion du monde est celui d’une colline néo-zélandaise : Taumatawhakatangihangakoauauotamateaturipukakapikimaungahoronukupokaiwhenuakitanatahu (impossible de l'écrire ici sans y ajouter des traits d'union).
*
Je me suis rarement rendu coupable d’épanchement d’urine sur la voie publique parisienne. Une fois, c’était la nuit sur les quais de Seine, discrètement. Jusqu’à ce que surgisse un bateau-mouche dont les projecteurs me mettent en lumière.
A Rouen, cinq ou six sanisettes gratuites sont à disposition. C’est pousser à la délinquance.
Un vent frisquet souffle qui me pousse jusqu’au Café du Faubourg. Je m’y réchauffe d’un café au comptoir. Près de moi, un habitué se confie au jeune patron patient :
-J’aime pas avoir les ongles sales. Je tiens ça de ma mère. Et les chaussures cirées. Elle était pas méchante pour deux sous, mais elle était exigeante.
Ce genre d’épanchement est courant et autorisé. En revanche, « Les épanchements d’urine sont interdits sur la voie publique » affiche la Mairie devant Book-Off. « Quatre cents sanisettes gratuites sont à votre disposition à Paris », ajoute-t-elle.
Muni de peu de livres, je me rends à Belleville en métro. J’ai envie de canard laqué mais le restaurant que je visais n’y est plus et je n’en trouve pas d’autre. Je me rabats sur Les Triplettes, lieu bobo à la décoration faussement authentique. On y propose une formule à douze euros cinquante, café inclus. J’opte pour les bulots mayonnaise (industrielle) et la bavette sauce béarnaise frites (maison). Le verre de vin est à quatre euros. Je choisis un Pont du Gard bio. Mal m’en prend. Il est servi frais et n’a le goût de rien. Je le signale à la serveuse.
-Je ne sais pas pourquoi ils font ça, me dit-elle, moi non plus je n’aime pas le vin rouge frais.
-C’est peut-être parce que c’est un mauvais vin, lui dis je, et que le servir frais cela permet de le cacher, ça n’a même plus le goût de vin.
Elle ne propose pas de me le remplacer par un autre.
Sorti de là, je passe par la rue Dénoyez, l’une des plus graffées de Paris (elle est en passe d’être détruite, une pelleteuse a déjà mis à bas plusieurs bâtiments) et grimpe jusqu’aux Buttes Chaumont. Sur un banc et sous un soleil devenu chaud, je lis En Patagonie de Bruce Chatwin (Les Cahiers Rouges/Grasset). J’y apprends qu’un village du Pays de Galles s’appelle Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch.
C’est le nom de lieu le plus long du monde, indique Bruce Chatwin en note infrapaginale. Ce que dément Ouiquipédia. Ce n’est que le nom de ville le plus long d’Europe. Au Pays de Galles même, un nom de gare est encore plus long. Le champion du monde est celui d’une colline néo-zélandaise : Taumatawhakatangihangakoauauotamateaturipukakapikimaungahoronukupokaiwhenuakitanatahu (impossible de l'écrire ici sans y ajouter des traits d'union).
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Je me suis rarement rendu coupable d’épanchement d’urine sur la voie publique parisienne. Une fois, c’était la nuit sur les quais de Seine, discrètement. Jusqu’à ce que surgisse un bateau-mouche dont les projecteurs me mettent en lumière.
A Rouen, cinq ou six sanisettes gratuites sont à disposition. C’est pousser à la délinquance.
5 octobre 2016
Ce dimanche deux octobre, à seize heures, c’est le début de la saison nouvelle à l’Opéra de Rouen avec Cosi fan tutte de Wolfgang Amadeus Mozart (et Lorenzo da Ponte). Je suis en corbeille, décentré côté cour.
Le rideau se lève sur un grand salon à voilages. La mise en scène est de Frédéric Roels, le maître des lieux. Il a choisi de situer l’action dans le monde contemporain, ce qui a pour effet de rendre l’intrigue encore plus irréaliste. Celle-ci est des plus simples : il s’agit de mettre à l’épreuve la fidélité des femmes, celle des hommes ne posant pas problème, à l’aide d’un subterfuge grossier, les fiancés faussement partis à l’armée jouant les séducteurs albanais.
L’Orchestre est dirigé dans la fosse par Andreas Spering dont je vois la tête éclairée. Est également visible, surélevé, Christophe Manien au pianoforte. Cela tire un peu en longueur mais heureusement la distribution est bonne pour ce qui est des cinq rôles principaux, tant pour chanter que pour jouer la comédie, le sixième manquant de relief. J’ai un faible pour Eduarda Melo, excellente comédienne dans les deux rôles secondaires qui lui sont confiés. Elle interprète Despina et je suis toujours ému par les petites soubrettes.
A l’entracte, l’une de mes voisines avoue qu’elle a sombré trois fois. Dans le sommeil veut-elle dire. Elle ne sait pas ce qu’elle a manqué. Pas grand-chose en ce qui concerne l’action dramatique.
Le second acte s’ouvre sur le même décor et j’en suis à me dire « Frédéric, tu ne t’es pas foulé » quand descend des cintres de quoi relancer l’intérêt visuel. Dans ce nouveau décor, on a même pu loger dans le sous-bois le chœur accentus muni de cornes animales. Jusqu’ici, les choristes étaient assis en bord de corbeille, moitié à jardin, moitié à cour, se faisant face de loin et chantant peu. Cette période est donc plus animée, Frédéric Roels ne reculant pas devant un peu d’audace de genre. Cependant, il n’y a pas que mes genoux pour dire que cela dure depuis fort longtemps, derrière moi est assise une famille de musicien(ne)s dont l’une ose chuchoter : « Ça ne finira donc jamais. »
Cela finit sur le constat qu’une femme sur deux est infidèle et beaucoup d’applaudissements mérités.
Un qui n’a pas l’air d’avoir trouvé ça long (trois heures et demie sans beaucoup d’action, même à l’entracte), c’est le chien d’aveugle couché au premier rang.
Le rideau se lève sur un grand salon à voilages. La mise en scène est de Frédéric Roels, le maître des lieux. Il a choisi de situer l’action dans le monde contemporain, ce qui a pour effet de rendre l’intrigue encore plus irréaliste. Celle-ci est des plus simples : il s’agit de mettre à l’épreuve la fidélité des femmes, celle des hommes ne posant pas problème, à l’aide d’un subterfuge grossier, les fiancés faussement partis à l’armée jouant les séducteurs albanais.
L’Orchestre est dirigé dans la fosse par Andreas Spering dont je vois la tête éclairée. Est également visible, surélevé, Christophe Manien au pianoforte. Cela tire un peu en longueur mais heureusement la distribution est bonne pour ce qui est des cinq rôles principaux, tant pour chanter que pour jouer la comédie, le sixième manquant de relief. J’ai un faible pour Eduarda Melo, excellente comédienne dans les deux rôles secondaires qui lui sont confiés. Elle interprète Despina et je suis toujours ému par les petites soubrettes.
A l’entracte, l’une de mes voisines avoue qu’elle a sombré trois fois. Dans le sommeil veut-elle dire. Elle ne sait pas ce qu’elle a manqué. Pas grand-chose en ce qui concerne l’action dramatique.
Le second acte s’ouvre sur le même décor et j’en suis à me dire « Frédéric, tu ne t’es pas foulé » quand descend des cintres de quoi relancer l’intérêt visuel. Dans ce nouveau décor, on a même pu loger dans le sous-bois le chœur accentus muni de cornes animales. Jusqu’ici, les choristes étaient assis en bord de corbeille, moitié à jardin, moitié à cour, se faisant face de loin et chantant peu. Cette période est donc plus animée, Frédéric Roels ne reculant pas devant un peu d’audace de genre. Cependant, il n’y a pas que mes genoux pour dire que cela dure depuis fort longtemps, derrière moi est assise une famille de musicien(ne)s dont l’une ose chuchoter : « Ça ne finira donc jamais. »
Cela finit sur le constat qu’une femme sur deux est infidèle et beaucoup d’applaudissements mérités.
Un qui n’a pas l’air d’avoir trouvé ça long (trois heures et demie sans beaucoup d’action, même à l’entracte), c’est le chien d’aveugle couché au premier rang.
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