Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
3 mars 2021
Seulement dix minutes de retard ce mardi pour le train de huit heures cinq arrivant de Paris et allant au Havre. La plupart de ses occupants descendent à Rouen, ce qui me permet de voyager loin d’autrui. Après la banlieue, c’est une sorte de désert campagnard dont on pourrait croire les habitants confinés. Une poignée d’humains descendent et montent à Yvetot puis à Bréauté-Beuzeville et c’est l’arrivée à la Gare du Havre. Devant celle-ci, je monte dans le tramouais qui arrive et en descends à La Plage son terminus.
De là, la mer à ma gauche, je marche un certain temps et arrive à Sainte-Adresse, ancienne capitale de la Belgique. La promenade y devient plus chic, avec une moitié pour les vélos et une moitié pour les piétons. Cette dernière est hélas polluée par une quantité de coureuses et coureurs qui expectorent à dix mètres.
Je connais peu Sainte-Adresse, et pas du tout ses hauteurs. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais combler cette lacune car j’ai envie de rester au bord de la mer. Elle est haute, c’est jour de grande marée. Toujours marchant j’arrive à une fourche qui donne le choix. La première branche permet de continuer en bas par la digue du Bout du Monde mais celle-ci est effondrée et son accès barré. La seconde invite à monter sur la falaise mais le chemin s’achève par une boucle qui invite à redescendre. Un chemin de terre s’enfonce néanmoins dans les broussailles mais il est officiellement interdit en raison du risque d’éboulement de cette falaise. Je dois donc revenir sur mes pas.
Redescendu en bord de mer, je trouve à m’asseoir sur une structure en bois d’où, le masque ôté, je peux surveiller l’entrée et la sortie des porte-conteneurs dans le port du Havre. Devant moi passent les sempiternels sportifs et des familles plus ou moins masquées.
Comme il fait bon, je sors le livre emporté, Lettres à Věra de Karel Čapek en édition de poche chez Cambourakis. J’en lis une moitié avant de pique-niquer. Mon café bu, je reprends cette lecture attrayante.
Un deux ans et demi marchant sur la structure en bois descend pour me contourner. Remonté de l’autre côté, il se tourne vers moi :
-Monsieur, il est où papa ?
En voilà une question. Avant que je tente d’y répondre, il aperçoit celui qui, resté en arrière, tape ses chaussures de sport sur le sol pour les nettoyer. Le chérubin rejoint vite ce géniteur plus soucieux de ses godasses que de sa descendance.
Comme nous sommes ici en vacances scolaires, j’en vois d’autres passer, des pères divorcés. L’un d’eux a remplacé sa femme par sa mère pour la promenade au bord de la mer. C’est une famille recomposée d’un genre particulier.
Il est quinze heures quand je termine Lettres à Věra. Je rejoins Le Havre, croisant de plus en plus de monde, dont beaucoup de jeunes, mais aussi des vieux qui ne consentent pas à s’auto-isoler. Des branlotins en maillot plongent du haut d’une sorte de belvédère en bois dominant la mer. A quoi ne faut-il pas se résoudre pour éblouir certaines filles.
D’autres jeunes mâles préfèrent s’affronter au parc à skaite. Près de celui-ci est la station de tram. Je monte dans le premier en attente de départ. Après avoir traversé le centre-ville, je descends à l’arrêt Gares. « Pourquoi il y a un s à gares ? » demande à sa mère un moutard. Ferroviaire et routière, pourrait-elle lui répondre si elle se souciait de sa question.
*
Ce mardi marque le trentième anniversaire de la mort de Serge Gainsbourg. Multiples hommages un peu partout. Assortis de multiples critiques sur le personnage et certaines de ses chansons jugées désormais problématiques. Sa fille Charlotte n’entre pas dans ce jeu-là, qui espère que s’il vivait aujourd’hui il les ferait quand même. J’en doute.
De là, la mer à ma gauche, je marche un certain temps et arrive à Sainte-Adresse, ancienne capitale de la Belgique. La promenade y devient plus chic, avec une moitié pour les vélos et une moitié pour les piétons. Cette dernière est hélas polluée par une quantité de coureuses et coureurs qui expectorent à dix mètres.
Je connais peu Sainte-Adresse, et pas du tout ses hauteurs. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais combler cette lacune car j’ai envie de rester au bord de la mer. Elle est haute, c’est jour de grande marée. Toujours marchant j’arrive à une fourche qui donne le choix. La première branche permet de continuer en bas par la digue du Bout du Monde mais celle-ci est effondrée et son accès barré. La seconde invite à monter sur la falaise mais le chemin s’achève par une boucle qui invite à redescendre. Un chemin de terre s’enfonce néanmoins dans les broussailles mais il est officiellement interdit en raison du risque d’éboulement de cette falaise. Je dois donc revenir sur mes pas.
Redescendu en bord de mer, je trouve à m’asseoir sur une structure en bois d’où, le masque ôté, je peux surveiller l’entrée et la sortie des porte-conteneurs dans le port du Havre. Devant moi passent les sempiternels sportifs et des familles plus ou moins masquées.
Comme il fait bon, je sors le livre emporté, Lettres à Věra de Karel Čapek en édition de poche chez Cambourakis. J’en lis une moitié avant de pique-niquer. Mon café bu, je reprends cette lecture attrayante.
Un deux ans et demi marchant sur la structure en bois descend pour me contourner. Remonté de l’autre côté, il se tourne vers moi :
-Monsieur, il est où papa ?
En voilà une question. Avant que je tente d’y répondre, il aperçoit celui qui, resté en arrière, tape ses chaussures de sport sur le sol pour les nettoyer. Le chérubin rejoint vite ce géniteur plus soucieux de ses godasses que de sa descendance.
Comme nous sommes ici en vacances scolaires, j’en vois d’autres passer, des pères divorcés. L’un d’eux a remplacé sa femme par sa mère pour la promenade au bord de la mer. C’est une famille recomposée d’un genre particulier.
Il est quinze heures quand je termine Lettres à Věra. Je rejoins Le Havre, croisant de plus en plus de monde, dont beaucoup de jeunes, mais aussi des vieux qui ne consentent pas à s’auto-isoler. Des branlotins en maillot plongent du haut d’une sorte de belvédère en bois dominant la mer. A quoi ne faut-il pas se résoudre pour éblouir certaines filles.
D’autres jeunes mâles préfèrent s’affronter au parc à skaite. Près de celui-ci est la station de tram. Je monte dans le premier en attente de départ. Après avoir traversé le centre-ville, je descends à l’arrêt Gares. « Pourquoi il y a un s à gares ? » demande à sa mère un moutard. Ferroviaire et routière, pourrait-elle lui répondre si elle se souciait de sa question.
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Ce mardi marque le trentième anniversaire de la mort de Serge Gainsbourg. Multiples hommages un peu partout. Assortis de multiples critiques sur le personnage et certaines de ses chansons jugées désormais problématiques. Sa fille Charlotte n’entre pas dans ce jeu-là, qui espère que s’il vivait aujourd’hui il les ferait quand même. J’en doute.
1er mars 2021
Ne m’avouant pas vaincu par la décrépitude de la ligne Paris Rouen Le Havre, je reprends ce samedi matin un billet daté de mardi pour la Porte Océane. Guère de monde à la Gare, j’y croise cependant le Playboy Communiste, semblable à lui-même, porteur de sa sempiternelle couverture, désormais orange. Il traverse la pandémie sans même la percevoir.
J’espère que cette escapade havraise (si elle se concrétise) ne sera pas ma dernière sortie avant un reconfinement. Les variants attaquent. L’anglais est partout (c’était bien la peine de priver de Noël les chauffeurs des camions revenant du Royaume-Uni en les bloquant à la frontière). Le sud-africain effraie ici ou là, passé par on ne sait où.
Pendant ce temps, la vaccination continue à rater mieux. Après deux mois, seulement un quart des plus de soixante-quinze ans ont eu la piqûre. Ne parlons pas des autres vieux, qui sont abandonnés. La pénurie est telle qu’on en est à retirer des vaccins de certaines régions pour les envoyer là où les réanimations débordent. Parmi ces lieux en tension (comme ils disent), Dunkerque où en août deux mille dix-huit j’ai passé de bons moments et Nice où je devais aller au printemps deux mille vingt, un séjour annulé à cause de la déclaration de guerre. Aujourd’hui, dans cette ville, les touristes ne sont pas les bienvenus. Le Maire les accuse d’être responsables de l’augmentation du « taux d’incidence » bien que ce soit dans le quartier de l’Ariane où nul vacancier n’aurait idée de mettre le pied que ça flambe (comme ils disent).
La Senecefe, qui n’en manque pas une, choisit précisément ce moment pour ressusciter son train de nuit pour Nice, premier départ le seize avril. Voyager par temps de Covid, certes à quatre au lieu de six et en position tête-bêche, mais pendant des heures, dans une cellule de wagon-lit, il faut avoir le goût du risque.
*
Donc soixante-quinze pour cent des vieux de plus de soixante-quinze ans ne sont pas encore vaccinés. Ceux de la résidence Arcadie de Bordeaux ont manifesté avec leurs déambulateurs en barrant la rue Turenne. Leur slogan : « On est vieux mais on ne veut pas mourir ».
*
Une bonne nouvelle quand même, le premier confinement n’aura pas été favorable à la reproduction de l’espèce : treize pour cent de baisse de natalité entre janvier deux mille vingt et janvier deux mille vingt et un. On appelle cela le baby crash.
J’espère que cette escapade havraise (si elle se concrétise) ne sera pas ma dernière sortie avant un reconfinement. Les variants attaquent. L’anglais est partout (c’était bien la peine de priver de Noël les chauffeurs des camions revenant du Royaume-Uni en les bloquant à la frontière). Le sud-africain effraie ici ou là, passé par on ne sait où.
Pendant ce temps, la vaccination continue à rater mieux. Après deux mois, seulement un quart des plus de soixante-quinze ans ont eu la piqûre. Ne parlons pas des autres vieux, qui sont abandonnés. La pénurie est telle qu’on en est à retirer des vaccins de certaines régions pour les envoyer là où les réanimations débordent. Parmi ces lieux en tension (comme ils disent), Dunkerque où en août deux mille dix-huit j’ai passé de bons moments et Nice où je devais aller au printemps deux mille vingt, un séjour annulé à cause de la déclaration de guerre. Aujourd’hui, dans cette ville, les touristes ne sont pas les bienvenus. Le Maire les accuse d’être responsables de l’augmentation du « taux d’incidence » bien que ce soit dans le quartier de l’Ariane où nul vacancier n’aurait idée de mettre le pied que ça flambe (comme ils disent).
La Senecefe, qui n’en manque pas une, choisit précisément ce moment pour ressusciter son train de nuit pour Nice, premier départ le seize avril. Voyager par temps de Covid, certes à quatre au lieu de six et en position tête-bêche, mais pendant des heures, dans une cellule de wagon-lit, il faut avoir le goût du risque.
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Donc soixante-quinze pour cent des vieux de plus de soixante-quinze ans ne sont pas encore vaccinés. Ceux de la résidence Arcadie de Bordeaux ont manifesté avec leurs déambulateurs en barrant la rue Turenne. Leur slogan : « On est vieux mais on ne veut pas mourir ».
*
Une bonne nouvelle quand même, le premier confinement n’aura pas été favorable à la reproduction de l’espèce : treize pour cent de baisse de natalité entre janvier deux mille vingt et janvier deux mille vingt et un. On appelle cela le baby crash.
27 février 2021
Davantage de soleil qu’hier et point de chats pour venir se frotter à moi, je reste un long moment ce samedi à lire sur le banc.
Dès rentré, j’en termine avec les années trente de Korneï Tchoukovski.
Douze mai mil neuf cent trente-cinq : Hier j’ai eu la visite de Khardjiev et d’Anna Akhmatova. Anna Andreïevna dit qu’elle a vendu aux éditions de la Littérature soviétique une sélection de ses poèmes. Mais le directeur a exigé qu’il n’y ait ni mysticisme, ni pessimisme, ni politique.
« Il ne reste que la fornication », dit-elle.
Dix-neuf décembre mil neuf cent trente-cinq : Sa femme s’est plainte de ce qu’Arossev, qui avait invité Romain Rolland chez lui, ne s’était pas occupé de chasser les punaises qui couraient dans son lit. Le pauvre Rolland a passé deux nuits blanches à cause de ça – mais sans récriminer ; il a même essayé de couper court à cette conversation. Gorki a dit sur un ton qui était presque celui du compliment : « Arossev est parfaitement idiot. »
Dix-sept janvier mil neuf cent trente-six : Par exemple, il a un ami docteur, et récemment ce docteur a soigné une fillette nommée Marie-Antoinette ( !).
« Pourquoi l’avez-vous appelée Marie-Antoinette ? a-t-il demandé à la mère.
--Eh bien une fois, dans le calendrier j’ai vu marqué : tel jour « exécution de Marie-Antoinette », et je me suis dit que ce devait être une révolutionnaire. »
Vingt-deux avril mil neuf cent trente-six : Quel tumulte dans la salle ! Mais LUI reste calme, l’air un peu las, pensif et majestueux. On sent une énorme habitude du pouvoir, une très grande force et en même temps quelque chose de féminin, de doux. Je me retourne : tout le monde a le regard attendri, amoureux, joyeux, exalté. (LUI = Staline)
Juin mil neuf cent trente-six : A table un dame toute peinturlurée (« Je suis une admiratrice ») me dit : « Je suppose que vous adorez les enfants. Vous en parlez de façon tellement admirable… »
Agacé par ses minauderies insupportables, je lui réponds : « Non, je ne les supporte pas. Rien que de les regarder, ça me dégoûte.
-Comment ? Comment ?
-Mais c’est vrai.
-Alors pourquoi leur écrivez-vous des histoires ?
-Pour l’argent.
-Pour l’argent ?
-Oui. »
Ne doutant pas de ma sincérité, elle raconte maintenant sur la plage : « Tchoukovski est d’un cynisme horrible. »
Juin mil neuf cent trente-six : Je viens d’apprendre la mort de Gorki. Il fait nuit. Je marche dans le jardin et je pleure… Impossible d’écrire une ligne.
Sept septembre mil neuf cent trente-six à Odessa : J’ai demandé aux élèves s’ils connaissaient les iambes, les trochées et les amphibraques. Personne n’en avait entendu parler.
Premier avril mil neuf cent trente-sept : J’ai cinquante-cinq ans aujourd’hui, et une sciatique, et l’estomac qui me fait mal. Je suis surchargé de travail. J’ai été malade et insomniaque tout l’hiver. Pourtant je me sens d’humeur sereine, joyeuse.
Vingt-sept avril mil neuf cent trente-sept : J’évoque Gorki, sa richesse, les soucis qui l’occupaient les derniers temps, et l’atmosphère de vulgarité dans laquelle Krioutchkov le faisait baigner…
« Sa richesse ! s’exclame, étonné, le chirurgien. Combien donc gagnait-il par mois ? » Les masses n’ont jamais su qu’il était riche…
Dès rentré, j’en termine avec les années trente de Korneï Tchoukovski.
Douze mai mil neuf cent trente-cinq : Hier j’ai eu la visite de Khardjiev et d’Anna Akhmatova. Anna Andreïevna dit qu’elle a vendu aux éditions de la Littérature soviétique une sélection de ses poèmes. Mais le directeur a exigé qu’il n’y ait ni mysticisme, ni pessimisme, ni politique.
« Il ne reste que la fornication », dit-elle.
Dix-neuf décembre mil neuf cent trente-cinq : Sa femme s’est plainte de ce qu’Arossev, qui avait invité Romain Rolland chez lui, ne s’était pas occupé de chasser les punaises qui couraient dans son lit. Le pauvre Rolland a passé deux nuits blanches à cause de ça – mais sans récriminer ; il a même essayé de couper court à cette conversation. Gorki a dit sur un ton qui était presque celui du compliment : « Arossev est parfaitement idiot. »
Dix-sept janvier mil neuf cent trente-six : Par exemple, il a un ami docteur, et récemment ce docteur a soigné une fillette nommée Marie-Antoinette ( !).
« Pourquoi l’avez-vous appelée Marie-Antoinette ? a-t-il demandé à la mère.
--Eh bien une fois, dans le calendrier j’ai vu marqué : tel jour « exécution de Marie-Antoinette », et je me suis dit que ce devait être une révolutionnaire. »
Vingt-deux avril mil neuf cent trente-six : Quel tumulte dans la salle ! Mais LUI reste calme, l’air un peu las, pensif et majestueux. On sent une énorme habitude du pouvoir, une très grande force et en même temps quelque chose de féminin, de doux. Je me retourne : tout le monde a le regard attendri, amoureux, joyeux, exalté. (LUI = Staline)
Juin mil neuf cent trente-six : A table un dame toute peinturlurée (« Je suis une admiratrice ») me dit : « Je suppose que vous adorez les enfants. Vous en parlez de façon tellement admirable… »
Agacé par ses minauderies insupportables, je lui réponds : « Non, je ne les supporte pas. Rien que de les regarder, ça me dégoûte.
-Comment ? Comment ?
-Mais c’est vrai.
-Alors pourquoi leur écrivez-vous des histoires ?
-Pour l’argent.
-Pour l’argent ?
-Oui. »
Ne doutant pas de ma sincérité, elle raconte maintenant sur la plage : « Tchoukovski est d’un cynisme horrible. »
Juin mil neuf cent trente-six : Je viens d’apprendre la mort de Gorki. Il fait nuit. Je marche dans le jardin et je pleure… Impossible d’écrire une ligne.
Sept septembre mil neuf cent trente-six à Odessa : J’ai demandé aux élèves s’ils connaissaient les iambes, les trochées et les amphibraques. Personne n’en avait entendu parler.
Premier avril mil neuf cent trente-sept : J’ai cinquante-cinq ans aujourd’hui, et une sciatique, et l’estomac qui me fait mal. Je suis surchargé de travail. J’ai été malade et insomniaque tout l’hiver. Pourtant je me sens d’humeur sereine, joyeuse.
Vingt-sept avril mil neuf cent trente-sept : J’évoque Gorki, sa richesse, les soucis qui l’occupaient les derniers temps, et l’atmosphère de vulgarité dans laquelle Krioutchkov le faisait baigner…
« Sa richesse ! s’exclame, étonné, le chirurgien. Combien donc gagnait-il par mois ? » Les masses n’ont jamais su qu’il était riche…
26 février 2021
Quoi de mieux à faire, après avoir lu au soleil dans le jardin en compagnie de deux chats, que de se replonger dans le Journal de Korneï Tchoukovski en ouvrant le second volume à son début.
L’année mil neuf cent trente est dramatique pour Tchoukovski. Sa fille préférée, Moura, meurt de tuberculose osseuse à onze ans et son ami Maïakovski se suicide. Plus globalement, dans la première partie des années trente il souffre de la misère matérielle et intellectuelle qui règne dans la Russie soviétique et de n’avoir du succès qu’avec ses livres pour enfants.
Quatorze avril mil neuf cent trente : Et pour couronner le tout, j’apprends à l’instant que Maïakovski s’est suicidé. Décidément, je crois que je ferais mieux d’y renoncer au bonheur Je suis seul chez moi, je marche et je pleure ; à chaque pas je dis : « Très cher Vladimir Vladimirovtch »…
Vingt-cinq novembre mil neuf cent trente et un : Les riches sont de plus en plus riches, et les pauvres de plus en plus pauvres. Je n’ai toujours pas de manteau chaud pour l’hiver, et le froid arrive.
Premier juillet mil neuf cent trente-deux : J’ai cinquante ans, et mon esprit est occupé à des choses petites et mesquines. Le chagrin ne m’a pas grandi, il m’a désagrégé encore davantage. Je suis un guignard et un raté. Au bout de trente ans de travaux littéraires forcés, je suis sans le sou, sans nom – un « débutant », quoi.
Quatre juillet mil neuf cent trente-deux : Comme par le passé, les Russes semblent faits pour attendre le train pendant des journées entières et pour s’entasser dans des salles d’attente, sur des quais ou des embarcadères, dans l’horrible voisinage des porteurs, des trafiquants, des ivrognes et des voleurs.
Vingt-cinq janvier mil neuf cent trente-trois : Je ne tiens plus mon journal pour une raison ahurissante : je n’ai pas de cahier pour continuer. Dès que celui-ci sera fini, terminus, tout le monde descend.
Vingt-huit janvier mil neuf cent trente-trois : Ce que j’ai toujours détesté chez les trotskistes, c’est non pas leur orientation politique, mais leur caractère. Ce sont des beaux parleurs, des cabotins, des gesticulateurs qui se complaisent dans l’emphase Leur chef de file m’est esthétiquement insupportable : je déteste sa chevelure, sa petite barbiche dont il joue pour essayer (en vain) de se donner un air diabolique… Ce n’est qu’un petit démon de province, un mélange de Méphistophélès et de greffier de tribunal.
Vingt-six août mil neuf cent trente-trois : A peine arrivé à Tiflis, j’ai pris le tramway jusqu’à la rue Plékhanov où se trouve le « Parc de Culture et de Repos pour les Enfants » -réalisation dont la presse a beaucoup parlé. Je voulais voir le seul parc socialiste pour enfants de toute l’URSS. J’ai vu. C’est nul et de mauvais goût. C’est une sorte de petit café-concert, coincé entre deux immeubles et souillé par les visiteurs nocturnes.
Vingt-six novembre mil neuf cent trente-trois : Le public m’a gâté. Mais ça ne m’empêche pas de me sentir très seul. Sans que je sache pourquoi. Lida qui s’intéresse tant aux enfants ne m’a même pas demandé comment s’était passé le spectacle. Je suis certes un écrivain pour enfants mais personne ne veut savoir que je suis aussi un écrivain pour adultes.
Vingt-cinq décembre mil neuf cent trente-trois : J’ai dit à Tynianov que j’avais été choqué par un mot, l’adverbe mécaniquement dans la phrase : « Il l’embrassa mécaniquement. » A l’époque, on ne disait pas mécaniquement mais machinalement. Il s’est confondu en remerciements et en compliments à propos de mon oreille littéraire absolue.
Treize janvier mil neuf cent trente-quatre : Au moment où je donnais à composer la quatrième édition de mon recueil De deux à cinq ans, quelqu’un m’a apporté un ouvrage de Piaget. Je regrette tellement de ne pas avoir pu inclure dans mon livre des extraits de ce merveilleux savant bourgeois.
Quinze janvier mil neuf cent trente-quatre : Eléna Alexandrovna est démoralisée par ce qui vient d’arriver à son ouvrage sur Stradivarius. Le livre lui avait été commandé par les Editions musicales. Elle a travaillé dessus pendant toute une année et voilà qu’en haut lieu on décrète que nous avons nos propres Stradivarius et qu’il est inutile de chanter les louanges des Italiens.
Vingt janvier mil neuf cent trente-quatre : Puis je suis allé aux Editions enfantines. J’ai demandé : « Vous ne publiez pas un seul de mes livres. A qui dois-je casser la gueule ? » Tout le monde m’a répondu dans un chœur parfait : « A Smirnov. » Je suis allé voir ce fou.
Vingt et un juin mil neuf cent trente-quatre : Je sais ce que je vaux, et je dois dire que je préfère l’époque où on me dénigrait à celle où on m’encense. Maintenant, à Moscou tout le monde fait comme si je n’avais jamais rien écrit d’autre que des histoires pour enfants et comme si dans ce domaine j’étais déjà un classique. Tout cela m’afflige.
Cinq décembre mil neuf cent trente-quatre : Ces vieux communistes se recyclent avec une facilité ! Je me rappelle l’époque où Zinoviev, gros, gras, répugnant, ne daignait même pas m’accorder un regard ; c’était l’époque où il faisait figure de mythe (du moins chez nous à Leningrad). A présent c’est un vieil homme sec, vif, gai, qui rit sans arrêt – d’un rire franc et communicatif.
Vingt décembre mil neuf cent trente-quatre : Chez Académia des bruits courent selon lesquels Kaménev a été arrêté il y a quatre jours. Personne ne sait rien de précis, mais ce doit être vrai, car tout le monde se tait.
L’année mil neuf cent trente est dramatique pour Tchoukovski. Sa fille préférée, Moura, meurt de tuberculose osseuse à onze ans et son ami Maïakovski se suicide. Plus globalement, dans la première partie des années trente il souffre de la misère matérielle et intellectuelle qui règne dans la Russie soviétique et de n’avoir du succès qu’avec ses livres pour enfants.
Quatorze avril mil neuf cent trente : Et pour couronner le tout, j’apprends à l’instant que Maïakovski s’est suicidé. Décidément, je crois que je ferais mieux d’y renoncer au bonheur Je suis seul chez moi, je marche et je pleure ; à chaque pas je dis : « Très cher Vladimir Vladimirovtch »…
Vingt-cinq novembre mil neuf cent trente et un : Les riches sont de plus en plus riches, et les pauvres de plus en plus pauvres. Je n’ai toujours pas de manteau chaud pour l’hiver, et le froid arrive.
Premier juillet mil neuf cent trente-deux : J’ai cinquante ans, et mon esprit est occupé à des choses petites et mesquines. Le chagrin ne m’a pas grandi, il m’a désagrégé encore davantage. Je suis un guignard et un raté. Au bout de trente ans de travaux littéraires forcés, je suis sans le sou, sans nom – un « débutant », quoi.
Quatre juillet mil neuf cent trente-deux : Comme par le passé, les Russes semblent faits pour attendre le train pendant des journées entières et pour s’entasser dans des salles d’attente, sur des quais ou des embarcadères, dans l’horrible voisinage des porteurs, des trafiquants, des ivrognes et des voleurs.
Vingt-cinq janvier mil neuf cent trente-trois : Je ne tiens plus mon journal pour une raison ahurissante : je n’ai pas de cahier pour continuer. Dès que celui-ci sera fini, terminus, tout le monde descend.
Vingt-huit janvier mil neuf cent trente-trois : Ce que j’ai toujours détesté chez les trotskistes, c’est non pas leur orientation politique, mais leur caractère. Ce sont des beaux parleurs, des cabotins, des gesticulateurs qui se complaisent dans l’emphase Leur chef de file m’est esthétiquement insupportable : je déteste sa chevelure, sa petite barbiche dont il joue pour essayer (en vain) de se donner un air diabolique… Ce n’est qu’un petit démon de province, un mélange de Méphistophélès et de greffier de tribunal.
Vingt-six août mil neuf cent trente-trois : A peine arrivé à Tiflis, j’ai pris le tramway jusqu’à la rue Plékhanov où se trouve le « Parc de Culture et de Repos pour les Enfants » -réalisation dont la presse a beaucoup parlé. Je voulais voir le seul parc socialiste pour enfants de toute l’URSS. J’ai vu. C’est nul et de mauvais goût. C’est une sorte de petit café-concert, coincé entre deux immeubles et souillé par les visiteurs nocturnes.
Vingt-six novembre mil neuf cent trente-trois : Le public m’a gâté. Mais ça ne m’empêche pas de me sentir très seul. Sans que je sache pourquoi. Lida qui s’intéresse tant aux enfants ne m’a même pas demandé comment s’était passé le spectacle. Je suis certes un écrivain pour enfants mais personne ne veut savoir que je suis aussi un écrivain pour adultes.
Vingt-cinq décembre mil neuf cent trente-trois : J’ai dit à Tynianov que j’avais été choqué par un mot, l’adverbe mécaniquement dans la phrase : « Il l’embrassa mécaniquement. » A l’époque, on ne disait pas mécaniquement mais machinalement. Il s’est confondu en remerciements et en compliments à propos de mon oreille littéraire absolue.
Treize janvier mil neuf cent trente-quatre : Au moment où je donnais à composer la quatrième édition de mon recueil De deux à cinq ans, quelqu’un m’a apporté un ouvrage de Piaget. Je regrette tellement de ne pas avoir pu inclure dans mon livre des extraits de ce merveilleux savant bourgeois.
Quinze janvier mil neuf cent trente-quatre : Eléna Alexandrovna est démoralisée par ce qui vient d’arriver à son ouvrage sur Stradivarius. Le livre lui avait été commandé par les Editions musicales. Elle a travaillé dessus pendant toute une année et voilà qu’en haut lieu on décrète que nous avons nos propres Stradivarius et qu’il est inutile de chanter les louanges des Italiens.
Vingt janvier mil neuf cent trente-quatre : Puis je suis allé aux Editions enfantines. J’ai demandé : « Vous ne publiez pas un seul de mes livres. A qui dois-je casser la gueule ? » Tout le monde m’a répondu dans un chœur parfait : « A Smirnov. » Je suis allé voir ce fou.
Vingt et un juin mil neuf cent trente-quatre : Je sais ce que je vaux, et je dois dire que je préfère l’époque où on me dénigrait à celle où on m’encense. Maintenant, à Moscou tout le monde fait comme si je n’avais jamais rien écrit d’autre que des histoires pour enfants et comme si dans ce domaine j’étais déjà un classique. Tout cela m’afflige.
Cinq décembre mil neuf cent trente-quatre : Ces vieux communistes se recyclent avec une facilité ! Je me rappelle l’époque où Zinoviev, gros, gras, répugnant, ne daignait même pas m’accorder un regard ; c’était l’époque où il faisait figure de mythe (du moins chez nous à Leningrad). A présent c’est un vieil homme sec, vif, gai, qui rit sans arrêt – d’un rire franc et communicatif.
Vingt décembre mil neuf cent trente-quatre : Chez Académia des bruits courent selon lesquels Kaménev a été arrêté il y a quatre jours. Personne ne sait rien de précis, mais ce doit être vrai, car tout le monde se tait.
25 février 2021
Plusieurs fois que je passe devant eux en allant faire mes courses chez U Express, les deux mignons de la rue Richard-Lallemant. Il sera bientôt aussi impudique de baisser un masque qu’un sous-vêtement. C’est ce qu’elle et lui font, face à face, timides et audacieux, une blonde et un brun qui tombent en amour, prêts pour le premier baiser.
Ce mercredi, je fais une photo de ce dessin aussi frais que s’il avait été collé la veille. C’est de l’art dans la rue. Signé, mais d’une façon si brouillonne que je ne sais par qui.
Contrairement à certain(e)s qui aiment tout ce qui est artistique sur le domaine public, peu retient mon attention. Ce n’est pas parce que c’est dans la rue que c’est forcément intéressant. Souvent, ce n’est que décoratif, ou alors moche, ou banal. A chaque fois, je transpose mentalement l’œuvre dans une galerie. Est-ce qu’elle y aurait sa place ? Neuf fois sur dix, je réponds non. Pour les deux mignons de la rue Richard-Lallemant, je réponds oui.
*
Grâce à Vingt Minutes, on en sait un peu plus sur la pathologie dont souffre Nicolas Sarkozy, qui lui a valu sur prescription médicale d’être vacciné avec Pfizer bien qu’âgé seulement de soixante-six ans. Citation extraite de l’article Coronavirus : Pourquoi les 65-74 ans ne sont-ils toujours pas éligibles à la vaccination anti-Covid ? : « Toutefois ceux qui sont à très hauts risques dans cette tranche d’âge sont éligibles au vaccin Pfizer, mais les cas sont très restreints : cancer évolutif, hémopathies en traitement, transplantations, trisomie 21 et maladies rares, énumère le Dr Jean-Paul Ortiz, médecin généraliste et président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français. »
Tout cela ne présage rien de bon pour Sarko.
*
Avant lui, il y eut le pipole Michel Cymes. Ses deux doses de Pfizer, c’était pour donner l’exemple. Le vingt-trois février, il a été accusé de plagiat par un de ses confrères.
«Tu n’as pas honte de recopier quasiment mot à mot et de A à Z mon billet de blog?», l’a alpagué Marc Gozlan, médecin, auteur de Réalité Biomédicales sur Le Monde, après avoir entendu la chronique du pipole Ça va beaucoup mieux sur Erre Thé Aile.
Cymes a dû présenter ses excuses. On ne peut pas donner l’exemple tous les jours.
Ce mercredi, je fais une photo de ce dessin aussi frais que s’il avait été collé la veille. C’est de l’art dans la rue. Signé, mais d’une façon si brouillonne que je ne sais par qui.
Contrairement à certain(e)s qui aiment tout ce qui est artistique sur le domaine public, peu retient mon attention. Ce n’est pas parce que c’est dans la rue que c’est forcément intéressant. Souvent, ce n’est que décoratif, ou alors moche, ou banal. A chaque fois, je transpose mentalement l’œuvre dans une galerie. Est-ce qu’elle y aurait sa place ? Neuf fois sur dix, je réponds non. Pour les deux mignons de la rue Richard-Lallemant, je réponds oui.
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Grâce à Vingt Minutes, on en sait un peu plus sur la pathologie dont souffre Nicolas Sarkozy, qui lui a valu sur prescription médicale d’être vacciné avec Pfizer bien qu’âgé seulement de soixante-six ans. Citation extraite de l’article Coronavirus : Pourquoi les 65-74 ans ne sont-ils toujours pas éligibles à la vaccination anti-Covid ? : « Toutefois ceux qui sont à très hauts risques dans cette tranche d’âge sont éligibles au vaccin Pfizer, mais les cas sont très restreints : cancer évolutif, hémopathies en traitement, transplantations, trisomie 21 et maladies rares, énumère le Dr Jean-Paul Ortiz, médecin généraliste et président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français. »
Tout cela ne présage rien de bon pour Sarko.
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Avant lui, il y eut le pipole Michel Cymes. Ses deux doses de Pfizer, c’était pour donner l’exemple. Le vingt-trois février, il a été accusé de plagiat par un de ses confrères.
«Tu n’as pas honte de recopier quasiment mot à mot et de A à Z mon billet de blog?», l’a alpagué Marc Gozlan, médecin, auteur de Réalité Biomédicales sur Le Monde, après avoir entendu la chronique du pipole Ça va beaucoup mieux sur Erre Thé Aile.
Cymes a dû présenter ses excuses. On ne peut pas donner l’exemple tous les jours.
24 février 2021
A défaut d’être au Havre ce mardi, je sors lire dans le jardin de la copropriété pour la première fois de l’année dès que le soleil donne sur le mur du bâtiment d’en face et précisément sur le banc qu’il me faut d’abord faire glisser pour lui faire retrouver sa place officielle.
C’est l’occasion de voir à quoi ressemble la haie du mur du fond après sa découpe à la tronçonneuse. Elle a triste aspect. Les fagots de branches coupées sont dispersés sur la pelouse, attendant l’occasion de disparaître. D’autres plantations ont souffert d’un raccourcissement sommaire, dont certaines sectionnées rasibus. Le jardin s’en remettra, plus ou moins, comme de tous les outrages passés.
Du vert, il y en a aussi dans la partie inférieure de la flèche de la Cathédrale. Elle a été repeinte dans sa couleur d’origine. Le pansement qui cache les travaux est un peu plus haut que l’an dernier. Cachés à l’intérieur, des ouvriers cognent sur le métal. Je les entends discuter dans une langue étrangère.
-Vous voilà de retour avec nous ; je veux dire dans la cour, me dit un voisin qui part faire ses courses.
-Oui, il fallait que le soleil soit là.
Pourquoi donc qualifier cet endroit de cour ? Beaucoup de ceux et celles qui vivent ici le font.
J’ai pour lecture Correspondance de Roger Caillois et Victoria Ocampo, ouvrage paru chez Stock en mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept. Elle et lui ont une histoire ensemble, lui étant plus jeune qu’elle. Bientôt, il en épouse une autre, de son âge. Ils restent en relation, amicale, littéraire, parfois conflictuelle, encore un peu amoureuse.
Je reste là jusqu’à ce que le soleil me lâche en retombant derrière le bâtiment. Il n’est que quatorze heures trente.
*
« Accepter », « Tout accepter », me faut-il cliquer comme tout un chacun plusieurs fois par jour pour accéder à divers sites Internet. Je me demande si ce petit geste, d’apparence anodine, n’aurait pas des effets sur le comportement général de certains.
C’est l’occasion de voir à quoi ressemble la haie du mur du fond après sa découpe à la tronçonneuse. Elle a triste aspect. Les fagots de branches coupées sont dispersés sur la pelouse, attendant l’occasion de disparaître. D’autres plantations ont souffert d’un raccourcissement sommaire, dont certaines sectionnées rasibus. Le jardin s’en remettra, plus ou moins, comme de tous les outrages passés.
Du vert, il y en a aussi dans la partie inférieure de la flèche de la Cathédrale. Elle a été repeinte dans sa couleur d’origine. Le pansement qui cache les travaux est un peu plus haut que l’an dernier. Cachés à l’intérieur, des ouvriers cognent sur le métal. Je les entends discuter dans une langue étrangère.
-Vous voilà de retour avec nous ; je veux dire dans la cour, me dit un voisin qui part faire ses courses.
-Oui, il fallait que le soleil soit là.
Pourquoi donc qualifier cet endroit de cour ? Beaucoup de ceux et celles qui vivent ici le font.
J’ai pour lecture Correspondance de Roger Caillois et Victoria Ocampo, ouvrage paru chez Stock en mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept. Elle et lui ont une histoire ensemble, lui étant plus jeune qu’elle. Bientôt, il en épouse une autre, de son âge. Ils restent en relation, amicale, littéraire, parfois conflictuelle, encore un peu amoureuse.
Je reste là jusqu’à ce que le soleil me lâche en retombant derrière le bâtiment. Il n’est que quatorze heures trente.
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« Accepter », « Tout accepter », me faut-il cliquer comme tout un chacun plusieurs fois par jour pour accéder à divers sites Internet. Je me demande si ce petit geste, d’apparence anodine, n’aurait pas des effets sur le comportement général de certains.
23 février 2021
Un billet, acheté samedi dernier en même temps que celui pour Dieppe, doit me permettre de faire mes retrouvailles avec Le Havre ce mardi, mais quand, avant de quitter mon logement, je regarde ce qui se passe sur le tableau des départs de la Gare de Rouen, je découvre une pagaille générale, comme souvent sur la ligne Paris Rouen Le Havre.
Cette fois, c’est en raison d’un rendu tardif de travaux (comme ils disent). Mon train de huit heures cinq est annoncé avec cinquante minutes de retard ; le précédent, avec seulement vingt-cinq minutes, ce qui le ferait partir à l’heure initialement prévue pour le mien.
Je me rends donc à la Gare avec l’envie de prendre ce dernier. J’y découvre que le retard du train pour lequel j’ai un billet est passé à une heure dix, et celui du précèdent à trente-cinq minutes. De plus, ce dernier est un omnibus qui va se traîner en route. Enfin, il va s’emplir de ses passagers et de ceux du suivant, ce qui ne me permettra peut-être pas d’être sans voisin immédiat.
En conséquence, comme on dit à la Senecefe, je me rends au guichet pour me faire rembourser, ce que l’employée accepte sans sourciller. Mes sandouiches, je les mangerai à la maison.
*
Ça se complique sur le front de la Guerre du Covid. Confinement de ouiquennede pour la bordure des Alpes-Maritimes. D’autres pourraient suivre. Avant un troisième confinement général éventuel. Au moment où certains pays déconfineront. Notamment, la Grande-Bretagne qui pour le vaccin Pfizer a choisi de ne faire qu’une seule dose afin de protéger davantage de monde. En France, pays à deux doses, toujours aucune perspective vaccinale pour les soixante-cinq soixante-quinze ans. Suis pas prêt d’être piqué.
*
Sarkozy, lui, a été vacciné à soixante-six ans. Sur prescription médicale, paraît-il.
Même s’il est atteint d’une pathologie, son âge ne le rendait pas éligible à une telle vaccination. Les deux doses à lui nécessaires auront été ôtées de l’épaule d’un de ces plus de soixante-quinze ans, atteints d’une pathologie ou non, qui faute de place n’arrivent pas à prendre rendez-vous.
Cette fois, c’est en raison d’un rendu tardif de travaux (comme ils disent). Mon train de huit heures cinq est annoncé avec cinquante minutes de retard ; le précédent, avec seulement vingt-cinq minutes, ce qui le ferait partir à l’heure initialement prévue pour le mien.
Je me rends donc à la Gare avec l’envie de prendre ce dernier. J’y découvre que le retard du train pour lequel j’ai un billet est passé à une heure dix, et celui du précèdent à trente-cinq minutes. De plus, ce dernier est un omnibus qui va se traîner en route. Enfin, il va s’emplir de ses passagers et de ceux du suivant, ce qui ne me permettra peut-être pas d’être sans voisin immédiat.
En conséquence, comme on dit à la Senecefe, je me rends au guichet pour me faire rembourser, ce que l’employée accepte sans sourciller. Mes sandouiches, je les mangerai à la maison.
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Ça se complique sur le front de la Guerre du Covid. Confinement de ouiquennede pour la bordure des Alpes-Maritimes. D’autres pourraient suivre. Avant un troisième confinement général éventuel. Au moment où certains pays déconfineront. Notamment, la Grande-Bretagne qui pour le vaccin Pfizer a choisi de ne faire qu’une seule dose afin de protéger davantage de monde. En France, pays à deux doses, toujours aucune perspective vaccinale pour les soixante-cinq soixante-quinze ans. Suis pas prêt d’être piqué.
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Sarkozy, lui, a été vacciné à soixante-six ans. Sur prescription médicale, paraît-il.
Même s’il est atteint d’une pathologie, son âge ne le rendait pas éligible à une telle vaccination. Les deux doses à lui nécessaires auront été ôtées de l’épaule d’un de ces plus de soixante-quinze ans, atteints d’une pathologie ou non, qui faute de place n’arrivent pas à prendre rendez-vous.
22 février 2021
D’abord, un temps ensoleillé et doux est annoncé par Météo France pour ce samedi. Ensuite, la suggestion que les vieux devraient se cloîtrer refait surface. Cela ne peut que me donner envie de bouger.
Nous ne sommes pas beaucoup dans le Rouen Dieppe de neuf heures quinze car il n’est pas en correspondance avec un train parisien. Je retrouve avec plaisir la vue sur la campagne normande le long de la Scie sinueuse et, à dix heures une, je fais mes retrouvailles avec la cité portuaire.
Sachant que ce jour est celui du marché hebdomadaire et que toute la ville y court, je l’évite en passant les deux ponts qui mènent au Pollet. De là, je grimpe sur la falaise où j’ôte mon masque. J’ai vue sur la sortie du port et justement un navire industriel peint en vert le quitte cependant que le Transmanche attend de voir si certains ont envie d’aller à Newhaven. Las, sur cette hauteur, il fait frais, la faute à un vent venu des terres.
La chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours étant malheureusement fermée, je poursuis sur le sentier de Grande Randonnée. Celui-ci est en retrait car cette falaise a pour habitude de choir. En contrebas, la rocade qui permet de gagner le Transmanche achève de gâcher la vue. Sitôt empruntée la passerelle l’enjambant, à Neuville-lès-Dieppe, au lieu-dit Puys, je renonce.
Redescendu au Pollet, je m’assois sur un banc avec vue sur le port inactif et y sors mes sandouiches. Une banane fait office de dessert. Dédaignant Le Mieux Ici Qu’En Face en mode dégradé avec café à emporter dans un gobelet en carton, je bois le mien issu d’un thermos.
Vers midi et demi, je fais le tour du port de plaisance et rejoins la plage où souffle également le vent frais. Peu de monde sur les galets mais il y a foule sur la promenade. Manifestement le désir de mer est là, le manque de gaieté aussi. Je m’assois sur un banc (que faire d’autre ?) et regarde passer les familles. J’ai un livre avec moi mais il ne fait pas assez chaud pour l’exhiber.
Quand je suis lassé de voir aller et venir le populo, je marche à mon tour afin de rejoindre un coin où peu d’autres que moi auraient idée d’aller : le port industriel. J’y photographie d’imposantes grues et y croise une fille imprévue. Les ports n’étant plus ce qu’ils étaient, quand je la vois prête à ouvrir la bouche, je ne m’attends pas à une proposition tarifée. Elle me dit simplement bonjour. Au moins, aurai-je échangé un mot avec un humain.
*
Je rentre à Rouen avec le dernier train du jour, un seize heures cinq où chacun peut ne pas avoir de voisinage immédiat. A l’arrivée, je trouve moins de vent et encore plus de monde qu’à Dieppe. Le square Verdrel a des allures de cour de récréation. Les terrasses debout sont blindées, notamment l’une d’elles où a été créée avec un mobilier succinct une sorte de comptoir d’extérieur. Une jeunesse dépourvue de masque y boit et rit. Il est dix-sept heures, le couvre-feu ne va pas pouvoir être respecté par tout le monde.
*
Triste d’avoir appris la mort de Philippe Chatel, d’une crise cardiaque, une semaine avant son soixante-treizième anniversaire.
Présenté partout comme « le papa d’Emilie Jolie », il était plus que cela avec des chansons comme J’t’aime bien Lili, Mister Hyde, Tout quitter mais tout emporter, J’suis resté seul dans mon lundi ou Ma Lycéenne.
Cette dernière est un bon exemple de ce que l’autocensure empêche désormais d’écrire.
*
Au premier rang de ceux qui prônent à nouveau l’auto-isolement des personnes âgées (comme ils disent) : le vieux Delfraissy, soixante-douze ans, Président du Conseil Scientifique.
L’heure de la retraite a sonné, Delfraissy, rentre à la maison et restes-y.
Nous ne sommes pas beaucoup dans le Rouen Dieppe de neuf heures quinze car il n’est pas en correspondance avec un train parisien. Je retrouve avec plaisir la vue sur la campagne normande le long de la Scie sinueuse et, à dix heures une, je fais mes retrouvailles avec la cité portuaire.
Sachant que ce jour est celui du marché hebdomadaire et que toute la ville y court, je l’évite en passant les deux ponts qui mènent au Pollet. De là, je grimpe sur la falaise où j’ôte mon masque. J’ai vue sur la sortie du port et justement un navire industriel peint en vert le quitte cependant que le Transmanche attend de voir si certains ont envie d’aller à Newhaven. Las, sur cette hauteur, il fait frais, la faute à un vent venu des terres.
La chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours étant malheureusement fermée, je poursuis sur le sentier de Grande Randonnée. Celui-ci est en retrait car cette falaise a pour habitude de choir. En contrebas, la rocade qui permet de gagner le Transmanche achève de gâcher la vue. Sitôt empruntée la passerelle l’enjambant, à Neuville-lès-Dieppe, au lieu-dit Puys, je renonce.
Redescendu au Pollet, je m’assois sur un banc avec vue sur le port inactif et y sors mes sandouiches. Une banane fait office de dessert. Dédaignant Le Mieux Ici Qu’En Face en mode dégradé avec café à emporter dans un gobelet en carton, je bois le mien issu d’un thermos.
Vers midi et demi, je fais le tour du port de plaisance et rejoins la plage où souffle également le vent frais. Peu de monde sur les galets mais il y a foule sur la promenade. Manifestement le désir de mer est là, le manque de gaieté aussi. Je m’assois sur un banc (que faire d’autre ?) et regarde passer les familles. J’ai un livre avec moi mais il ne fait pas assez chaud pour l’exhiber.
Quand je suis lassé de voir aller et venir le populo, je marche à mon tour afin de rejoindre un coin où peu d’autres que moi auraient idée d’aller : le port industriel. J’y photographie d’imposantes grues et y croise une fille imprévue. Les ports n’étant plus ce qu’ils étaient, quand je la vois prête à ouvrir la bouche, je ne m’attends pas à une proposition tarifée. Elle me dit simplement bonjour. Au moins, aurai-je échangé un mot avec un humain.
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Je rentre à Rouen avec le dernier train du jour, un seize heures cinq où chacun peut ne pas avoir de voisinage immédiat. A l’arrivée, je trouve moins de vent et encore plus de monde qu’à Dieppe. Le square Verdrel a des allures de cour de récréation. Les terrasses debout sont blindées, notamment l’une d’elles où a été créée avec un mobilier succinct une sorte de comptoir d’extérieur. Une jeunesse dépourvue de masque y boit et rit. Il est dix-sept heures, le couvre-feu ne va pas pouvoir être respecté par tout le monde.
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Triste d’avoir appris la mort de Philippe Chatel, d’une crise cardiaque, une semaine avant son soixante-treizième anniversaire.
Présenté partout comme « le papa d’Emilie Jolie », il était plus que cela avec des chansons comme J’t’aime bien Lili, Mister Hyde, Tout quitter mais tout emporter, J’suis resté seul dans mon lundi ou Ma Lycéenne.
Cette dernière est un bon exemple de ce que l’autocensure empêche désormais d’écrire.
*
Au premier rang de ceux qui prônent à nouveau l’auto-isolement des personnes âgées (comme ils disent) : le vieux Delfraissy, soixante-douze ans, Président du Conseil Scientifique.
L’heure de la retraite a sonné, Delfraissy, rentre à la maison et restes-y.
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