Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
16 décembre 2021
Ce mercredi, en Gare de Rouen, le train Nomad de sept heures vingt-quatre pour Paris est aussi long que prévu. J’y ai donc place assise selon ma réservation. Une voix d’homme s’adresse à nous : « J’ai le plaisir d’être votre conducteur. Nous sommes dans un train Chrono Plus. Nous circulons à l’heure. »
Porte de Montempoivre est-il écrit sur la girouette du bus Vingt-Neuf. Je ne saurai jamais à quoi ressemble ce terminus car après l’embouteillage du Marais, j’en descends toujours à Bastille. La serveuse du Café du Faubourg n’omet pas de me demander mon passe sanitaire avant de me servir un café au comptoir. Nous y sommes trois, personne en salle, personne en terrasse. A dix heures, je vais bookoffier à côté, puis me rends au marché d’Aligre. Les deux marchands de livres sont présents. La plupart des ouvrages qu’ils proposent étaient déjà là avant-guerre.
Pas loin de la statue de Beaumarchais, où j’ai souvent eu rendez-vous avec celle qui travaille près de la Bastille, se trouve la brasserie Bofinger. De part et d’autre de son nom sont inscrites deux mentions : « Déjeuners » « Soupers ». C’est là qu’à son initiative elle doit me retrouver à midi et demi.
Après la porte tournante, je montre mon passe sanitaire puis négocie avec celui qui me conduit en salle une table pas trop collée aux autres. « Où que vous soyez, vous aurez des voisins, me dit-il, nous sommes toujours complets. » Cette maison remonte à mil huit cent soixante-quatre. Elle fut créée par Frédéric Bofinger, venu de son Alsace natale. Ce fut la première à Paris à servir de la bière « à la pompe ». Dans les années Vingt, les gendres reprirent l’affaire et, grâce à l’architecte Legay et au décorateur Mitgen, elle devint la « plus belle brasserie de Paris ». François Mitterrand y fêta son entrée à l’Elysée.
Par la vitre, je la vois arriver. Ce mercredi, nous fêtons le plaisir de nous retrouver, ainsi que tout ce que le Covid nous a empêché de célébrer au cours de cette année, et aussi la fin de celle-ci. Bien sûr, nous choisissons la choucroute, avec auparavant un velouté de légumes pour elle et six escargots pour moi, et enfin une île flottante pour deux. Une serveuse asiatique nous apporte dans un seau de glace une bouteille d’un vin d’Alsace que nous verserons dans les petits verres au pied vert. Durant deux heures et demie, nous passons un très bon moment, le seul bémol étant le bruit ambiant qui nuit un peu à la conversation.
Avant de quitter ce bel endroit, je l’invite à entrer dans les toilettes des messieurs pour admirer les urinoirs en céramique blanche ornés de gros poissons puis elle m’accompagne jusqu’à l’arrêt du bus Vingt-Neuf. En attendant qu’il arrive, je la regarde traverser la place de la Bastille. Quand elle est de l’autre côté, elle se retourne. Nous nous faisons un dernier signe la main.
*
Un train Chrono Plus, première fois que j’entends cette dénomination. Ce bolide va de Rouen à Paris en une heure quinze. Au début du vingtième siècle, c’était en une heure.
Porte de Montempoivre est-il écrit sur la girouette du bus Vingt-Neuf. Je ne saurai jamais à quoi ressemble ce terminus car après l’embouteillage du Marais, j’en descends toujours à Bastille. La serveuse du Café du Faubourg n’omet pas de me demander mon passe sanitaire avant de me servir un café au comptoir. Nous y sommes trois, personne en salle, personne en terrasse. A dix heures, je vais bookoffier à côté, puis me rends au marché d’Aligre. Les deux marchands de livres sont présents. La plupart des ouvrages qu’ils proposent étaient déjà là avant-guerre.
Pas loin de la statue de Beaumarchais, où j’ai souvent eu rendez-vous avec celle qui travaille près de la Bastille, se trouve la brasserie Bofinger. De part et d’autre de son nom sont inscrites deux mentions : « Déjeuners » « Soupers ». C’est là qu’à son initiative elle doit me retrouver à midi et demi.
Après la porte tournante, je montre mon passe sanitaire puis négocie avec celui qui me conduit en salle une table pas trop collée aux autres. « Où que vous soyez, vous aurez des voisins, me dit-il, nous sommes toujours complets. » Cette maison remonte à mil huit cent soixante-quatre. Elle fut créée par Frédéric Bofinger, venu de son Alsace natale. Ce fut la première à Paris à servir de la bière « à la pompe ». Dans les années Vingt, les gendres reprirent l’affaire et, grâce à l’architecte Legay et au décorateur Mitgen, elle devint la « plus belle brasserie de Paris ». François Mitterrand y fêta son entrée à l’Elysée.
Par la vitre, je la vois arriver. Ce mercredi, nous fêtons le plaisir de nous retrouver, ainsi que tout ce que le Covid nous a empêché de célébrer au cours de cette année, et aussi la fin de celle-ci. Bien sûr, nous choisissons la choucroute, avec auparavant un velouté de légumes pour elle et six escargots pour moi, et enfin une île flottante pour deux. Une serveuse asiatique nous apporte dans un seau de glace une bouteille d’un vin d’Alsace que nous verserons dans les petits verres au pied vert. Durant deux heures et demie, nous passons un très bon moment, le seul bémol étant le bruit ambiant qui nuit un peu à la conversation.
Avant de quitter ce bel endroit, je l’invite à entrer dans les toilettes des messieurs pour admirer les urinoirs en céramique blanche ornés de gros poissons puis elle m’accompagne jusqu’à l’arrêt du bus Vingt-Neuf. En attendant qu’il arrive, je la regarde traverser la place de la Bastille. Quand elle est de l’autre côté, elle se retourne. Nous nous faisons un dernier signe la main.
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Un train Chrono Plus, première fois que j’entends cette dénomination. Ce bolide va de Rouen à Paris en une heure quinze. Au début du vingtième siècle, c’était en une heure.
14 décembre 2021
Une bonne lecture : Paris 1941 de Felix Hartlaub publié chez Solin/Actes Sud en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.
Soldat de l’armée nazie, Felix Hartlaub est muté à la commission des archives historiques de Paris. Il tient alors un journal où il relate ses balades du dimanche dans la capitale occupée et sa banlieue. Cela dans un style qui oscille entre le poème en prose et le reportage satirique, comme il le raconte dans une lettre à sa famille.
Une seule fois, Felix Hartlaub quitte la région parisienne et c’est pour passer une journée à Rouen. Ce qu’il narre sous le titre Souvenir de Rouen et dont voici l’essentiel :
La ville, gris-violet, peu de rouge brique. Les églises aux couleurs de toiles d’araignées. Le cuivre vert du toit du chœur de la cathédrale. Saint-Ouen sonne de toutes ses cloches, le son semble provenir de la nef de l’église, ne monte pas. Les tours se tiennent là muettes, éteintes dans leur manteau de dentelle de pierre. La Fête-Dieu a été reportée à ce dimanche. La sonnerie des cloches s’arrête dans un écho, s’abat sur les toits les plus proches. Le gros bourdon de la cathédrale continue seul en de lentes volées, mais avec un son étouffé lui aussi, souterrain, et on ne sait de laquelle des deux tours. Le quartier anéanti entre la cathédrale et le fleuve ; vu de là-haut, il se resserre en un empan de coloris roussis. Les murs extérieurs des halles sont encore debout, sur un étage, répètent sur une longue étendue toujours le même carré de fenêtres vides. Des murs de vieilles maisons à colombages, des rayures couleur noisette serrées les unes contre les autres. Les quais, qui s’étendent jusque dans la zone de décombres, à nouveau jonchés de sable jaune après l’inondation, n’ont pas encore de profil cohérent. De noires figurines du dimanche se déplacent lentement en amont et en aval du fleuve.
Le pont, traversé par de nouvelles poutrelles rouge minium, tient encore à peine. Plus loin, en amont du fleuve, une étroite passerelle de secours pour les piétons, tordue elle aussi. Les entrepôts peu élevés qui se trouvent sur l’île paraissent avoir été enfoncés par le simple souffle ou par l’onde de choc des explosions, ils se sont affaissés sur eux-mêmes. Des toits qui pendent jusqu’au sol, recouverts de toutes les tuiles, tombés dans les bosquets de sureaux des jardins du rivage.
Plus loin vers le sud, une partie de la « flotte d’invasion » est à l’ancre au milieu du fleuve, des remorqueurs sombres réduits en une masse compacte. Dans le squelette parcimonieusement simple d’un moderne pont suspendu de chemin de fer, il ne manque qu’une pièce étroite. En aval, la Seine s’écarte infiniment loin vers l’ouest. Une rive escarpée, de hauteur égale et couverte de sombres forets la suit d’un côté. Elle se perd dans les brumes entre des zones de forêts denses.
*
Felix Hartlaub, fils d’un historien d'art, le devint lui-même, d’où son affectation en décembre mil neuf cent quarante à la commission des archives historiques à Paris qui examinait les archives françaises saisies.
Ultérieurement, il sera envoyé à l'Oberkommando de la Wehrmacht à Berlin. De mai mil neuf cent quarante-deux à mars mil neuf cent quarante-cinq, il fera partie de l'équipe du Journal de Guerre (Kriegstagebuch). Au cours de cette période, il aura accès au cercle fermé du Quartier général du Führer à Vinnytsia, Rastenburg et Berchtesgaden.
En avril mil neuf cent quarante-cinq, Felix Hartlaub sera muté à Berlin, au grade de caporal-chef, dans une unité d'infanterie de combat et un jour disparaitra en se rendant à Berlin-Spandau.
La déclaration officielle de son décès, publiée dix ans plus tard, indique comme date de décès le trente et un décembre mil neuf cent quarante-cinq.
Soldat de l’armée nazie, Felix Hartlaub est muté à la commission des archives historiques de Paris. Il tient alors un journal où il relate ses balades du dimanche dans la capitale occupée et sa banlieue. Cela dans un style qui oscille entre le poème en prose et le reportage satirique, comme il le raconte dans une lettre à sa famille.
Une seule fois, Felix Hartlaub quitte la région parisienne et c’est pour passer une journée à Rouen. Ce qu’il narre sous le titre Souvenir de Rouen et dont voici l’essentiel :
La ville, gris-violet, peu de rouge brique. Les églises aux couleurs de toiles d’araignées. Le cuivre vert du toit du chœur de la cathédrale. Saint-Ouen sonne de toutes ses cloches, le son semble provenir de la nef de l’église, ne monte pas. Les tours se tiennent là muettes, éteintes dans leur manteau de dentelle de pierre. La Fête-Dieu a été reportée à ce dimanche. La sonnerie des cloches s’arrête dans un écho, s’abat sur les toits les plus proches. Le gros bourdon de la cathédrale continue seul en de lentes volées, mais avec un son étouffé lui aussi, souterrain, et on ne sait de laquelle des deux tours. Le quartier anéanti entre la cathédrale et le fleuve ; vu de là-haut, il se resserre en un empan de coloris roussis. Les murs extérieurs des halles sont encore debout, sur un étage, répètent sur une longue étendue toujours le même carré de fenêtres vides. Des murs de vieilles maisons à colombages, des rayures couleur noisette serrées les unes contre les autres. Les quais, qui s’étendent jusque dans la zone de décombres, à nouveau jonchés de sable jaune après l’inondation, n’ont pas encore de profil cohérent. De noires figurines du dimanche se déplacent lentement en amont et en aval du fleuve.
Le pont, traversé par de nouvelles poutrelles rouge minium, tient encore à peine. Plus loin, en amont du fleuve, une étroite passerelle de secours pour les piétons, tordue elle aussi. Les entrepôts peu élevés qui se trouvent sur l’île paraissent avoir été enfoncés par le simple souffle ou par l’onde de choc des explosions, ils se sont affaissés sur eux-mêmes. Des toits qui pendent jusqu’au sol, recouverts de toutes les tuiles, tombés dans les bosquets de sureaux des jardins du rivage.
Plus loin vers le sud, une partie de la « flotte d’invasion » est à l’ancre au milieu du fleuve, des remorqueurs sombres réduits en une masse compacte. Dans le squelette parcimonieusement simple d’un moderne pont suspendu de chemin de fer, il ne manque qu’une pièce étroite. En aval, la Seine s’écarte infiniment loin vers l’ouest. Une rive escarpée, de hauteur égale et couverte de sombres forets la suit d’un côté. Elle se perd dans les brumes entre des zones de forêts denses.
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Felix Hartlaub, fils d’un historien d'art, le devint lui-même, d’où son affectation en décembre mil neuf cent quarante à la commission des archives historiques à Paris qui examinait les archives françaises saisies.
Ultérieurement, il sera envoyé à l'Oberkommando de la Wehrmacht à Berlin. De mai mil neuf cent quarante-deux à mars mil neuf cent quarante-cinq, il fera partie de l'équipe du Journal de Guerre (Kriegstagebuch). Au cours de cette période, il aura accès au cercle fermé du Quartier général du Führer à Vinnytsia, Rastenburg et Berchtesgaden.
En avril mil neuf cent quarante-cinq, Felix Hartlaub sera muté à Berlin, au grade de caporal-chef, dans une unité d'infanterie de combat et un jour disparaitra en se rendant à Berlin-Spandau.
La déclaration officielle de son décès, publiée dix ans plus tard, indique comme date de décès le trente et un décembre mil neuf cent quarante-cinq.
12 décembre 2021
Ce douze décembre deux mille vingt et un est le jour du bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert. Laissons-le évoquer sa venue au monde dans une lettre à Louise Colet écrite à Rouen le jeudi soir vingt et un janvier mil huit cent quarante-sept :
La belle chose ! ils s’aimaient ! ils se le disaient et une nuit ils m’ont fait, pour leur plus grande satisfaction. Et quant à la mienne ils ne s’en souciaient guère.
Sa ville natale, durant un an, a multiplié les animations plus ou moins bouffonnes pour célébrer ce double centenaire. S’il avait pu le savoir, il en aurait été fort marri, lui qui détestait Rouen et ses habitants, comme on peut notamment le lire dans les missives à sa maîtresse :
Je ne reçois aucune visite, je n’ai à Rouen aucun ami. (Croisset, mercredi vingt-six aout mil huit cent quarante-six)
D’abord : 1° tout ce qui est vers est sifflé à Rouen ; 2° tout ce qui est beau : 3° les cochonneries seules réussissent. Voilà mon opinion, et ancrée si avant dans mon individu que, si jamais je faisais quelque chose pour la scène, je défendrais qu’on le jouât sur le théâtre du pays qui me donna le jour. (Pontorson, mercredi quatorze juillet mil huit cent quarante-sept)
Bouilhet va s’occuper des journaux de Rouen. Ce sont des brutes, des ânes, etc…. Faire un article sérieux dans l’une de ces feuilles, c’est du temps complètement perdu. – Est-ce qu’on lit à Rouen ! (Croisset, mercredi minuit premier septembre mil huit cent cinquante-deux)
Il faut que j’aille à Rouen pour un enterrement ; quelle corvée ! Ce n’est pas l’enterrement qui m’attriste, mais la vue de tous les bourgeois qui y seront. (Croisset, dimanche soir dix-neuf septembre mil huit cent cinquante-deux)
Figure-toi, du reste, que je connais bien peu de monde, ayant, depuis 15 ans, fait tout ce que j’ai pu pour laisser tomber dans l’eau toute espèce de relation avec mes compatriotes. – Et j’ai réussi. Beaucoup de Rouennais ignorent parfaitement mon existence. (Croisset, dimanche dix avril mil huit cent cinquante-trois)
Pour conclure, cette réflexion du célébré du jour à la même dans une lettre écrite à Croisset pendant la nuit du mardi vingt novembre mil huit cent cinquante-trois :
Quelle saleté que la vie ! Quel maigre potage couvert de cheveux !
La belle chose ! ils s’aimaient ! ils se le disaient et une nuit ils m’ont fait, pour leur plus grande satisfaction. Et quant à la mienne ils ne s’en souciaient guère.
Sa ville natale, durant un an, a multiplié les animations plus ou moins bouffonnes pour célébrer ce double centenaire. S’il avait pu le savoir, il en aurait été fort marri, lui qui détestait Rouen et ses habitants, comme on peut notamment le lire dans les missives à sa maîtresse :
Je ne reçois aucune visite, je n’ai à Rouen aucun ami. (Croisset, mercredi vingt-six aout mil huit cent quarante-six)
D’abord : 1° tout ce qui est vers est sifflé à Rouen ; 2° tout ce qui est beau : 3° les cochonneries seules réussissent. Voilà mon opinion, et ancrée si avant dans mon individu que, si jamais je faisais quelque chose pour la scène, je défendrais qu’on le jouât sur le théâtre du pays qui me donna le jour. (Pontorson, mercredi quatorze juillet mil huit cent quarante-sept)
Bouilhet va s’occuper des journaux de Rouen. Ce sont des brutes, des ânes, etc…. Faire un article sérieux dans l’une de ces feuilles, c’est du temps complètement perdu. – Est-ce qu’on lit à Rouen ! (Croisset, mercredi minuit premier septembre mil huit cent cinquante-deux)
Il faut que j’aille à Rouen pour un enterrement ; quelle corvée ! Ce n’est pas l’enterrement qui m’attriste, mais la vue de tous les bourgeois qui y seront. (Croisset, dimanche soir dix-neuf septembre mil huit cent cinquante-deux)
Figure-toi, du reste, que je connais bien peu de monde, ayant, depuis 15 ans, fait tout ce que j’ai pu pour laisser tomber dans l’eau toute espèce de relation avec mes compatriotes. – Et j’ai réussi. Beaucoup de Rouennais ignorent parfaitement mon existence. (Croisset, dimanche dix avril mil huit cent cinquante-trois)
Pour conclure, cette réflexion du célébré du jour à la même dans une lettre écrite à Croisset pendant la nuit du mardi vingt novembre mil huit cent cinquante-trois :
Quelle saleté que la vie ! Quel maigre potage couvert de cheveux !
11 décembre 2021
Ce jeudi, vers quatorze heures quinze, l’ascenseur de la Clinique Mathilde me mène au deuxième étage. Au bout du couloir est la petite entreprise d’ophtalmologie où j’ai rendez-vous un quart d’heure plus tard. Je laisse ma Carte Vitale à l’accueil puis vais m’asseoir dans la salle d’attente en compagnie de personnes de mon âge. Peu après arrive un ancêtre chancelant sur sa canne, accompagné d’un moins vieux que lui. Tous deux se vouvoient. A leur dialogue, je songe à un Maire de village accompagnant l’un de ses administrés qui, comme il le dit, n’aurait jamais pu arriver là sans lui.
Comme d’habitude, c’est d’abord une orthoptiste qui appelle mon nom. Elle se livre aux examens coutumiers. Ma vue a très légèrement baissé. Le flou que je ressens à l’œil droit est dû, ainsi que je le savais, à la cataracte. Il faut que je lui pose la question pour que cette jeune femme me donne ma tension oculaire : seize et dix-sept. Elle me met une goutte dans chaque œil et me renvoie en salle d’attente.
L’ancêtre prend ma place. Comme la cloison est mince, chacun entend qu’il a bien du mal à comprendre ce que lui dit l’orthoptiste. Va-t-il, oui ou non, voir la petite croix verte ?
Comme d’habitude, ce n’est pas l’ophtalmologue en titre qui me reçoit mais un remplaçant. Il m’annonce que mon glaucome est stable puis il m’examine lui aussi en me collant une violente lumière dans les yeux. Il veut me faire une ordonnance pour des verres de lunettes adaptés à ma légère baisse de vue mais je lui dis que ce n’est pas la peine. Il renouvelle pour un an l’ordonnance du collyre destiné à ralentir mon glaucome. Il faudrait songer à une opération de la cataracte dans un an ou deux, laquelle pourrait être jumelée avec la pose d’un stent pour diminuer la tension. « Ça me laisse le temps de me faire à l’idée », lui dis-je.
Quand je reviens pédestrement vers chez moi, la vue brouillée par les gouttes, j’ai l’impression d’être sorti d’un tribunal, condamné à une peine avec sursis.
Comme d’habitude, c’est d’abord une orthoptiste qui appelle mon nom. Elle se livre aux examens coutumiers. Ma vue a très légèrement baissé. Le flou que je ressens à l’œil droit est dû, ainsi que je le savais, à la cataracte. Il faut que je lui pose la question pour que cette jeune femme me donne ma tension oculaire : seize et dix-sept. Elle me met une goutte dans chaque œil et me renvoie en salle d’attente.
L’ancêtre prend ma place. Comme la cloison est mince, chacun entend qu’il a bien du mal à comprendre ce que lui dit l’orthoptiste. Va-t-il, oui ou non, voir la petite croix verte ?
Comme d’habitude, ce n’est pas l’ophtalmologue en titre qui me reçoit mais un remplaçant. Il m’annonce que mon glaucome est stable puis il m’examine lui aussi en me collant une violente lumière dans les yeux. Il veut me faire une ordonnance pour des verres de lunettes adaptés à ma légère baisse de vue mais je lui dis que ce n’est pas la peine. Il renouvelle pour un an l’ordonnance du collyre destiné à ralentir mon glaucome. Il faudrait songer à une opération de la cataracte dans un an ou deux, laquelle pourrait être jumelée avec la pose d’un stent pour diminuer la tension. « Ça me laisse le temps de me faire à l’idée », lui dis-je.
Quand je reviens pédestrement vers chez moi, la vue brouillée par les gouttes, j’ai l’impression d’être sorti d’un tribunal, condamné à une peine avec sursis.
10 décembre 2021
De la station Iéna, ce mercredi, je me rends par la Neuf et la Une à la station Châtelet et rejoins, rue Saint-Martin, la librairie d’occasion Book-Off, ex Gai Rossignol, ex Mona Lisait, devant laquelle est désormais garé un vélo cargo utilisé pour aller chercher à domicile les livres à vendre. Cette bouquinerie dispose d’un sous-sol que certains clients ne voient pas. Je suis donc assez tranquille pour fureter dans les rayons de Littérature à un euro. Parmi les romans se cachent quelques livres pour moi : Estive et L’Assoiffée de Blaise Hofmann (Editions Zoé), Portrait des Vaudois de Jacques Chessex (Babel/Labor/L’Aire) et La Méridienne Saint-Malo Bamako de Marc Roger (Folies d’Encre & Merle Moqueur).
A midi, je choisis pour déjeuner Le Vigouroux, place Sainte-Opportune, qui propose une formule entrée plat à douze euros cinquante. Cette gargote n’est pas bien grande, On n’y demande pas le passe sanitaire. Le personnel et l’essentiel de la clientèle se baladent sans masque. Mes voisins les plus proches sont des collègues en télétravail. Ils en profitent pour manger au restaurant. Dans ce lieu à haut risque, je ne reste que le temps nécessaire pour consommer un potage de légumes et un confit de canard frites salade.
De retour à l’air libre, je passe rue des Bourbonnais pour voir les livres de trottoir de Gilda. Je découvre les vitres de la bouquinerie couvertes d’affichettes « Bail à céder ». Elle est cependant ouverte. Après fouille, j’entre avec à la main Rimbaud ailé précédé de La Disparition, textes et photos de Jean-Luc Parant, un joli petit ouvrage publié par le Musée-Bibliothèque Arthur Rimbaud, vendu là un euro cinquante. Je m’enquiers auprès du responsable de la situation de la librairie, va-t-elle fermer bientôt ?
-On n’est pas pressé, me répond le sexagénaire. On attend le pige... heu l’acheteur. Après, ce sera moins trente, moins cinquante, moins soixante-dix, on donne, on jette.
Je lui demande si la libraire Parallèles, la cousine de Gilda, est sur la même pente fatale.
-Non, ils sont jeunes là-bas. Eux, ils font le neuf, ils ne reprendront pas l’occasion, ils n’ont pas la place.
Après la mort de la meilleure des Boulinier, celle de Gibert Jeunes, ce sera donc celle de Gilda. Fichue époque.
Le métro Quatorze me rapproche du Book-Off de la rue Monsigny. C’est encore l’heure méridienne, d’où la présence de trop de monde, un problème qui se résout assez vite. Là aussi, quelques livres à un euro sont pour moi : La Lorette d’Edmond et Jules de Goncourt (Du Lérot, éditeur), Ce monde et moi d’Abel Bonnard (Dismas) et Les ossements dispersés de Jimmy Gladiator (L’Embellie Roturière), ce dernier avec un envoi de l’auteur « Pour Christine, sans effet de manche et de méditerranée ».
*
Retour à Rouen par le seize heures quarante où j’ai place Trente-Sept en voiture Quatre. Derrière moi, on s’extasie sur ce train Nomad : « « C’est plus propre que dans le Tégévé ». Devant moi, tandis que son mari lit sur tablette, une femme est plongée dans un article de la revue Psychologies : « Un mirage, le coup de foudre en ligne ? ».
A midi, je choisis pour déjeuner Le Vigouroux, place Sainte-Opportune, qui propose une formule entrée plat à douze euros cinquante. Cette gargote n’est pas bien grande, On n’y demande pas le passe sanitaire. Le personnel et l’essentiel de la clientèle se baladent sans masque. Mes voisins les plus proches sont des collègues en télétravail. Ils en profitent pour manger au restaurant. Dans ce lieu à haut risque, je ne reste que le temps nécessaire pour consommer un potage de légumes et un confit de canard frites salade.
De retour à l’air libre, je passe rue des Bourbonnais pour voir les livres de trottoir de Gilda. Je découvre les vitres de la bouquinerie couvertes d’affichettes « Bail à céder ». Elle est cependant ouverte. Après fouille, j’entre avec à la main Rimbaud ailé précédé de La Disparition, textes et photos de Jean-Luc Parant, un joli petit ouvrage publié par le Musée-Bibliothèque Arthur Rimbaud, vendu là un euro cinquante. Je m’enquiers auprès du responsable de la situation de la librairie, va-t-elle fermer bientôt ?
-On n’est pas pressé, me répond le sexagénaire. On attend le pige... heu l’acheteur. Après, ce sera moins trente, moins cinquante, moins soixante-dix, on donne, on jette.
Je lui demande si la libraire Parallèles, la cousine de Gilda, est sur la même pente fatale.
-Non, ils sont jeunes là-bas. Eux, ils font le neuf, ils ne reprendront pas l’occasion, ils n’ont pas la place.
Après la mort de la meilleure des Boulinier, celle de Gibert Jeunes, ce sera donc celle de Gilda. Fichue époque.
Le métro Quatorze me rapproche du Book-Off de la rue Monsigny. C’est encore l’heure méridienne, d’où la présence de trop de monde, un problème qui se résout assez vite. Là aussi, quelques livres à un euro sont pour moi : La Lorette d’Edmond et Jules de Goncourt (Du Lérot, éditeur), Ce monde et moi d’Abel Bonnard (Dismas) et Les ossements dispersés de Jimmy Gladiator (L’Embellie Roturière), ce dernier avec un envoi de l’auteur « Pour Christine, sans effet de manche et de méditerranée ».
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Retour à Rouen par le seize heures quarante où j’ai place Trente-Sept en voiture Quatre. Derrière moi, on s’extasie sur ce train Nomad : « « C’est plus propre que dans le Tégévé ». Devant moi, tandis que son mari lit sur tablette, une femme est plongée dans un article de la revue Psychologies : « Un mirage, le coup de foudre en ligne ? ».
9 décembre 2021
C’est un train court qui se présente, ce mercredi matin à sept heures dix en gare de Rouen, à la place du train long où j’avais une réservation en voiture Quinze. Il s’ensuit un manque de places assises. Je réussis in extrémis à me caser sur un strapontin. D’autres s’assoient sur les marches. Il en est souvent ainsi sur la ligne Le Havre Rouen Paris. Au moins ce train est-il à l’heure.
A Saint-Lazare je rejoins par les couloirs souterrains la station de métro Saint-Augustin et y prends le Neuf jusqu’à la station Iéna. Un beau ciel bleu domine la marché de l’avenue du Président-Wilson que je dois descendre jusqu’au pont de l’Alma avant de trouver un café.
Celui-là se nomme le Grand Corona et n’a pas jugé bon de changer de nom à l’apparition du virus. C’est chic et bien fréquenté. On n’y demande pas le passe sanitaire. Bien installé dans un fauteuil, je contemple la réflexion du soleil sur les dômes de la Cathédrale de la Sainte-Trinité (orthodoxe russe) et sur la Flamme de la Liberté (devenue autel à la mémoire de Princesse Diana). Ma tasse de noir breuvage me coûte trois euros cinquante. Nous sommes dans le Seizième.
A dix heures, les lourdes portes du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris s’écartent. Nous sommes une dizaine à entrer. Les passes sanitaires contrôlés, tandis que les neuf autres se dirigent vers la caisse pour acheter leur billet pour l’exposition Anni et Josef Albers, je me renseigne auprès d’une responsable sur où trouver les deux expositions gratuites qui m’amènent ici.
Ce Musée est un peu à l’ancienne. Son personnel est fort serviable. Un responsable me conduit à la salle où est montrée l’installation de Gisèle Vienne, chorégraphe, plasticienne et metteuse en scène franco-autrichienne. Dans des contenants translucides sont allongés une douzaine d’adolescents endormis ou pire, plus de filles que de garçons. C’est une sélection d’une douzaine des soixante étranges et inquiétantes poupées à taille humaine que Gisèle Vienne fait intervenir dans ses performances et dans ses photographies. Je fais quelques photos puis discute avec le gardien qui me dit reprendre son travail ce jour après six mois d’interruption. Il connaît déjà bien chacune des poupées sur lesquelles il veille.
Remonté, je trouve l’autre exposition qui m’intéresse, celle des peintures, entre pop art et hyperréalisme, de Nina Childress, ancienne du groupe punk Lucrate Milk et du collectif « les Frères Ripoulin », de grands portraits ironiques de trois des idoles féminines de la chanson française des années soixante et soixante-dix : Sylvie (grosse tête), France (grosse tête) et Jane (grosse tête). Dommage que ne leur tiennent pas compagnie une Françoise (grosse tête) et une Sheila (grosse tête).
Une demi-heure après mon entrée, je suis dehors, remontant l’avenue vers la station Iéna. Je ne peux m’empêcher de faire en passant une photo de la Tour Eiffel. Une chose que je n’avais jamais faite et ça ne pouvait pas durer.
*
« Teints blafards, regards dans le vide, visages immobiles, parfois maculés de sang, de larmes, prennent vie dans des postures adolescentes et des voix étouffées, comme autant d’indices d’une culture de la violence refoulée qui hante nos mythes de l’innocence, de la pureté, de la blancheur… Que racontent les poupées de Gisèle Vienne sur nous-mêmes, sur vous ? Quels récits de la souillure, de la blessure, licites défigurées par l’indifférence, le désir, les rires salaces, nous obligent-elles à regarder en face, à écouter, à croire ? Elles sont si blanches ces poupées que la couleur de l’angoisse nous prend à la gorge et au ventre… » (Elsa Dorlin, philosophe)
A Saint-Lazare je rejoins par les couloirs souterrains la station de métro Saint-Augustin et y prends le Neuf jusqu’à la station Iéna. Un beau ciel bleu domine la marché de l’avenue du Président-Wilson que je dois descendre jusqu’au pont de l’Alma avant de trouver un café.
Celui-là se nomme le Grand Corona et n’a pas jugé bon de changer de nom à l’apparition du virus. C’est chic et bien fréquenté. On n’y demande pas le passe sanitaire. Bien installé dans un fauteuil, je contemple la réflexion du soleil sur les dômes de la Cathédrale de la Sainte-Trinité (orthodoxe russe) et sur la Flamme de la Liberté (devenue autel à la mémoire de Princesse Diana). Ma tasse de noir breuvage me coûte trois euros cinquante. Nous sommes dans le Seizième.
A dix heures, les lourdes portes du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris s’écartent. Nous sommes une dizaine à entrer. Les passes sanitaires contrôlés, tandis que les neuf autres se dirigent vers la caisse pour acheter leur billet pour l’exposition Anni et Josef Albers, je me renseigne auprès d’une responsable sur où trouver les deux expositions gratuites qui m’amènent ici.
Ce Musée est un peu à l’ancienne. Son personnel est fort serviable. Un responsable me conduit à la salle où est montrée l’installation de Gisèle Vienne, chorégraphe, plasticienne et metteuse en scène franco-autrichienne. Dans des contenants translucides sont allongés une douzaine d’adolescents endormis ou pire, plus de filles que de garçons. C’est une sélection d’une douzaine des soixante étranges et inquiétantes poupées à taille humaine que Gisèle Vienne fait intervenir dans ses performances et dans ses photographies. Je fais quelques photos puis discute avec le gardien qui me dit reprendre son travail ce jour après six mois d’interruption. Il connaît déjà bien chacune des poupées sur lesquelles il veille.
Remonté, je trouve l’autre exposition qui m’intéresse, celle des peintures, entre pop art et hyperréalisme, de Nina Childress, ancienne du groupe punk Lucrate Milk et du collectif « les Frères Ripoulin », de grands portraits ironiques de trois des idoles féminines de la chanson française des années soixante et soixante-dix : Sylvie (grosse tête), France (grosse tête) et Jane (grosse tête). Dommage que ne leur tiennent pas compagnie une Françoise (grosse tête) et une Sheila (grosse tête).
Une demi-heure après mon entrée, je suis dehors, remontant l’avenue vers la station Iéna. Je ne peux m’empêcher de faire en passant une photo de la Tour Eiffel. Une chose que je n’avais jamais faite et ça ne pouvait pas durer.
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« Teints blafards, regards dans le vide, visages immobiles, parfois maculés de sang, de larmes, prennent vie dans des postures adolescentes et des voix étouffées, comme autant d’indices d’une culture de la violence refoulée qui hante nos mythes de l’innocence, de la pureté, de la blancheur… Que racontent les poupées de Gisèle Vienne sur nous-mêmes, sur vous ? Quels récits de la souillure, de la blessure, licites défigurées par l’indifférence, le désir, les rires salaces, nous obligent-elles à regarder en face, à écouter, à croire ? Elles sont si blanches ces poupées que la couleur de l’angoisse nous prend à la gorge et au ventre… » (Elsa Dorlin, philosophe)
7 décembre 2021
Germaine Beaumont (née à Petit-Couronne, fille d’Annie de Pène) était une écrivaine renommée au milieu du siècle dernier. Elle fut la première femme à recevoir le prix Renaudot et traduisit Truman Capote et Virginia Woolf.
Bien qu’assez oubliée aujourd’hui, on trouve cependant ses romans en quatre gros volumes chez Omnibus (je les ai parfois vus à un euro chez Book-Off).
Colette correspondit avec la mère et la fille. Lettres à Annie de Pène et à Germaine Beaumont a été publié chez Flammarion. Sa lecture m’a été un plaisir.
Pour exemple : la première lettre de Colette à Germaine Beaumont. Elle date de mil neuf cent quinze ou seize. On y trouve tout ce qui fait le charme des missives de l’auteure de Chéri :
Qu’est-ce qu’il y a donc mon pauvre petit ? Tu as pris la grippe où ça ? Dans la maison que tu habites ? Et pourquoi ne veux-tu pas que j’aille te voir ? Je vais de crèche en pouponnière, et de crèche en maison d’accouchement, pour Le Matin. C’est bien terrible. On ne peut plus dire qu’on est malheureux, quand on voit ça. Gamines de 13 ans engrossées par leur père, dactylos qui se sont sanglées à mort pendant 8 mois, et les petites bonnes à tout faire qui ne savent, du père du gosse, que son prénom ; et la fille de la mercière d’un village breton, venue accoucher à Paris dans une crise d’épouvante parce que son village l’aurait tuée et son père laissée mourir de faim. C’est réellement terrible. Pourquoi la naissance d’un enfant est-elle, peut-elle être un drame ? Nous sommes un vilain monde mal arrangé, je t’assure. Tu vois, je te raconte des choses pour te distraire.
Bien qu’assez oubliée aujourd’hui, on trouve cependant ses romans en quatre gros volumes chez Omnibus (je les ai parfois vus à un euro chez Book-Off).
Colette correspondit avec la mère et la fille. Lettres à Annie de Pène et à Germaine Beaumont a été publié chez Flammarion. Sa lecture m’a été un plaisir.
Pour exemple : la première lettre de Colette à Germaine Beaumont. Elle date de mil neuf cent quinze ou seize. On y trouve tout ce qui fait le charme des missives de l’auteure de Chéri :
Qu’est-ce qu’il y a donc mon pauvre petit ? Tu as pris la grippe où ça ? Dans la maison que tu habites ? Et pourquoi ne veux-tu pas que j’aille te voir ? Je vais de crèche en pouponnière, et de crèche en maison d’accouchement, pour Le Matin. C’est bien terrible. On ne peut plus dire qu’on est malheureux, quand on voit ça. Gamines de 13 ans engrossées par leur père, dactylos qui se sont sanglées à mort pendant 8 mois, et les petites bonnes à tout faire qui ne savent, du père du gosse, que son prénom ; et la fille de la mercière d’un village breton, venue accoucher à Paris dans une crise d’épouvante parce que son village l’aurait tuée et son père laissée mourir de faim. C’est réellement terrible. Pourquoi la naissance d’un enfant est-elle, peut-elle être un drame ? Nous sommes un vilain monde mal arrangé, je t’assure. Tu vois, je te raconte des choses pour te distraire.
6 décembre 2021
La semaine dernière, Yannick Jadot, demi-candidat écologiste à la Présidentielle, oublie un moment son surmoi, la nommée Sandrine Rousseau, l’autre demi-candidate écologiste. Il propose l'abrogation de la loi d'avril deux mille seize contre le système prostitutionnel, laquelle a supprimé le délit de racolage et permet de verbaliser les clients.
Les réactions ne se font pas attendre.
« La honte absolue pour EELV. Une faute historique et antiféministe », touite le collectif Osez le Féminisme.
« Yannick Jadot : défendre le privilège masculin de pouvoir imposer des pénétrations sexuelles contre de l'argent, c'est justement ce que veut Zemmour2022 », ajoute la porte-parole du collectif, Céline Piques.
Bientôt circule le message : « Les féministes ne voteront pas pour Yannick Jadot ».
Enfin, l'ancienne Ministre aux Droits des Femmes, Laurence Rossignol, y va de sa petite perfidie socialiste : « On croyait Yannick Jadot candidat de l'écologie. C'est aussi celui du système prostitutionnel, du lobby des clients et de la marchandisation du corps des femmes. Toutes mes pensées aux féministes qui luttent contre les violences machistes et soutiennent ce candidat ».
Face à l’assaut des Néo Féministes, Jadot fait profil bas. Il dit qu’il n’a pas dit ce qu’il a dit.
Bref, en ces jours vertueux, il ne fait pas bon mettre en cause une loi ayant pour conséquence de rendre dangereuse la vie des personnes prostituées qui cherchent leur clientèle à l’extérieur, celles-ci étant obligées de le faire dans des lieux éloignés afin que leurs clients ne se fassent pas alpaguer par la maréchaussée.
Encore moins bien vu est de se déclarer pour la prostitution. Comme je le fais. A condition bien sûr qu’elle soit volontaire, et non imposée par des maffias.
*
Ces Néo Féministes préfèrent taire le fait que la prostitution est également pratiquée par des hommes. Cela nuirait à leur propos.
*
Une supposition que j’aie recours à une pratiquante du sexe tarifé, je ne pourrais le raconter dans ce Journal. Pas envie de me retrouver à Brisout en gardavu.
Les réactions ne se font pas attendre.
« La honte absolue pour EELV. Une faute historique et antiféministe », touite le collectif Osez le Féminisme.
« Yannick Jadot : défendre le privilège masculin de pouvoir imposer des pénétrations sexuelles contre de l'argent, c'est justement ce que veut Zemmour2022 », ajoute la porte-parole du collectif, Céline Piques.
Bientôt circule le message : « Les féministes ne voteront pas pour Yannick Jadot ».
Enfin, l'ancienne Ministre aux Droits des Femmes, Laurence Rossignol, y va de sa petite perfidie socialiste : « On croyait Yannick Jadot candidat de l'écologie. C'est aussi celui du système prostitutionnel, du lobby des clients et de la marchandisation du corps des femmes. Toutes mes pensées aux féministes qui luttent contre les violences machistes et soutiennent ce candidat ».
Face à l’assaut des Néo Féministes, Jadot fait profil bas. Il dit qu’il n’a pas dit ce qu’il a dit.
Bref, en ces jours vertueux, il ne fait pas bon mettre en cause une loi ayant pour conséquence de rendre dangereuse la vie des personnes prostituées qui cherchent leur clientèle à l’extérieur, celles-ci étant obligées de le faire dans des lieux éloignés afin que leurs clients ne se fassent pas alpaguer par la maréchaussée.
Encore moins bien vu est de se déclarer pour la prostitution. Comme je le fais. A condition bien sûr qu’elle soit volontaire, et non imposée par des maffias.
*
Ces Néo Féministes préfèrent taire le fait que la prostitution est également pratiquée par des hommes. Cela nuirait à leur propos.
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Une supposition que j’aie recours à une pratiquante du sexe tarifé, je ne pourrais le raconter dans ce Journal. Pas envie de me retrouver à Brisout en gardavu.
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