Une bonne lecture : Paris 1941 de Felix Hartlaub publié chez Solin/Actes Sud en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.
Soldat de l’armée nazie, Felix Hartlaub est muté à la commission des archives historiques de Paris. Il tient alors un journal où il relate ses balades du dimanche dans la capitale occupée et sa banlieue. Cela dans un style qui oscille entre le poème en prose et le reportage satirique, comme il le raconte dans une lettre à sa famille.
Une seule fois, Felix Hartlaub quitte la région parisienne et c’est pour passer une journée à Rouen. Ce qu’il narre sous le titre Souvenir de Rouen et dont voici l’essentiel :
La ville, gris-violet, peu de rouge brique. Les églises aux couleurs de toiles d’araignées. Le cuivre vert du toit du chœur de la cathédrale. Saint-Ouen sonne de toutes ses cloches, le son semble provenir de la nef de l’église, ne monte pas. Les tours se tiennent là muettes, éteintes dans leur manteau de dentelle de pierre. La Fête-Dieu a été reportée à ce dimanche. La sonnerie des cloches s’arrête dans un écho, s’abat sur les toits les plus proches. Le gros bourdon de la cathédrale continue seul en de lentes volées, mais avec un son étouffé lui aussi, souterrain, et on ne sait de laquelle des deux tours. Le quartier anéanti entre la cathédrale et le fleuve ; vu de là-haut, il se resserre en un empan de coloris roussis. Les murs extérieurs des halles sont encore debout, sur un étage, répètent sur une longue étendue toujours le même carré de fenêtres vides. Des murs de vieilles maisons à colombages, des rayures couleur noisette serrées les unes contre les autres. Les quais, qui s’étendent jusque dans la zone de décombres, à nouveau jonchés de sable jaune après l’inondation, n’ont pas encore de profil cohérent. De noires figurines du dimanche se déplacent lentement en amont et en aval du fleuve.
Le pont, traversé par de nouvelles poutrelles rouge minium, tient encore à peine. Plus loin, en amont du fleuve, une étroite passerelle de secours pour les piétons, tordue elle aussi. Les entrepôts peu élevés qui se trouvent sur l’île paraissent avoir été enfoncés par le simple souffle ou par l’onde de choc des explosions, ils se sont affaissés sur eux-mêmes. Des toits qui pendent jusqu’au sol, recouverts de toutes les tuiles, tombés dans les bosquets de sureaux des jardins du rivage.
Plus loin vers le sud, une partie de la « flotte d’invasion » est à l’ancre au milieu du fleuve, des remorqueurs sombres réduits en une masse compacte. Dans le squelette parcimonieusement simple d’un moderne pont suspendu de chemin de fer, il ne manque qu’une pièce étroite. En aval, la Seine s’écarte infiniment loin vers l’ouest. Une rive escarpée, de hauteur égale et couverte de sombres forets la suit d’un côté. Elle se perd dans les brumes entre des zones de forêts denses.
*
Felix Hartlaub, fils d’un historien d'art, le devint lui-même, d’où son affectation en décembre mil neuf cent quarante à la commission des archives historiques à Paris qui examinait les archives françaises saisies.
Ultérieurement, il sera envoyé à l'Oberkommando de la Wehrmacht à Berlin. De mai mil neuf cent quarante-deux à mars mil neuf cent quarante-cinq, il fera partie de l'équipe du Journal de Guerre (Kriegstagebuch). Au cours de cette période, il aura accès au cercle fermé du Quartier général du Führer à Vinnytsia, Rastenburg et Berchtesgaden.
En avril mil neuf cent quarante-cinq, Felix Hartlaub sera muté à Berlin, au grade de caporal-chef, dans une unité d'infanterie de combat et un jour disparaitra en se rendant à Berlin-Spandau.
La déclaration officielle de son décès, publiée dix ans plus tard, indique comme date de décès le trente et un décembre mil neuf cent quarante-cinq.
Soldat de l’armée nazie, Felix Hartlaub est muté à la commission des archives historiques de Paris. Il tient alors un journal où il relate ses balades du dimanche dans la capitale occupée et sa banlieue. Cela dans un style qui oscille entre le poème en prose et le reportage satirique, comme il le raconte dans une lettre à sa famille.
Une seule fois, Felix Hartlaub quitte la région parisienne et c’est pour passer une journée à Rouen. Ce qu’il narre sous le titre Souvenir de Rouen et dont voici l’essentiel :
La ville, gris-violet, peu de rouge brique. Les églises aux couleurs de toiles d’araignées. Le cuivre vert du toit du chœur de la cathédrale. Saint-Ouen sonne de toutes ses cloches, le son semble provenir de la nef de l’église, ne monte pas. Les tours se tiennent là muettes, éteintes dans leur manteau de dentelle de pierre. La Fête-Dieu a été reportée à ce dimanche. La sonnerie des cloches s’arrête dans un écho, s’abat sur les toits les plus proches. Le gros bourdon de la cathédrale continue seul en de lentes volées, mais avec un son étouffé lui aussi, souterrain, et on ne sait de laquelle des deux tours. Le quartier anéanti entre la cathédrale et le fleuve ; vu de là-haut, il se resserre en un empan de coloris roussis. Les murs extérieurs des halles sont encore debout, sur un étage, répètent sur une longue étendue toujours le même carré de fenêtres vides. Des murs de vieilles maisons à colombages, des rayures couleur noisette serrées les unes contre les autres. Les quais, qui s’étendent jusque dans la zone de décombres, à nouveau jonchés de sable jaune après l’inondation, n’ont pas encore de profil cohérent. De noires figurines du dimanche se déplacent lentement en amont et en aval du fleuve.
Le pont, traversé par de nouvelles poutrelles rouge minium, tient encore à peine. Plus loin, en amont du fleuve, une étroite passerelle de secours pour les piétons, tordue elle aussi. Les entrepôts peu élevés qui se trouvent sur l’île paraissent avoir été enfoncés par le simple souffle ou par l’onde de choc des explosions, ils se sont affaissés sur eux-mêmes. Des toits qui pendent jusqu’au sol, recouverts de toutes les tuiles, tombés dans les bosquets de sureaux des jardins du rivage.
Plus loin vers le sud, une partie de la « flotte d’invasion » est à l’ancre au milieu du fleuve, des remorqueurs sombres réduits en une masse compacte. Dans le squelette parcimonieusement simple d’un moderne pont suspendu de chemin de fer, il ne manque qu’une pièce étroite. En aval, la Seine s’écarte infiniment loin vers l’ouest. Une rive escarpée, de hauteur égale et couverte de sombres forets la suit d’un côté. Elle se perd dans les brumes entre des zones de forêts denses.
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Felix Hartlaub, fils d’un historien d'art, le devint lui-même, d’où son affectation en décembre mil neuf cent quarante à la commission des archives historiques à Paris qui examinait les archives françaises saisies.
Ultérieurement, il sera envoyé à l'Oberkommando de la Wehrmacht à Berlin. De mai mil neuf cent quarante-deux à mars mil neuf cent quarante-cinq, il fera partie de l'équipe du Journal de Guerre (Kriegstagebuch). Au cours de cette période, il aura accès au cercle fermé du Quartier général du Führer à Vinnytsia, Rastenburg et Berchtesgaden.
En avril mil neuf cent quarante-cinq, Felix Hartlaub sera muté à Berlin, au grade de caporal-chef, dans une unité d'infanterie de combat et un jour disparaitra en se rendant à Berlin-Spandau.
La déclaration officielle de son décès, publiée dix ans plus tard, indique comme date de décès le trente et un décembre mil neuf cent quarante-cinq.