Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Repas de fête chez Bofinger

16 décembre 2021


Ce mercredi, en Gare de Rouen, le train Nomad de sept heures vingt-quatre pour Paris est aussi long que prévu. J’y ai donc place assise selon ma réservation. Une voix d’homme s’adresse à nous : « J’ai le plaisir d’être votre conducteur. Nous sommes dans un train Chrono Plus. Nous circulons à l’heure. »
Porte de Montempoivre est-il écrit sur la girouette du bus Vingt-Neuf. Je ne saurai jamais à quoi ressemble ce terminus car après l’embouteillage du Marais, j’en descends toujours à Bastille. La serveuse du Café du Faubourg n’omet pas de me demander mon passe sanitaire avant de me servir un café au comptoir. Nous y sommes trois, personne en salle, personne en terrasse. A dix heures, je vais bookoffier à côté, puis me rends au marché d’Aligre. Les deux marchands de livres sont présents. La plupart des ouvrages qu’ils proposent étaient déjà là avant-guerre.
Pas loin de la statue de Beaumarchais, où j’ai souvent eu rendez-vous avec celle qui travaille près de la Bastille, se trouve la brasserie Bofinger. De part et d’autre de son nom sont inscrites deux mentions : « Déjeuners » « Soupers ». C’est là qu’à son initiative elle doit me retrouver à midi et demi.
Après la porte tournante, je montre mon passe sanitaire puis négocie avec celui qui me conduit en salle une table pas trop collée aux autres. « Où que vous soyez, vous aurez des voisins, me dit-il, nous sommes toujours complets. » Cette maison remonte à mil huit cent soixante-quatre. Elle fut créée par Frédéric Bofinger, venu de son Alsace natale. Ce fut la première à Paris à servir de la bière « à la pompe ». Dans les années Vingt, les gendres reprirent l’affaire et, grâce à l’architecte Legay et au décorateur Mitgen, elle devint la « plus belle brasserie de Paris ». François Mitterrand y fêta son entrée à l’Elysée.
Par la vitre, je la vois arriver. Ce mercredi, nous fêtons le plaisir de nous retrouver, ainsi que tout ce que le Covid nous a empêché de célébrer au cours de cette année, et aussi  la fin de celle-ci. Bien sûr, nous choisissons la choucroute, avec auparavant un velouté de légumes pour elle et six escargots pour moi, et enfin une île flottante pour deux. Une serveuse asiatique nous apporte dans un seau de glace une bouteille d’un vin d’Alsace que nous verserons dans les petits verres au pied vert. Durant deux heures et demie, nous passons un très bon moment, le seul bémol étant le bruit ambiant qui nuit un peu à la conversation.
Avant de quitter ce bel endroit, je l’invite à entrer dans les toilettes des messieurs pour admirer les urinoirs en céramique blanche ornés de gros poissons puis elle m’accompagne jusqu’à l’arrêt du bus Vingt-Neuf. En attendant qu’il arrive, je la regarde traverser la place de la Bastille. Quand elle est de l’autre côté, elle se retourne. Nous nous faisons un dernier signe la main.
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Un train Chrono Plus, première fois que j’entends cette dénomination. Ce bolide va de Rouen à Paris en une heure quinze. Au début du vingtième siècle, c’était en une heure.