Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
20 mai 2019
Faute de beau temps, c’est au Faute de Mieux que je prends un café en tapotant sur mon ordinateur ce samedi après-midi. Vers quinze heures, l’arrivée de motards de la Police au carrefour signale l’habituelle approche des Gilets Jaunes. Cela a pour effet de faire fuir un couple de consommateurs :
-Ils nous font chier les Gilets Jaunes.
-Bon ben ça au moins, c’est clair, commente le serveur.
Le cortège est encore moins nombreux que la semaine dernière. Une seule pancarte s’y fait remarquer : « On veut vivre correctement, pas vous ? ».
-Correctement, ça veut dire quoi ? commente la serveuse à temps partiel pour qui l’argent n’est pas une priorité (plus elle fait la fête, plus elle vit correctement).
Ce qui met davantage en émoi le personnel, ce sont les deux couples de quinquagénaires qui s’installent à une table pour commander des verres d’eau.
L’apprenti serveur leur explique qu’ici c’est un commerce.
Le quatuor ressort.
-Des Français en plus, commente le patron.
*
Plus tôt dans la semaine, une nonagénaire et sa copine octogénaire au Lido :
-L’autre semaine c’était folklorique avec les gays, là, qui étaient dehors.
-Ah oui, je croyais que c’était un lycée qui faisait carnaval, mais on m’a expliqué.
*
Et au Son du Cor des élèves de Terminale discutent de la double réponse positive inattendue qu’a reçu de Parcoursup l’une qui hésite maintenant entre Caen ou la Sorbonne « Du coup. A la base. Carrément. Trop dar. » (Le soir venu, ayant appris que le système s’est planté et que beaucoup se retrouvent en attente, je crains qu’elle en soit.)
A une autre table, des élèves de Seconde dont l’un est en manque d’argent de poche. « Un truc qui marche bien, lui explique l’une, c’est « J’ai une soirée d’anniversaire, faut que je cotise pour le cadeau. ». Ces filles et ces garçons évoquent ensuite le passé ; « C’était une prof de musique qui était nudiste et qui avait un œil de verre. A chaque fois qu’on la faisait chier, elle nous faisait un solo de batterie. » puis écoutent une chansonnette incorrecte via un téléphone muni d’une petite enceinte, une ritournelle que reprend celle qui paraît la plus jeune : Elle parlait trop, j'ai tout rentré dans sa bouche/ J'aime quand elles sont classes/ J'aime pas quand elles font la rue/ Elle veut un négro en place/ J'espère qu'elle secoue bien son cul. (La Puenta de Diddi Trix, apprends-je le soir venu.)
-Ils nous font chier les Gilets Jaunes.
-Bon ben ça au moins, c’est clair, commente le serveur.
Le cortège est encore moins nombreux que la semaine dernière. Une seule pancarte s’y fait remarquer : « On veut vivre correctement, pas vous ? ».
-Correctement, ça veut dire quoi ? commente la serveuse à temps partiel pour qui l’argent n’est pas une priorité (plus elle fait la fête, plus elle vit correctement).
Ce qui met davantage en émoi le personnel, ce sont les deux couples de quinquagénaires qui s’installent à une table pour commander des verres d’eau.
L’apprenti serveur leur explique qu’ici c’est un commerce.
Le quatuor ressort.
-Des Français en plus, commente le patron.
*
Plus tôt dans la semaine, une nonagénaire et sa copine octogénaire au Lido :
-L’autre semaine c’était folklorique avec les gays, là, qui étaient dehors.
-Ah oui, je croyais que c’était un lycée qui faisait carnaval, mais on m’a expliqué.
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Et au Son du Cor des élèves de Terminale discutent de la double réponse positive inattendue qu’a reçu de Parcoursup l’une qui hésite maintenant entre Caen ou la Sorbonne « Du coup. A la base. Carrément. Trop dar. » (Le soir venu, ayant appris que le système s’est planté et que beaucoup se retrouvent en attente, je crains qu’elle en soit.)
A une autre table, des élèves de Seconde dont l’un est en manque d’argent de poche. « Un truc qui marche bien, lui explique l’une, c’est « J’ai une soirée d’anniversaire, faut que je cotise pour le cadeau. ». Ces filles et ces garçons évoquent ensuite le passé ; « C’était une prof de musique qui était nudiste et qui avait un œil de verre. A chaque fois qu’on la faisait chier, elle nous faisait un solo de batterie. » puis écoutent une chansonnette incorrecte via un téléphone muni d’une petite enceinte, une ritournelle que reprend celle qui paraît la plus jeune : Elle parlait trop, j'ai tout rentré dans sa bouche/ J'aime quand elles sont classes/ J'aime pas quand elles font la rue/ Elle veut un négro en place/ J'espère qu'elle secoue bien son cul. (La Puenta de Diddi Trix, apprends-je le soir venu.)
18 mai 2019
Au temps où je lisais de la fiction, j’ai beaucoup aimé les romans et nouvelles autobiographiques de John Fante, fils d’immigrés italiens aux Etats-Unis : Bandini, La Route de Los Angeles, Demande à la poussière, Rêves de Bunker Hill, Les Compagnons de la grappe, Pleins de vie, L’Orgie, Le Vin de la jeunesse.
Le seul texte de lui qui m’ait ennuyé est Mon chien Stupide (pas plus que les histoires d’enfants, les histoires d’animaux ne m’intéressent).
Après la lecture de la Correspondance de John Fante avec le journaliste et critique littéraire Henry Louis Mencken (laquelle a duré vingt ans, jusqu’à la mort de Fante, sans que les deux hommes se rencontrent) qui a été publiée en France par Christian Bourgois en mil neuf cent quatre-vingt-onze, je retiens cet extrait d’une lettre datée du seize juin mil neuf cent trente-quatre :
Personnellement, je n’ai aucune sympathie pour les masses. Les masses existeront toujours. Elles sont composées d’imbéciles. Elles sont indispensables à la société. Si vous voulez mon opinion, je hais les masses. J’ai vécu avec elles, j’ai respiré leur haleine fétide, côtoyé leur esprit abruti. La culture ne les concerne pas. En fait, rien ne les concerne. Elles sont condamnées. Qu’elles crèvent donc. Mon boulot dans l’existence, c’est de me sauver. C’est là une rude affaire. Je ne compte pas me salir les mains en essayant de sauver les masses.
Et dans la même lettre :
Qu’est-ce que j’en ai à foutre du communisme ? Ils peuvent bien me coller le dos au mur et me fusiller, ce n’est pas pour ça que j’adhérerai au marxisme de pacotille d’une coterie imbécile de diplômés d’Harvard qui – parce qu’ils n’ont rien dans les tripes – gobent et défendent des principes auxquels ils pigent que dalle. Aujourd’hui, n’importe quel marginal, pédé ou lesbienne est communiste. Ils me rendent malade !
Le seul texte de lui qui m’ait ennuyé est Mon chien Stupide (pas plus que les histoires d’enfants, les histoires d’animaux ne m’intéressent).
Après la lecture de la Correspondance de John Fante avec le journaliste et critique littéraire Henry Louis Mencken (laquelle a duré vingt ans, jusqu’à la mort de Fante, sans que les deux hommes se rencontrent) qui a été publiée en France par Christian Bourgois en mil neuf cent quatre-vingt-onze, je retiens cet extrait d’une lettre datée du seize juin mil neuf cent trente-quatre :
Personnellement, je n’ai aucune sympathie pour les masses. Les masses existeront toujours. Elles sont composées d’imbéciles. Elles sont indispensables à la société. Si vous voulez mon opinion, je hais les masses. J’ai vécu avec elles, j’ai respiré leur haleine fétide, côtoyé leur esprit abruti. La culture ne les concerne pas. En fait, rien ne les concerne. Elles sont condamnées. Qu’elles crèvent donc. Mon boulot dans l’existence, c’est de me sauver. C’est là une rude affaire. Je ne compte pas me salir les mains en essayant de sauver les masses.
Et dans la même lettre :
Qu’est-ce que j’en ai à foutre du communisme ? Ils peuvent bien me coller le dos au mur et me fusiller, ce n’est pas pour ça que j’adhérerai au marxisme de pacotille d’une coterie imbécile de diplômés d’Harvard qui – parce qu’ils n’ont rien dans les tripes – gobent et défendent des principes auxquels ils pigent que dalle. Aujourd’hui, n’importe quel marginal, pédé ou lesbienne est communiste. Ils me rendent malade !
17 mai 2019
Sorti du Book-Off de Ledru-Rollin ce mercredi après-midi, je vais faire le lézard dans le port de l’Arsenal où je reprends la lecture des Lettres d’Afrique à Madame de Sabran du Chevalier de Boufflers.
Quand il est temps de se rapprocher de la gare Saint-Lazare, j’opte pour le bus Vingt-Neuf. Il n’avance pas : travaux, camion mal garé, déviation. Quand le chauffeur nous annonce qu’il ne peut pas redémarrer, je commence à craindre de rater mon train. Il téléphone à sa hiérarchie qui lui conseille de reprendre la procédure au début. Ouf, nous repartons. Je suis devant le quai dix-huit quand le dix-sept heures vingt-trois s’y affiche.
Comme à l’aller, c’est un train à étage et sièges colorés, mais le chef de bord ne juge pas utile d’annoncer aux porteurs et porteuses de billet avec réservation que ce matériel non conforme n’en possède pas.
J’ai déjà rassuré deux inquiètes lorsque j’en vois arriver une troisième. Pantalon noir, veste rouge, foulard discret, lunettes de soleil relevées sur des cheveux tressés, petit sac à main pour seul bagage, je la reconnais immédiatement et ne suis même pas surpris de la voir car ce matin aux infos de France Culture j’ai entendu qu’elle serait ce soir à Rouen au secours de la liste européenne conduite par Raphaël Glucksmann.
-Bonjour madame Taubira, ne vous donnez pas la peine de chercher votre place réservée, ce train n’est pas le bon, il n’en a pas.
-Pas le bon ? Il va bien à Rouen ?
-Oui oui, mais ce n’est pas le Corail habituel.
-Alors je peux m’asseoir où je veux ?
Elle s’installe dans le carré voisin, me demande si elle est bien dans le sens de la marche. Nous sommes dans la partie de la voiture située au-dessus des roues, où ne sont que quelques sièges. Trois autres sont occupés par de jeunes hommes à ordinateur qui ne l’ont pas reconnue.
Si j’osais, je lui proposerais de lui tenir compagnie. Nous pourrions discuter des missives du Chevalier de Boufflers et de sa façon d’évoquer le sort des nègres (comme on disait à cette époque), mais je crains qu’elle me dise oui bien qu’elle ait envie de rester seule avant d’être assaillie par les caméras et les micros. Alors je n’en fais rien. Je poursuis ma lecture tandis qu’elle bidouille un peu avec son mobile puis regarde le paysage.
Quand passe le contrôleur, il ne reconnaît pas cette ancienne Ministre qui voyage en seconde classe avec un billet acheté.
-Bonsoir monsieur, me dit-elle à l’arrivée.
-Bonne soirée, bon meeting, dis-je à madame Taubira.
-Merci monsieur, me sourit-elle.
*
Devinette mégalo : sachant qu’à la gare Saint-Lazare j’ai croisé François Hollande, tout juste désigné candidat, partant en pèlerinage dans sa ville natale, et qu’ensuite il est devenu Président ; que dans cette même gare j’ai croisé Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Economie, interrogé par une télévision dans la galerie marchande, et qu’ensuite il est devenu Président, qui occupera ce poste en deux mille vingt-deux ?
Quand il est temps de se rapprocher de la gare Saint-Lazare, j’opte pour le bus Vingt-Neuf. Il n’avance pas : travaux, camion mal garé, déviation. Quand le chauffeur nous annonce qu’il ne peut pas redémarrer, je commence à craindre de rater mon train. Il téléphone à sa hiérarchie qui lui conseille de reprendre la procédure au début. Ouf, nous repartons. Je suis devant le quai dix-huit quand le dix-sept heures vingt-trois s’y affiche.
Comme à l’aller, c’est un train à étage et sièges colorés, mais le chef de bord ne juge pas utile d’annoncer aux porteurs et porteuses de billet avec réservation que ce matériel non conforme n’en possède pas.
J’ai déjà rassuré deux inquiètes lorsque j’en vois arriver une troisième. Pantalon noir, veste rouge, foulard discret, lunettes de soleil relevées sur des cheveux tressés, petit sac à main pour seul bagage, je la reconnais immédiatement et ne suis même pas surpris de la voir car ce matin aux infos de France Culture j’ai entendu qu’elle serait ce soir à Rouen au secours de la liste européenne conduite par Raphaël Glucksmann.
-Bonjour madame Taubira, ne vous donnez pas la peine de chercher votre place réservée, ce train n’est pas le bon, il n’en a pas.
-Pas le bon ? Il va bien à Rouen ?
-Oui oui, mais ce n’est pas le Corail habituel.
-Alors je peux m’asseoir où je veux ?
Elle s’installe dans le carré voisin, me demande si elle est bien dans le sens de la marche. Nous sommes dans la partie de la voiture située au-dessus des roues, où ne sont que quelques sièges. Trois autres sont occupés par de jeunes hommes à ordinateur qui ne l’ont pas reconnue.
Si j’osais, je lui proposerais de lui tenir compagnie. Nous pourrions discuter des missives du Chevalier de Boufflers et de sa façon d’évoquer le sort des nègres (comme on disait à cette époque), mais je crains qu’elle me dise oui bien qu’elle ait envie de rester seule avant d’être assaillie par les caméras et les micros. Alors je n’en fais rien. Je poursuis ma lecture tandis qu’elle bidouille un peu avec son mobile puis regarde le paysage.
Quand passe le contrôleur, il ne reconnaît pas cette ancienne Ministre qui voyage en seconde classe avec un billet acheté.
-Bonsoir monsieur, me dit-elle à l’arrivée.
-Bonne soirée, bon meeting, dis-je à madame Taubira.
-Merci monsieur, me sourit-elle.
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Devinette mégalo : sachant qu’à la gare Saint-Lazare j’ai croisé François Hollande, tout juste désigné candidat, partant en pèlerinage dans sa ville natale, et qu’ensuite il est devenu Président ; que dans cette même gare j’ai croisé Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Economie, interrogé par une télévision dans la galerie marchande, et qu’ensuite il est devenu Président, qui occupera ce poste en deux mille vingt-deux ?
16 mai 2019
C’est un train à étage et sièges colorés qui se présente en gare de Rouen ce mercredi à sept heures cinquante-neuf au lieu du Corail attendu. Le chef de bord s’excuse de ce « matériel non conforme » et invite celles et ceux qui cherchent leur place réservée à abandonner.
Tout va bien jusqu’à l’approche de la capitale. Là se produit un ralentissement inquiétant. Peu après, le chef de bord annonce un « accident grave de personne » à La Garenne-Colombes. Nous sommes détournés sur des voies de banlieue, ce qui entraînera un retard de dix à vingt minutes. En réalité, et suite à plusieurs arrêts, c’est avec un retard de quarante-cinq minutes que nous arrivons à Saint-Lazare.
Etre peu avant dix heures devant la porte du Book-Off de Quatre Septembre avec mon sac de livres à revendre était mon objectif. C’est mort (si je peux me permettre). Je n’ai néanmoins pas à attendre trop longtemps avant que l’employé chargé du rachat me les échange contre neuf euros dix. J’en dépense trois avant de quitter la boutique.
Le métro Huit m’emmène à Ledru-Rollin d’où je rejoins le marché d’Aligre. Malgré le beau temps, le vendeur de livres le mieux fourni n’y est pas. A midi moins le quart, je suis au Péhemmu chinois. « Comme d’habitude ? » me demande la gentille serveuse avant de me souhaiter « Bon app’ ».
L’addition réglée, j’entre au second Book-Off. J’y trouve quelques livres à un euro et le vieux bouquiniste que j’ai déjà croisé la semaine dernière dans l’autre où il s’était réjoui d’avoir revendu cent euros un livre acheté cinq deux jours plus tôt.
-Encore vous, lui dis-je.
-Je ne sais faire que ça, me répond-il.
-Mais attention hein, ajoute-t-il, je ne lis pas.
-Ah oui.
-Je suis chasseur de livres et…
-Abstinent.
-Marchand.
*
Place de l’Opéra, un barbu de banlieue qui se met à courir avec sa poussette sur le passage pour piétons au moment où le feu passe au vert pour les voitures. Freinages, claquesons, engueulade.
Lui, prêt à en découdre :
-Tu vas pas écraser le petit ?
*
Place de l’Opéra encore, la mendiante assise contre l’abribus qui met son gobelet empli de centimes au milieu du trottoir. Il y a toujours quelqu’un pour chouter dedans. Honteux, le piégé ramasse les pièces et se sent obligé d’ajouter quelque chose.
*
Parmi les livres trouvés chez Book-Off deux poches qui vont bien ensemble : L’Art de se promener de Karl Gottlob Schelle (Rivages) et L’Art de péter de Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut (Payot).
Tout va bien jusqu’à l’approche de la capitale. Là se produit un ralentissement inquiétant. Peu après, le chef de bord annonce un « accident grave de personne » à La Garenne-Colombes. Nous sommes détournés sur des voies de banlieue, ce qui entraînera un retard de dix à vingt minutes. En réalité, et suite à plusieurs arrêts, c’est avec un retard de quarante-cinq minutes que nous arrivons à Saint-Lazare.
Etre peu avant dix heures devant la porte du Book-Off de Quatre Septembre avec mon sac de livres à revendre était mon objectif. C’est mort (si je peux me permettre). Je n’ai néanmoins pas à attendre trop longtemps avant que l’employé chargé du rachat me les échange contre neuf euros dix. J’en dépense trois avant de quitter la boutique.
Le métro Huit m’emmène à Ledru-Rollin d’où je rejoins le marché d’Aligre. Malgré le beau temps, le vendeur de livres le mieux fourni n’y est pas. A midi moins le quart, je suis au Péhemmu chinois. « Comme d’habitude ? » me demande la gentille serveuse avant de me souhaiter « Bon app’ ».
L’addition réglée, j’entre au second Book-Off. J’y trouve quelques livres à un euro et le vieux bouquiniste que j’ai déjà croisé la semaine dernière dans l’autre où il s’était réjoui d’avoir revendu cent euros un livre acheté cinq deux jours plus tôt.
-Encore vous, lui dis-je.
-Je ne sais faire que ça, me répond-il.
-Mais attention hein, ajoute-t-il, je ne lis pas.
-Ah oui.
-Je suis chasseur de livres et…
-Abstinent.
-Marchand.
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Place de l’Opéra, un barbu de banlieue qui se met à courir avec sa poussette sur le passage pour piétons au moment où le feu passe au vert pour les voitures. Freinages, claquesons, engueulade.
Lui, prêt à en découdre :
-Tu vas pas écraser le petit ?
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Place de l’Opéra encore, la mendiante assise contre l’abribus qui met son gobelet empli de centimes au milieu du trottoir. Il y a toujours quelqu’un pour chouter dedans. Honteux, le piégé ramasse les pièces et se sent obligé d’ajouter quelque chose.
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Parmi les livres trouvés chez Book-Off deux poches qui vont bien ensemble : L’Art de se promener de Karl Gottlob Schelle (Rivages) et L’Art de péter de Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut (Payot).
14 mai 2019
Depuis combien de mois ne suis-je pas allé sur la rive gauche de Rouen, c’est la question que je me pose en franchissant la Seine ce lundi matin avec dans la poche un courrier qui devient urgent (date limite le seize mai).
Il s’agit de ma déclaration de revenus que je n’ai eu qu’à dater et signer. Elle est réputée être faite obligatoirement via Internet mais il est aussi indiqué sur l’imprimé que si on l’estime impossible, elle peut être faite sur papier. Tant que c’est obligatoire sans l’être, je défends l’emploi des fonctionnaires.
La Seine a son aspect habituel, un garage de bateaux de croisière dont les occupants ne vont pas tarder à envahir ma ruelle, cornaqués par les guides touristiques dont ils sont le gagne-pain. Bientôt, elle prendra l’aspect qu’elle a tous les quatre, cinq ou six ans, un garage de bateaux à voiles. Cette nouvelle Armada sera le copier-coller des précédentes. Je serai absent de la ville pour son début et pour sa fin. Rien d’imprévu ne pourra s’y dérouler. Sauf si le pont Flaubert refuse de se lever pour laisser entrer les bateaux, ou mieux encore pour les laisser repartir.
Je prends à droite sur le quai de la rive gauche et me dirige vers le Centre des Finances Publiques, pas surpris de voir sur le trottoir et jusqu’aux rails du métro une longue file de contribuables ayant besoin d’aide. Même devant la boîte à lettres il y a du monde, je ne suis pas le seul récalcitrant.
*
Facile devinette de conversation téléphonique :
-T’as passé de bonnes vacances ?
-…
-C’est l’essentiel.
(… = Je me suis bien reposé)
Il s’agit de ma déclaration de revenus que je n’ai eu qu’à dater et signer. Elle est réputée être faite obligatoirement via Internet mais il est aussi indiqué sur l’imprimé que si on l’estime impossible, elle peut être faite sur papier. Tant que c’est obligatoire sans l’être, je défends l’emploi des fonctionnaires.
La Seine a son aspect habituel, un garage de bateaux de croisière dont les occupants ne vont pas tarder à envahir ma ruelle, cornaqués par les guides touristiques dont ils sont le gagne-pain. Bientôt, elle prendra l’aspect qu’elle a tous les quatre, cinq ou six ans, un garage de bateaux à voiles. Cette nouvelle Armada sera le copier-coller des précédentes. Je serai absent de la ville pour son début et pour sa fin. Rien d’imprévu ne pourra s’y dérouler. Sauf si le pont Flaubert refuse de se lever pour laisser entrer les bateaux, ou mieux encore pour les laisser repartir.
Je prends à droite sur le quai de la rive gauche et me dirige vers le Centre des Finances Publiques, pas surpris de voir sur le trottoir et jusqu’aux rails du métro une longue file de contribuables ayant besoin d’aide. Même devant la boîte à lettres il y a du monde, je ne suis pas le seul récalcitrant.
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Facile devinette de conversation téléphonique :
-T’as passé de bonnes vacances ?
-…
-C’est l’essentiel.
(… = Je me suis bien reposé)
13 mai 2019
Ce samedi, la manifestation rouennaise en faveur de la société de consommation remporte le succès habituel malgré la pluie intermittente. Les rues commerçantes sont totalement encombrées par la marchandise et ses adeptes. Pour éviter cette obscénité, j’ai recours au réseau des petites rues moches.
Rue de la Jeanne, devant le Palais de Justice, des Gendarmes Mobiles sont à l’affût. Rue de la Rép, des Céhéresses sont postés devant Saint-Maclou et à l’entrée de la rue Saint-Nicolas. Les Gilets Jaunes locaux espèrent un « Retour de Flamme » pour leur vingt-sixième. L’objectif : investir la zone interdite, qui est aussi celle de la Braderie de Printemps.
Ces Jaunes arrivent au bout de la rue Armand-Carrel au moment où je m’apprête à entrer au Faute de Mieux pour y boire en café. Ils sont quelques centaines, dont au moins la moitié ne porte pas l’uniforme. A l’absence de drapeau tricolore et de Marseillaise, on sait qu’il n’y a plus là que la partie gauche et minoritaire du mouvement. Où sont passés les gars de la Marine et les bataillons identitaires ?
« Ne nous regardez pas, rejoignez-nous », scandent les Gilets en contournant la place Saint-Marc. Je ne les regarde pas. Je les vois, bien obligé.
*
Quelques incidents sur le boulevard des Belges, apprends-je dimanche matin. Cette vingt-sixième aura eu pour véritable nom : Pétard Mouillé.
*
L’irréversible n’est pas un rendez-vous à Capri, c’est un rendez-vous à la gare Saint-Lazare. (Vladimir Jankélévitch)
Rue de la Jeanne, devant le Palais de Justice, des Gendarmes Mobiles sont à l’affût. Rue de la Rép, des Céhéresses sont postés devant Saint-Maclou et à l’entrée de la rue Saint-Nicolas. Les Gilets Jaunes locaux espèrent un « Retour de Flamme » pour leur vingt-sixième. L’objectif : investir la zone interdite, qui est aussi celle de la Braderie de Printemps.
Ces Jaunes arrivent au bout de la rue Armand-Carrel au moment où je m’apprête à entrer au Faute de Mieux pour y boire en café. Ils sont quelques centaines, dont au moins la moitié ne porte pas l’uniforme. A l’absence de drapeau tricolore et de Marseillaise, on sait qu’il n’y a plus là que la partie gauche et minoritaire du mouvement. Où sont passés les gars de la Marine et les bataillons identitaires ?
« Ne nous regardez pas, rejoignez-nous », scandent les Gilets en contournant la place Saint-Marc. Je ne les regarde pas. Je les vois, bien obligé.
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Quelques incidents sur le boulevard des Belges, apprends-je dimanche matin. Cette vingt-sixième aura eu pour véritable nom : Pétard Mouillé.
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L’irréversible n’est pas un rendez-vous à Capri, c’est un rendez-vous à la gare Saint-Lazare. (Vladimir Jankélévitch)
11 mai 2019
Ayant rendez-vous à treize heures au restaurant libano-brésilien L’Area, rue des Tournelles, avec celle qui travaille à Paris, je ne suis pas pressé ce jeudi, aussi quand la cheffe de bord du train de sept heures cinquante-neuf annonce qu’en raison d’une panne électrique nous allons être déviés par Conflans-Sainte-Honorine, ce qui allongera le voyage de dix à vingt minutes, contrairement à l’ensemble des voyageuses et voyageurs, je prends cela comme une bonne nouvelle. Cela me permet de lire plus longtemps les Lettres d’Afrique à Madame de Sabran du Chevalier de Boufflers (Babel/Actes Sud). Ce pauvre chevalier est lui aussi victime d’un retard, et furieux. Le bateau qui doit l’emmener de La Rochelle au Sénégal, dont il est nommé Gouverneur, ne peut quitter le port faute de vent favorable.
Le contretemps permet aux contrôleurs de passer dans l’ensemble du train. Pour une fois je suis assis à la place de ma réservation mais je ne l’ai pas fait exprès, appelons ça une coïncidence.
Là où ça coïncide moins, c’est à L’Area. Quand j’y entre, à une heure moins le quart, la sympathique femme qui m’accueille m’apprend que ce midi on n’y fait pas à manger en raison d’un problème à la cave. Elle m’invite à m’asseoir sur un tabouret du bar pour attendre celle à qui j’avais dit de téléphoner pour réserver une table et qui ne l’a pas fait. Je lui demande quels autres restaurants elle peut nous conseiller. Il y en a trois très bien dans la rue, me dit-elle, un italien, un marocain et un français. L’un des deux maîtres du lieu arrive et me serre la main comme si on se connaissait depuis toujours. Je me plais bien ici, dommage qu’on y fasse relâche.
Quand arrive celle que j’attendais et à qui je souhaite une nouvelle fois un bon anniversaire bien qu’il date d’il y a deux jours, nous allons voir les trois lieux conseillés. Je suis davantage tenté par Saveurs d’Atika où elle est déjà venue avec celui dont elle est devenue l’associée.
La salle est petite. Elle ne peut contenir plus de vingt convives mais il y a de la place pour nous. Ici c’est mère et fille. La maman est à la cuisine et la fille au service. Tout est fait avec des produits frais et parfumé avec des épices venus de là-bas. La décoration est également du pays et la musique aussi.
Après que je lui ai offert le Quarto consacré à Annie Ernaux, nous passons commande de trois petites entrées à partager, d’un couscous boulettes pour elle et d’un couscous de Fès pour moi (attention, il n’y a pas de légumes, c’est un sucré salé, me met en garde Atika) et ajoutons sagement une demi-bouteille de vin rouge de là-bas.
Cette cuisine est délicieuse. Il nous faut bientôt l’accompagner d’une autre demi-bouteille du même vin. Lequel est favorable à la conversation mais pas forcément au travail d’après-midi en ce qui la concerne. Tandis qu’infuse un thé à la menthe, nous sortons prendre le frais (cigarette oblige).
-C’est peut-être le meilleur couscous que j’aie jamais mangé, dis-je à Atika au moment de l’addition.
-Peut-être ? me reprend-elle.
-C’est que j’en ai mangé beaucoup et depuis longtemps, alors je ne peux pas être affirmatif. Ce qui est sûr, c’est qu’il est excellent.
Elle nous explique que c’est parce que la marmite est petite puis va dire notre satisfaction à la maman.
Nous sortons de là ravis et nous promettons d’aller déjeuner à L’Area pour une autre occasion. Comme elle a oublié au bureau la clé de son appartement qu’elle doit me passer et que son associé est absent, elle m’invite à monter au premier étage, ce qui me permet de découvrir son lieu de travail.
-Je crois que je vais dormir cet après-midi, me dit-elle quand je la quitte.
*
Je me souviens très bien des premiers couscous que j’ai mangés. C’était au début des années soixante-dix avec mes comparses de l’Ecole Normale d’Evreux, dans cette ville au Timgad, et à Rouen dans une gargote qui me faisait un peu peur car la salle se trouvait derrière la cuisine et en cas d’incendie on y aurait grillé comme des merguez. Un soir, nous y avions côtoyé une prostituée et son souteneur en pleine discussion commerciale.
Lui ne cessait de lui dire :
-Tu vas voir tout à l’heure, j’vas te l’filer moi ton dessert.
Cette formule nous était devenue plaisanterie privée durant un certain temps.
Le contretemps permet aux contrôleurs de passer dans l’ensemble du train. Pour une fois je suis assis à la place de ma réservation mais je ne l’ai pas fait exprès, appelons ça une coïncidence.
Là où ça coïncide moins, c’est à L’Area. Quand j’y entre, à une heure moins le quart, la sympathique femme qui m’accueille m’apprend que ce midi on n’y fait pas à manger en raison d’un problème à la cave. Elle m’invite à m’asseoir sur un tabouret du bar pour attendre celle à qui j’avais dit de téléphoner pour réserver une table et qui ne l’a pas fait. Je lui demande quels autres restaurants elle peut nous conseiller. Il y en a trois très bien dans la rue, me dit-elle, un italien, un marocain et un français. L’un des deux maîtres du lieu arrive et me serre la main comme si on se connaissait depuis toujours. Je me plais bien ici, dommage qu’on y fasse relâche.
Quand arrive celle que j’attendais et à qui je souhaite une nouvelle fois un bon anniversaire bien qu’il date d’il y a deux jours, nous allons voir les trois lieux conseillés. Je suis davantage tenté par Saveurs d’Atika où elle est déjà venue avec celui dont elle est devenue l’associée.
La salle est petite. Elle ne peut contenir plus de vingt convives mais il y a de la place pour nous. Ici c’est mère et fille. La maman est à la cuisine et la fille au service. Tout est fait avec des produits frais et parfumé avec des épices venus de là-bas. La décoration est également du pays et la musique aussi.
Après que je lui ai offert le Quarto consacré à Annie Ernaux, nous passons commande de trois petites entrées à partager, d’un couscous boulettes pour elle et d’un couscous de Fès pour moi (attention, il n’y a pas de légumes, c’est un sucré salé, me met en garde Atika) et ajoutons sagement une demi-bouteille de vin rouge de là-bas.
Cette cuisine est délicieuse. Il nous faut bientôt l’accompagner d’une autre demi-bouteille du même vin. Lequel est favorable à la conversation mais pas forcément au travail d’après-midi en ce qui la concerne. Tandis qu’infuse un thé à la menthe, nous sortons prendre le frais (cigarette oblige).
-C’est peut-être le meilleur couscous que j’aie jamais mangé, dis-je à Atika au moment de l’addition.
-Peut-être ? me reprend-elle.
-C’est que j’en ai mangé beaucoup et depuis longtemps, alors je ne peux pas être affirmatif. Ce qui est sûr, c’est qu’il est excellent.
Elle nous explique que c’est parce que la marmite est petite puis va dire notre satisfaction à la maman.
Nous sortons de là ravis et nous promettons d’aller déjeuner à L’Area pour une autre occasion. Comme elle a oublié au bureau la clé de son appartement qu’elle doit me passer et que son associé est absent, elle m’invite à monter au premier étage, ce qui me permet de découvrir son lieu de travail.
-Je crois que je vais dormir cet après-midi, me dit-elle quand je la quitte.
*
Je me souviens très bien des premiers couscous que j’ai mangés. C’était au début des années soixante-dix avec mes comparses de l’Ecole Normale d’Evreux, dans cette ville au Timgad, et à Rouen dans une gargote qui me faisait un peu peur car la salle se trouvait derrière la cuisine et en cas d’incendie on y aurait grillé comme des merguez. Un soir, nous y avions côtoyé une prostituée et son souteneur en pleine discussion commerciale.
Lui ne cessait de lui dire :
-Tu vas voir tout à l’heure, j’vas te l’filer moi ton dessert.
Cette formule nous était devenue plaisanterie privée durant un certain temps.
10 mai 2019
Cette année, le printemps a eu lieu en février et n’a duré qu’une semaine. Comme il était prévu, la pluie est au rendez-vous ce mercredi matin. Néanmoins, à sa première interruption, je marche jusqu'au quartier Saint-Eloi où l’on vide les greniers et constate que seul un vendeur sur cinq s’est installé. Avant que la pluie ne se mette à retomber, je sauve quelques livres de poche proposés à cinquante centimes pièce.
C’est l’occasion de voir à quoi ressemble la nouvelle place autour du Temple. La création d’un terrain de pétanque la distinguera des autres places de la ville, toutes en fin de travaux, et se ressemblant trop : imperméabilisation des sols par bétonnage intensif avec un peu de verdure pour l’esthétique.
*
La bien connue Armada de Rouen approche. Il est possible de devenir Armadienne et Armadien avec « accès privilégié aux bateaux, tenues officielles offertes et représentation du Département » mais attention, c’est seulement si « tu es jeune, Normand et fier de ton territoire ».
Sur la permanence du Député, Communiste, de Dieppe : « Sébastien Jumel, votre député, la force du peuple, la voix du territoire ».
S’il est une notion que je déteste, c’est bien celle de territoire (celle de peuple aussi).
*
Déménagement d’une voisine l’autre semaine par une entreprise dont les camions sont immatriculés dans le Quatre-Vingt-Quinze. Arrivés tôt le matin, les déménageurs sont encore là vers dix-sept heures trente et soudain le ton monte entre deux d’entre eux :
-Quoi, t’as pas mangé et t’as pas fait de pause depuis ce matin ! Eh bien, dis-le si t’es pas content !
*
En énormes lettres bleues et en cursive, sur le mur en pierre de l’orthophoniste face à la terrasse du Son du Cor où je poursuis la lecture du Journal de Guerre de Maurice Garçon ce mardi midi : « La vie est belle ».
*
Une fille, un autre jour au même endroit, à propos d’une autre qui n’est pas là : « Elle est trop sociétale, elle s’intéresse à la pollution, des trucs comme ça, pas intéressants. » Elle et ses copines préfèrent jouer à « Pour combien tu… ».
*
A regarder de plus près le « Chut ! Bébé dort » du bout de la ruelle, je distingue l’adhésif rouge masquant la faute d’orthographe du professionnel ayant réalisé l’écriteau. Il avait écrit « Chute ! Bébé dort » Effectivement, selon la hauteur de celle-ci, l’endormissement peut même être définitif.
Pour combien tu jettes un bébé par la fenêtre ?
*
Discussion de buveurs de bière au Sacre.
L’un : « Moi j’étais parti au supermarché. J’étais parti, je crois, voler des chaussettes ».
Un autre : « J’ai mon petit rituel, le dimanche, manger à Couique. Les petites meufs de là-bas, elles m’aiment bien. Je connais tout le monde là-bas. Le directeur et tout. Je pourrais même bosser à Couique. Mais six cents balles par mois, oh oh oh. »
*
« Prouvez que vous n’êtes pas un robot » m’enjoint Yahou de temps à autre. C’est vexant.
C’est l’occasion de voir à quoi ressemble la nouvelle place autour du Temple. La création d’un terrain de pétanque la distinguera des autres places de la ville, toutes en fin de travaux, et se ressemblant trop : imperméabilisation des sols par bétonnage intensif avec un peu de verdure pour l’esthétique.
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La bien connue Armada de Rouen approche. Il est possible de devenir Armadienne et Armadien avec « accès privilégié aux bateaux, tenues officielles offertes et représentation du Département » mais attention, c’est seulement si « tu es jeune, Normand et fier de ton territoire ».
Sur la permanence du Député, Communiste, de Dieppe : « Sébastien Jumel, votre député, la force du peuple, la voix du territoire ».
S’il est une notion que je déteste, c’est bien celle de territoire (celle de peuple aussi).
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Déménagement d’une voisine l’autre semaine par une entreprise dont les camions sont immatriculés dans le Quatre-Vingt-Quinze. Arrivés tôt le matin, les déménageurs sont encore là vers dix-sept heures trente et soudain le ton monte entre deux d’entre eux :
-Quoi, t’as pas mangé et t’as pas fait de pause depuis ce matin ! Eh bien, dis-le si t’es pas content !
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En énormes lettres bleues et en cursive, sur le mur en pierre de l’orthophoniste face à la terrasse du Son du Cor où je poursuis la lecture du Journal de Guerre de Maurice Garçon ce mardi midi : « La vie est belle ».
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Une fille, un autre jour au même endroit, à propos d’une autre qui n’est pas là : « Elle est trop sociétale, elle s’intéresse à la pollution, des trucs comme ça, pas intéressants. » Elle et ses copines préfèrent jouer à « Pour combien tu… ».
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A regarder de plus près le « Chut ! Bébé dort » du bout de la ruelle, je distingue l’adhésif rouge masquant la faute d’orthographe du professionnel ayant réalisé l’écriteau. Il avait écrit « Chute ! Bébé dort » Effectivement, selon la hauteur de celle-ci, l’endormissement peut même être définitif.
Pour combien tu jettes un bébé par la fenêtre ?
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Discussion de buveurs de bière au Sacre.
L’un : « Moi j’étais parti au supermarché. J’étais parti, je crois, voler des chaussettes ».
Un autre : « J’ai mon petit rituel, le dimanche, manger à Couique. Les petites meufs de là-bas, elles m’aiment bien. Je connais tout le monde là-bas. Le directeur et tout. Je pourrais même bosser à Couique. Mais six cents balles par mois, oh oh oh. »
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« Prouvez que vous n’êtes pas un robot » m’enjoint Yahou de temps à autre. C’est vexant.
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