Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
14 septembre 2020
C’est dimanche et le Fournil du Martray est ouvert. Les croissants et les pains au chocolat y sont excellents, que me vend, comme hier, un jeune homme qui semble muni d’une pile électrique. Je m’installe avec mon achat, comme hier, à la terrasse de L’Epoque.
Mon petit-déjeuner pris, je pars à la découverte de ce qu’on appelle ici « Le Vieux Paimpol », quelques rues typiques et pavées où s’épanouissent des commerces dont un certain nombre de crêperies. Je vais ensuite voir l’église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, bâtie au début du vingtième siècle, puis ce qui reste de l’ancienne, la Vieille-Tour, il s’agit de son clocher.
Près de cette dernière est un monument laid en hommage à Théodore Botrel et sa Paimpolaise. Botrel découvrit Paimpol un an après avoir écrit le texte de cette chanson, ce qui lui permit de constater qu’on n’y trouve pas de falaise. Un autre qui eut une Paimpolaise dans sa vie, c’est Pierre Loti, qui lui venait à Paimpol pour tenter de la séduire. Ce fut un échec mais cela lui permit de trouver le cadre de son roman le plus célèbre Pêcheur d’Islande.
Etre dans une ville de bord de mer me conduit toujours à me lasser rapidement de son centre au bénéfice de son port et de sa plage. Aussi ma visite du Vieux Paimpol n’est guère approfondie. Bientôt me voici assis sur le même rocher qu’hier, plage de la Tossen. La mer s’est retirée (comme on dit). Cela ne me dérange pas pour lire Léautaud sous un soleil que des locaux qualifient de magnifique. Il fait meilleur temps qu’en août, constate-t-on. La rupture de mil neuf cent dix entre Blanche Blanc et Paul Léautaud n’était que provisoire, constaté-je.
C’est encore le port qui m’attire pour le déjeuner. J’opte cette fois pour Le Terre-Neuvas qui a l’avantage de servir à partir de onze heures. J’y suis à la demie à l’une des tables de terrasse, chauffé comme il faut par le soleil. Je commande six huîtres numéro quatre et une brandade de morue avec un demi de chardonnay et suis on ne peut plus tranquille et en sécurité pendant mon repas puisque je suis le seul installé. Ce n’est que vers midi et demie qu’arrivent une famille nombreuse pour qui il faut bouger des tables et un quatuor d’anciennes pour qui il faut ouvrir un parasol. Comment font ces jeunes serveuses pour rester calmes et souriantes face à des demandes faites sur le ton de l’exigence, j’en serais incapable.
Mes trente-trois euros cinquante payés, je retourne lire au même endroit et assiste au retour progressif de la mer. Dès que le chenal de sortie du port est en eau, c’est la ruée des bateaux de plaisance vers le large, d’abord les petits à moteur puis les voiliers de plus en plus gros. Peu de monde arrive jusqu’à cette plage et nul(le) ne s’y installe. Je n’en suis pas mécontent.
Vers seize heures, je rejoins le port et là il y a foule. Je me mets à la recherche d’une table pour prendre un café. L’Epoque m’en propose une. Bientôt une quinzaine de motards s’installent à côté de moi, des costauds avec une carte de Bretagne marquée Breizh derrière leur blouson. Ils sont peu bruyants et à plus d’un mètre de moi, je ne leur demande pas plus.
*
Une jeune femme à son compagnon en descendant vers la plage :
-Tu peux pas y aller.
-Pourquoi ?
-Interdit aux chiens.
Mon petit-déjeuner pris, je pars à la découverte de ce qu’on appelle ici « Le Vieux Paimpol », quelques rues typiques et pavées où s’épanouissent des commerces dont un certain nombre de crêperies. Je vais ensuite voir l’église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, bâtie au début du vingtième siècle, puis ce qui reste de l’ancienne, la Vieille-Tour, il s’agit de son clocher.
Près de cette dernière est un monument laid en hommage à Théodore Botrel et sa Paimpolaise. Botrel découvrit Paimpol un an après avoir écrit le texte de cette chanson, ce qui lui permit de constater qu’on n’y trouve pas de falaise. Un autre qui eut une Paimpolaise dans sa vie, c’est Pierre Loti, qui lui venait à Paimpol pour tenter de la séduire. Ce fut un échec mais cela lui permit de trouver le cadre de son roman le plus célèbre Pêcheur d’Islande.
Etre dans une ville de bord de mer me conduit toujours à me lasser rapidement de son centre au bénéfice de son port et de sa plage. Aussi ma visite du Vieux Paimpol n’est guère approfondie. Bientôt me voici assis sur le même rocher qu’hier, plage de la Tossen. La mer s’est retirée (comme on dit). Cela ne me dérange pas pour lire Léautaud sous un soleil que des locaux qualifient de magnifique. Il fait meilleur temps qu’en août, constate-t-on. La rupture de mil neuf cent dix entre Blanche Blanc et Paul Léautaud n’était que provisoire, constaté-je.
C’est encore le port qui m’attire pour le déjeuner. J’opte cette fois pour Le Terre-Neuvas qui a l’avantage de servir à partir de onze heures. J’y suis à la demie à l’une des tables de terrasse, chauffé comme il faut par le soleil. Je commande six huîtres numéro quatre et une brandade de morue avec un demi de chardonnay et suis on ne peut plus tranquille et en sécurité pendant mon repas puisque je suis le seul installé. Ce n’est que vers midi et demie qu’arrivent une famille nombreuse pour qui il faut bouger des tables et un quatuor d’anciennes pour qui il faut ouvrir un parasol. Comment font ces jeunes serveuses pour rester calmes et souriantes face à des demandes faites sur le ton de l’exigence, j’en serais incapable.
Mes trente-trois euros cinquante payés, je retourne lire au même endroit et assiste au retour progressif de la mer. Dès que le chenal de sortie du port est en eau, c’est la ruée des bateaux de plaisance vers le large, d’abord les petits à moteur puis les voiliers de plus en plus gros. Peu de monde arrive jusqu’à cette plage et nul(le) ne s’y installe. Je n’en suis pas mécontent.
Vers seize heures, je rejoins le port et là il y a foule. Je me mets à la recherche d’une table pour prendre un café. L’Epoque m’en propose une. Bientôt une quinzaine de motards s’installent à côté de moi, des costauds avec une carte de Bretagne marquée Breizh derrière leur blouson. Ils sont peu bruyants et à plus d’un mètre de moi, je ne leur demande pas plus.
*
Une jeune femme à son compagnon en descendant vers la plage :
-Tu peux pas y aller.
-Pourquoi ?
-Interdit aux chiens.
13 septembre 2020
Pas un bruit dans cette petite rue de Paimpol où ma nuit est bonne dans le lit King Size. Dès que le jour est levé, je descends sur le port, demande à la première venue où trouver une boulangerie, achète des croissants juste sortis du four à celle de la place du Martray et les mange avec un café allongé (un euro soixante) en terrasse à L’Epoque, café un peu chic à clientèle d’habitués et vue sur le port.
Cela fait, je m’en vais découvrir l’autre partie paimpolaise du Géherre Trente-Quatre avec cette fois la mer à ma gauche. C’est marée basse.
Le début du sentier me fait revoir, de l’autre côté de la baie, la tour de Kerroc’h. D’ici est également visible l’église de Ploubazlanec. J’y entends sonner neuf heures. Je longe la plage de Tossen puis cela devient un peu escarpé. C’est alors que je suis rattrapé et dépassé par le couple de marcheurs à bâtons d’hier, avançant comme des mécaniques toujours, lui devant et elle derrière, sans un regard pour les roches dénudées et la mer scintillante. Je poursuis à ma manière buissonnière avec mes chaussures de ville qui ont fini par se faire à mes pieds.
Juste avant la pointe de Guilben est un isthme d’où l’on voit la mer côté baie de Paimpol et côté baie de Poulafret. Deux magnifiques arbres y poussent que je m’apprête à photographier quand je découvre qu’opère déjà un professionnel dont le sujet est un couple et sa descendance, un trois ans et une enfançonne, tous quatre vêtus de leurs plus beaux habits. Cette charmante famille est arrivée là en voiture, tout comme le photographe. Je patiente impatiemment. Cela dure. L’enfançonne ne veut pas regarder l’appareil du monsieur. Le trois ans veut grimper dans les arbres. Enfin, après une dernière et laborieuse photo du bambin et de la bambine assis dans l’herbe, la place est libre.
Au bout de la pointe, c’est un bateau de pêche que je photographie, venu chercher des casiers, dont j’entends l’équipage causer.
Il me reste à revenir par l’autre côté de cette péninsule. Longeant la baie de Poulafret, je me rapproche de Paimpol. Le chemin est large et plat et donne vue sur l’anse de Beauport. Dix heures sonnent à l’abbaye, si c’est bien elle que je vois, j’irai m’en assurer une autre fois. Je quitte le sentier pour traverser les quartiers de Kerdrez et de Kernoa, l’occasion d’approcher la cheminée d’usine en briques rouges visible depuis le port, et rejoins celui-ci où je prends un café en lisant Léautaud au Bistrot Gourmand.
C’est également là que je déjeune une nouvelle fois, choisissant les moules de bouchot car après le quinze septembre, ce ne sera plus la saison. Elles sont petites mais nombreuses. C’est un boulot d’en venir à bout. Je suis aidé par un quart de sauvignon. En dessert, je m’offre une crêpe à la frangipane. Elle est bien garnie. Avec le café, cela fait un peu plus de vingt euros.
Le soleil étant là, je retourne sur la plage de Tossen où assis sur un rocher adapté à mes fesses, je lis Léautaud en regardant passer les voiliers et nager quelques baigneuses qui se plaignent non de la température de l’eau mais de sa faible profondeur. C’est une petite marée. Les grandes, c’est pour la semaine prochaine.
*
En mil neuf cent dix, Blanche Blanc quitte Paul Léautaud. Le vingt mai, il lui écrit ceci :
Et aujourd’hui tu m’écris que ma conduite est inexplicable, et que tu retrouves là mon manque de cœur ! (…)
Tout ça parce que je t’ai demandé à voir tes seins, à embrasser ton chat. Croirait-on pas que je n’ai jamais vu les premiers, ni embrassé le second. Ah ! là là.
Et de conclure :
Il commence à faire chaud. Quelle bonne odeur il doit y avoir sous tes bras, entre tes seins, entre tes cuisses, surtout ! Viens donc ?
Cela fait, je m’en vais découvrir l’autre partie paimpolaise du Géherre Trente-Quatre avec cette fois la mer à ma gauche. C’est marée basse.
Le début du sentier me fait revoir, de l’autre côté de la baie, la tour de Kerroc’h. D’ici est également visible l’église de Ploubazlanec. J’y entends sonner neuf heures. Je longe la plage de Tossen puis cela devient un peu escarpé. C’est alors que je suis rattrapé et dépassé par le couple de marcheurs à bâtons d’hier, avançant comme des mécaniques toujours, lui devant et elle derrière, sans un regard pour les roches dénudées et la mer scintillante. Je poursuis à ma manière buissonnière avec mes chaussures de ville qui ont fini par se faire à mes pieds.
Juste avant la pointe de Guilben est un isthme d’où l’on voit la mer côté baie de Paimpol et côté baie de Poulafret. Deux magnifiques arbres y poussent que je m’apprête à photographier quand je découvre qu’opère déjà un professionnel dont le sujet est un couple et sa descendance, un trois ans et une enfançonne, tous quatre vêtus de leurs plus beaux habits. Cette charmante famille est arrivée là en voiture, tout comme le photographe. Je patiente impatiemment. Cela dure. L’enfançonne ne veut pas regarder l’appareil du monsieur. Le trois ans veut grimper dans les arbres. Enfin, après une dernière et laborieuse photo du bambin et de la bambine assis dans l’herbe, la place est libre.
Au bout de la pointe, c’est un bateau de pêche que je photographie, venu chercher des casiers, dont j’entends l’équipage causer.
Il me reste à revenir par l’autre côté de cette péninsule. Longeant la baie de Poulafret, je me rapproche de Paimpol. Le chemin est large et plat et donne vue sur l’anse de Beauport. Dix heures sonnent à l’abbaye, si c’est bien elle que je vois, j’irai m’en assurer une autre fois. Je quitte le sentier pour traverser les quartiers de Kerdrez et de Kernoa, l’occasion d’approcher la cheminée d’usine en briques rouges visible depuis le port, et rejoins celui-ci où je prends un café en lisant Léautaud au Bistrot Gourmand.
C’est également là que je déjeune une nouvelle fois, choisissant les moules de bouchot car après le quinze septembre, ce ne sera plus la saison. Elles sont petites mais nombreuses. C’est un boulot d’en venir à bout. Je suis aidé par un quart de sauvignon. En dessert, je m’offre une crêpe à la frangipane. Elle est bien garnie. Avec le café, cela fait un peu plus de vingt euros.
Le soleil étant là, je retourne sur la plage de Tossen où assis sur un rocher adapté à mes fesses, je lis Léautaud en regardant passer les voiliers et nager quelques baigneuses qui se plaignent non de la température de l’eau mais de sa faible profondeur. C’est une petite marée. Les grandes, c’est pour la semaine prochaine.
*
En mil neuf cent dix, Blanche Blanc quitte Paul Léautaud. Le vingt mai, il lui écrit ceci :
Et aujourd’hui tu m’écris que ma conduite est inexplicable, et que tu retrouves là mon manque de cœur ! (…)
Tout ça parce que je t’ai demandé à voir tes seins, à embrasser ton chat. Croirait-on pas que je n’ai jamais vu les premiers, ni embrassé le second. Ah ! là là.
Et de conclure :
Il commence à faire chaud. Quelle bonne odeur il doit y avoir sous tes bras, entre tes seins, entre tes cuisses, surtout ! Viens donc ?
12 septembre 2020
Ce jour d’arrivée à Paimpol, sitôt terminé le café ayant suivi le bon et copieux couscous royal du Bistrot Gourmand, je passe de l’autre côté du port, traverse la zone des Salles Kerpalud où sont groupés les marchands de bateaux puis rejoins le Géherre Trente-Quatre qui longe la baie, un sentier qui prend des aspects variés. La mer toujours à ma droite, il me fait passer de la forêt à la brousse des marais où il ne fait que trente centimètres de large, heureusement je n’y croise personne.
Après avoir longé une plage déserte, j’arrive au hameau de Kerroc’h (commune de Ploubazlanec). Il est constitué d’un bel ensemble de maisons traditionnelles. J’en fais quelques photos puis je me mets à la recherche d’une tour qui doit être sur les hauteurs mais où ?
Je demande à un couple venant d’en face, des sérieux qui ont tout l’attirail pour montrer que l’on marche et pas qu’un peu.
-On ne sait pas, me répond la femme, nous on fait le Géherre Trente-Quatre jusqu’à Paimpol.
C’est bien ma grande, ai-je envie de lui répondre. Je regarde s’éloigner ces deux-là qui avancent comme des mécaniques et tout à coup aperçois le haut de cette tour de Kerroc’h qui dépasse d’un groupe d’arbres. Je m’en rapproche par une petite route et trouve le chemin qui y mène. Elle semble en carton-pâte, un élément de décor du tournage d’un film oublié là. Elle est surmontée des statues de Marie, Joseph et Jésus. J’y entre et découvre par ses ouvertures une fort belle vue sur la baie de Paimpol.
En descendant, je me risque dans ce que je pense être un raccourci pour rejoindre le Géherre. Effectivement, me dit une dame qui promène ses deux gros chiens. Elle m’accompagne un moment, lancée dans un monologue sur les touristes qui cherchent la tour et ne la trouvent pas. Je suis content quand elle prend à gauche. Pour moi, c’est à droite, cap sur le port de Paimpol où j’arrive un peu fatigué.
Un café à un euro cinquante et la lecture de Léautaud en bord de port au Bistrot Gourmand me remettent d’équerre.
*
Parmi les hommes de lettres (comme on dit), il n’y a pas qu’Emile Verhaeren à être mort d’un accident de train, il y a aussi Catulle Mendès, connu hier, oublié aujourd’hui. Voici ce qu’en dit Paul Léautaud à Eugene Montfort le quatorze février mil neuf cent neuf : Etes-vous sensible à la mort des gens, une certaine mort ? Moi, l’image de ce malheureux Mendès roulant sous son train ne me quitte pas. Un joli train de mort qu’il a mené là !
Dans une note infrapaginale, Marie Dormoy donne les détails avec un brin de sadisme : « Revenant un soir du théâtre, Catulle Mendès, qui habitait Saint-Germain-en-Laye, est descendu avant l’arrêt complet du train, sous le tunnel. Le train s’étant remis en marche il a été broyé contre le mur. »
Après avoir longé une plage déserte, j’arrive au hameau de Kerroc’h (commune de Ploubazlanec). Il est constitué d’un bel ensemble de maisons traditionnelles. J’en fais quelques photos puis je me mets à la recherche d’une tour qui doit être sur les hauteurs mais où ?
Je demande à un couple venant d’en face, des sérieux qui ont tout l’attirail pour montrer que l’on marche et pas qu’un peu.
-On ne sait pas, me répond la femme, nous on fait le Géherre Trente-Quatre jusqu’à Paimpol.
C’est bien ma grande, ai-je envie de lui répondre. Je regarde s’éloigner ces deux-là qui avancent comme des mécaniques et tout à coup aperçois le haut de cette tour de Kerroc’h qui dépasse d’un groupe d’arbres. Je m’en rapproche par une petite route et trouve le chemin qui y mène. Elle semble en carton-pâte, un élément de décor du tournage d’un film oublié là. Elle est surmontée des statues de Marie, Joseph et Jésus. J’y entre et découvre par ses ouvertures une fort belle vue sur la baie de Paimpol.
En descendant, je me risque dans ce que je pense être un raccourci pour rejoindre le Géherre. Effectivement, me dit une dame qui promène ses deux gros chiens. Elle m’accompagne un moment, lancée dans un monologue sur les touristes qui cherchent la tour et ne la trouvent pas. Je suis content quand elle prend à gauche. Pour moi, c’est à droite, cap sur le port de Paimpol où j’arrive un peu fatigué.
Un café à un euro cinquante et la lecture de Léautaud en bord de port au Bistrot Gourmand me remettent d’équerre.
*
Parmi les hommes de lettres (comme on dit), il n’y a pas qu’Emile Verhaeren à être mort d’un accident de train, il y a aussi Catulle Mendès, connu hier, oublié aujourd’hui. Voici ce qu’en dit Paul Léautaud à Eugene Montfort le quatorze février mil neuf cent neuf : Etes-vous sensible à la mort des gens, une certaine mort ? Moi, l’image de ce malheureux Mendès roulant sous son train ne me quitte pas. Un joli train de mort qu’il a mené là !
Dans une note infrapaginale, Marie Dormoy donne les détails avec un brin de sadisme : « Revenant un soir du théâtre, Catulle Mendès, qui habitait Saint-Germain-en-Laye, est descendu avant l’arrêt complet du train, sous le tunnel. Le train s’étant remis en marche il a été broyé contre le mur. »
12 septembre 2020
Ce vendredi onze septembre, après une dernière bonne nuit guingampaise au Petit Montparnasse, j’ai le temps d’organiser mon départ car point de train pour Paimpol avant dix heures cinquante-trois. Un peu avant dix heures, je remets la clé dans sa boîte à code. Durant mon séjour, je n’aurai jamais vu mon logeur bien qu’il doive travailler au rez-de-chaussée. Ce ne sera pas le cas à l’arrivée. Mon nouveau logeur m’attendra à midi chez lui, le studio Air Bibi qu’il loue est contigu à sa maison.
En attendant mon train, assis sur un muret ensoleillé du parvis de Ti-Gar Gwengamp, j’ouvre la Correspondance de Paul Léautaud et découvre que j’en suis précisément à un onze septembre, celui de mil neuf cent huit, et que c’était aussi un vendredi. Le hasard fait souvent plus que ce qu’on attend de lui. Ce jour-là, Léautaud est à Rouen, d’où il envoie une carte postale à celle qui exige d’être appelée Madame Léautaud, sa compagne Blanche Blanc.
Le petit train pour Paimpol est à demi occupé quand il quitte Guingamp et il bénéficie d’un contrôleur. Je connais le trajet jusqu’à Pontrieux. Juste après cette Petite Cité de Caractère, je quitte ma place pour aller aux toilettes. Lorsque je reviens, un malotru l’occupe, un sexagénaire à l’allure de rockeur avec chapeau et lunettes noires, le genre de type qui m’horripile avec sa mythologie ambulante.
Ce clone prétend qu’il y a de la place pour moi aussi dans ce carré. Je le qualifie d’abruti et vais m’asseoir dans un carré où se trouve une jeune femme et finalement c’est une bonne chose car je suis maintenant du côté d’où l’on voit de haut l’embouchure du Trieux, magnifique paysage.
A l’arrivée à Paimpol, j’ai dix minutes de marche pour atteindre le port. La petite rue où je dois loger est perpendiculaire à celui-ci, côté bateaux de pêche. Au numéro onze, la porte est entrouverte. Mon hôte sort avant que je sois entré. « J’ai entendu le bruit de la valise », me dit-il. Cet homme sympathique me fait entrer dans mon nouveau chez moi provisoire qui contient tout ce qui faut et un lit King Size.
Mon bagage posé, je ressors pour déjeuner en terrasse sur le port, pas ravi de découvrir que le masque y est obligatoire. « Le couscous royal est de retour », annonce l’ardoise du Bistrot Gourmand. Il est à quatorze euros quatre-vingt-dix. Je décide de lui faire honneur, avec un quart de côtes-du-rhône à quatre euros cinquante. Il arrive rapidement, apporté par une jeune serveuse brune. « Bon appétit et faites attention à votre pull », me dit cette effrontée. Je lui demande si la marée monte ou descends. « Je ne peux pas vous dire, je ne sais pas. » C’est bien la peine de travailler au bord de la mer.
*
Vendredi onze septembre mil neuf cent huit, carte postale de Paul Léautaud à Blanche Blanc : Ma chère Blanche. Bien arrivé. Il faisait très froid. Nous avons été prendre nos chambres, puis visiter quelques vieilles rues, églises, maisons. Dîné au Café de Paris, rue de la Grosse-Horloge, que tu vois ci-contre. Je t’écris cette carte à onze heures du soir, en rentrant du cinématographe. Venir à Rouen pour voir le cinématographe ! Gourmont adore cela. Ma chambre donne sur la place du marché. Je ne mens pas en disant que je regrette pour me coucher ma chambre familière.
Nouvelle carte le lendemain : Ma chère Blanche. Eté voir aujourd’hui un panorama, après le mascaret ce matin. Le coup d’œil vraiment beau. Un peu gêné d’être ici quand tu es là-bas, très sincèrement. Il faudra tâcher de revenir ici ensemble. La ville est vraiment très intéressante. (Le panorama est celui de Bonsecours et il ne reviendra jamais)
*
Léautaud a longuement parlé de son séjour rouennais dans son Journal Littéraire et dans les chroniques théâtrales qu’il tenait sous le nom de Maurice Boissard, J’ai évoqué ce passage des dernières dans mon Journal le vingt-quatre octobre deux mille sept.
En attendant mon train, assis sur un muret ensoleillé du parvis de Ti-Gar Gwengamp, j’ouvre la Correspondance de Paul Léautaud et découvre que j’en suis précisément à un onze septembre, celui de mil neuf cent huit, et que c’était aussi un vendredi. Le hasard fait souvent plus que ce qu’on attend de lui. Ce jour-là, Léautaud est à Rouen, d’où il envoie une carte postale à celle qui exige d’être appelée Madame Léautaud, sa compagne Blanche Blanc.
Le petit train pour Paimpol est à demi occupé quand il quitte Guingamp et il bénéficie d’un contrôleur. Je connais le trajet jusqu’à Pontrieux. Juste après cette Petite Cité de Caractère, je quitte ma place pour aller aux toilettes. Lorsque je reviens, un malotru l’occupe, un sexagénaire à l’allure de rockeur avec chapeau et lunettes noires, le genre de type qui m’horripile avec sa mythologie ambulante.
Ce clone prétend qu’il y a de la place pour moi aussi dans ce carré. Je le qualifie d’abruti et vais m’asseoir dans un carré où se trouve une jeune femme et finalement c’est une bonne chose car je suis maintenant du côté d’où l’on voit de haut l’embouchure du Trieux, magnifique paysage.
A l’arrivée à Paimpol, j’ai dix minutes de marche pour atteindre le port. La petite rue où je dois loger est perpendiculaire à celui-ci, côté bateaux de pêche. Au numéro onze, la porte est entrouverte. Mon hôte sort avant que je sois entré. « J’ai entendu le bruit de la valise », me dit-il. Cet homme sympathique me fait entrer dans mon nouveau chez moi provisoire qui contient tout ce qui faut et un lit King Size.
Mon bagage posé, je ressors pour déjeuner en terrasse sur le port, pas ravi de découvrir que le masque y est obligatoire. « Le couscous royal est de retour », annonce l’ardoise du Bistrot Gourmand. Il est à quatorze euros quatre-vingt-dix. Je décide de lui faire honneur, avec un quart de côtes-du-rhône à quatre euros cinquante. Il arrive rapidement, apporté par une jeune serveuse brune. « Bon appétit et faites attention à votre pull », me dit cette effrontée. Je lui demande si la marée monte ou descends. « Je ne peux pas vous dire, je ne sais pas. » C’est bien la peine de travailler au bord de la mer.
*
Vendredi onze septembre mil neuf cent huit, carte postale de Paul Léautaud à Blanche Blanc : Ma chère Blanche. Bien arrivé. Il faisait très froid. Nous avons été prendre nos chambres, puis visiter quelques vieilles rues, églises, maisons. Dîné au Café de Paris, rue de la Grosse-Horloge, que tu vois ci-contre. Je t’écris cette carte à onze heures du soir, en rentrant du cinématographe. Venir à Rouen pour voir le cinématographe ! Gourmont adore cela. Ma chambre donne sur la place du marché. Je ne mens pas en disant que je regrette pour me coucher ma chambre familière.
Nouvelle carte le lendemain : Ma chère Blanche. Eté voir aujourd’hui un panorama, après le mascaret ce matin. Le coup d’œil vraiment beau. Un peu gêné d’être ici quand tu es là-bas, très sincèrement. Il faudra tâcher de revenir ici ensemble. La ville est vraiment très intéressante. (Le panorama est celui de Bonsecours et il ne reviendra jamais)
*
Léautaud a longuement parlé de son séjour rouennais dans son Journal Littéraire et dans les chroniques théâtrales qu’il tenait sous le nom de Maurice Boissard, J’ai évoqué ce passage des dernières dans mon Journal le vingt-quatre octobre deux mille sept.
11 septembre 2020
Lever du soleil à Guingamp : sept heures quarante-trois, me répond Gougueule lorsque je m’inquiète ce jeudi matin de l’obscurité persistante. Du soleil, il y en a en Bretagne ces jours-ci, au point que des natifs demandent aux cafetiers de baisser le store. Pour ma dernière journée au Petit Montparnasse, d’où j’aime entendre la petite musique de la Senecefe, je choisis de ne pas quitter la ville.
Le ciel est gris en cette matinée. Après un arrêt café croissant au Bar des Sports, je rejoins le Trieux dont il me reste à parcourir la rive de la partie plus urbanisée. Le chemin passe à proximité du stade de Roudourou que connaissent ceux qui aiment le foute (la boutique En Avant Guingamp est en face du Bar des Sports mais je n’ai pas acheté de maillot). Ce sentier est agréable et il ne mène qu’à sa fin.
Celle-ci atteinte, je reviens par l’autre rive et rejoins la place du Centre où je prends un café Léautaud à la terrasse du Grand Café près de boutiquières qui y attendent dix heures pour ouvrir le magasin, des teintes en blond qui ne se voient pas vieillir. La fontaine la Plomée, aux trois vasques, et les jeux d’eau disparates de la place commencent également leur journée à dix heures. On reconnaît les quelques touristes qui passent, en dehors de leur air égaré, à ce qu’ils sont encore habillés en été avec un pull par-dessus, élégance garantie.
Il me reste à passer à la Mairie afin d’y voir les tableaux de Paul Sérusier. On y entre comme dans un moulin. Ne sachant pas où ils sont, je m’adresse au Service Culturel qui m’apprend que je suis passé devant sans les voir malgré leur grande taille. C’est qu’ils sont accrochés en hauteur dans le couloir sombre de l’entrée. Pas étonnant que Le Routard quand il est passé par là n’en ait vu que deux alors qu’il s’agit d’un triptyque : Moïse et le buisson ardent, L’annonciation à Marie et La nativité. Ces tableaux n’ont pas eu de chance. Sérusier les avait peints pour l’église de Châteauneuf-du-Faou. Le curé n’en a pas voulu. A la mort du peintre, sa veuve en a fait don à la ville de Guingamp qui devait ouvrir un Musée Régional. Celui-ci n’a jamais vu le jour.
Je choisis à nouveau le Grand Café pour déjeuner en extérieur de la formule à treize euros vingt : rillettes de thon maison, jambonnette de dinde sauce Boursin avec frites de patates douces (tout cela fort bon) avec café offert.
Après avoir réglé au comptoir, je garde mon masque jusqu’à l’Office de Tourisme. Une autre employée que la fois précédente, tout aussi serviable, s’emploie à rassembler la documentation qui me sera utile pour la suite. Il s’agit maintenant d’aller voir la mer.
*
Pendant mon périple Auvergne Limousin, l’une m’a demandé : « Mais quand est-ce que vous allez rentrer ? » Là, un me demande « Vous n'allez plus jamais arrêter de voyager ? ».
C’est que je suis en état d’urgence. Alarmé par mon état de santé, conscient que si je chope le Covid cela risque d’être très mauvais voire fatal, traumatisé par le confinement et sa suite (fini Paris le mercredi, fini le vide grenier le dimanche), j’ai perdu mes repères et ne les retrouverai pas..
Je vis cet été comme si c’était le dernier et à l’exemple de Michel de Montaigne qui écrivait dans Les Essais : Toute ma petite prudence, en ces guerres civiles où nous sommes, s’emploie à ce qu’elles n’interrompent ma liberté d’aller et venir. (remplacer guerres civiles par guerre du coronavirus).
*
Parmi les nés à Guingamp, Yann Andréa, de son vrai nom Yann Lemée, le vingt-quatre décembre mil neuf cent cinquante-deux (bizarrement, je le voyais bien plus jeune que moi). Il vivait à Caen lorsqu’il décida un soir de s’inviter aux Roches Noires à Trouville chez Marguerite Duras. Je le croyais toujours vivant mais j’apprends qu’on l’a retrouvé mort le dix juillet deux mille quatorze dans son appartement du sixième arrondissement de Paris.
Je me souviens l’avoir entendu raconter sur France Culture comment lors d’une de ses disputes avinées avec l’écrivaine, celle-ci l’avait mis dehors. Alors qu’il la suppliait sous son balcon, elle avait ouvert la fenêtre et lui avait lancé le quarante-cinq tours de sa chanson préférée Capri c’est fini sur la pochette duquel elle avait écrit « Cette fois c’est vraiment fini ».
Après quelques jours à l’hôtel, Yann Andréa est allé frapper chez elle. Quand elle a ouvert, la première chose que Marguerite Duras lui a dite, c’est « Vous avez le disque d’Hervé Vilard ? ».
Le ciel est gris en cette matinée. Après un arrêt café croissant au Bar des Sports, je rejoins le Trieux dont il me reste à parcourir la rive de la partie plus urbanisée. Le chemin passe à proximité du stade de Roudourou que connaissent ceux qui aiment le foute (la boutique En Avant Guingamp est en face du Bar des Sports mais je n’ai pas acheté de maillot). Ce sentier est agréable et il ne mène qu’à sa fin.
Celle-ci atteinte, je reviens par l’autre rive et rejoins la place du Centre où je prends un café Léautaud à la terrasse du Grand Café près de boutiquières qui y attendent dix heures pour ouvrir le magasin, des teintes en blond qui ne se voient pas vieillir. La fontaine la Plomée, aux trois vasques, et les jeux d’eau disparates de la place commencent également leur journée à dix heures. On reconnaît les quelques touristes qui passent, en dehors de leur air égaré, à ce qu’ils sont encore habillés en été avec un pull par-dessus, élégance garantie.
Il me reste à passer à la Mairie afin d’y voir les tableaux de Paul Sérusier. On y entre comme dans un moulin. Ne sachant pas où ils sont, je m’adresse au Service Culturel qui m’apprend que je suis passé devant sans les voir malgré leur grande taille. C’est qu’ils sont accrochés en hauteur dans le couloir sombre de l’entrée. Pas étonnant que Le Routard quand il est passé par là n’en ait vu que deux alors qu’il s’agit d’un triptyque : Moïse et le buisson ardent, L’annonciation à Marie et La nativité. Ces tableaux n’ont pas eu de chance. Sérusier les avait peints pour l’église de Châteauneuf-du-Faou. Le curé n’en a pas voulu. A la mort du peintre, sa veuve en a fait don à la ville de Guingamp qui devait ouvrir un Musée Régional. Celui-ci n’a jamais vu le jour.
Je choisis à nouveau le Grand Café pour déjeuner en extérieur de la formule à treize euros vingt : rillettes de thon maison, jambonnette de dinde sauce Boursin avec frites de patates douces (tout cela fort bon) avec café offert.
Après avoir réglé au comptoir, je garde mon masque jusqu’à l’Office de Tourisme. Une autre employée que la fois précédente, tout aussi serviable, s’emploie à rassembler la documentation qui me sera utile pour la suite. Il s’agit maintenant d’aller voir la mer.
*
Pendant mon périple Auvergne Limousin, l’une m’a demandé : « Mais quand est-ce que vous allez rentrer ? » Là, un me demande « Vous n'allez plus jamais arrêter de voyager ? ».
C’est que je suis en état d’urgence. Alarmé par mon état de santé, conscient que si je chope le Covid cela risque d’être très mauvais voire fatal, traumatisé par le confinement et sa suite (fini Paris le mercredi, fini le vide grenier le dimanche), j’ai perdu mes repères et ne les retrouverai pas..
Je vis cet été comme si c’était le dernier et à l’exemple de Michel de Montaigne qui écrivait dans Les Essais : Toute ma petite prudence, en ces guerres civiles où nous sommes, s’emploie à ce qu’elles n’interrompent ma liberté d’aller et venir. (remplacer guerres civiles par guerre du coronavirus).
*
Parmi les nés à Guingamp, Yann Andréa, de son vrai nom Yann Lemée, le vingt-quatre décembre mil neuf cent cinquante-deux (bizarrement, je le voyais bien plus jeune que moi). Il vivait à Caen lorsqu’il décida un soir de s’inviter aux Roches Noires à Trouville chez Marguerite Duras. Je le croyais toujours vivant mais j’apprends qu’on l’a retrouvé mort le dix juillet deux mille quatorze dans son appartement du sixième arrondissement de Paris.
Je me souviens l’avoir entendu raconter sur France Culture comment lors d’une de ses disputes avinées avec l’écrivaine, celle-ci l’avait mis dehors. Alors qu’il la suppliait sous son balcon, elle avait ouvert la fenêtre et lui avait lancé le quarante-cinq tours de sa chanson préférée Capri c’est fini sur la pochette duquel elle avait écrit « Cette fois c’est vraiment fini ».
Après quelques jours à l’hôtel, Yann Andréa est allé frapper chez elle. Quand elle a ouvert, la première chose que Marguerite Duras lui a dite, c’est « Vous avez le disque d’Hervé Vilard ? ».
10 septembre 2020
Ce mercredi, je n’ai pas besoin de signaler au conducteur du Guingamp Carhaix mon intention de descendre à Callac. C’est un arrêt obligatoire, pour la raison que c’est là que se croisent les trains de la voie unique, grâce à une dérivation. Quelle paix ce matin dans ce mini-train, rien à voir avec le transport scolaire de lundi.
A l’arrivée dans la petite ville palindrome, une dame m’indique la direction du centre. La route monte un certain temps jusqu’au carrefour qui donne sur une place où est établie une partie du marché hebdomadaire. Je suis étonné et ravi de voir qu’est encore en activité Le Père Benoît, café quincaillerie signalé par mon vieux Guide du Routard de deux mille six, il fait même graineterie.
Le marché est étendu car on y respecte les distances entre commerçants. Il est protégé par des barrières où sont apposées des affichettes indiquant que le masque est conseillé. Conseillé, pas obligatoire, raison pour laquelle peut-être tout le monde le porte, y compris moi-même. Je le retire pour prendre un café croissant au Café de la Place (parfaitement nommé). De la terrasse, j’ai vue sur les transactions commerciales.
Après avoir fait le tour de l’église, je vais voir la formidable statue, due à Georges Lucien Guyot, du cheval Naous. « Superbe étalon entré dans la légende », Naous a fait sa carrière de reproducteur dans les haras de Callac. Cet étalon aux deux cent quarante-cinq petits-fils étalons (les petites-filles, ça ne compte pas) a été réformé en mil neuf cent cinquante-trois à cause d’une tumeur incurable de la verge (il n’y a pas que les hommes à avoir une maladie professionnelle).
Alors que je note tout ça sur le banc d’à côté, une petite fille passe sous le ventre de l’animal de métal et lui touche sa virilité sans savoir ce qu’elle fait, ni que sa mère juge utile de l’instruire, puis soudain un véritable étalon déboule, attelé à une carriole conduite par un jeune homme au fouet léger, derrière lui son grand-père peut-être.
Callac est sur une butte. Son château féodal a totalement disparu, détruit par Richelieu. En revanche, il reste en dehors du bourg une ruine de son ancienne église. Il me faut, pour aller la voir, descendre puis remonter sur près d’un kilomètre jusqu’à lieu-dit Botmel. Elle vaut le déplacement. Des dentelles y sont accrochées, comme à d’autres monuments de la ville, en conséquence d’une exposition, que Monsieur le Maire a voulu prolonger en septembre, m’a dit la jeune femme de l’Office de Tourisme, ouvert dès neuf heures le mercredi, jour de marché. Il est situé à côté de la Maison de l’Epagneul Breton. Callac en est la capitale.
Vers onze heures, je retourne au Café de la Place et y occupe une table jusqu’à midi afin d’y déjeuner. Le menu à quinze euros cinquante est alléchant. Je choisis les six huîtres (avec supplément de trois euros), le lapin à la moutarde accompagné de frites maison et la salade de fruits frais, avec un quart de chardonnay. La patronne à la visière de plexiglas et le patron au masque de drapeau breton ne chôment pas, aidé d’un jeune homme. Le Tout Callac se retrouve ici, dont des Anglais parlant en français (il y a près de l’église une épicerie anglaise, le Comptoir Kerbian Farm). La plupart de ces locaux, d’origine ou d’adoption, sont au chardonnay, dont le trio de la table voisine, composé d’un jeune homme et de deux jeunes filles, jouant aux cartes. Celle qui me fait face est une blonde filiforme en minirobe noire de laquelle mes yeux ont du mal à se détacher. Je n’en constate pas moins que le marchand de vêtements du marché n’en vend aucun et qu’il y a ici beaucoup de chiens dont certains vaguent librement (sont-ce des épagneuls bretons, je ne pense pas).
Les huîtres sont fraiches et de très bonne taille, les frites excellentes, le petit vin blanc à mon goût. Après le café, je règle presque vingt euros sans contact. Ce n’est qu’arrivé à la Gare que je me rends compte que la patronne a oublié d’ajouter le supplément des huîtres.
Mon train n’est qu’à quatorze heures trente et une. Je trouve une jeune fille sous l’abri de la Gare. Je lui demande où elle va. A Guingamp aussi. Par le train de treize heures trente-sept. Je lui demande si on est en période bleue. Oui, on l’est. Je peux donc le prendre. « Je vous remercie », lui dis-je. « Je vous en prie », me répond-elle. Je m’apprêtais à lire Léautaud pendant une heure, ce sera pour une autre fois.
*
« Ah ! On a toujours kekchose à faire quand on a un grand jardin. » (une Madame Michu de Callac)
*
Ouiquipédia sait quelles sont les communes françaises palindromes. Outre Callac, les plus connues sont Laval et Noyon.
A l’arrivée dans la petite ville palindrome, une dame m’indique la direction du centre. La route monte un certain temps jusqu’au carrefour qui donne sur une place où est établie une partie du marché hebdomadaire. Je suis étonné et ravi de voir qu’est encore en activité Le Père Benoît, café quincaillerie signalé par mon vieux Guide du Routard de deux mille six, il fait même graineterie.
Le marché est étendu car on y respecte les distances entre commerçants. Il est protégé par des barrières où sont apposées des affichettes indiquant que le masque est conseillé. Conseillé, pas obligatoire, raison pour laquelle peut-être tout le monde le porte, y compris moi-même. Je le retire pour prendre un café croissant au Café de la Place (parfaitement nommé). De la terrasse, j’ai vue sur les transactions commerciales.
Après avoir fait le tour de l’église, je vais voir la formidable statue, due à Georges Lucien Guyot, du cheval Naous. « Superbe étalon entré dans la légende », Naous a fait sa carrière de reproducteur dans les haras de Callac. Cet étalon aux deux cent quarante-cinq petits-fils étalons (les petites-filles, ça ne compte pas) a été réformé en mil neuf cent cinquante-trois à cause d’une tumeur incurable de la verge (il n’y a pas que les hommes à avoir une maladie professionnelle).
Alors que je note tout ça sur le banc d’à côté, une petite fille passe sous le ventre de l’animal de métal et lui touche sa virilité sans savoir ce qu’elle fait, ni que sa mère juge utile de l’instruire, puis soudain un véritable étalon déboule, attelé à une carriole conduite par un jeune homme au fouet léger, derrière lui son grand-père peut-être.
Callac est sur une butte. Son château féodal a totalement disparu, détruit par Richelieu. En revanche, il reste en dehors du bourg une ruine de son ancienne église. Il me faut, pour aller la voir, descendre puis remonter sur près d’un kilomètre jusqu’à lieu-dit Botmel. Elle vaut le déplacement. Des dentelles y sont accrochées, comme à d’autres monuments de la ville, en conséquence d’une exposition, que Monsieur le Maire a voulu prolonger en septembre, m’a dit la jeune femme de l’Office de Tourisme, ouvert dès neuf heures le mercredi, jour de marché. Il est situé à côté de la Maison de l’Epagneul Breton. Callac en est la capitale.
Vers onze heures, je retourne au Café de la Place et y occupe une table jusqu’à midi afin d’y déjeuner. Le menu à quinze euros cinquante est alléchant. Je choisis les six huîtres (avec supplément de trois euros), le lapin à la moutarde accompagné de frites maison et la salade de fruits frais, avec un quart de chardonnay. La patronne à la visière de plexiglas et le patron au masque de drapeau breton ne chôment pas, aidé d’un jeune homme. Le Tout Callac se retrouve ici, dont des Anglais parlant en français (il y a près de l’église une épicerie anglaise, le Comptoir Kerbian Farm). La plupart de ces locaux, d’origine ou d’adoption, sont au chardonnay, dont le trio de la table voisine, composé d’un jeune homme et de deux jeunes filles, jouant aux cartes. Celle qui me fait face est une blonde filiforme en minirobe noire de laquelle mes yeux ont du mal à se détacher. Je n’en constate pas moins que le marchand de vêtements du marché n’en vend aucun et qu’il y a ici beaucoup de chiens dont certains vaguent librement (sont-ce des épagneuls bretons, je ne pense pas).
Les huîtres sont fraiches et de très bonne taille, les frites excellentes, le petit vin blanc à mon goût. Après le café, je règle presque vingt euros sans contact. Ce n’est qu’arrivé à la Gare que je me rends compte que la patronne a oublié d’ajouter le supplément des huîtres.
Mon train n’est qu’à quatorze heures trente et une. Je trouve une jeune fille sous l’abri de la Gare. Je lui demande où elle va. A Guingamp aussi. Par le train de treize heures trente-sept. Je lui demande si on est en période bleue. Oui, on l’est. Je peux donc le prendre. « Je vous remercie », lui dis-je. « Je vous en prie », me répond-elle. Je m’apprêtais à lire Léautaud pendant une heure, ce sera pour une autre fois.
*
« Ah ! On a toujours kekchose à faire quand on a un grand jardin. » (une Madame Michu de Callac)
*
Ouiquipédia sait quelles sont les communes françaises palindromes. Outre Callac, les plus connues sont Laval et Noyon.
9 septembre 2020
Encore un mini-train à arrêts facultatifs ce mardi matin à six heures quarante-cinq, celui qui relie Guingamp à Paimpol. Dès que monté à bord, je vais dire au conducteur que je souhaite descendre à Pontrieux Halte, à ne pas confondre avec Pontrieux Station. « D’accord, je m’arrêterai », me répond-il. Je lui demande d’annoncer l’arrêt car il fait nuit noire. Nous sommes quatre ou cinq quand il part, frayant son chemin au ralenti à grands coups de sirène destinés à prévenir de son arrivée lors du croisement avec les petites routes dépourvues de passage à niveau.
Le jour commence à se lever quand après vingt kilomètres m’est annoncé Pontrieux Halte. Deux lycéennes montent tandis que je descends près d’un abri décati aux fenêtres condamnées. Des éboueurs en action me confirment que le centre c’est bien en descendant tout droit.
Quand j’aborde la zone pavée une affichette m’apprend que le masque y est obligatoire. Fichtre ! Je ne le mets que pour entrer au Fournil bio du Trieux où je commande un croissant, un pain au chocolat et un grand café. On me le sert dans une cafetière à piston. Je m’installe à l’extérieur dès qu’un des boulangers réussit à retrouver la combinaison du cadenas qui fermait le câble permettant aux tables et aux chaises de ne pas disparaître en pleine nuit.
Cela faisait longtemps que je n’avais bu un aussi bon café. Ma tasse vide, je photographie la maison emblématique du lieu, à pans de bois peints en bleu, surnommée la Tour Eiffel, puis me rends au bord du Trieux, plus large ici qu’à Guingamp. Pontrieux se vante d’être la petite Venise du Trégor (c’est exagéré) et se félicite de ses cinquante lavoirs (mais beaucoup sont privés, visibles seulement par bateau électrique de location).
Dans la direction opposée, le Trieux s’élargit encore et abrite un port au-dessus duquel est la Gare, Pontrieux Station. Quand ce port se transforme en garage à voiliers qui ne naviguent jamais, je fais demi-tour. Au centre pavé, je m’installe en terrasse au Péhemmu face à l’église. Quelques locaux vont et viennent masqués, aucun touriste à part moi. Le Maire (à moins que ce soit le Préfet) doit être pris par la folie des grandeurs pour obliger au port du masque dans cette Petite Cité de Caractère si peu fréquentée. Les administrés ne mouftent pas de se voir administrer cette précaution inutile. Pas un pour lui dire « Eh Ducon, on n’est pas à Venise ».
« Je sais pas ce qui se passe dans le bourg, y a trois fourgons de flics là-bas », annonce une arrivante au Péhemmu. Au moins je ne risque pas de me faire interpeller pour absence de masque quand je remets le pied sur le pavé afin de retourner du côté du port. J’y réserve une table au bord de l’eau au Schooner.
En attendant midi, je trouve un banc près du fleuve pour lire la Correspondance de Léautaud et me fais un ami d’un canard qui, je le crains, est surtout intéressé par ce que je pourrais lui donner à manger. Rien. Je n’ai pas pour les animaux la même sollicitude que Léautaud qui le vingt-trois mars mil neuf cent six écrivait à Charles Régismanset : Je ne donne jamais un centime aux pauvres, le spectacle des gens écrasés m’est indifférent, les gens qui pleurent aux enterrements me semblent très laids, et quand ma chère bien-aimée est malade, je vais me promener. Mais mon chat est le maître chez moi, mes fenêtres sont pleines de pain pour les oiseaux, je pars chaque matin avec des provisions de pain que je distribue à tous les moineaux de ma route, je donne du sucre aux chevaux de fiacre dont la misère finira par m’empêcher de sortir, j’achète de la viande aux chiens perdus que je rencontre… (Le même se démène quelque temps après pour trouver des subsides à une mère de trois enfants quittée par leur père).
Le menu est à douze euros au Schooner, entrée plat fromage dessert café, tout est à volonté mais il faut se servir soi-même au buffet à chaque étape du repas en traversant la route et en se lavant les mains au gel hydro-alcoolique. Le choix est vaste et la nourriture bonne. Par malheur, je suis entouré de motards. Ces pratiquants ne parlent que de ça. L’un vante les lingettes qu’il a trouvées je ne sais où pour lustrer ce qu’il a entre les jambes.
Pour rentrer, bien que mon billet soit au départ de Pontrieux Halte, je vais au plus près, à Pontrieux Station. Pas grave, me dis-je, il n’y a jamais de contrôleur dans ces mini-trains. Je fais signe au conducteur comme il est demandé en français et en anglais et quand la porte s’ouvre, une contrôleuse me dit bonjour. Heureusement, elle s’en fiche de mon billet valable qu’à partir de l’arrêt suivant.
*
« Il vaut mieux attendre un peu et acheter kekchose de pas trop mal » (un motard, fils de Madame Michu).
*
Pendant ce temps-là, la Seine-Maritime a été coloriée en rouge sur la carte du Covid. Pierre-André Durand, Préfet, celui qui aurait dû être limogé pour son incurie lors de la catastrophe Lubrizol, menace d’un nouvel emprisonnement dans le rayon de cent kilomètres. « Il faut vraiment que les gens se ressaisissent : c'est le civisme qui doit régler le Covid d'abord. », déclare cet épidémiologiste.
Quel est donc le nom de l’interprète de la chanson : « Va-t’en tant qu’il est encore temps, qu’est-ce que t’attends » ?
Le jour commence à se lever quand après vingt kilomètres m’est annoncé Pontrieux Halte. Deux lycéennes montent tandis que je descends près d’un abri décati aux fenêtres condamnées. Des éboueurs en action me confirment que le centre c’est bien en descendant tout droit.
Quand j’aborde la zone pavée une affichette m’apprend que le masque y est obligatoire. Fichtre ! Je ne le mets que pour entrer au Fournil bio du Trieux où je commande un croissant, un pain au chocolat et un grand café. On me le sert dans une cafetière à piston. Je m’installe à l’extérieur dès qu’un des boulangers réussit à retrouver la combinaison du cadenas qui fermait le câble permettant aux tables et aux chaises de ne pas disparaître en pleine nuit.
Cela faisait longtemps que je n’avais bu un aussi bon café. Ma tasse vide, je photographie la maison emblématique du lieu, à pans de bois peints en bleu, surnommée la Tour Eiffel, puis me rends au bord du Trieux, plus large ici qu’à Guingamp. Pontrieux se vante d’être la petite Venise du Trégor (c’est exagéré) et se félicite de ses cinquante lavoirs (mais beaucoup sont privés, visibles seulement par bateau électrique de location).
Dans la direction opposée, le Trieux s’élargit encore et abrite un port au-dessus duquel est la Gare, Pontrieux Station. Quand ce port se transforme en garage à voiliers qui ne naviguent jamais, je fais demi-tour. Au centre pavé, je m’installe en terrasse au Péhemmu face à l’église. Quelques locaux vont et viennent masqués, aucun touriste à part moi. Le Maire (à moins que ce soit le Préfet) doit être pris par la folie des grandeurs pour obliger au port du masque dans cette Petite Cité de Caractère si peu fréquentée. Les administrés ne mouftent pas de se voir administrer cette précaution inutile. Pas un pour lui dire « Eh Ducon, on n’est pas à Venise ».
« Je sais pas ce qui se passe dans le bourg, y a trois fourgons de flics là-bas », annonce une arrivante au Péhemmu. Au moins je ne risque pas de me faire interpeller pour absence de masque quand je remets le pied sur le pavé afin de retourner du côté du port. J’y réserve une table au bord de l’eau au Schooner.
En attendant midi, je trouve un banc près du fleuve pour lire la Correspondance de Léautaud et me fais un ami d’un canard qui, je le crains, est surtout intéressé par ce que je pourrais lui donner à manger. Rien. Je n’ai pas pour les animaux la même sollicitude que Léautaud qui le vingt-trois mars mil neuf cent six écrivait à Charles Régismanset : Je ne donne jamais un centime aux pauvres, le spectacle des gens écrasés m’est indifférent, les gens qui pleurent aux enterrements me semblent très laids, et quand ma chère bien-aimée est malade, je vais me promener. Mais mon chat est le maître chez moi, mes fenêtres sont pleines de pain pour les oiseaux, je pars chaque matin avec des provisions de pain que je distribue à tous les moineaux de ma route, je donne du sucre aux chevaux de fiacre dont la misère finira par m’empêcher de sortir, j’achète de la viande aux chiens perdus que je rencontre… (Le même se démène quelque temps après pour trouver des subsides à une mère de trois enfants quittée par leur père).
Le menu est à douze euros au Schooner, entrée plat fromage dessert café, tout est à volonté mais il faut se servir soi-même au buffet à chaque étape du repas en traversant la route et en se lavant les mains au gel hydro-alcoolique. Le choix est vaste et la nourriture bonne. Par malheur, je suis entouré de motards. Ces pratiquants ne parlent que de ça. L’un vante les lingettes qu’il a trouvées je ne sais où pour lustrer ce qu’il a entre les jambes.
Pour rentrer, bien que mon billet soit au départ de Pontrieux Halte, je vais au plus près, à Pontrieux Station. Pas grave, me dis-je, il n’y a jamais de contrôleur dans ces mini-trains. Je fais signe au conducteur comme il est demandé en français et en anglais et quand la porte s’ouvre, une contrôleuse me dit bonjour. Heureusement, elle s’en fiche de mon billet valable qu’à partir de l’arrêt suivant.
*
« Il vaut mieux attendre un peu et acheter kekchose de pas trop mal » (un motard, fils de Madame Michu).
*
Pendant ce temps-là, la Seine-Maritime a été coloriée en rouge sur la carte du Covid. Pierre-André Durand, Préfet, celui qui aurait dû être limogé pour son incurie lors de la catastrophe Lubrizol, menace d’un nouvel emprisonnement dans le rayon de cent kilomètres. « Il faut vraiment que les gens se ressaisissent : c'est le civisme qui doit régler le Covid d'abord. », déclare cet épidémiologiste.
Quel est donc le nom de l’interprète de la chanson : « Va-t’en tant qu’il est encore temps, qu’est-ce que t’attends » ?
8 septembre 2020
Foutue idée que j’ai eue de prendre un billet de train pour Carhaix (Finistère) un lundi matin. C’est une mini-rame et elle se remplit de branlotin(e)s à grosses valises, des internes dans le technique et l’agricole, pas bien malins comme il se doit. Ne pouvait-on pas mettre ça dans un car scolaire ? Leurs conversations sont ponctuées de « Ta gueule ! ». Aucun contrôleur n’est là pour calmer les esprits quand ils s’échauffent, ni pour leur dire de remettre leurs masques correctement, et le trajet dure plus d’une heure. Heureusement, j’ai réussi à me caser seul dans un coin. J’espère que l’air ambiant n’est pas trop coronavicié.
A l’arrivée ces déplaisants tournent à gauche vers leurs lieux d’études (je plains les professeurs) et je tourne à droite vers le centre-ville. J’y suis vite, une longue rue commerçante où tout est fermé car il est tôt et ça n’ouvrira pas car c’est lundi. Je vois la seule demeure remarquable du bourg, la Maison du Sénéchal, où est logé l’Office de Tourisme, et l’une des deux églises, Saint-Pierre, je ne sais où est l’autre, Saint-Tremeur.
Ce qui me plaît, ce sont les sculptures réalistes d’Hinault, Bobet, Robic et Petit Breton en plein effort dans une montée et sur la place voisine celles des Sœurs Goadec que j’ai eu la chance de voir et entendre plusieurs fois au Festival Interceltique de Lorient quand il avait lieu au printemps au début des années soixante-dix. Je prends un café près d’elles à l’une des trois tables d’extérieur d’un petit Péhemmu. A chaque heure pile commence un récital de quinze minutes de Maryvonne, Eugénie et Anastasie et il est neuf heures. C’est un bon enregistrement qui diffuse bien.
Il fait frais à Carhaix. On y aime les jeux de mots laids : une boutique de vêtements masculins s’appelle Carhaiment Hom, une de gourmandises Le Carhaix de Chocolat, un café fermé Le Georges Zinc, et c’est un endroit où on peut encore entendre « C’est clair ».
Cette fois encore où déjeuner est un problème. Il n’y a pour m’accueillir en terrasse que la Brasserie Marocaine sur la place de la Mairie, près de laquelle une équipe d’urbanistes masqués se penchent sur deux maisons à demi ruinées que je leur conseillerais bien de laisser en l’état.
Le patron de la Brasserie Marocaine se montre d’une cordialité un peu trop commerciale. Je lui commande un tagine d’agneau et en supplément un pain marocain (c’est ça ou pas de pain) que j’accompagne d’une carafe d’eau. Les autres tables sont bientôt occupées par des employés locaux. C’est bon. Le soleil qui finit par poindre n’est malheureusement pas de ce côté.
Mes presque vingt euros payés, je vais le chercher au Péhemmu des Sœurs Goadec, ce qui me permet, à treize heures, de les entendre une seconde fois.
Nous sommes deux dans le train de retour, une paix royale, pas troublée par les deux qui montent en chemin. Ce petit train diesel sur voie unique estampillé Pays de la Loire qui traverse bois et prés, parfois fouetté par les branches, me rappelle ceux du Cantal. Il faut faire signe au conducteur pour qu’il s’arrête si l’on veut monter et le prévenir si l’on veut descendre en chemin car les arrêts sont facultatifs. Nous sommes dans les monts d’Arrée ou presque.
*
Sur cette ligne Guingamp Carhaix, un arrêt facultatif nommé Les Maïs, vraiment dans les maïs.
*
A Carhaix, « Hep le Bus » vous transporte gratuitement, personne à l’intérieur.
A l’arrivée ces déplaisants tournent à gauche vers leurs lieux d’études (je plains les professeurs) et je tourne à droite vers le centre-ville. J’y suis vite, une longue rue commerçante où tout est fermé car il est tôt et ça n’ouvrira pas car c’est lundi. Je vois la seule demeure remarquable du bourg, la Maison du Sénéchal, où est logé l’Office de Tourisme, et l’une des deux églises, Saint-Pierre, je ne sais où est l’autre, Saint-Tremeur.
Ce qui me plaît, ce sont les sculptures réalistes d’Hinault, Bobet, Robic et Petit Breton en plein effort dans une montée et sur la place voisine celles des Sœurs Goadec que j’ai eu la chance de voir et entendre plusieurs fois au Festival Interceltique de Lorient quand il avait lieu au printemps au début des années soixante-dix. Je prends un café près d’elles à l’une des trois tables d’extérieur d’un petit Péhemmu. A chaque heure pile commence un récital de quinze minutes de Maryvonne, Eugénie et Anastasie et il est neuf heures. C’est un bon enregistrement qui diffuse bien.
Il fait frais à Carhaix. On y aime les jeux de mots laids : une boutique de vêtements masculins s’appelle Carhaiment Hom, une de gourmandises Le Carhaix de Chocolat, un café fermé Le Georges Zinc, et c’est un endroit où on peut encore entendre « C’est clair ».
Cette fois encore où déjeuner est un problème. Il n’y a pour m’accueillir en terrasse que la Brasserie Marocaine sur la place de la Mairie, près de laquelle une équipe d’urbanistes masqués se penchent sur deux maisons à demi ruinées que je leur conseillerais bien de laisser en l’état.
Le patron de la Brasserie Marocaine se montre d’une cordialité un peu trop commerciale. Je lui commande un tagine d’agneau et en supplément un pain marocain (c’est ça ou pas de pain) que j’accompagne d’une carafe d’eau. Les autres tables sont bientôt occupées par des employés locaux. C’est bon. Le soleil qui finit par poindre n’est malheureusement pas de ce côté.
Mes presque vingt euros payés, je vais le chercher au Péhemmu des Sœurs Goadec, ce qui me permet, à treize heures, de les entendre une seconde fois.
Nous sommes deux dans le train de retour, une paix royale, pas troublée par les deux qui montent en chemin. Ce petit train diesel sur voie unique estampillé Pays de la Loire qui traverse bois et prés, parfois fouetté par les branches, me rappelle ceux du Cantal. Il faut faire signe au conducteur pour qu’il s’arrête si l’on veut monter et le prévenir si l’on veut descendre en chemin car les arrêts sont facultatifs. Nous sommes dans les monts d’Arrée ou presque.
*
Sur cette ligne Guingamp Carhaix, un arrêt facultatif nommé Les Maïs, vraiment dans les maïs.
*
A Carhaix, « Hep le Bus » vous transporte gratuitement, personne à l’intérieur.
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante