Une lecture qui m’a réjoui, celle de Voyages en zigzag de Rodolphe Toepffer, pédagogue, écrivain, précurseur de la bande dessinée et théoricien de l’Art Nouveau.
La dot de sa femme lui ayant permis d'ouvrir à Genève un pensionnat de jeunes garçons en majorité étrangers, c’est avec eux qu’il vadrouille dans les Alpes suisses, françaises et italiennes.
Monsieur Toepffer a du style et un humour pince-sans rire. Trois extraits pour en juger :
Elle met à notre disposition sa maison, fort simple à la vérité, mais cependant proprette et confortable ; puis elle s’en va porter le carnage et la mort dans son poulailler. Deux coqs vieillards ne sonneront plus la fanfare de l’aube.
Chemin faisant, Shall jette nonchalamment des pierres dans des directions quelconques, lorsqu’un faucheur se réveille tout exprès pour lui vociférer une apostrophe tonnante. Shall, occupé de nuages principalement, ne remarque, n’entend ni ne s’étonne, en sorte que toute la bordée porte bientôt sur M. Toepffer. « Si vous saviez votre métier, lui crie le faucheur, vous n’élèveriez pas des mosieux rien que pour leur enseigner à jeter des cailloux dans les regains… Dites voir ! quand j’aurai éreinté ma faux à faucher les cailloux de votre petit mosieu, c’est-il vous qui me la referez bien tant ? » etc., etc. Il y a dans la vie des moments désagréables pour l’instituteur, en voilà un, sans compter les autres.
Entre Martigny-la-Ville et Martigny-le-Bourg, on ne manque jamais de rencontrer des crétinisés à choix. Cette fois, ce sont deux particuliers qui ont réuni en commun leurs facultés aux fins de conduire une vache ; mais, en vérité, l’on dirait que c’est la vache qui les mène paître.
*
Ce qui montre que parfois je trouve des livres à mon goût dans les boîtes à livres. Celui-là me permet aussi de me revoir l’automne dernier à Chambéry :
On ne passe guère à Chambéry sans aller faire un pèlerinage aux Charmettes ; après déjeuner, nous en prenons le chemin. Ce chemin est un sentier solitaire qui court obliquement sur le penchant d’un coteau qu’ombragent d’antiques châtaigniers, et quelques fermes éparses, où l’on entend de loin mugir les vaches et les agneaux bêler, sont les seules habitations qu’on rencontre dans ce canton retiré. Après qu’on a suivi ce sentier pendant une demi-heure, on voit sur la droite une maisonnette délabrée… c’est la demeure de Rousseau.
La dot de sa femme lui ayant permis d'ouvrir à Genève un pensionnat de jeunes garçons en majorité étrangers, c’est avec eux qu’il vadrouille dans les Alpes suisses, françaises et italiennes.
Monsieur Toepffer a du style et un humour pince-sans rire. Trois extraits pour en juger :
Elle met à notre disposition sa maison, fort simple à la vérité, mais cependant proprette et confortable ; puis elle s’en va porter le carnage et la mort dans son poulailler. Deux coqs vieillards ne sonneront plus la fanfare de l’aube.
Chemin faisant, Shall jette nonchalamment des pierres dans des directions quelconques, lorsqu’un faucheur se réveille tout exprès pour lui vociférer une apostrophe tonnante. Shall, occupé de nuages principalement, ne remarque, n’entend ni ne s’étonne, en sorte que toute la bordée porte bientôt sur M. Toepffer. « Si vous saviez votre métier, lui crie le faucheur, vous n’élèveriez pas des mosieux rien que pour leur enseigner à jeter des cailloux dans les regains… Dites voir ! quand j’aurai éreinté ma faux à faucher les cailloux de votre petit mosieu, c’est-il vous qui me la referez bien tant ? » etc., etc. Il y a dans la vie des moments désagréables pour l’instituteur, en voilà un, sans compter les autres.
Entre Martigny-la-Ville et Martigny-le-Bourg, on ne manque jamais de rencontrer des crétinisés à choix. Cette fois, ce sont deux particuliers qui ont réuni en commun leurs facultés aux fins de conduire une vache ; mais, en vérité, l’on dirait que c’est la vache qui les mène paître.
*
Ce qui montre que parfois je trouve des livres à mon goût dans les boîtes à livres. Celui-là me permet aussi de me revoir l’automne dernier à Chambéry :
On ne passe guère à Chambéry sans aller faire un pèlerinage aux Charmettes ; après déjeuner, nous en prenons le chemin. Ce chemin est un sentier solitaire qui court obliquement sur le penchant d’un coteau qu’ombragent d’antiques châtaigniers, et quelques fermes éparses, où l’on entend de loin mugir les vaches et les agneaux bêler, sont les seules habitations qu’on rencontre dans ce canton retiré. Après qu’on a suivi ce sentier pendant une demi-heure, on voit sur la droite une maisonnette délabrée… c’est la demeure de Rousseau.