Ma carte d’identité est bientôt périmée. Je retire un dossier de renouvellement à l’accueil de la Mairie de Rouen puis prends un rendez-vous par téléphone avec le service compétent puis me mets au boulot.
Je dois demander à ma sœur les dates et lieux de naissance de père et mère (il y a plus ou moins un siècle, Rouen pour le premier, Paris pour la seconde) puis me trompe dans l’ordre de mes prénoms (heureusement que j’ai du Blanco).
Ce mardi, un peu avant dix heures, je me pointe à l’Hôtel de Ville. La préposée de l’accueil s’assure que mon dossier est complet puis me remet un ticket d’attente. Je n’ai pas à lorgner longtemps l’écran avant que mon numéro s’affiche.
Au guichet dix, une fonctionnaire territoriale étudie mon dossier, scanne les documents apportés et émet des doutes sur ma photo. Si celle-ci est refusée par la Préfecture, il faudra tout recommencer, me dit-elle. Dans ce cas, on me téléphonera pour me prévenir. Si ça passe, la carte sera prête dans quatre à cinq semaines. Et ce sera à moi d’appeler pour le savoir.
-On ne peut pas m’envoyer un mail ? lui demandé-je.
-Non, la Préfecture n’envoie pas de mail, je connais mon métier, me répond-elle sèchement.
-Je n’en doute pas et je vois que vous êtes également très aimable. Heureusement qu’on ne refait sa carte d’identité que tous les quinze ans.
-Oui heureusement, me répond-elle avant de retrouver une meilleure humeur pour la prise des empreintes.
Rentré, je constate qu’il va y avoir un problème avec ma photo. Plus qu’à attendre que le téléphone me l’annonce.
Je ne sais dans combien de mois j’aurai cette nouvelle carte d’identité qui sera vraisemblablement la dernière.
*
Ce n’est qu’aujourd’hui que je prends conscience que mon parrain et le mari de ma marraine sont tous deux morts d’un accident du travail.
Le premier, un cousin de mon père, d’une crise cardiaque dans son camion de transporteur longue distance quand j’étais enfant.
Le deuxième, l’époux d’une des sœurs de ma mère, d’une chute sur le chantier de l’aéroport d’Orly peu après ma naissance (sa fille, ma cousine, ne l’a jamais connu).
*
En plus de mon parrain officiel, j’en ai eu un autre, Fernand, le mari de la sœur de ma grand-mère, refusé par mon père parce qu’athée mais figurant quand même dans la liste des prénoms de ma carte d’identité, le seul à avoir rempli sa fonction, notamment en m’offrant les jouets que mes parents ne pouvaient pas me payer.
Je dois demander à ma sœur les dates et lieux de naissance de père et mère (il y a plus ou moins un siècle, Rouen pour le premier, Paris pour la seconde) puis me trompe dans l’ordre de mes prénoms (heureusement que j’ai du Blanco).
Ce mardi, un peu avant dix heures, je me pointe à l’Hôtel de Ville. La préposée de l’accueil s’assure que mon dossier est complet puis me remet un ticket d’attente. Je n’ai pas à lorgner longtemps l’écran avant que mon numéro s’affiche.
Au guichet dix, une fonctionnaire territoriale étudie mon dossier, scanne les documents apportés et émet des doutes sur ma photo. Si celle-ci est refusée par la Préfecture, il faudra tout recommencer, me dit-elle. Dans ce cas, on me téléphonera pour me prévenir. Si ça passe, la carte sera prête dans quatre à cinq semaines. Et ce sera à moi d’appeler pour le savoir.
-On ne peut pas m’envoyer un mail ? lui demandé-je.
-Non, la Préfecture n’envoie pas de mail, je connais mon métier, me répond-elle sèchement.
-Je n’en doute pas et je vois que vous êtes également très aimable. Heureusement qu’on ne refait sa carte d’identité que tous les quinze ans.
-Oui heureusement, me répond-elle avant de retrouver une meilleure humeur pour la prise des empreintes.
Rentré, je constate qu’il va y avoir un problème avec ma photo. Plus qu’à attendre que le téléphone me l’annonce.
Je ne sais dans combien de mois j’aurai cette nouvelle carte d’identité qui sera vraisemblablement la dernière.
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Ce n’est qu’aujourd’hui que je prends conscience que mon parrain et le mari de ma marraine sont tous deux morts d’un accident du travail.
Le premier, un cousin de mon père, d’une crise cardiaque dans son camion de transporteur longue distance quand j’étais enfant.
Le deuxième, l’époux d’une des sœurs de ma mère, d’une chute sur le chantier de l’aéroport d’Orly peu après ma naissance (sa fille, ma cousine, ne l’a jamais connu).
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En plus de mon parrain officiel, j’en ai eu un autre, Fernand, le mari de la sœur de ma grand-mère, refusé par mon père parce qu’athée mais figurant quand même dans la liste des prénoms de ma carte d’identité, le seul à avoir rempli sa fonction, notamment en m’offrant les jouets que mes parents ne pouvaient pas me payer.