A l’heure où le soleil se lève, je descends sur le quai de la Seine, rive droite, où doit se tenir le coutumier Quai des Livres, ce grand déballage du stock d’associations, de professionnels et de particuliers, mais pour l’heure, c’est à peine si les voitures desdits sont là. Ma présence permet d’éviter à l’un d’eux qui a commencé à mettre ses tables côté Seine de faire une erreur. Les numéros des stands sont pourtant visibles côté pelouse, écrits cette année en chiffres énormes à la peinture rouge ou blanche. Ce salopage de la promenade est à mettre au compte de Rouen Conquérant, responsable de l’évènement.
Je vais quand même jusqu’à l’autre bout, constatant que les tentes du Salon des Ecrivains Normands où doivent s’installer des auteurs locaux, avec l’espoir de vendre leurs propres livres, sont loin d’être montées. Parmi les vendeurs de la partie la plus lointaine se trouve mon vieux copain d’école. Les mains sur les hanches, il ronchonne après un des organisateurs qui lui a dit de se mettre à gauche de tel numéro alors qu’il fallait comprendre à droite.
-Que tu sois d’un côté ou de l’autre, cela ne va pas changer grand-chose à ta vente de livres, lui dis-je.
-Oui mais ça fait du bien de râler, me répond-il, ce en quoi je l’approuve.
Lorsque je repars dans l’autre sens pas mal de vendeurs sont installés et j’ai la chance d’être parmi les premiers auprès d’un couple qui propose les livres de son père à elle à des prix très intéressants. Je les quitte avec un sac déjà bien lourd. Je trouve d’autres ouvrages ailleurs et quand je suis de nouveau à l’autre bout, mes deux sacs en plastique sont pleins. « Je parie qu’il y en a d’autres dans le sac à dos », persifle mon vieux copain. « Oui, les plus lourds, je vais devoir rentrer chez moi poser tout ça. »
Il est neuf heures. Les tentes des auteurs autoédités ne sont pas encore prêtes. Ceux-ci piaffent à proximité avec leur valise pleine de livres qui sera presque aussi lourde quand ils repartiront ce soir. Deux camions hollandais voulant ravitailler les bateaux de tourisme fluvial immatriculés là-bas sont bloqués par les cubes de béton à l’entrée des exposants. Il y a conflit avec les organisateurs qui refusent de les laisser passer.
A peine suis-je de retour que je fais de nouvelles trouvailles tandis que sur l’autre rive des marathoniens courent sous les applaudissements. Les auteurs locaux sont maintenant assis derrière leurs livres. Un chanteur, local lui aussi, de folk américain, s’apprête à leur donner l’aubade. Je n’en dirai pas plus car la seule fois où j’ai parlé de lui, j’ai reçu de sa part un mail incendiaire. Il est dix heures et demie, j’ai un sac rempli. Je rentre à nouveau afin de déjeuner tôt et d’y retourner.
Il y a davantage de monde lors de mon troisième passage et encore suffisamment de livres qui m’intéressent pour remplir deux sacs sous le soleil, car il fait très beau ce dimanche, pourtant c’est le jour de la Fête de l’Humanité. Bien que je n’aie pas couru quarante-deux kilomètres, ni même la moitié, ni même seulement dix (j’en serais bien incapable), j’ai les pieds épuisés et, lorsque je rejoins mon logement, je ne suis guère plus brillant que le couple de marathoniens que je suis puis dépasse rue Grand-Pont alors qu’ils rentrent chez eux en clopinant.
A l’arrivée, je fais le bilan de cette édition fructueuse : cinquante-cinq livres achetés pour une dépense de cinquante et un euros.
Parmi ceux-ci : Les wagons rouges, nouvelles de Stig Dagerman (Maurice Nadeau), Entretiens d’Arthur Schopenhauer (Criterion), La part obscure de nous-mêmes (Une histoire des pervers) d’Elisabeth Roudinesco (Albin Michel), Lettres intimes d’Eugène Delacroix (L’Imaginaire Gallimard), Ermite à Paris (Pages autobiographiques) d’Italo Calvino (Gallimard) et Chez Victor Hugo (Les tables tournantes de Jersey), le compte-rendu des séances de spiritisme par Vacquerie et les fils Hugo (Stock Plus).
*
La plus mal lotie des vendeuses : celle qui se trouve à côté du camion de la boulangerie Paul, subissant le bruit et les gaz du groupe électrogène.
*
Le plus bizarre des acheteurs : celui qui fait inscrire sur chaque livre par les vendeurs la formule suivante. « Acheté au Quai des Livres de Rouen », puis leur demande de dater et de signer,
-Il a peut-être besoin d’un alibi, me dit l’un d’eux.
*
Ceux qui ne vendent pas assez accusent le marathon qui bloque la moitié de la ville.
Je vais quand même jusqu’à l’autre bout, constatant que les tentes du Salon des Ecrivains Normands où doivent s’installer des auteurs locaux, avec l’espoir de vendre leurs propres livres, sont loin d’être montées. Parmi les vendeurs de la partie la plus lointaine se trouve mon vieux copain d’école. Les mains sur les hanches, il ronchonne après un des organisateurs qui lui a dit de se mettre à gauche de tel numéro alors qu’il fallait comprendre à droite.
-Que tu sois d’un côté ou de l’autre, cela ne va pas changer grand-chose à ta vente de livres, lui dis-je.
-Oui mais ça fait du bien de râler, me répond-il, ce en quoi je l’approuve.
Lorsque je repars dans l’autre sens pas mal de vendeurs sont installés et j’ai la chance d’être parmi les premiers auprès d’un couple qui propose les livres de son père à elle à des prix très intéressants. Je les quitte avec un sac déjà bien lourd. Je trouve d’autres ouvrages ailleurs et quand je suis de nouveau à l’autre bout, mes deux sacs en plastique sont pleins. « Je parie qu’il y en a d’autres dans le sac à dos », persifle mon vieux copain. « Oui, les plus lourds, je vais devoir rentrer chez moi poser tout ça. »
Il est neuf heures. Les tentes des auteurs autoédités ne sont pas encore prêtes. Ceux-ci piaffent à proximité avec leur valise pleine de livres qui sera presque aussi lourde quand ils repartiront ce soir. Deux camions hollandais voulant ravitailler les bateaux de tourisme fluvial immatriculés là-bas sont bloqués par les cubes de béton à l’entrée des exposants. Il y a conflit avec les organisateurs qui refusent de les laisser passer.
A peine suis-je de retour que je fais de nouvelles trouvailles tandis que sur l’autre rive des marathoniens courent sous les applaudissements. Les auteurs locaux sont maintenant assis derrière leurs livres. Un chanteur, local lui aussi, de folk américain, s’apprête à leur donner l’aubade. Je n’en dirai pas plus car la seule fois où j’ai parlé de lui, j’ai reçu de sa part un mail incendiaire. Il est dix heures et demie, j’ai un sac rempli. Je rentre à nouveau afin de déjeuner tôt et d’y retourner.
Il y a davantage de monde lors de mon troisième passage et encore suffisamment de livres qui m’intéressent pour remplir deux sacs sous le soleil, car il fait très beau ce dimanche, pourtant c’est le jour de la Fête de l’Humanité. Bien que je n’aie pas couru quarante-deux kilomètres, ni même la moitié, ni même seulement dix (j’en serais bien incapable), j’ai les pieds épuisés et, lorsque je rejoins mon logement, je ne suis guère plus brillant que le couple de marathoniens que je suis puis dépasse rue Grand-Pont alors qu’ils rentrent chez eux en clopinant.
A l’arrivée, je fais le bilan de cette édition fructueuse : cinquante-cinq livres achetés pour une dépense de cinquante et un euros.
Parmi ceux-ci : Les wagons rouges, nouvelles de Stig Dagerman (Maurice Nadeau), Entretiens d’Arthur Schopenhauer (Criterion), La part obscure de nous-mêmes (Une histoire des pervers) d’Elisabeth Roudinesco (Albin Michel), Lettres intimes d’Eugène Delacroix (L’Imaginaire Gallimard), Ermite à Paris (Pages autobiographiques) d’Italo Calvino (Gallimard) et Chez Victor Hugo (Les tables tournantes de Jersey), le compte-rendu des séances de spiritisme par Vacquerie et les fils Hugo (Stock Plus).
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La plus mal lotie des vendeuses : celle qui se trouve à côté du camion de la boulangerie Paul, subissant le bruit et les gaz du groupe électrogène.
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Le plus bizarre des acheteurs : celui qui fait inscrire sur chaque livre par les vendeurs la formule suivante. « Acheté au Quai des Livres de Rouen », puis leur demande de dater et de signer,
-Il a peut-être besoin d’un alibi, me dit l’un d’eux.
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Ceux qui ne vendent pas assez accusent le marathon qui bloque la moitié de la ville.