Je monte une nouvelle fois l’escalier à rampe de béton imitation bois ce vendredi matin, avant le petit-déjeuner, car un de ma connaissance, spécialiste de l’hôtellerie, m’a envoyé la liste des hôtels d’autrefois de Granville, dans laquelle j’ai reconnu le mien. C’est à l’Hôtel Michelet que, bien accompagné, j’ai passé de belles nuits dans la rue pentue lui ayant donné son nom. Il était au numéro cinq. C’est bien là, je le constate, qu’est maintenant l’Hôtel Mercure Le Grand Large. En regardant mieux, je reconnais dans la partie ancienne le petit Hôtel Michelet et les quelques places où l’on pouvait garer prudemment sa voiture. Une extension a été construite donnant sur la rue adjacente. Dans cette partie nouvelle est l’entrée du Mercure.
Ce mystère résolu, je petit-déjeune au Derby puis, malgré le vent froid, pars à la découverte de ce qu’on appelle ici l’avant-port, qui sert de port à flot aux bateaux petits. Quelques chalutiers rentrent au Port de Pêche quand je passe. L’avant-port est à côté, sans eau à cette heure. Les bateaux gisent dans la vase au soleil. Le vent fort nuit malheureusement à ma balade. Après le chantier naval, je renonce à m’engager sur la digue.
Demi-tour. Je fais une photo de la Maison du Guet située près de l’église de la Haute Ville et qui date du début du vingtième siècle puis je vais me réchauffer avec un café au Tout Va Bien où on est sûr de trouver des pêcheurs qui se plaignent : « On n’a jamais vu ça ! ».
Un lieu toujours là depuis mes passages bien accompagné, c’est dans la Haute Ville, la crêperie L’Echauguette, rue St-Jean. Si le personnel n’est plus le même, la carte n’a pas changé. On y trouve toujours les gratinées servies dans des terrines. J’opte pour la gratinée tartiflette à treize euros cinquante et la fais suivre d’un délice de pommes tatin au beurre salé à cinq euros trente fait avec la confiture artisanale « les délices de Camille à Bréal », (très peu de « pommes tatin », je le constate). Des couples ou des duos constituent la clientèle, dont deux femmes avec chiens ayant un projet de bar pour ces animaux (comme c’est original), lequel sera ouvert aussi à ceux qui n’en ont pas mais qui veulent en côtoyer (compte sur moi). Elles parlent de bizness plan. Les autres n’ont pas de conversation. C’est un lieu où on s’ennuie un peu.
Je vais boire le café juste à l’angle, à La Rafale, dedans, pour cause de pluie et de vent, à la petite table ronde de l’entrée. Le serveur, jamais vu, me vouvoie et m’appelle monsieur. Je relis là Lagarce puis rentre à mon studio Air Bibi où une nouvelle fois des rafales s’acharnent sur la fenêtre côté mer, une mer roulant des vagues moussues que je n’ai pas le courage d’aller voir de près.
*
Au Tout Va Bien, il arrive que les pêcheurs parlent de jardinage, en l’occurrence d’un haricot, le nombril de bonne sœur. « Ça a sûrement un autre nom. » « Oh, ça c’est sûr. »
*
Je suis une des rares personnes que Attoun doit vouvoyer… Il tutoie le théâtre français, Patrice (Chéreau), Jean-Pierre (Vincent) ou Jo (Lavaudant), et il reste dans le « Vous-Vieille-France » depuis une malheureuse tentative il y a quelques années (« Et si on se disait tu ? » me dit-il. « Si vous voulez… ») (Jean-Luc Lagarce Journal samedi vingt et un février mil neuf cent quatre-vingt-sept)
Ce mystère résolu, je petit-déjeune au Derby puis, malgré le vent froid, pars à la découverte de ce qu’on appelle ici l’avant-port, qui sert de port à flot aux bateaux petits. Quelques chalutiers rentrent au Port de Pêche quand je passe. L’avant-port est à côté, sans eau à cette heure. Les bateaux gisent dans la vase au soleil. Le vent fort nuit malheureusement à ma balade. Après le chantier naval, je renonce à m’engager sur la digue.
Demi-tour. Je fais une photo de la Maison du Guet située près de l’église de la Haute Ville et qui date du début du vingtième siècle puis je vais me réchauffer avec un café au Tout Va Bien où on est sûr de trouver des pêcheurs qui se plaignent : « On n’a jamais vu ça ! ».
Un lieu toujours là depuis mes passages bien accompagné, c’est dans la Haute Ville, la crêperie L’Echauguette, rue St-Jean. Si le personnel n’est plus le même, la carte n’a pas changé. On y trouve toujours les gratinées servies dans des terrines. J’opte pour la gratinée tartiflette à treize euros cinquante et la fais suivre d’un délice de pommes tatin au beurre salé à cinq euros trente fait avec la confiture artisanale « les délices de Camille à Bréal », (très peu de « pommes tatin », je le constate). Des couples ou des duos constituent la clientèle, dont deux femmes avec chiens ayant un projet de bar pour ces animaux (comme c’est original), lequel sera ouvert aussi à ceux qui n’en ont pas mais qui veulent en côtoyer (compte sur moi). Elles parlent de bizness plan. Les autres n’ont pas de conversation. C’est un lieu où on s’ennuie un peu.
Je vais boire le café juste à l’angle, à La Rafale, dedans, pour cause de pluie et de vent, à la petite table ronde de l’entrée. Le serveur, jamais vu, me vouvoie et m’appelle monsieur. Je relis là Lagarce puis rentre à mon studio Air Bibi où une nouvelle fois des rafales s’acharnent sur la fenêtre côté mer, une mer roulant des vagues moussues que je n’ai pas le courage d’aller voir de près.
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Au Tout Va Bien, il arrive que les pêcheurs parlent de jardinage, en l’occurrence d’un haricot, le nombril de bonne sœur. « Ça a sûrement un autre nom. » « Oh, ça c’est sûr. »
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Je suis une des rares personnes que Attoun doit vouvoyer… Il tutoie le théâtre français, Patrice (Chéreau), Jean-Pierre (Vincent) ou Jo (Lavaudant), et il reste dans le « Vous-Vieille-France » depuis une malheureuse tentative il y a quelques années (« Et si on se disait tu ? » me dit-il. « Si vous voulez… ») (Jean-Luc Lagarce Journal samedi vingt et un février mil neuf cent quatre-vingt-sept)