C’est un bus Fast Numéro Deux qui me fait monter la côte jusqu’au Cimetière Monumental ce samedi matin en compagnie de deux autres qui ont la tête à y aller aussi, à la cérémonie d’incinération de Patrice Quéréel. Nous descendons à Flaubert et allons à pied jusqu’au crématorium, lequel est encore fermé.
A neuf heures précises, les portes s’ouvrent mais pas question d’entrer dans la salle de réception. Soit on attend dans un triste « salon de convivialité » soit c’est debout dans l’entrée. J’en profite pour mettre mon mot dans le registre de condoléances : « Salut Quéréel, tu m’as amusé souvent, énervé parfois, c’est dommage de savoir qu’on ne se rencontrera plus ».
Beaucoup de monde arrive dont Robert, Maire. Des têtes connues de moi sont là, j’en salue certaines, échange quelques mots avec Frank Dubois des Editions du Perroquet Bleu, rencontré au temps des Cafés Matin de Mister Crocodile. Il a publié plusieurs livres de Quéréel, entre autres Rouen érotique.
Après une longue attente, nous sommes enfin autorisés à pénétrer dans la salle où tout le monde ne peut s’asseoir, cependant que se fait entendre la première Gymnopédie d’Erik Satie. Le cercueil est côté jardin, le micro côté cour où s’exprime une employée des Pompes Funèbres qui semble touchée personnellement par le deuil. Elle appelle Monsieur le Maire qui bien qu’il arbore le badge « Mort de rire » nous fait un conventionnel discours. Place à la famille : Emmanuel (fils) interprète de la voix et la guitare une chanson qu’il a composée et Danièle (compagne) évoque le défunt d’une manière fine et poétique. Les amis et complices font suite, dont Olivier Beaudoin, vêtu d’un kilt du plus bel effet et muni d’une queue de billard à laquelle est accrochée une peluche caresseuse de cercueil. Il apporte le grain de folie qui manquait, secouant quelques cocotiers, dont celui de Robert, Maire, à qui il a fallu huit ans pour transformer l’esplanade Adolphe-Thiers en esplanade Marcel-Duchamp. Ce parcours du combattant Quéréel nous est rappelé en détail avec moult piques pour le premier édile. A chaque fois que la queue de billard fait cruellement mouche, je vois dans le cerveau de Robert clignoter un petit « Mdr ».
La lugubre employée des Pompes (il aurait fallu la saouler avant la cérémonie) invite à se lever. Chacun(e) va déposer sa poignée de pétales d’Rrose (Sélavy) sur le cercueil. Bien que la performance soit civile, un pasteur disant qu’il n’en est pas un mais a tout pour en être un, dit quelques vagues mots pieux. Le cercueil est alors caché par une porte coulissante.
Frank m’emmène jusqu’à l’Ubi où se déroule la suite. Le facétieux Jonathan Slimak vient me présenter ses condoléances. Je ne sais comment, nous en venons à parler de mon enterrement. Je lui dis qu’il y faudrait la dinguerie dont il est capable : « Tu devrais t’en charger. »
-C'est-à-dire ?
-T’occuper des préparatifs et être le maître de cérémonie.
Il est d’accord. Je lui dis que je le désignerai formellement dans mon testament.
Ma voisine de la maison d’en face, Adeline Gouarné, Présidente de la Page Blanche, de rose vêtue, se tient devant un portrait du défunt (dont je ne dirai rien si ce n’est qu’il a été peint par l’une de ces dames de la Page Blanche). Une vente aux enchères doit permettre de l’offrir à la veuve, idée que je trouve un peu saugrenue.
Ma voisine rose joue la commissaire-priseuse avec une énergie artificielle. Chacun peut mettre de la vraie monnaie dans une boîte ou participer de façon créative à l’enchère par une chanson, un texte, un poème, une anecdote. Cela rame un peu mais finit par prendre forme au point que je me décide à lire le texte que j’ai écrit pour mon Journal quand j’ai appris la mort de PQ. Comme je ne l’ai pas avec moi, je pars à la recherche d’un ordinateur portatif, mais dans ce haut lieu culturel tous ont les batteries à plat. Jonathan me sauve en me confiant son téléphone et je fais don de mon texte, dans lequel sont égratignées les bourgeoises de la Page Blanche.
Après une autre intervention, l’enchère est close. Adeline Gouarné laisse entendre qu’elle pourrait prendre le relais de l’irrévérence afin que l’esprit de Quéréél continue à secouer la ville. Elle a déjà le costume mais il est un peu grand pour elle, me dis-je. Elle invite l’assistance à une soirée en l’honneur du défunt à la Page Blanche en avril, « chez les bourgeoises, comme dit mon voisin, qui lui n’en est pas un, bien qu’habitant au centre ville ». Un repas au restaurant suivra mais on n’y mangera pas d’entrecôtes comme les aimait Quéréel, ce sera plutôt végétarien.
-J’ai déjà quelques idées pour ton enterrement, me glisse à l’oreille Jonathan, ce sera beaucoup plus drôle.
A neuf heures précises, les portes s’ouvrent mais pas question d’entrer dans la salle de réception. Soit on attend dans un triste « salon de convivialité » soit c’est debout dans l’entrée. J’en profite pour mettre mon mot dans le registre de condoléances : « Salut Quéréel, tu m’as amusé souvent, énervé parfois, c’est dommage de savoir qu’on ne se rencontrera plus ».
Beaucoup de monde arrive dont Robert, Maire. Des têtes connues de moi sont là, j’en salue certaines, échange quelques mots avec Frank Dubois des Editions du Perroquet Bleu, rencontré au temps des Cafés Matin de Mister Crocodile. Il a publié plusieurs livres de Quéréel, entre autres Rouen érotique.
Après une longue attente, nous sommes enfin autorisés à pénétrer dans la salle où tout le monde ne peut s’asseoir, cependant que se fait entendre la première Gymnopédie d’Erik Satie. Le cercueil est côté jardin, le micro côté cour où s’exprime une employée des Pompes Funèbres qui semble touchée personnellement par le deuil. Elle appelle Monsieur le Maire qui bien qu’il arbore le badge « Mort de rire » nous fait un conventionnel discours. Place à la famille : Emmanuel (fils) interprète de la voix et la guitare une chanson qu’il a composée et Danièle (compagne) évoque le défunt d’une manière fine et poétique. Les amis et complices font suite, dont Olivier Beaudoin, vêtu d’un kilt du plus bel effet et muni d’une queue de billard à laquelle est accrochée une peluche caresseuse de cercueil. Il apporte le grain de folie qui manquait, secouant quelques cocotiers, dont celui de Robert, Maire, à qui il a fallu huit ans pour transformer l’esplanade Adolphe-Thiers en esplanade Marcel-Duchamp. Ce parcours du combattant Quéréel nous est rappelé en détail avec moult piques pour le premier édile. A chaque fois que la queue de billard fait cruellement mouche, je vois dans le cerveau de Robert clignoter un petit « Mdr ».
La lugubre employée des Pompes (il aurait fallu la saouler avant la cérémonie) invite à se lever. Chacun(e) va déposer sa poignée de pétales d’Rrose (Sélavy) sur le cercueil. Bien que la performance soit civile, un pasteur disant qu’il n’en est pas un mais a tout pour en être un, dit quelques vagues mots pieux. Le cercueil est alors caché par une porte coulissante.
Frank m’emmène jusqu’à l’Ubi où se déroule la suite. Le facétieux Jonathan Slimak vient me présenter ses condoléances. Je ne sais comment, nous en venons à parler de mon enterrement. Je lui dis qu’il y faudrait la dinguerie dont il est capable : « Tu devrais t’en charger. »
-C'est-à-dire ?
-T’occuper des préparatifs et être le maître de cérémonie.
Il est d’accord. Je lui dis que je le désignerai formellement dans mon testament.
Ma voisine de la maison d’en face, Adeline Gouarné, Présidente de la Page Blanche, de rose vêtue, se tient devant un portrait du défunt (dont je ne dirai rien si ce n’est qu’il a été peint par l’une de ces dames de la Page Blanche). Une vente aux enchères doit permettre de l’offrir à la veuve, idée que je trouve un peu saugrenue.
Ma voisine rose joue la commissaire-priseuse avec une énergie artificielle. Chacun peut mettre de la vraie monnaie dans une boîte ou participer de façon créative à l’enchère par une chanson, un texte, un poème, une anecdote. Cela rame un peu mais finit par prendre forme au point que je me décide à lire le texte que j’ai écrit pour mon Journal quand j’ai appris la mort de PQ. Comme je ne l’ai pas avec moi, je pars à la recherche d’un ordinateur portatif, mais dans ce haut lieu culturel tous ont les batteries à plat. Jonathan me sauve en me confiant son téléphone et je fais don de mon texte, dans lequel sont égratignées les bourgeoises de la Page Blanche.
Après une autre intervention, l’enchère est close. Adeline Gouarné laisse entendre qu’elle pourrait prendre le relais de l’irrévérence afin que l’esprit de Quéréél continue à secouer la ville. Elle a déjà le costume mais il est un peu grand pour elle, me dis-je. Elle invite l’assistance à une soirée en l’honneur du défunt à la Page Blanche en avril, « chez les bourgeoises, comme dit mon voisin, qui lui n’en est pas un, bien qu’habitant au centre ville ». Un repas au restaurant suivra mais on n’y mangera pas d’entrecôtes comme les aimait Quéréel, ce sera plutôt végétarien.
-J’ai déjà quelques idées pour ton enterrement, me glisse à l’oreille Jonathan, ce sera beaucoup plus drôle.