Pour mon dernier jour dans l’agglomération de Lorient, après un petit-déjeuner au Parisien, je prends encore une fois le bus Té Quatre pour Lomener.
Le soleil donne déjà bien quand, avec l’espoir de m’asseoir à ma place préférée, j’arrive au Moulin Vert. Hélas, s’y trouve le mec connu qui a joué dans Marseille et dans un truc de colonie de vacances. Je m’installe à l’autre bout de la terrasse. C’est aussi bien pour boire un allongé verre d’eau en bord de plage avec vue sur le port et relire quelques passages de Proust et Céleste.
Bon, je ne peux empêcher une famille de s’abattre deux tables plus loin. Les parents envoient la marmaille jouer sur la plage. « Non non non, on a dit pas dans l’eau. » Evidemment, c’est la mère qui court après les désobéissants. Le plus jeune sait déjà comment s’y prendre avec elle : « T’es belle maman » « Merci, c’est gentil. » Heureusement, bientôt j’entends « On va pas tarder, papa, il prend son avion à onze heures. » C’est une bonne idée.
Arrivent alors un homme et une femme qui est ou sa femme ou sa mère. Il la tient fermement par le bras. Elle ne cesse de répéter « Hein, ça y est ». « Tu me bassines », finit-il par lui dire et avant d’avoir commandé, il l’entraîne ailleurs.
Un peu plus tard, ce sont les hommes du pays qui se retrouvent sous l’auvent. « Alors ? La pêche a été bonne ? » « Non, rien du tout. » « Fait trop chaud. »
Il est onze heures, ça commence à cogner. Je quitte ma place et réserve une table chez Côté Mer. La gentille patronne me donne celle que je visais, la mieux située, à l’écart, face au port et sous l’auvent.
En attendant midi, je vais m’asseoir sur le banc à l’ombre au-dessus de l’anse du Stole dont la plage est très fréquentée en ce jour de congé scolaire, un avant-goût de juillet août. Des employés municipaux installent au milieu des nageurs les bouées qui délimiteront la baignade surveillée. Depuis quelques jours, les hortensias sont prêts à accueillir les estivants.
Au Côté Mer, je choisis la formule à dix-neuf euros : verrine guacamole crevettes et filet de canard crème de champignon polenta, un plat tout à fait délicieux.
Le café sera pour la dernière fois au Moulin Vert qui a ouvert une seconde terrasse sur le quai d’à côté. C’est celle des jours de beau temps, ombragée par une toiture en canisse. Je demande à la jeune serveuse en casquette et petit chorte si je peux, vu qu’il n’y a personne. « Oui tu peux », me répond cette jeune fille que je n’ai jamais vue. Je me demande si j’ai bien entendu. J’attends un certain temps qu’elle arrive avec le café et le verre d’eau. Elle les porte à la main, sans plateau. « J’avance doucement mais sûrement », me dit-elle, puis en repartant : « J’irais bien faire un plouf. » Il est temps que je rentre à Rouen.
Avant de regagner Lorient avec le Té Quatre, je regarde longuement ce que je laisse derrière moi. Je ne pense pas que je reverrai Lomener, lieu de mes premières vacances il y a cinquante ans.
*
Il m’aurait plu de voir à Lanester le cimetière de bateaux de Kerhervy, une quarantaine d’épaves, des thoniers, des chalutiers, des caseyeurs, dans une boucle du Blavet, déposés là à partir de la fin des années Cinquante pour qu’ils s’y décomposent, l’endroit où Brigitte Lozerec’h imagine qu’a sa sépulture Jean-Jacques Pauvert, mais le seul bus qui en rapproche ne circule qu’à de rares horaires et ce n’étaient pas les miens.
*
Ici la toponymie fleure bon la Bretagne. En français, certains noms de lieux ont l’air encore plus breton qu’en breton. Cependant, on ne parle plus du tout ce langage. Le seul kenavo que j’aurai entendu a été dit dans un bus par un touriste à un autochtone qui l’avait renseigné et j’ai senti que cet autochtone n’appréciait pas d’être ainsi salué.
Le soleil donne déjà bien quand, avec l’espoir de m’asseoir à ma place préférée, j’arrive au Moulin Vert. Hélas, s’y trouve le mec connu qui a joué dans Marseille et dans un truc de colonie de vacances. Je m’installe à l’autre bout de la terrasse. C’est aussi bien pour boire un allongé verre d’eau en bord de plage avec vue sur le port et relire quelques passages de Proust et Céleste.
Bon, je ne peux empêcher une famille de s’abattre deux tables plus loin. Les parents envoient la marmaille jouer sur la plage. « Non non non, on a dit pas dans l’eau. » Evidemment, c’est la mère qui court après les désobéissants. Le plus jeune sait déjà comment s’y prendre avec elle : « T’es belle maman » « Merci, c’est gentil. » Heureusement, bientôt j’entends « On va pas tarder, papa, il prend son avion à onze heures. » C’est une bonne idée.
Arrivent alors un homme et une femme qui est ou sa femme ou sa mère. Il la tient fermement par le bras. Elle ne cesse de répéter « Hein, ça y est ». « Tu me bassines », finit-il par lui dire et avant d’avoir commandé, il l’entraîne ailleurs.
Un peu plus tard, ce sont les hommes du pays qui se retrouvent sous l’auvent. « Alors ? La pêche a été bonne ? » « Non, rien du tout. » « Fait trop chaud. »
Il est onze heures, ça commence à cogner. Je quitte ma place et réserve une table chez Côté Mer. La gentille patronne me donne celle que je visais, la mieux située, à l’écart, face au port et sous l’auvent.
En attendant midi, je vais m’asseoir sur le banc à l’ombre au-dessus de l’anse du Stole dont la plage est très fréquentée en ce jour de congé scolaire, un avant-goût de juillet août. Des employés municipaux installent au milieu des nageurs les bouées qui délimiteront la baignade surveillée. Depuis quelques jours, les hortensias sont prêts à accueillir les estivants.
Au Côté Mer, je choisis la formule à dix-neuf euros : verrine guacamole crevettes et filet de canard crème de champignon polenta, un plat tout à fait délicieux.
Le café sera pour la dernière fois au Moulin Vert qui a ouvert une seconde terrasse sur le quai d’à côté. C’est celle des jours de beau temps, ombragée par une toiture en canisse. Je demande à la jeune serveuse en casquette et petit chorte si je peux, vu qu’il n’y a personne. « Oui tu peux », me répond cette jeune fille que je n’ai jamais vue. Je me demande si j’ai bien entendu. J’attends un certain temps qu’elle arrive avec le café et le verre d’eau. Elle les porte à la main, sans plateau. « J’avance doucement mais sûrement », me dit-elle, puis en repartant : « J’irais bien faire un plouf. » Il est temps que je rentre à Rouen.
Avant de regagner Lorient avec le Té Quatre, je regarde longuement ce que je laisse derrière moi. Je ne pense pas que je reverrai Lomener, lieu de mes premières vacances il y a cinquante ans.
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Il m’aurait plu de voir à Lanester le cimetière de bateaux de Kerhervy, une quarantaine d’épaves, des thoniers, des chalutiers, des caseyeurs, dans une boucle du Blavet, déposés là à partir de la fin des années Cinquante pour qu’ils s’y décomposent, l’endroit où Brigitte Lozerec’h imagine qu’a sa sépulture Jean-Jacques Pauvert, mais le seul bus qui en rapproche ne circule qu’à de rares horaires et ce n’étaient pas les miens.
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Ici la toponymie fleure bon la Bretagne. En français, certains noms de lieux ont l’air encore plus breton qu’en breton. Cependant, on ne parle plus du tout ce langage. Le seul kenavo que j’aurai entendu a été dit dans un bus par un touriste à un autochtone qui l’avait renseigné et j’ai senti que cet autochtone n’appréciait pas d’être ainsi salué.