Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

A l’Ouest (trente-cinq) : Port-Louis dernière

26 juin 2024


Une nouvelle journée de beau temps assuré ce mardi, je prends le bus Onze, terminus Port de Pêche. Il y a de l’animation à l’embarcadère. Le gros tankeur Torm Strong quitte le Port de Commerce, tiré latéralement par un remorqueur. Cela met la pagaille chez les deux bateaux-bus qui arrivent, le petit rouge en provenance du Port de Sainte-Catherine à Locmiquélic et Le Kerpont en provenance de La Pointe à Port-Louis. Le premier finit par contourner l’obstacle par l’arrière. Le second se glisse entre l’obstacle et le quai quand le premier est reparti (à vide). Je monte avec quelques autres dont deux bicyclistes dans ce second. Nous naviguons parallèlement au gros bateau noir et orange et à ses remorqueurs jusqu’à ce qu’ils disparaissent derrière la Citadelle.
Arrivé à Port-Louis, j’achète un dernier pain au chocolat à la boulangerie du rempart. Je ne peux le manger au soleil du Penalty où c’est jour de congé. Je me contente de la terrasse à l’ombre de La Civette. Port-Louis est le bourg des bars-tabac, quatre dans le centre, un excentré. Pour ma dernière dans cette Petite Cité de Caractère, je ne fais rien d’autre que de m’imprégner des bonnes ondes qu’elle diffuse.
Après La Civette, je trouve une place au soleil au Terminus. « Quand il fait beau comme ça, il faut faire des photos pour le montrer aux autres », dit un autochtone à la table d’à côté. « Non non, faut rien dire, sinon ils vont tous arriver ici », lui répond un autre. Peu avant que je parte la serveuse m’offre un allongé qu’elle a fait couler par erreur.
Avec le bateau-bus d’onze heures quinze, je regagne le Port de Pêche de Lorient car je songe à déjeuner dans l’un des restaurants de l’avenue de La Perrière. Pour la première fois, on peut voyager à l’avant du bateau et je suis le seul à en profiter, bien placé pour voir passer le Sodebo Ultim 3, voilier trimaran destiné à la course au large.
A l’arrivée, je ne monte pas dans le bus Onze mais me dirige à pied vers l’avenue de La Perrière en passant par une rue décatie dont les bâtiments abandonnés ont servi de mur d’expression aux artistes. J’ai alors l’œil attiré par un parasol vert dans une rue qui donne sur le bas de l’avenue de La Perrière et je découvre L’Entrepote, une sorte d’entrepôt pour faire la fête le soir qui fait restaurant le midi avec un menu à dix-huit euros cinquante. Il est tôt mais j’obtiens de m’asseoir à la seule petite table à l’ombre sur le trottoir. Je commande un quart de vin rouge pour attendre midi.
J’ai en face de moi un horrible bâtiment noir un peu effrayant. La serveuse me dit que ce sont les Affaires Maritimes, que c’est tout neuf et regardez, il y a déjà des traces blanches sur les murs, quelle idée de mettre du noir avec tous les goélands que l’on a ici. Cette serveuse fume une cigarette avec un serveur avant le début du service. Celui-ci mime une copulation avec elle, puis il m’aperçoit. « Excusez-moi », me dit-il. « C’est mon fils », me dit-elle comme si ceci justifiait cela.
« J’espère que je vais rester à l’ombre jusqu’à la fin du repas », lui dis-je quand elle prend ma commande. « On va faire vite », me dit-elle. Taboulé des potes, petit salé aux lentilles et tiramisu aux spéculoos, effectivement je réussis à déjeuner avant que l’ombre ait totalement disparu, vingt-quatre euros pour le tout.
Sur un banc de la zone louche, j’attends qu’arrive le prochain bateau-bus, celui de treize heures pour Port-Louis. Trois contrôleurs l’attendent aussi. Il n’en descend que huit passagers parmi lesquels deux fraudeurs. J’ai fait plus de soixante-dix trajets en bus et bateau bus dans l’agglomération de Lorient, je n’ai été contrôlé que deux fois, à des débarcadères, jamais dans les bus.
Je prends un dernier café au Terminus dont la terrasse est maintenant à l’ombre. A une table haute car les habitués n’y sont pas à cette heure. D’où l’on a vue surélevée sur l’activité du port et sur les nuages de plus en plus nombreux. Il fait lourd. A côté de moi, on parle des mauvaises manières de la jeunesse « Où va le monde ? »
De la jeunesse, il y en a plein le bateau-bus qui me ramène à Lorient, des scolaires et même des nourrissons avec leurs nourrices. Une partie des premiers et la totalité des poussettes montent dans le bus Onze. Il y règne une chaleur désagréable et un calme total.
Vers dix-huit heures, mon jeune logeur passe changer une ampoule électrique. C’est un garçon que je n’ai jamais vu sans sa planche à roulettes.