Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
28 septembre 2021
Ce lundi matin, je quitte Nice pour son arrière-pays et vise le bout de la vallée de la Roya en prenant un Téheuherre Zou dont le terminus est Tende, départ neuf heures quinze, arrivée prévue deux heures et quart plus tard, après de multiples arrêts dans la montagne.
Ce Zou a pour nom le Train des Merveilles. Il n’est pas bien long, du modèle de ceux qui font Rouen Dieppe, et il y a foule pour le prendre. Certains doivent voyager debout.
Après la laide périphérie de Nice, c’est vite la montagne à falaises, une succession de tunnels dont certains fort longs, de villages plus ou moins beaux, de maisons accrochées en des lieux impossibles. En contrebas, la Roya est dans l’état où l’a laissée la tempête Alex, il y a presque exactement un an, chargée de pierres de toutes les tailles. La route qui la longe est en gros travaux, emportée qu’elle fut par les flots. La circulation automobile y est toujours difficile. Pas de soucis désormais pour le train qui circule en hauteur à flanc de montagne.
Après Breil, où s’arrêtent la plupart des trains, c’est la partie la plus spectaculaire du trajet puis surgit étagé le village de Tende, rattaché à la France en mil neuf cent quarante-sept, et qui par Alex fut coupé du monde, que ce soit par route et ou par train.
Comme je n’ai pas le temps de déjeuner dans un restaurant, je me contente d’un sandouiche au saumon à quatre euros zéro cinq acheté à la Boulangerie des Merveilles que je mange sur un banc près de celle-ci et d’une fontaine puis j’entre par une rue étroite et légèrement pentue dans le vif du village, admirant la Fontaine du Traou, la Collégiale et la Tour de l’Horloge là-haut, que je ne cherche pas à atteindre.
Revenu à mon point de départ, je prends un café (un euro quarante) au Bar des Sports tenu pas deux sympathiques frères et dont la clientèle est ce jour essentiellement locale.
-Quelle heure est-il ? demande une septuagénaire à sa vieille copine.
-Une heure moins cinq.
-Oh alors on va manger à une heure, comme les riches.
C’est le train Zou de quatorze heures trente-huit qui est celui de mon retour. Il est moins chargé. Le paysage est aussi grandiose qu’à l’aller mais les tunnels ont l’air encore plus longs. A Breil montent des Policiers cherchant d’éventuels migrants. Ils redescendent bredouille. On somnole dans ma voiture. Jusqu’à l’un des derniers arrêts où montent des lycéens du professionnel. Ces trublions descendent au suivant, habitant la banlieue.
*
Les cars et les trains Zou sont ceux de la Région Sud. On ne veut plus dire Paca. Je comprends ça. Quand j’entends Paca, je pense Pas-de-Calais.
Ce Zou a pour nom le Train des Merveilles. Il n’est pas bien long, du modèle de ceux qui font Rouen Dieppe, et il y a foule pour le prendre. Certains doivent voyager debout.
Après la laide périphérie de Nice, c’est vite la montagne à falaises, une succession de tunnels dont certains fort longs, de villages plus ou moins beaux, de maisons accrochées en des lieux impossibles. En contrebas, la Roya est dans l’état où l’a laissée la tempête Alex, il y a presque exactement un an, chargée de pierres de toutes les tailles. La route qui la longe est en gros travaux, emportée qu’elle fut par les flots. La circulation automobile y est toujours difficile. Pas de soucis désormais pour le train qui circule en hauteur à flanc de montagne.
Après Breil, où s’arrêtent la plupart des trains, c’est la partie la plus spectaculaire du trajet puis surgit étagé le village de Tende, rattaché à la France en mil neuf cent quarante-sept, et qui par Alex fut coupé du monde, que ce soit par route et ou par train.
Comme je n’ai pas le temps de déjeuner dans un restaurant, je me contente d’un sandouiche au saumon à quatre euros zéro cinq acheté à la Boulangerie des Merveilles que je mange sur un banc près de celle-ci et d’une fontaine puis j’entre par une rue étroite et légèrement pentue dans le vif du village, admirant la Fontaine du Traou, la Collégiale et la Tour de l’Horloge là-haut, que je ne cherche pas à atteindre.
Revenu à mon point de départ, je prends un café (un euro quarante) au Bar des Sports tenu pas deux sympathiques frères et dont la clientèle est ce jour essentiellement locale.
-Quelle heure est-il ? demande une septuagénaire à sa vieille copine.
-Une heure moins cinq.
-Oh alors on va manger à une heure, comme les riches.
C’est le train Zou de quatorze heures trente-huit qui est celui de mon retour. Il est moins chargé. Le paysage est aussi grandiose qu’à l’aller mais les tunnels ont l’air encore plus longs. A Breil montent des Policiers cherchant d’éventuels migrants. Ils redescendent bredouille. On somnole dans ma voiture. Jusqu’à l’un des derniers arrêts où montent des lycéens du professionnel. Ces trublions descendent au suivant, habitant la banlieue.
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Les cars et les trains Zou sont ceux de la Région Sud. On ne veut plus dire Paca. Je comprends ça. Quand j’entends Paca, je pense Pas-de-Calais.
27 septembre 2021
On est décidément matinal à Nice, même le dimanche. Il y a file à la boulangerie quand je m’y présente, ainsi qu’à la boucherie d’à côté où l’on propose de la viande bon marché. A la terrasse du Garibaldi, la plupart des habitués parlent italien. Mon café est d’avant huit heures, donc à un euro cinquante. L’argent, m’a expliqué le gérant, va dans la poche de celui qui fait l’ouverture. Après, « c’est le prix de la caisse ».
L’orage est encore lointain. J’en profite pour grimper une nouvelle fois sur la colline du Parc du Château. Après le cimetière catholique est l’israélite devant lequel se trouve un mur avec les noms et âges des Juifs arrêtés à Nice, déportés puis exterminés. A l’entrée est une urne qui « renferme du savon à la graisse humaine fabriqué par les Allemands du IIIe Reich avec les corps de nos frères déportés ». Continuant à monter, j’accède à l’endroit où l’on tire le canon chaque midi. Sauf le dimanche, est-il écrit. Un charmant couple de vieux Niçois, à la peau tirée comme s’ils avaient abusé de la chirurgie esthétique, m’indique par où descendre pour rejoindre la Promenade des Anglais.
Celle-ci n’est pas tranquille. Les percussionnistes à bidons d’hier y rythment un semi-marathon qui rend difficile la traversée de la chaussée pour qui comme moi veut se rapprocher de la mer. Une fois l’obstacle franchi, je m’installe sur un banc avec Edmond, tournant le dos aux sportifs.
-Vous êtes le Philosophe, me dit un quinquagénaire à chorte fleuri.
-Il y a ceux qui courent et il y a celui qui lit, lui réponds-je.
Il me demande quoi. Les Goncourt il connaît, il a vécu en Haute-Marne près de l’endroit où était l’imprimerie de leur famille, il n’a pas lu leur Journal, qu’est-ce que ça raconte ? Des méchancetés sur tous leurs contemporains. Ah, ça peut être intéressant. Lui vient de relire Le Petit Prince après avoir entendu une théorie nouvelle sur la symbolique du mouton et il écrit sur la symbolique de la grotte.
A peine est-il parti que de grosses gouttes s’écrasent sur la ville. Je retraverse entre les coureurs et vais poursuivre ma lecture sous un parasol au Kalice, place Rossetti. L’averse passe. Le bicycliste de la table voisine repart. Devant la Cathédrale, une grosse dame à lunettes jongle sommairement avec deux balles de tennis.
Vers onze heures je me rapproche de mon chez moi temporaire et trouve à manger sans attendre midi à la pizzéria Paneolio tenue par des Italien(ne)s. La carte est en langue créolisée. La pizza de mon choix, une Campana à douze euros, est ainsi décrite : « fior de latte, mozzarella fumée, saucisse napolitaine et fiarielli (brocoli) ». « Tous nos produis sont importés en direct de nos producteurs en Italie sans intermédiaires » est-il précisé. Je commande en sus un verre de vin blanc à quatre euros. Rustique et même un peu coriace, telle est ma Campana. Je la termine un peu avant midi et surprise, bien que ce soit dimanche, le canon tonne.
De grosses gouttes s’aplatissent sur le sol à peine suis-je rue Jean-Jaurès. Je m’abrite cinq minutes sous un arbre de la Promenade du Paillon puis rejoins mon logis. Le ciel se couvre vraiment et l’orage se déclenche vers quatorze heures. J’emploie cette après-midi agitée à envisager la suite grâce à la documentation récupérée à l’Office du Tourisme auprès d’une aimable et efficace employée.
*
« Estro collabo », « Estro toutou de Macron », c’est ce que criaient ce samedi des antivax antipass devant le domicile d’Estrosi, dépités qu’ils étaient de ne plus pouvoir défiler dans les rues commerçantes après un arrêté du Préfet demandé par le Maire. Un peu de lacrymogène les a dispersés.
*
Vu a la télé sur la pancarte d’une manifestante pour le climat allemande : « Eat pussy not animals ». Je veux bien mais où s’en procurer un bon ?
L’orage est encore lointain. J’en profite pour grimper une nouvelle fois sur la colline du Parc du Château. Après le cimetière catholique est l’israélite devant lequel se trouve un mur avec les noms et âges des Juifs arrêtés à Nice, déportés puis exterminés. A l’entrée est une urne qui « renferme du savon à la graisse humaine fabriqué par les Allemands du IIIe Reich avec les corps de nos frères déportés ». Continuant à monter, j’accède à l’endroit où l’on tire le canon chaque midi. Sauf le dimanche, est-il écrit. Un charmant couple de vieux Niçois, à la peau tirée comme s’ils avaient abusé de la chirurgie esthétique, m’indique par où descendre pour rejoindre la Promenade des Anglais.
Celle-ci n’est pas tranquille. Les percussionnistes à bidons d’hier y rythment un semi-marathon qui rend difficile la traversée de la chaussée pour qui comme moi veut se rapprocher de la mer. Une fois l’obstacle franchi, je m’installe sur un banc avec Edmond, tournant le dos aux sportifs.
-Vous êtes le Philosophe, me dit un quinquagénaire à chorte fleuri.
-Il y a ceux qui courent et il y a celui qui lit, lui réponds-je.
Il me demande quoi. Les Goncourt il connaît, il a vécu en Haute-Marne près de l’endroit où était l’imprimerie de leur famille, il n’a pas lu leur Journal, qu’est-ce que ça raconte ? Des méchancetés sur tous leurs contemporains. Ah, ça peut être intéressant. Lui vient de relire Le Petit Prince après avoir entendu une théorie nouvelle sur la symbolique du mouton et il écrit sur la symbolique de la grotte.
A peine est-il parti que de grosses gouttes s’écrasent sur la ville. Je retraverse entre les coureurs et vais poursuivre ma lecture sous un parasol au Kalice, place Rossetti. L’averse passe. Le bicycliste de la table voisine repart. Devant la Cathédrale, une grosse dame à lunettes jongle sommairement avec deux balles de tennis.
Vers onze heures je me rapproche de mon chez moi temporaire et trouve à manger sans attendre midi à la pizzéria Paneolio tenue par des Italien(ne)s. La carte est en langue créolisée. La pizza de mon choix, une Campana à douze euros, est ainsi décrite : « fior de latte, mozzarella fumée, saucisse napolitaine et fiarielli (brocoli) ». « Tous nos produis sont importés en direct de nos producteurs en Italie sans intermédiaires » est-il précisé. Je commande en sus un verre de vin blanc à quatre euros. Rustique et même un peu coriace, telle est ma Campana. Je la termine un peu avant midi et surprise, bien que ce soit dimanche, le canon tonne.
De grosses gouttes s’aplatissent sur le sol à peine suis-je rue Jean-Jaurès. Je m’abrite cinq minutes sous un arbre de la Promenade du Paillon puis rejoins mon logis. Le ciel se couvre vraiment et l’orage se déclenche vers quatorze heures. J’emploie cette après-midi agitée à envisager la suite grâce à la documentation récupérée à l’Office du Tourisme auprès d’une aimable et efficace employée.
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« Estro collabo », « Estro toutou de Macron », c’est ce que criaient ce samedi des antivax antipass devant le domicile d’Estrosi, dépités qu’ils étaient de ne plus pouvoir défiler dans les rues commerçantes après un arrêté du Préfet demandé par le Maire. Un peu de lacrymogène les a dispersés.
*
Vu a la télé sur la pancarte d’une manifestante pour le climat allemande : « Eat pussy not animals ». Je veux bien mais où s’en procurer un bon ?
26 septembre 2021
Ce samedi, muni des bonnes viennoiseries de la boulangerie Saint-François (rue du même nom), je prends un café à un euro cinquante (prix d’avant huit heures) à la Brasserie Garibaldi (place du même nom) puis par la rue Cassini je rejoins le port où j’ai la surprise de trouver un vaste vide grenier installé sur les quais côté Vieux Nice.
J’en fais le tour et ne suis pas mécontent de ne trouver aucun livre pour moi parmi le peu proposés puis j’entre dans l’église Notre-Dame du Port dont l’intérieur est si sobre qu’il m’oblige à ressortir illico. Sur les quais côté Lympia, juste après la permanence d’Eric Ciotti, des pointus sont amarrés côte à côte. L’un a pour nom Gary où figure une photo de l’écrivain qui passa son enfance et son adolescence dans cette ville. Beaucoup de bateaux de m’as-tu-vu stagnent dans ce port, dont un immense, ainsi qu’un grand voilier à l’ancienne comme il s’en trouve partout.
Repassé de l’autre côté du bassin je poursuis mon chemin vers le quai des Etats-Unis passant devant une installation nommée Un Dimanche à Nice. Elle représente une Fiat Cinq Cent d’autrefois la galerie chargée de matériel de plage, le tout en aluminium, et est due à la fonderie Stéphane Cipre.
Je fais une pause sur un banc blanc à l’ombre devant lequel défilent pédaleurs, coureurs et marcheurs à bâtons. « Vous regardez quoi en premier, les nichons ou les fesses ? », demande une coureuse. Elle parle à son téléphone. Je reprends la marche et entre dans la vieille ville par la rue Droite puis mets le cap sur la place Rossetti. C’est ainsi que je découvre un marché du livre d’occasion devant la Mairie d’Estrosi. Il a lieu certains samedis de chaque mois et regroupe une huitaine de bouquinistes. La plupart proposent des livres à deux euros. Aucun ne m’est indispensable ou bien je l’ai déjà.
A midi, coup de canon, je m’assois à l’une des tables de ruelle de Chez Mémère dans l’intention de manger une moule marinière accompagnée de frites à la graisse de bœuf pour le prix de douze euros quatre-vingt-dix. Mémère a le propos narquois. Quand elle guide le conducteur d’un triporteur de livraison qui hésite à passer entre les tables et les parasols, elle lui décoche un « C’est marrant, vous les mecs, vous voyez toujours tout plus grand. »
Nous sommes peu nombreux à déjeuner Chez Mémère où des pochettes de trente-trois tours de Sardou, Aznavour et consorts servent de couvertures aux cartes que l’on donne aux clients. J’ai pour voisins un couple de trentenaires polonais qui ont l’air bien ensemble. Mémère leur demande comment on dit « Bon appétit » dans leur langue et elle le note sur son carnet puis elle révise ceux qu’elle connait déjà, du coréen au hongrois. Je suis un peu déçu par mes frites et mes moules et trouve qu’un verre de vin blanc du pays à quatre euros cinquante c’est un peu cher, mais je passe là un bon moment en écoutant des classiques du disco. Des photos dans les toilettes montrent que l’on s’amuse bien ici certains soirs entre travestis.
Promenade du Paillon, des filles en ticheurte orange qui participent à un rallye de découverte de la ville se font propulser en l’air par un élastique en poussant des cris d’effroi. Cela ne gêne en rien ma lecture, mais quand des percussionnistes sur bidons métalliques commencent à répéter près du Théâtre et que des sirènes de Police signalent l’approche des Crieurs de Liberté, je referme mon livre à la date du jeudi vingt-sept septembre mil huit cent quatre-vingt-huit.
Edmond, âgé de soixante-six ans, est ce jour-là un peu énervé: Oh ! manger le derrière d’une jeune femme, qui serait comme un fruit frais tiédi par le soleil !
*
Anton Tchekhov, en villégiature à Nice, se plaignait dans ses lettres d’y trouver des moustiques. Depuis mon arrivée, chaque nuit, leurs descendants se nourrissent à mes dépens. C’est surtout leur bourdonnement qui m’insupporte. Une bombe pour insectes volants achetée chez Carrefour Market marque mon entrée en guerre.
J’en fais le tour et ne suis pas mécontent de ne trouver aucun livre pour moi parmi le peu proposés puis j’entre dans l’église Notre-Dame du Port dont l’intérieur est si sobre qu’il m’oblige à ressortir illico. Sur les quais côté Lympia, juste après la permanence d’Eric Ciotti, des pointus sont amarrés côte à côte. L’un a pour nom Gary où figure une photo de l’écrivain qui passa son enfance et son adolescence dans cette ville. Beaucoup de bateaux de m’as-tu-vu stagnent dans ce port, dont un immense, ainsi qu’un grand voilier à l’ancienne comme il s’en trouve partout.
Repassé de l’autre côté du bassin je poursuis mon chemin vers le quai des Etats-Unis passant devant une installation nommée Un Dimanche à Nice. Elle représente une Fiat Cinq Cent d’autrefois la galerie chargée de matériel de plage, le tout en aluminium, et est due à la fonderie Stéphane Cipre.
Je fais une pause sur un banc blanc à l’ombre devant lequel défilent pédaleurs, coureurs et marcheurs à bâtons. « Vous regardez quoi en premier, les nichons ou les fesses ? », demande une coureuse. Elle parle à son téléphone. Je reprends la marche et entre dans la vieille ville par la rue Droite puis mets le cap sur la place Rossetti. C’est ainsi que je découvre un marché du livre d’occasion devant la Mairie d’Estrosi. Il a lieu certains samedis de chaque mois et regroupe une huitaine de bouquinistes. La plupart proposent des livres à deux euros. Aucun ne m’est indispensable ou bien je l’ai déjà.
A midi, coup de canon, je m’assois à l’une des tables de ruelle de Chez Mémère dans l’intention de manger une moule marinière accompagnée de frites à la graisse de bœuf pour le prix de douze euros quatre-vingt-dix. Mémère a le propos narquois. Quand elle guide le conducteur d’un triporteur de livraison qui hésite à passer entre les tables et les parasols, elle lui décoche un « C’est marrant, vous les mecs, vous voyez toujours tout plus grand. »
Nous sommes peu nombreux à déjeuner Chez Mémère où des pochettes de trente-trois tours de Sardou, Aznavour et consorts servent de couvertures aux cartes que l’on donne aux clients. J’ai pour voisins un couple de trentenaires polonais qui ont l’air bien ensemble. Mémère leur demande comment on dit « Bon appétit » dans leur langue et elle le note sur son carnet puis elle révise ceux qu’elle connait déjà, du coréen au hongrois. Je suis un peu déçu par mes frites et mes moules et trouve qu’un verre de vin blanc du pays à quatre euros cinquante c’est un peu cher, mais je passe là un bon moment en écoutant des classiques du disco. Des photos dans les toilettes montrent que l’on s’amuse bien ici certains soirs entre travestis.
Promenade du Paillon, des filles en ticheurte orange qui participent à un rallye de découverte de la ville se font propulser en l’air par un élastique en poussant des cris d’effroi. Cela ne gêne en rien ma lecture, mais quand des percussionnistes sur bidons métalliques commencent à répéter près du Théâtre et que des sirènes de Police signalent l’approche des Crieurs de Liberté, je referme mon livre à la date du jeudi vingt-sept septembre mil huit cent quatre-vingt-huit.
Edmond, âgé de soixante-six ans, est ce jour-là un peu énervé: Oh ! manger le derrière d’une jeune femme, qui serait comme un fruit frais tiédi par le soleil !
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Anton Tchekhov, en villégiature à Nice, se plaignait dans ses lettres d’y trouver des moustiques. Depuis mon arrivée, chaque nuit, leurs descendants se nourrissent à mes dépens. C’est surtout leur bourdonnement qui m’insupporte. Une bombe pour insectes volants achetée chez Carrefour Market marque mon entrée en guerre.
25 septembre 2021
C’est à la terrasse du Sauveur que je commence ma journée vers sept heures et demie, quelques tables posées à un carrefour de ruelles. J’y petit-déjeune d’un croissant et d’un pain au chocolat achetés à la boulangerie d’à côté et d’un café allongé qu’ici on appelle américain et que j’ai la surprise de payer trente centimes de plus que l’expresso.
Ce troquet est au début de la bien nommée rue Droite qui mène tout droit à la plage en traversant le Vieux Nice. J’emprunte ce raccourci et en chemin trouve l’église de Jésus déjà ouverte. Encore un hymne au baroque, dont l’intérieur rivalise avec celui de la Cathédrale toute proche : stucs dorés et putti de toute les tailles.
Revenu à l’extérieur, j’achève la rue Droite et regarde à quoi ressemble la Méditerranée ce matin. Elle est paisible et l’on s’y baigne. Je marche sur son bord jusqu’à atteindre la partie de la promenade qui bénéficie du soleil et me pose sur une chaise bleue pour lire Edmond de Goncourt. Une activité que je mène jusqu’à ce qu’un malotru vienne à proximité sauter à la corde sur de la musique forte.
Je reprends la rue Droite en sens inverse, dans laquelle se trouve aussi le Palais Lascaris que mon Guide du Routard deux mille neuf signale en visite gratuite à partir de dix heures. Ouvert il l’est, mais désormais c’est cinq euros, m’apprend la personne chargée de l’accueil. Comme ma motivation ne tenait qu’à la gratuité, je rejoins la place Saint-François.
C’est le moment de boire un autre café, cette fois au Nomad. J’y réserve une table pour midi car ici le vendredi c’est aïoli de cabillaud à treize euros.
Le moment venu je le déguste avec un quart de vin blanc puis le fais suivre d’une tarte à la framboise. « Cela fait vingt-deux euros tout rond », m’annonce l’aimable tenancière à l’issue.
Je n’ai qu’à traverser les voies du tram pour aller lire sur un banc de la Promenade du Paillon près de l’immense statue du David de Michel-Ange Celui-ci fait don de son anatomie à une population indifférente.
*
Des boîtes à sous dans les boulangeries niçoises. Ce qui me conduit à payer sans contact.
*
Quai des Etats-Unis, des élèves d'élémentaire porteurs de sacs en plastique jaune « Nice ville propre ». Ils ramassent les mégots à mains nues.
*
Cette façon qu’ont les Niçois(e)s d’essayer de garder leur dignité tout en luttant contre la douleur quand ils marchent pieds nus sur les galets.
*
Conduisant une Smart électrique de ruelle en ruelle, une quinquagénaire distribue Nice Matin dans les bars en claironnant que son cancer elle l’a guéri avec un régime et que pour le Covid on s’en sort avec des vitamines et du zinc. « D’ailleurs vous en connaissez, vous, des gens morts du Covid ? Personne n’en connaît ».
Comme chantait Boris Vian, c’est même plus un cerveau, c’est comme de la sauce blanche.
Ce troquet est au début de la bien nommée rue Droite qui mène tout droit à la plage en traversant le Vieux Nice. J’emprunte ce raccourci et en chemin trouve l’église de Jésus déjà ouverte. Encore un hymne au baroque, dont l’intérieur rivalise avec celui de la Cathédrale toute proche : stucs dorés et putti de toute les tailles.
Revenu à l’extérieur, j’achève la rue Droite et regarde à quoi ressemble la Méditerranée ce matin. Elle est paisible et l’on s’y baigne. Je marche sur son bord jusqu’à atteindre la partie de la promenade qui bénéficie du soleil et me pose sur une chaise bleue pour lire Edmond de Goncourt. Une activité que je mène jusqu’à ce qu’un malotru vienne à proximité sauter à la corde sur de la musique forte.
Je reprends la rue Droite en sens inverse, dans laquelle se trouve aussi le Palais Lascaris que mon Guide du Routard deux mille neuf signale en visite gratuite à partir de dix heures. Ouvert il l’est, mais désormais c’est cinq euros, m’apprend la personne chargée de l’accueil. Comme ma motivation ne tenait qu’à la gratuité, je rejoins la place Saint-François.
C’est le moment de boire un autre café, cette fois au Nomad. J’y réserve une table pour midi car ici le vendredi c’est aïoli de cabillaud à treize euros.
Le moment venu je le déguste avec un quart de vin blanc puis le fais suivre d’une tarte à la framboise. « Cela fait vingt-deux euros tout rond », m’annonce l’aimable tenancière à l’issue.
Je n’ai qu’à traverser les voies du tram pour aller lire sur un banc de la Promenade du Paillon près de l’immense statue du David de Michel-Ange Celui-ci fait don de son anatomie à une population indifférente.
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Des boîtes à sous dans les boulangeries niçoises. Ce qui me conduit à payer sans contact.
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Quai des Etats-Unis, des élèves d'élémentaire porteurs de sacs en plastique jaune « Nice ville propre ». Ils ramassent les mégots à mains nues.
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Cette façon qu’ont les Niçois(e)s d’essayer de garder leur dignité tout en luttant contre la douleur quand ils marchent pieds nus sur les galets.
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Conduisant une Smart électrique de ruelle en ruelle, une quinquagénaire distribue Nice Matin dans les bars en claironnant que son cancer elle l’a guéri avec un régime et que pour le Covid on s’en sort avec des vitamines et du zinc. « D’ailleurs vous en connaissez, vous, des gens morts du Covid ? Personne n’en connaît ».
Comme chantait Boris Vian, c’est même plus un cerveau, c’est comme de la sauce blanche.
24 septembre 2021
Le ciel est toujours aussi bleu quand j’entre dans le Vieux Nice ce jeudi tôt. J’ai un plan, dit détaillé, de ce triangle qui jouxte l’endroit où je gîte et dont la base est le quai des Etats-Unis mais les ruelles sont si nombreuses que beaucoup n’y figurent point.
C’est donc au pifomètre que je tourne à gauche ou à droite, me laissant porter par ce que je vois et photographie : façades ocres orange ou jaunes, églises en veux-tu en voilà. Puis je me lance à l’assaut de la colline du Château (lequel n’existe plus) et arrive au cimetière où je fais une découverte près de l’entrée : la tombe de Gaston Leroux que je ne savais pas d’ici.
Ressorti et encouragé par les jolies jambes de jeunes étrangères qui me précédent, je reprends la montée et roule ma bille jusqu’à la tour Bellanda d’où l’on a vue sur la ville et la mer. Berlioz y a vécu, m’apprend une plaque. Redescendu jusqu’à la mer, je la longe un peu puis entre à nouveau dans le dédale où je fais une nouvelle découverte : une statue en pied de Jacques Chirac pas très loin de la Mairie d’Estrosi.
Enfin je trouve la Cathédrale Sainte-Réparate dont l’intérieur est d’un baroque on ne peut plus kitsch. Elle se situe place Rossetti, la plus belle de la vieille ville selon Le Routard. Je photographie chaque côté de ce quadrilatère puis m’installe en son centre à la terrasse du Kalice pour un café lecture à un euro quatre-vingt-dix.
Je choisis de déjeuner à côté, au restaurant La Claire Fontaine, installé à une table presque les pieds dans l’eau de celle-ci. Je réfléchis à quoi choisir quand retentit le claquant coup de canon de midi tiré du parc du Château. Il est suivi du carillonnage de la Cathédrale, laquelle ferme ses portes pendant la pause méridienne. Se succèdent sur ma table une pissaladière et tourte aux courgettes, des supions à la niçoise et une tourte aux blettes, le tout bon et copieux, pour dix-sept euros quatre-vingt-dix.
La Promenade du Paillon n’est pas loin. Les lycéen(ne)s s’y ébaudissent avant la reprise des cours. J’y poursuis ma relecture du troisième tome du Journal des Goncourt. Edmond est moins dépressif vers la fin des années quatre-vingt. Il redevient méchant. Cela me réjouit.
*
Place Rossetti, sur le mur du Kalice, une plaque : « Antonia la marchande de journaux, Jallez le normalien, héros de La Douceur de la Vie, commencèrent leurs amours sur cette place dans l’œuvre de Jules Romain ».
Cela se passe dans le tome dix-huit des Hommes de bonne volonté.
Que plus personne ne lit.
*
Je ne sais qui a osé écrire Romains sans sa finale.
C’est donc au pifomètre que je tourne à gauche ou à droite, me laissant porter par ce que je vois et photographie : façades ocres orange ou jaunes, églises en veux-tu en voilà. Puis je me lance à l’assaut de la colline du Château (lequel n’existe plus) et arrive au cimetière où je fais une découverte près de l’entrée : la tombe de Gaston Leroux que je ne savais pas d’ici.
Ressorti et encouragé par les jolies jambes de jeunes étrangères qui me précédent, je reprends la montée et roule ma bille jusqu’à la tour Bellanda d’où l’on a vue sur la ville et la mer. Berlioz y a vécu, m’apprend une plaque. Redescendu jusqu’à la mer, je la longe un peu puis entre à nouveau dans le dédale où je fais une nouvelle découverte : une statue en pied de Jacques Chirac pas très loin de la Mairie d’Estrosi.
Enfin je trouve la Cathédrale Sainte-Réparate dont l’intérieur est d’un baroque on ne peut plus kitsch. Elle se situe place Rossetti, la plus belle de la vieille ville selon Le Routard. Je photographie chaque côté de ce quadrilatère puis m’installe en son centre à la terrasse du Kalice pour un café lecture à un euro quatre-vingt-dix.
Je choisis de déjeuner à côté, au restaurant La Claire Fontaine, installé à une table presque les pieds dans l’eau de celle-ci. Je réfléchis à quoi choisir quand retentit le claquant coup de canon de midi tiré du parc du Château. Il est suivi du carillonnage de la Cathédrale, laquelle ferme ses portes pendant la pause méridienne. Se succèdent sur ma table une pissaladière et tourte aux courgettes, des supions à la niçoise et une tourte aux blettes, le tout bon et copieux, pour dix-sept euros quatre-vingt-dix.
La Promenade du Paillon n’est pas loin. Les lycéen(ne)s s’y ébaudissent avant la reprise des cours. J’y poursuis ma relecture du troisième tome du Journal des Goncourt. Edmond est moins dépressif vers la fin des années quatre-vingt. Il redevient méchant. Cela me réjouit.
*
Place Rossetti, sur le mur du Kalice, une plaque : « Antonia la marchande de journaux, Jallez le normalien, héros de La Douceur de la Vie, commencèrent leurs amours sur cette place dans l’œuvre de Jules Romain ».
Cela se passe dans le tome dix-huit des Hommes de bonne volonté.
Que plus personne ne lit.
*
Je ne sais qui a osé écrire Romains sans sa finale.
23 septembre 2021
Beaucoup se lèvent tôt à Nice, je le constate alors qu’à peine le jour apparu on fait queue chez la boulangère que m’a indiquée un balayeur de rue. C’est pour travailler ou pour se baigner, ou encore pour se baigner avant d’aller travailler. Après un passage par la fort belle place Masséna et sa fontaine du Soleil j’arrive sur la trop connue Promenade des Anglais en ayant une pensée pour le drame qui eut lieu certain Quatorze Juillet par la volonté d’un islamiste.
Impossible de manger mon croissant et mon pain au chocolat en buvant un café côté mer, il n’y a que des établissements d’un luxe tapageur privatisant des portions de la plage et pas encore ouverts (comment les riches peuvent-ils se contenter d’une étendue de galets pour s’allonger un verre à la main ?). C’est sur une des chaises bleues, face à la Grande Bleue, que je mange mes viennoiseries.
Cette Promenade des Anglais (la Prom’ pour les intimes) est d’un prestige surfait, comme les Champs-Elysées et la Canebière, doublée qu’elle est par une deux fois trois voies à forte circulation automobile. Les cafés qui jouxtent cette autoroute urbaine ne me font pas envie, d’autant que j’ai déjà trop chaud. Je cherche refuge dans une petite rue perpendiculaire ombragée.
S’y trouve un café appelé La Lorraine (souvenir de mon escapade précédente) où on ne demande pas le passe et où le café est à deux euros. J’ouvre là pour la première fois le troisième tome du Journal des Goncourt. Edmond est encore du voyage.
Après m’être allégé à mon quatrième étage et en avoir tiré les volets, je contourne le Lycée Masséna pour rejoindre la place Saint-François. Mon Guide du Routard Côte d’Azur deux mille neuf y conseille un restaurant plus connu des locaux que des touristes.
Il a disparu. Peu soucieux d’entrer dans les rues les plus étroites de la ville qui sont surpeuplées à cette heure, c’est sur cette même place que je déjeune au Restaurant Gaglio d’un menu à dix-neuf euros quatre-vingt-dix : caillettes farcies minestrone de légumes, bavette d’aloyau pleurotes gratin dauphinois et feuilleté aux pommes. C’est bon et accompagné de pain rustique. D’une carafe d’eau aussi car le vin au verre n’est pas donné.
N’ayant pas envie de m’épuiser par cette chaleur, je vais lire à côté, Promenade du Paillon, aussi appelée la Coulée Verte et qui mène au Théâtre National de Nice. Un quinquagénaire ventru demande à partager mon banc.
-Pas de problème, je vais me mettre à l’autre bout.
-Y a pas de danger, me répond-il, tout ça c’est une histoire inventée par les politiques.
-C’est bon, ne me racontez pas des conneries à la Raoult.
Il ronchonne puis se tait puis s’en va. Je fais de même un peu plus tard pour aller boire un café au Relax où on l’est moins qu’hier car soudain la serveuse se précipite sur tous les passes non contrôlés. La maréchaussée est signalée dans un autre bar du quartier.
*
Un peu effrayant, le coup de canon de midi quand on l’entend pour la première fois, comme c’est mon cas ce mercredi.
*
Le mercredi, ce jour cruel où les mères sortent en ville avec leurs filles.
*
Ô Niçois qui mal y pense !
Ça me trotte dans la tête.
L’écrire m’en débarrassera peut-être.
Impossible de manger mon croissant et mon pain au chocolat en buvant un café côté mer, il n’y a que des établissements d’un luxe tapageur privatisant des portions de la plage et pas encore ouverts (comment les riches peuvent-ils se contenter d’une étendue de galets pour s’allonger un verre à la main ?). C’est sur une des chaises bleues, face à la Grande Bleue, que je mange mes viennoiseries.
Cette Promenade des Anglais (la Prom’ pour les intimes) est d’un prestige surfait, comme les Champs-Elysées et la Canebière, doublée qu’elle est par une deux fois trois voies à forte circulation automobile. Les cafés qui jouxtent cette autoroute urbaine ne me font pas envie, d’autant que j’ai déjà trop chaud. Je cherche refuge dans une petite rue perpendiculaire ombragée.
S’y trouve un café appelé La Lorraine (souvenir de mon escapade précédente) où on ne demande pas le passe et où le café est à deux euros. J’ouvre là pour la première fois le troisième tome du Journal des Goncourt. Edmond est encore du voyage.
Après m’être allégé à mon quatrième étage et en avoir tiré les volets, je contourne le Lycée Masséna pour rejoindre la place Saint-François. Mon Guide du Routard Côte d’Azur deux mille neuf y conseille un restaurant plus connu des locaux que des touristes.
Il a disparu. Peu soucieux d’entrer dans les rues les plus étroites de la ville qui sont surpeuplées à cette heure, c’est sur cette même place que je déjeune au Restaurant Gaglio d’un menu à dix-neuf euros quatre-vingt-dix : caillettes farcies minestrone de légumes, bavette d’aloyau pleurotes gratin dauphinois et feuilleté aux pommes. C’est bon et accompagné de pain rustique. D’une carafe d’eau aussi car le vin au verre n’est pas donné.
N’ayant pas envie de m’épuiser par cette chaleur, je vais lire à côté, Promenade du Paillon, aussi appelée la Coulée Verte et qui mène au Théâtre National de Nice. Un quinquagénaire ventru demande à partager mon banc.
-Pas de problème, je vais me mettre à l’autre bout.
-Y a pas de danger, me répond-il, tout ça c’est une histoire inventée par les politiques.
-C’est bon, ne me racontez pas des conneries à la Raoult.
Il ronchonne puis se tait puis s’en va. Je fais de même un peu plus tard pour aller boire un café au Relax où on l’est moins qu’hier car soudain la serveuse se précipite sur tous les passes non contrôlés. La maréchaussée est signalée dans un autre bar du quartier.
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Un peu effrayant, le coup de canon de midi quand on l’entend pour la première fois, comme c’est mon cas ce mercredi.
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Le mercredi, ce jour cruel où les mères sortent en ville avec leurs filles.
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Ô Niçois qui mal y pense !
Ça me trotte dans la tête.
L’écrire m’en débarrassera peut-être.
22 septembre 2021
Le Rouen Paris de six heures dix est un dortoir ambulant. Ce mardi, j’y ai place réservée et pas de voisin immédiat. Changement d’ambiance ligne Quatorze du métro, tous ces humains qui sont pressés d’aller travailler et qui me pressent. Je suis content d’en sortir avec ma petite valise, Gare de Lyon, par la place Henri Frenay. La Terrasse de Lyon me permet de prendre un café (deux euros cinquante) et d’attendre le Tégévé de dix heures zéro sept pour Nice.
A l’approche de la zone Tégévé, une Gilet Bleu me demande mon passe sanitaire et me met un bracelet de même couleur autour du poignet. Me voilà bagué pour la suite.
Dans le train qui file vers Marseille entre contreforts des Alpes et contreforts du Massif Central, un calme jeune homme est assis à mon côté, bien masqué. Quinze minutes d’arrêt dans la cité phocéenne (comme disent les journalistes) puis, délesté de beaucoup, ce qui me permet de m’assoir côté mer, le train repart à une vitesse de Téheuherre sur un tracé tantôt Massif des Maures tantôt bord de Méditerranée.
Le ciel comme les flots sont d’azur, les maisons roses, les plages emplies de maillots de bain, les vignes dans de la terre rouge, les arrêts nombreux : Toulon, Les Arcs Draguignan, Saint-Raphaël Valescure, Cannes et Antibes.
Ce Tégévé devenu omnibus a perdu toute sa force. Je me demande à chaque gare s’il va être capable de repartir. Déjouant mon pessimisme, il arrive à seize heures zéro sept comme prévu à la Gare de Nice Ville, terminus.
Dès que j’ai le pied dehors, je le sens : ici, en cette veille d’automne, c’est le plein été. Il fait vingt-sept degrés.
Mon logement Air Bibi se trouve à un kilomètre cinq, dans le Vieux Nice. Je descends pédestrement l’avenue Jean-Médecin où circule le tram, tourne à gauche rue Pastorelli. Ayant atteint le square Durandy où commence la rue qui sera provisoirement la mienne, je m’arrête à la terrasse du Relax. On n’y demande pas le passe sanitaire. Le café est à un euro cinquante. La jeune patronne pouponne tout en faisant le service. Il porte bien son nom.
J’ai rendez-vous avec mon logeur à dix-sept heures trente à l’autre bout de la rue, près du Lycée Masséna. En l’attendant, je regarde passer des lycéennes adeptes du crop top.
Tout se passe comme prévu. Me voici installé dans un agréable appartement de deux pièces qui donnent sur l’arrière, au quatrième étage, avec heureusement un ascenseur pour mon vieux cœur. J’en ouvre les fenêtres. Le calme attendu est parfois troublé par un dément qui crie à répétition « Connard ! ».
A l’approche de la zone Tégévé, une Gilet Bleu me demande mon passe sanitaire et me met un bracelet de même couleur autour du poignet. Me voilà bagué pour la suite.
Dans le train qui file vers Marseille entre contreforts des Alpes et contreforts du Massif Central, un calme jeune homme est assis à mon côté, bien masqué. Quinze minutes d’arrêt dans la cité phocéenne (comme disent les journalistes) puis, délesté de beaucoup, ce qui me permet de m’assoir côté mer, le train repart à une vitesse de Téheuherre sur un tracé tantôt Massif des Maures tantôt bord de Méditerranée.
Le ciel comme les flots sont d’azur, les maisons roses, les plages emplies de maillots de bain, les vignes dans de la terre rouge, les arrêts nombreux : Toulon, Les Arcs Draguignan, Saint-Raphaël Valescure, Cannes et Antibes.
Ce Tégévé devenu omnibus a perdu toute sa force. Je me demande à chaque gare s’il va être capable de repartir. Déjouant mon pessimisme, il arrive à seize heures zéro sept comme prévu à la Gare de Nice Ville, terminus.
Dès que j’ai le pied dehors, je le sens : ici, en cette veille d’automne, c’est le plein été. Il fait vingt-sept degrés.
Mon logement Air Bibi se trouve à un kilomètre cinq, dans le Vieux Nice. Je descends pédestrement l’avenue Jean-Médecin où circule le tram, tourne à gauche rue Pastorelli. Ayant atteint le square Durandy où commence la rue qui sera provisoirement la mienne, je m’arrête à la terrasse du Relax. On n’y demande pas le passe sanitaire. Le café est à un euro cinquante. La jeune patronne pouponne tout en faisant le service. Il porte bien son nom.
J’ai rendez-vous avec mon logeur à dix-sept heures trente à l’autre bout de la rue, près du Lycée Masséna. En l’attendant, je regarde passer des lycéennes adeptes du crop top.
Tout se passe comme prévu. Me voici installé dans un agréable appartement de deux pièces qui donnent sur l’arrière, au quatrième étage, avec heureusement un ascenseur pour mon vieux cœur. J’en ouvre les fenêtres. Le calme attendu est parfois troublé par un dément qui crie à répétition « Connard ! ».
20 septembre 2021
De la pluie en cours de nuit et encore au petit matin, heureusement elle a cessé quand se lève le jour ce dimanche : à sept heures trente-six. C’est le moment de sortir de chez moi pour rejoindre le Quai des Livres rouennais, ce marché de l’occasion qui regroupe professionnels, associations et particuliers.
Arrivé sur place je constate que les vendeurs sont moins nombreux qu’avant-guerre. La qualité ne remplace pas la quantité. On garde le meilleur pour ailleurs. Déjà, du dernier Quai parcouru avant Covid, j’étais reparti bredouille.
Il en est de même ce jour après l’ultime tentative d’un vendeur :
-Vous allez bien nous acheter quelque chose.
-J’ai peur que non.
-Ce n’est pas cher pourtant.
-Oui, mais que de la daube.
*
En face de l’Hôtel des Ventes de la rue de la Croix de Fer, un mur blanc est devenu le préféré des colleuses locales pour dénoncer ce qu’il est convenu d’appeler les féminicides. Leurs slogans, parfois peu intelligibles pour le passant moyen, sont systématiquement décollés. Le dernier est en place depuis quelques jours, incompréhensible pour qui n’a pas suivi les épisodes précédents : « Décoller n’efface pas les victimes ». Il y a un brin de paranoïa derrière ce propos. Je suppose que le propriétaire du mur nettoie son bien indépendamment de ce qu’on y écrit.
*
Mieszko Bavencoffe, plasticien dont j’ai fait la connaissance dans une circonstance quelque peu conflictuelle au temps de l’Ubi, lieu artistique mutualisé, puis que je suis allé un jour soutenir alors qu’à lui seul il s’opposait à l’abattage des arbres de la rue d’Amiens (ils sont toujours debout), fait un coup d’éclat pour cette Journée du Patrimoine en installant devant l’Hôtel de Ville de Rouen, sur le socle de celui parti se refaire une beauté, un Napoléon bicycliste livreur de repas Deliveroo.
Revenant de photographier cette œuvre éphémère, je croise ce grand garçon et lui dit bonjour. Il me répond et me détrompe. C’est son frère. Dingue comme ils se ressemblent.
*
Mort de Julos Beaucarne à l’âge de quatre-vingt-cinq ans ce dimanche. Vu et écouté il y a longtemps à Louviers. Au temps des concerts gratuits. Des chansons écolo gentillettes. Une trop grande âme pour moi.
J’ai détesté la lettre pleine de compréhension et de pardon qu’il a écrite à l’homme qui a tué sa femme, un marginal qu’il avait recueilli.
Quand même, ce titre de neuf secondes que je n’ai pas oublié : Dans le cadre de la quinzaine du bon langage, ne disez pas « Disez »... Disez « Dites ».
Arrivé sur place je constate que les vendeurs sont moins nombreux qu’avant-guerre. La qualité ne remplace pas la quantité. On garde le meilleur pour ailleurs. Déjà, du dernier Quai parcouru avant Covid, j’étais reparti bredouille.
Il en est de même ce jour après l’ultime tentative d’un vendeur :
-Vous allez bien nous acheter quelque chose.
-J’ai peur que non.
-Ce n’est pas cher pourtant.
-Oui, mais que de la daube.
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En face de l’Hôtel des Ventes de la rue de la Croix de Fer, un mur blanc est devenu le préféré des colleuses locales pour dénoncer ce qu’il est convenu d’appeler les féminicides. Leurs slogans, parfois peu intelligibles pour le passant moyen, sont systématiquement décollés. Le dernier est en place depuis quelques jours, incompréhensible pour qui n’a pas suivi les épisodes précédents : « Décoller n’efface pas les victimes ». Il y a un brin de paranoïa derrière ce propos. Je suppose que le propriétaire du mur nettoie son bien indépendamment de ce qu’on y écrit.
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Mieszko Bavencoffe, plasticien dont j’ai fait la connaissance dans une circonstance quelque peu conflictuelle au temps de l’Ubi, lieu artistique mutualisé, puis que je suis allé un jour soutenir alors qu’à lui seul il s’opposait à l’abattage des arbres de la rue d’Amiens (ils sont toujours debout), fait un coup d’éclat pour cette Journée du Patrimoine en installant devant l’Hôtel de Ville de Rouen, sur le socle de celui parti se refaire une beauté, un Napoléon bicycliste livreur de repas Deliveroo.
Revenant de photographier cette œuvre éphémère, je croise ce grand garçon et lui dit bonjour. Il me répond et me détrompe. C’est son frère. Dingue comme ils se ressemblent.
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Mort de Julos Beaucarne à l’âge de quatre-vingt-cinq ans ce dimanche. Vu et écouté il y a longtemps à Louviers. Au temps des concerts gratuits. Des chansons écolo gentillettes. Une trop grande âme pour moi.
J’ai détesté la lettre pleine de compréhension et de pardon qu’il a écrite à l’homme qui a tué sa femme, un marginal qu’il avait recueilli.
Quand même, ce titre de neuf secondes que je n’ai pas oublié : Dans le cadre de la quinzaine du bon langage, ne disez pas « Disez »... Disez « Dites ».
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