Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
4 avril 2004
La Cathédrale carillonne ce jeudi soir à l’heure où je traverse son parvis en diagonale, de quoi me mettre dans l’ambiance car Café Zimmermann, l’ensemble dirigé par Céline Frisch et Pablo Valetti, pour son passage annuel à l’Opéra, donne cette année des cantates sacrées de Bach, lequel en composait quasiment une par semaine, rude labeur que celui de maître de chapelle.
J’ai une chaise au premier rang et défends celle d’à côté au bénéfice de celui qui me rejoint à la sonnerie. Le chapeau vissé sur l’un de ses genoux, il juge nécessaire de sortir ses lunettes lorsque Frédéric Roels, maître des lieux, apparaît sur la scène pour nous annoncer que la soprano attendue est malade et remplacée par Hélène Le Corre.
-J’admire toujours le pli du pantalon, me dit-il.
-Ça, c’est madame, lui dis-je.
Nous sommes d’excellente humeur ce soir. Lorsque Hélène Le Corre passe de profil devant les musicien(ne)s je me dis qu’elle porte bien son nom puis me concentre sur ses qualités vocales. Elles lui valent bien des applaudissements à l’issue de la cantate Jauchzet Gott in allen Landen.
Christian Immler, grand, barbu et élégamment vêtu, lui succède pour interpréter de sa voix de basse la cantate Ich habe genug. Il obtient lui aussi un beau succès.
-C’est un très bel homme, déclare une connaisseuse à l’entracte.
Pour ma part, j’ai surtout été sous le charme (comme on dit) de l’hautboïste Katharina Andres, à qui je donnerais le bon dieu sans confession.
Chacun est d’accord pour trouver admirables les cantates de Bach et leur interprétation par Café Zimmermann. Le bémol est mis par l’un assis derrière moi :
-C’est un peu endormissant mais c’est bien joli quand même.
Après la Sonate pour violon et basse continue en sol majeur, c’est la cantate Liebster Jesu, mein Verlangen, que se partagent Hélène Le Corre et Christian Immler. Elle est moult applaudie.
Pablo Valetti prend la parole pour nous annoncer le bonus :
-Comme vous le savez, Bach a surtout composé de la musique religieuse, mais aussi quelques cantates profanes et parmi celles-ci une seule drôle. Devinez ce que l’on va vous interpréter. Enfin, un extrait. C’est la cantate des paysans.
Je présume que la drôlerie était dans le texte.
-Bon, ils peuvent revenir l’an prochain, dis-je à mon voisin à qui je me plaignais en début de soirée d’avoir chaque année Café Zimmermann au programme.
*
Avant concert, la conversation alentour était sur le désespoir de vivre sans France Culture et France Musique pour cause de grève prolongée.
-J’ai essayé d’autres radios, dit l’un. La première chose que j’ai entendue c’est : « Allo, c’est Janine, je rentre juste de faire les courses… »
*
« Le bis qu'a interprété notre fougueux pianiste n'est pas la sonate n° 1 de Beethoven, mais le dernier mouvement (allegretto) de sa sonate n° 17 "La Tempête". » m’écrit un lecteur suite à mon évocation du concert d’Andreï Korobeinikov. Pour une fois que je pensais avoir reconnu kekchose.
*
On pourrait croire que ça s’arrange ce vendredi matin en entendant à nouveau Marc Voinchet aux Matins de France Culture, mais c’est pour une émission pleine de trous remplis par des chansonnettes la plupart niaises. Et plus moyen d’écouter d’anciennes émissions via Internet, ma box Orange clignote toujours bleu. Il faut la remplacer, me dit l’assistance, à qui j’apprends que j’en ai reçu une autre il y a plusieurs mois.
J’ai une chaise au premier rang et défends celle d’à côté au bénéfice de celui qui me rejoint à la sonnerie. Le chapeau vissé sur l’un de ses genoux, il juge nécessaire de sortir ses lunettes lorsque Frédéric Roels, maître des lieux, apparaît sur la scène pour nous annoncer que la soprano attendue est malade et remplacée par Hélène Le Corre.
-J’admire toujours le pli du pantalon, me dit-il.
-Ça, c’est madame, lui dis-je.
Nous sommes d’excellente humeur ce soir. Lorsque Hélène Le Corre passe de profil devant les musicien(ne)s je me dis qu’elle porte bien son nom puis me concentre sur ses qualités vocales. Elles lui valent bien des applaudissements à l’issue de la cantate Jauchzet Gott in allen Landen.
Christian Immler, grand, barbu et élégamment vêtu, lui succède pour interpréter de sa voix de basse la cantate Ich habe genug. Il obtient lui aussi un beau succès.
-C’est un très bel homme, déclare une connaisseuse à l’entracte.
Pour ma part, j’ai surtout été sous le charme (comme on dit) de l’hautboïste Katharina Andres, à qui je donnerais le bon dieu sans confession.
Chacun est d’accord pour trouver admirables les cantates de Bach et leur interprétation par Café Zimmermann. Le bémol est mis par l’un assis derrière moi :
-C’est un peu endormissant mais c’est bien joli quand même.
Après la Sonate pour violon et basse continue en sol majeur, c’est la cantate Liebster Jesu, mein Verlangen, que se partagent Hélène Le Corre et Christian Immler. Elle est moult applaudie.
Pablo Valetti prend la parole pour nous annoncer le bonus :
-Comme vous le savez, Bach a surtout composé de la musique religieuse, mais aussi quelques cantates profanes et parmi celles-ci une seule drôle. Devinez ce que l’on va vous interpréter. Enfin, un extrait. C’est la cantate des paysans.
Je présume que la drôlerie était dans le texte.
-Bon, ils peuvent revenir l’an prochain, dis-je à mon voisin à qui je me plaignais en début de soirée d’avoir chaque année Café Zimmermann au programme.
*
Avant concert, la conversation alentour était sur le désespoir de vivre sans France Culture et France Musique pour cause de grève prolongée.
-J’ai essayé d’autres radios, dit l’un. La première chose que j’ai entendue c’est : « Allo, c’est Janine, je rentre juste de faire les courses… »
*
« Le bis qu'a interprété notre fougueux pianiste n'est pas la sonate n° 1 de Beethoven, mais le dernier mouvement (allegretto) de sa sonate n° 17 "La Tempête". » m’écrit un lecteur suite à mon évocation du concert d’Andreï Korobeinikov. Pour une fois que je pensais avoir reconnu kekchose.
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On pourrait croire que ça s’arrange ce vendredi matin en entendant à nouveau Marc Voinchet aux Matins de France Culture, mais c’est pour une émission pleine de trous remplis par des chansonnettes la plupart niaises. Et plus moyen d’écouter d’anciennes émissions via Internet, ma box Orange clignote toujours bleu. Il faut la remplacer, me dit l’assistance, à qui j’apprends que j’en ai reçu une autre il y a plusieurs mois.
3 avril 2015
Le train de huit heures sept me mène encore une fois à Paris ce mercredi et je fais en sorte de ne pas y tenir le rôle de celui pour qui c’est le dernier voyage, comme il est arrivé lundi à un quadragénaire victime d’une crise cardiaque au départ et qui n’a pu être ranimé ni par un médecin et un chirurgien présents à bord ni par les secours appelés à Sotteville.
La ligne Huit du métro étant en panne, c’est par un détour Neuf et Cinq que j’arrive à la Bastille et avec retard chez Book-Off. J’y trouve de bons livres et en quantité. Déjà bien chargé, je prends à pied le chemin du Centre Pompidou, m’arrêtant rue Saint-Antoine aux Mousquetaires pour y manger des lasagnes de bœuf, un plat du jour assez quelconque, et passe ensuite au Rivolux où je bois un café en lisant Libération (le Maire Colomb, Socialiste, s’en prend aux prostituées les obligeant à exercer dans des camionnettes loin du centre de Lyon) et Le Parisien (La Maire Hidalgo, Socialiste, promet de s’en prendre aux terrasses couvertes qui ne respectent pas la loi anti-tabac). Des syndromes d’impuissance, me dis-je, révélant qu’on ne sait pas résoudre les vrais problèmes de ses administré(e)s : manque de travail, manque de logement, etc.
Peu de monde au Centre Pompidou et aucune attente pour entrer à l’exposition Jeff Koons dont ce sont les derniers jours, est-il écrit sur les affiches du métro. Le public y est si clairsemé que je me trouve seul avec une jeune femme, expérience troublante, dans la salle réservée aux photos où, en quatre sur trois, Jeff pénètre la Cicciolina de différentes façons. Redescendu au quatrième, je fais assez vite le tour de la rétrospective consacrée à Hervé Télémaque. La peinture de cet acteur de la Figuration narrative m’intéresse sans plus.
-Ça coûte combien ? demande une lycéenne allemande à l’un des gardiens.
-Je ne sais pas exactement, mais ça doit coûter cher, lui répond-il.
Je passe par la librairie Gilda, rue des Bourbonnais, et trouve dans un des bacs de trottoir Fool for Love de Sam Shepard (Christian Bourgois), une pièce vue, il y a maintenant bien longtemps, avec celle qui me tenait la main cet été-là à Avignon, ce pourquoi je l’achète, puis la ligne Quatorze me rapproche du deuxième Book-Off.
Les employées y sont une nouvelle fois à changer la disposition de la boutique. Là aussi je trouve de très bonnes choses. Plusieurs livres achetés sont couverts de papier cristal. Ils ont dû appartenir au même lecteur soucieux de les maintenir en bon état : Une adolescence au temps du Maréchal et de multiples aventures de François Augiéras (La Différence), La colonne d’air suivi de Raymond Queneau ou l’oignon de Moebius de Jacques Duchateau (Ramsay), Etudes sur la Chartreuse de Parme de Monsieur Beyle d’Honoré de Balzac (Climats) et Carentan deux minutes d’arrêt de Frédéric Lasaygues (Le Castor Astral). Comment sont-ils arrivés là ? A-t-il été victime d’une crise cardiaque un jour où il partait en voyage ?
Le soir, rentré, c’est pour découvrir que ma box Orange passe à nouveau par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, plus d’Internet à la maison.
*
Autre livre rapporté de Paris : Historiettes de Tallemant des Réaux, un choix extrait de l’édition de Messieurs de Monmerqué et Paulin en mil huit cent soixante-deux et publié par Balland en mil neuf cent quatre-vingt-six.
J’ignorais l’existence de cette édition, pensant que les Historiettes n’étaient trouvables que sous la forme édition complète en deux tomes dans la Pléiade. Je vais enfin savoir ce que voulait dire Alexandrian dans sa préface à mon recueil Erotica quand il rapprochait mes écritures de celles de cet écrivain du dix-septième siècle.
*
Aussi : Pages du journal de la reine Victoria (Le Promeneur) et Anthologie de la fessée et de la flagellation d’Alexandre Dupouy (La Musardine). Il y a une certaine logique dans tout ça.
La ligne Huit du métro étant en panne, c’est par un détour Neuf et Cinq que j’arrive à la Bastille et avec retard chez Book-Off. J’y trouve de bons livres et en quantité. Déjà bien chargé, je prends à pied le chemin du Centre Pompidou, m’arrêtant rue Saint-Antoine aux Mousquetaires pour y manger des lasagnes de bœuf, un plat du jour assez quelconque, et passe ensuite au Rivolux où je bois un café en lisant Libération (le Maire Colomb, Socialiste, s’en prend aux prostituées les obligeant à exercer dans des camionnettes loin du centre de Lyon) et Le Parisien (La Maire Hidalgo, Socialiste, promet de s’en prendre aux terrasses couvertes qui ne respectent pas la loi anti-tabac). Des syndromes d’impuissance, me dis-je, révélant qu’on ne sait pas résoudre les vrais problèmes de ses administré(e)s : manque de travail, manque de logement, etc.
Peu de monde au Centre Pompidou et aucune attente pour entrer à l’exposition Jeff Koons dont ce sont les derniers jours, est-il écrit sur les affiches du métro. Le public y est si clairsemé que je me trouve seul avec une jeune femme, expérience troublante, dans la salle réservée aux photos où, en quatre sur trois, Jeff pénètre la Cicciolina de différentes façons. Redescendu au quatrième, je fais assez vite le tour de la rétrospective consacrée à Hervé Télémaque. La peinture de cet acteur de la Figuration narrative m’intéresse sans plus.
-Ça coûte combien ? demande une lycéenne allemande à l’un des gardiens.
-Je ne sais pas exactement, mais ça doit coûter cher, lui répond-il.
Je passe par la librairie Gilda, rue des Bourbonnais, et trouve dans un des bacs de trottoir Fool for Love de Sam Shepard (Christian Bourgois), une pièce vue, il y a maintenant bien longtemps, avec celle qui me tenait la main cet été-là à Avignon, ce pourquoi je l’achète, puis la ligne Quatorze me rapproche du deuxième Book-Off.
Les employées y sont une nouvelle fois à changer la disposition de la boutique. Là aussi je trouve de très bonnes choses. Plusieurs livres achetés sont couverts de papier cristal. Ils ont dû appartenir au même lecteur soucieux de les maintenir en bon état : Une adolescence au temps du Maréchal et de multiples aventures de François Augiéras (La Différence), La colonne d’air suivi de Raymond Queneau ou l’oignon de Moebius de Jacques Duchateau (Ramsay), Etudes sur la Chartreuse de Parme de Monsieur Beyle d’Honoré de Balzac (Climats) et Carentan deux minutes d’arrêt de Frédéric Lasaygues (Le Castor Astral). Comment sont-ils arrivés là ? A-t-il été victime d’une crise cardiaque un jour où il partait en voyage ?
Le soir, rentré, c’est pour découvrir que ma box Orange passe à nouveau par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, plus d’Internet à la maison.
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Autre livre rapporté de Paris : Historiettes de Tallemant des Réaux, un choix extrait de l’édition de Messieurs de Monmerqué et Paulin en mil huit cent soixante-deux et publié par Balland en mil neuf cent quatre-vingt-six.
J’ignorais l’existence de cette édition, pensant que les Historiettes n’étaient trouvables que sous la forme édition complète en deux tomes dans la Pléiade. Je vais enfin savoir ce que voulait dire Alexandrian dans sa préface à mon recueil Erotica quand il rapprochait mes écritures de celles de cet écrivain du dix-septième siècle.
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Aussi : Pages du journal de la reine Victoria (Le Promeneur) et Anthologie de la fessée et de la flagellation d’Alexandre Dupouy (La Musardine). Il y a une certaine logique dans tout ça.
2 avril 2015
Ce mardi soir, pour me rendre à l’Opéra de Rouen où l’on danse, je dois affronter le vent fort qui toute la journée a fait suite à une nouvelle tempête nocturne. Jean-Claude Gallotta y propose Yvan Vaffan, recréation des Aventures d’Yvan Vaffan, sa chorégraphie de mil neuf cent quatre-vingt-quatre, avec une musique d’aujourd’hui due à Strigall.
La danse a cette vertu de considérablement rajeunir le public de la maison. De ma place, en bas du premier balcon, j’ai bonne vue sur les jolies jambes de demoiselles court vêtues et haut perchées, venues là à la demande du lycée, élèves de ces classes à dominante artistique où l’on trouve un garçon pour neuf filles. J’ai également bonne vue sur la scène.
Bientôt s’y ébroue la dizaine de danseurs et danseuses racontant la vie de ce héros inventé nommé Vaffan. Je ne cherche pas à comprendre l’histoire, me contentant d’apprécier les évolutions de cette bande de jeunes. C’est tonique, varié, avec un zeste d’humour et un soupçon d’érotisme.
Je suis content à la fin, ainsi que la plupart, si j’en juge par les applaudissements forts et les bravos. Jean-Claude Gallotta vient saluer, vêtu de noir comme il se doit.
*
Femme à la gazinière au café Le Clos Saint-Marc :
Elle a acheté cette gazinière d’occasion sur Internet. Son fils a mis des heures à la monter dans l’appartement puis à l’installer et au final (comme elle dit), elle ne marche pas.
-Je n’ai pas de chance, répète-t-elle, là où d’autres diraient : Ce salaud de vendeur m’a entubée.
*
Rouen rive gauche, rue Saint-Sever :
-Il veut, mais il a pas la volonté.
La danse a cette vertu de considérablement rajeunir le public de la maison. De ma place, en bas du premier balcon, j’ai bonne vue sur les jolies jambes de demoiselles court vêtues et haut perchées, venues là à la demande du lycée, élèves de ces classes à dominante artistique où l’on trouve un garçon pour neuf filles. J’ai également bonne vue sur la scène.
Bientôt s’y ébroue la dizaine de danseurs et danseuses racontant la vie de ce héros inventé nommé Vaffan. Je ne cherche pas à comprendre l’histoire, me contentant d’apprécier les évolutions de cette bande de jeunes. C’est tonique, varié, avec un zeste d’humour et un soupçon d’érotisme.
Je suis content à la fin, ainsi que la plupart, si j’en juge par les applaudissements forts et les bravos. Jean-Claude Gallotta vient saluer, vêtu de noir comme il se doit.
*
Femme à la gazinière au café Le Clos Saint-Marc :
Elle a acheté cette gazinière d’occasion sur Internet. Son fils a mis des heures à la monter dans l’appartement puis à l’installer et au final (comme elle dit), elle ne marche pas.
-Je n’ai pas de chance, répète-t-elle, là où d’autres diraient : Ce salaud de vendeur m’a entubée.
*
Rouen rive gauche, rue Saint-Sever :
-Il veut, mais il a pas la volonté.
1er avril 2015
Vendredi après-midi, à proximité de l’Opéra de Rouen, je croise l’homme au chapeau sans son couvre-chef et sans les nouvelles lunettes suédoises qui lui donnent un air intellectuel. J’en suis déjà à l’accuser d’avoir chopé le dernière bonne place disponible pour le récital d’Andreï Korobeinikov, dimanche après-midi, quand au contraire, me dit-il, il vient de libérer sa place, ne pouvant en être.
Je file au guichet et bientôt cette place devient la mienne, de quoi être au plus près pour le retour du prodige russe du barreau et du piano (avocat à dix-sept ans, spécialiste du droit de la propriété intellectuelle, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, « Meilleur musicien de la décennie » à dix-neuf ans au Conservatoire de Moscou, couvert de distinctions musicales nationales et internationales et ayant déjà enregistré moult cédés). A l’ouverture de la salle, malgré la concurrence, je peux m’asseoir sur l’une des chaises de premier rang offrant la vue sur les mains du pianiste.
Andreï Korobeinikov donne d’abord l’immense et difficile Sonate numéro vingt-neuf en si bémol majeur « Hammerklavier » de Ludwig van Beethoven, pendant laquelle s’ajoute aux habituels bruits parasites des toux celui de son siège qui grince. J’imagine qu’il en est le premier gêné mais une fois la machine lancée, impossible de l’arrêter. Il bondit debout à l’issue et est fort applaudi.
On se lève pour l’entracte et partout résonne « le siège ! le siège ! ». Le premier technicien attrapé en est averti. Au retour dans la salle, le fautif n’est plus là.
-Il va peut-être jouer du piano debout, dit un petit malin derrière moi.
Un autre siège est apporté, ce qui donne lieu à quelques applaudissements, puis Andreï Korobeinikov surgit de la coulisse et se précipite sur l’instrument pour la Sonate numéro trente-deux en ut mineur du même Beethoven, pendant laquelle s’expriment encore les toussoteux et les toussoteuses dont certaines font en plus du bruit en ouvrant leur sac pour y attraper un médicament inefficace dont elles épluchent l’emballage avant de le gober. S’ajoutent à cela, des sons étranges venus des coulisses, côté jardin. Il est quand même possible d’entendre la musique de Beethoven et d’apprécier le jeu du pianiste sans partition aux doigts multipliés sur le clavier.
A la fin, très applaudi, Andreï Korobeinikov salue raidement, esquissant un quart de sourire, puis il nous offre en bonus le début de la Sonate numéro un de Ludwig van, se livre à de nouveaux saluts empruntés, ose une sorte de geste d’au revoir un peu réprimé et disparaît.
Dehors, il règne un vent tempétueux bien en accord avec la musique tourmentée du « Maître de Bonn ».
*
Le soir venu, la Seine Maritime bascule à droite (comme disent les journalistes). Nicolas Rouly perd son poste de Chef de Département. Va-t-il reprendre sa place de défenseur des Sans Papiers au sein du Cabinet Eden? Il faisait cela très bien.
Deux des trois cantons de Rouen restent à gauche. Le perdant est Eric de Falco qui jusqu’à ce que j’en parle copiait collait dans son blog des articles du Monde, de Libération ou du Nouvel Obs en les mettant à son nom. Il donne maintenant la source. Ne manque plus que l’autorisation des journaux concernés.
Je file au guichet et bientôt cette place devient la mienne, de quoi être au plus près pour le retour du prodige russe du barreau et du piano (avocat à dix-sept ans, spécialiste du droit de la propriété intellectuelle, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, « Meilleur musicien de la décennie » à dix-neuf ans au Conservatoire de Moscou, couvert de distinctions musicales nationales et internationales et ayant déjà enregistré moult cédés). A l’ouverture de la salle, malgré la concurrence, je peux m’asseoir sur l’une des chaises de premier rang offrant la vue sur les mains du pianiste.
Andreï Korobeinikov donne d’abord l’immense et difficile Sonate numéro vingt-neuf en si bémol majeur « Hammerklavier » de Ludwig van Beethoven, pendant laquelle s’ajoute aux habituels bruits parasites des toux celui de son siège qui grince. J’imagine qu’il en est le premier gêné mais une fois la machine lancée, impossible de l’arrêter. Il bondit debout à l’issue et est fort applaudi.
On se lève pour l’entracte et partout résonne « le siège ! le siège ! ». Le premier technicien attrapé en est averti. Au retour dans la salle, le fautif n’est plus là.
-Il va peut-être jouer du piano debout, dit un petit malin derrière moi.
Un autre siège est apporté, ce qui donne lieu à quelques applaudissements, puis Andreï Korobeinikov surgit de la coulisse et se précipite sur l’instrument pour la Sonate numéro trente-deux en ut mineur du même Beethoven, pendant laquelle s’expriment encore les toussoteux et les toussoteuses dont certaines font en plus du bruit en ouvrant leur sac pour y attraper un médicament inefficace dont elles épluchent l’emballage avant de le gober. S’ajoutent à cela, des sons étranges venus des coulisses, côté jardin. Il est quand même possible d’entendre la musique de Beethoven et d’apprécier le jeu du pianiste sans partition aux doigts multipliés sur le clavier.
A la fin, très applaudi, Andreï Korobeinikov salue raidement, esquissant un quart de sourire, puis il nous offre en bonus le début de la Sonate numéro un de Ludwig van, se livre à de nouveaux saluts empruntés, ose une sorte de geste d’au revoir un peu réprimé et disparaît.
Dehors, il règne un vent tempétueux bien en accord avec la musique tourmentée du « Maître de Bonn ».
*
Le soir venu, la Seine Maritime bascule à droite (comme disent les journalistes). Nicolas Rouly perd son poste de Chef de Département. Va-t-il reprendre sa place de défenseur des Sans Papiers au sein du Cabinet Eden? Il faisait cela très bien.
Deux des trois cantons de Rouen restent à gauche. Le perdant est Eric de Falco qui jusqu’à ce que j’en parle copiait collait dans son blog des articles du Monde, de Libération ou du Nouvel Obs en les mettant à son nom. Il donne maintenant la source. Ne manque plus que l’autorisation des journaux concernés.
31 mars 2015
« Il nous avait prévenus, Leo Hussain n’assigne aucune frontière à la musique ni temporelle, ni matérielle », nous avertit le livret programme, de quoi s’accrocher à son fauteuil, le mien est au premier balcon côté jardin. L’audace du nouveau chef, ce vendredi soir, c’est de mettre au même programme Mozart et des compositeurs contemporains originaires d’outre Méditerranée. Audace mesurée, il n’en est pas à nous proposer un mixage des deux musiques à la Hughes de Courson dans Mozart l’Egyptien.
« En fait, il y a peu de choses que je hais autant que la classification « musique classique ». La musique est musique avant tout, et définir de telles délimitations à notre art est le desservir. J’aime la musique, c’est aussi simple que cela, que ce soit un quatuor à cordes de Beethoven ou le dernier album de Cold Play ! » explique Leo Hussain dans l’entretien lisible dans ce livret programme, propos recueilli par Vinciane Laumonier. Je ne sais à qui il faut attribuer ce Cold Play mis pour Coldplay, mais cela montre qu’à l’Opéra de Rouen, on a encore du chemin à faire avant d’être familier de toutes les musiques.
D’abord, ce vendredi soir, c’est Fusion d’Ali Osman, compositeur né au Soudan mais qui doit être Egyptien, une œuvre pleine d’allant. Les contrebasses deviennent instruments de percussion. Certains interprètes donnent de la voix et du pied. C’est plaisant.
La suite l’est moins, Light upon light, création mondiale avec la participation à l’oud de son compositeur Hossam Mahmoud, né au Caire, une œuvre dépouillée et austère qui me mène à l’ennui et au bord du sommeil, bien que j’aie pour fixer mon attention trois joueurs d’instruments à vent détachés de l’Orchestre et perchés au balcon sur ma gauche. Je ne sais ce qu’en pensent les autres car à l’entracte, je reste sur le promenoir d’où l’on entend, venu d’en bas, un brouhaha indéchiffrable.
Mon voisin de droite n’a pas quitté son siège. Il lit Albert Cohen. A la reprise, c’est la bien connue Symphonie numéro quarante en sol mineur de Wolfgang Amadeus Mozart, né à Salzbourg, où réside Hossam Mahmoud, où Leo Hussain fut directeur musical, on voit le fil. Le célèbre premier mouvement génère des applaudissements qui sont déplorés par celles et ceux qui savent que ça ne se fait pas, et même le deuxième, ce qui entraîne des chut ! indignés. Leo Hussain se démène et à l’issue on peut dire, au sens propre, qu’il a mouillé sa chemise. Sa sortie de scène est néanmoins en petite foulée.
*
Contrebassistes : plus petits lorsqu’ils sont sans leur instrument.
*
Arrivée d’une lettre circulaire avec mes quatre prénoms sur l’enveloppe. La Droite locale fait la chasse aux abstentionnistes et tente de me convaincre d’aller voter pour ses candidat(e)s au deuxième tour des départementales car elle est le recours « pour celles et ceux qui refusent la politique politicienne ». De quoi se gausser.
Parmi ces quatre chantres de la libre entreprise, deux sont à l’abri dans la Fonction Publique Territoriale.
« En fait, il y a peu de choses que je hais autant que la classification « musique classique ». La musique est musique avant tout, et définir de telles délimitations à notre art est le desservir. J’aime la musique, c’est aussi simple que cela, que ce soit un quatuor à cordes de Beethoven ou le dernier album de Cold Play ! » explique Leo Hussain dans l’entretien lisible dans ce livret programme, propos recueilli par Vinciane Laumonier. Je ne sais à qui il faut attribuer ce Cold Play mis pour Coldplay, mais cela montre qu’à l’Opéra de Rouen, on a encore du chemin à faire avant d’être familier de toutes les musiques.
D’abord, ce vendredi soir, c’est Fusion d’Ali Osman, compositeur né au Soudan mais qui doit être Egyptien, une œuvre pleine d’allant. Les contrebasses deviennent instruments de percussion. Certains interprètes donnent de la voix et du pied. C’est plaisant.
La suite l’est moins, Light upon light, création mondiale avec la participation à l’oud de son compositeur Hossam Mahmoud, né au Caire, une œuvre dépouillée et austère qui me mène à l’ennui et au bord du sommeil, bien que j’aie pour fixer mon attention trois joueurs d’instruments à vent détachés de l’Orchestre et perchés au balcon sur ma gauche. Je ne sais ce qu’en pensent les autres car à l’entracte, je reste sur le promenoir d’où l’on entend, venu d’en bas, un brouhaha indéchiffrable.
Mon voisin de droite n’a pas quitté son siège. Il lit Albert Cohen. A la reprise, c’est la bien connue Symphonie numéro quarante en sol mineur de Wolfgang Amadeus Mozart, né à Salzbourg, où réside Hossam Mahmoud, où Leo Hussain fut directeur musical, on voit le fil. Le célèbre premier mouvement génère des applaudissements qui sont déplorés par celles et ceux qui savent que ça ne se fait pas, et même le deuxième, ce qui entraîne des chut ! indignés. Leo Hussain se démène et à l’issue on peut dire, au sens propre, qu’il a mouillé sa chemise. Sa sortie de scène est néanmoins en petite foulée.
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Contrebassistes : plus petits lorsqu’ils sont sans leur instrument.
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Arrivée d’une lettre circulaire avec mes quatre prénoms sur l’enveloppe. La Droite locale fait la chasse aux abstentionnistes et tente de me convaincre d’aller voter pour ses candidat(e)s au deuxième tour des départementales car elle est le recours « pour celles et ceux qui refusent la politique politicienne ». De quoi se gausser.
Parmi ces quatre chantres de la libre entreprise, deux sont à l’abri dans la Fonction Publique Territoriale.
30 mars 2015
La suite, au Théâtre des Deux Rives ce jeudi soir, c’est Sons Songs Sonnets (de Shakespeare) par Pablo Elcoq. Le public est le même, moins les classes lycéennes et plus des nouveaux venus qui ne font pas beaucoup baisser la moyenne d’âge.
Pendant que le monde s’installe, Pablo Elcoq est déjà sur scène, entouré d’instruments, dans la pénombre et en costume blanc. Je connais sa musique et ses capacités vocales depuis une déjà lointaine représentation du Baiser de la femme araignée par la compagnie Le Chat Foin de Yann Dacosta à Mont-Saint-Aignan.
Le plus souvent assis, passant de la guitare à l’accordéon, de la basse aux percussions, jouant aussi du sampleur et de la boucle enregistrée, Pablo Elcoq offre sa version chantée d’une sélection des Sonnets de William Shakespeare. Musicalement, cela va voir du côté du blues et est mâtiné d’« influences rock, folk, soul, parfois même un peu tzigane » (comme il l’a écrit lui-même dans la note d’intention).
Grâce à une traduction française, via une voix enregistrée qui descend sur le public ou dite par l’artiste lui-même, chacun peut se retrouver dans les soucis humains qu’évoquent les poèmes de Shakespeare (faiblesse, amour, pouvoir, médiocrité, temps qui passe, solitude, perspective de la mort) tout en jouissant de ce que sait faire des textes originaux celui qui les interprète avec sa voix capable de passer dans la même phase musicale de l’aigu à la basse éraillée.
Cela mérite beaucoup d’applaudissements à la fin. Pablo Elcoq dit quelques mots pour expliquer que son spectacle n’est pas celui qu il aurait dû être ; son scénographe et créateur de vidéos et lumières, Thierry Vareille, étant brutalement décédé.
Après avoir descendu la rue Louis-Ricard, je passe à proximité du O'Kallaghan's où, devant un écran qui diffuse du foute, s’agglutine un public plus nombreux et plus jeune qu’au Théâtre des Deux Rives. Entendre des filles crier dans la nuit « Penalty ! Penalty ! » a quelque chose de désolant.
Pendant que le monde s’installe, Pablo Elcoq est déjà sur scène, entouré d’instruments, dans la pénombre et en costume blanc. Je connais sa musique et ses capacités vocales depuis une déjà lointaine représentation du Baiser de la femme araignée par la compagnie Le Chat Foin de Yann Dacosta à Mont-Saint-Aignan.
Le plus souvent assis, passant de la guitare à l’accordéon, de la basse aux percussions, jouant aussi du sampleur et de la boucle enregistrée, Pablo Elcoq offre sa version chantée d’une sélection des Sonnets de William Shakespeare. Musicalement, cela va voir du côté du blues et est mâtiné d’« influences rock, folk, soul, parfois même un peu tzigane » (comme il l’a écrit lui-même dans la note d’intention).
Grâce à une traduction française, via une voix enregistrée qui descend sur le public ou dite par l’artiste lui-même, chacun peut se retrouver dans les soucis humains qu’évoquent les poèmes de Shakespeare (faiblesse, amour, pouvoir, médiocrité, temps qui passe, solitude, perspective de la mort) tout en jouissant de ce que sait faire des textes originaux celui qui les interprète avec sa voix capable de passer dans la même phase musicale de l’aigu à la basse éraillée.
Cela mérite beaucoup d’applaudissements à la fin. Pablo Elcoq dit quelques mots pour expliquer que son spectacle n’est pas celui qu il aurait dû être ; son scénographe et créateur de vidéos et lumières, Thierry Vareille, étant brutalement décédé.
Après avoir descendu la rue Louis-Ricard, je passe à proximité du O'Kallaghan's où, devant un écran qui diffuse du foute, s’agglutine un public plus nombreux et plus jeune qu’au Théâtre des Deux Rives. Entendre des filles crier dans la nuit « Penalty ! Penalty ! » a quelque chose de désolant.
28 mars 2015
Jeudi soir, je grimpe la rue Louis-Ricard jusqu’au Théâtre des Deux Rives pour voir jouer Loveless, pièce qui est l’aboutissement d’un stage d’une douzaine de jours au Centre Dramatique National de Haute-Normandie, bâtie par Yann Dacosta et Anne Buffet d’après Une vie de putain, recueil de témoignages de prostituées recueillis par Claude Jaguet pendant leur occupation de l’église Saint-Nizier à Lyon en mil neuf cent soixante-quinze. Le sujet m’intéresse.
J’ai un vague souvenir de cette occupation d’église lyonnaise qui fit suite à des persécutions policières et s’acheva par des brutalités policières. Je suivais ça dans Libération auquel j’étais abonné. Je me rappelle surtout de la suite du mouvement avec Grisélidis Réal.
La salle, dans laquelle règne une lumière rouge, est bientôt partagée entre un public de plus de cinquante ans dont beaucoup d’enseignant(e)s et un public de classes de lycéen(ne)s. On trouve aussi là des gens du métier venus voir leurs camarades, six comédien(ne)s jouant les filles dans un décor d’église en chantier. Entre deux scènes sont diffusés des documents visuels et sonores d’époque. On peut aussi entendre de la bonne musique des seventies et une intervention de Ruwen Ogien, philosophe, comme quoi aux yeux de la société, une relation sexuelle ne peut se suffire à elle-même, elle a toujours besoin d’une justification, dont la plus noble est l’amour.
Les prostituées relayées par les comédien(ne)s narrent leurs expériences personnelles souvent difficiles et pourquoi elles ont commencé à faire ça et pourquoi elles continuent, cela donne des choses du genre : « Les hommes sont tous des cochons, alors autant en profiter si des crétins sont prêts à payer pour baiser, en échange d’un maximum de leur argent donnons-leur le moins possible. », loin de l’empathie qu’avait pour ses clients Grisélidis.
Du moins, cette pièce a-t-elle le mérite de parler de la prostitution d’une autre manière que l’actuelle, puisqu’au temps de la revendication a succédé le temps de l’interdiction ou a minima de la pénalisation des clients, sur laquelle actuellement nombre de membres du Sénat de toutes opinions politiques semblent d’accord, y compris certains issus de partis politiques pour lesquels il m’est arrivé de voter, une raison de plus pour désormais pratiquer l’abstinence (électorale).
Après, et en attendant la suite, je prends un verre de vin rouge au bar. Apercevant la fille rousse qui l’an dernier travaillait avec une autre dans le sous-sol de l’Ubi à une adaptation théâtrale du livre de Grisélidis Réal Le noir est une couleur, je lui demande où ça en est. Elles ont trouvé un nouveau lieu et elles continuent, me dit-elle, quelque chose sera peut-être visible en mai.
J’ai un vague souvenir de cette occupation d’église lyonnaise qui fit suite à des persécutions policières et s’acheva par des brutalités policières. Je suivais ça dans Libération auquel j’étais abonné. Je me rappelle surtout de la suite du mouvement avec Grisélidis Réal.
La salle, dans laquelle règne une lumière rouge, est bientôt partagée entre un public de plus de cinquante ans dont beaucoup d’enseignant(e)s et un public de classes de lycéen(ne)s. On trouve aussi là des gens du métier venus voir leurs camarades, six comédien(ne)s jouant les filles dans un décor d’église en chantier. Entre deux scènes sont diffusés des documents visuels et sonores d’époque. On peut aussi entendre de la bonne musique des seventies et une intervention de Ruwen Ogien, philosophe, comme quoi aux yeux de la société, une relation sexuelle ne peut se suffire à elle-même, elle a toujours besoin d’une justification, dont la plus noble est l’amour.
Les prostituées relayées par les comédien(ne)s narrent leurs expériences personnelles souvent difficiles et pourquoi elles ont commencé à faire ça et pourquoi elles continuent, cela donne des choses du genre : « Les hommes sont tous des cochons, alors autant en profiter si des crétins sont prêts à payer pour baiser, en échange d’un maximum de leur argent donnons-leur le moins possible. », loin de l’empathie qu’avait pour ses clients Grisélidis.
Du moins, cette pièce a-t-elle le mérite de parler de la prostitution d’une autre manière que l’actuelle, puisqu’au temps de la revendication a succédé le temps de l’interdiction ou a minima de la pénalisation des clients, sur laquelle actuellement nombre de membres du Sénat de toutes opinions politiques semblent d’accord, y compris certains issus de partis politiques pour lesquels il m’est arrivé de voter, une raison de plus pour désormais pratiquer l’abstinence (électorale).
Après, et en attendant la suite, je prends un verre de vin rouge au bar. Apercevant la fille rousse qui l’an dernier travaillait avec une autre dans le sous-sol de l’Ubi à une adaptation théâtrale du livre de Grisélidis Réal Le noir est une couleur, je lui demande où ça en est. Elles ont trouvé un nouveau lieu et elles continuent, me dit-elle, quelque chose sera peut-être visible en mai.
27 mars 2015
Ce mercredi matin, ça ne rigole pas avec le contrôle des billets dans le huit heures sept pour Paris, nul n’y échappe, avec nouvelles amendes augmentées à la clé, les contrôleurs étant soutenus par les membres de la Sûreté Ferroviaire.
Arrivé dans la capitale, je file vers le faubourg Saint-Antoine. Sitôt le café bu à l’angle de Ledru-Rollin je fouille chez Book-Off où ma pêche est maigre. De là, je gagne à pied Beaubourg et déjeune dans l’impasse du même nom chez New New. Chez mes voisin(e)s de table, chacun est dans son jeu de rôle. A ma droite, on espère avoir son rendez-vous avec l’intersyndicale. A ma gauche, on espère être admissible à l’oral.
Le métro me conduit à proximité du Musée d’Orsay où j’entre suite à une courte attente, attiré là par l’exposition Pierre Bonnard, peindre l’Arcadie. Après une nouvelle attente raisonnable au niveau inférieur, me voici admis à m’ajouter aux six cent quarante-huit personnes déjà à l’intérieur (estimation personnelle). La moyenne d’âge est élevée et certain(e)s font groupe autour de guides, gênant encore plus l’approche des tableaux que les individuel(le)s.
Je vais de salle et salle, me glissant dans les espaces libres afin de voir au mieux les portraits, les paysages, les intérieurs et surtout les nus pour lesquels Marthe, épouse, passa des heures dans la salle de bains, ne vieillissant jamais ou si peu. Comme le remarque une visiteuse : « Ce sont des nus juvéniles. » D’autres s’intéressent plutôt aux chats. Il faut dire que le chat vu par Bonnard à une allure particulière, très personnage de bandes dessinées. Qu’il peigne à Vernonnet, à Paris ou au Cannet, ses couleurs expriment la même température torride incitant à l’oisiveté. Même ses hivers ont l’air d’être chauds.
-De quelle couleur est la neige ? demande une guide.
-Rose, répondent en chœur un troupeau d’institutrices retraitées ramenées à l’âge de leurs ancien(e)s élèves.
Parfois sous nos pieds se fait entendre le métro et, pendant cinq minutes, un appel en multiples langues résonne dans chaque salle alertant sur la trouvaille d’un objet abandonné dont le propriétaire est invité à se faire connaître au plus vite auprès du personnel de sécurité. J’aime toujours Bonnard, même si sa peinture à la croisée de celle de Degas et de Matisse m’est désormais trop familière pour que je sois à nouveau vivement intéressé.
Je m’extrais de cette foule exténuante et monte dans les étages pour revoir les salles consacrées à Paul Gauguin et Vincent Van Gogh dont la peinture est tellement plus puissante que celle de Pierre Bonnard. J’y croise beaucoup de jeunesse occupée à prendre en photo La Nuit étoilée ou Et l’or de leur corps ou bien elle-même devant les tableaux qu’elle cache, la faute à Fleur Pellerin, Ministre de la Communication (et de la Culture), qui a récemment obligé Orsay à autoriser cette pratique.
Ensuite, on me voit au Book-Off de l’Opéra puis Chez Léon avant que le train de dix-neuf heures vingt-huit ne me ramène à Rouen. S’y affairent à nouveau les contrôleurs et les membres de la Sûreté Ferroviaire : cinquante euros d’amende pour ma voisine de devant à qui il ne manque qu’un justificatif d’abonnement.
*
Parmi le peu de livres trouvés, The Hidden Mother, un roman exposition psychanalytique d’Estelle Benazet et Sinziana Ravini (L’Avenir Dure Longtemps/Editions Montgolfier/PCA Editions). Dans l’introduction, elles sont toutes deux au Bistrot du Peintre à Ledru-Rollin où elles « dégustent des cuisses de canards bien croustillantes et des pommes de terre sautées au persil ». De quoi m’obliger à l’acheter.
*
A quoi bon acheter chaque semaine un journal dont je trouve bêtes beaucoup de dessins et dont les opinons me hérissent souvent le poil ? C’est la question que je me pose depuis la republication de Charlie Hebdo.
Celui de ce mercredi sera le dernier, achevé que je suis par l’édito de Riss Ça sert à rien d’aller voter dans lequel il fustige les abstentionnistes en leur attribuant « une pensée d’usagers de la carte Cofinoga ou de la carte de fidélité Darty ».
Elargissant son propos, ce brillant analyste s’en prend à ceux qui se désintéressent du militantisme politique : « Les seuls qui n’ont pas cru à cela, ce sont les militants du Front National. Pendant trente ans, ils ont distribué des tracts que personne ne lisait. Ils ont crié des slogans que personne n’écoutait (…) En apparence en tout cas. Alors pourquoi ont-ils continué à le faire (…) ? Parce que eux savent que le temps ne s’écoule pas de la même manière quand on croit à ses idées que lorsqu’on n’y croit pas. »
Et comment expliques-tu, Riss, que le Hennepéha et Hello, qui distribuent leurs tracts et crient leur slogans sans se lasser depuis plus de trente ans, n’obtiennent toujours que deux pour cent aux élections ?
Arrivé dans la capitale, je file vers le faubourg Saint-Antoine. Sitôt le café bu à l’angle de Ledru-Rollin je fouille chez Book-Off où ma pêche est maigre. De là, je gagne à pied Beaubourg et déjeune dans l’impasse du même nom chez New New. Chez mes voisin(e)s de table, chacun est dans son jeu de rôle. A ma droite, on espère avoir son rendez-vous avec l’intersyndicale. A ma gauche, on espère être admissible à l’oral.
Le métro me conduit à proximité du Musée d’Orsay où j’entre suite à une courte attente, attiré là par l’exposition Pierre Bonnard, peindre l’Arcadie. Après une nouvelle attente raisonnable au niveau inférieur, me voici admis à m’ajouter aux six cent quarante-huit personnes déjà à l’intérieur (estimation personnelle). La moyenne d’âge est élevée et certain(e)s font groupe autour de guides, gênant encore plus l’approche des tableaux que les individuel(le)s.
Je vais de salle et salle, me glissant dans les espaces libres afin de voir au mieux les portraits, les paysages, les intérieurs et surtout les nus pour lesquels Marthe, épouse, passa des heures dans la salle de bains, ne vieillissant jamais ou si peu. Comme le remarque une visiteuse : « Ce sont des nus juvéniles. » D’autres s’intéressent plutôt aux chats. Il faut dire que le chat vu par Bonnard à une allure particulière, très personnage de bandes dessinées. Qu’il peigne à Vernonnet, à Paris ou au Cannet, ses couleurs expriment la même température torride incitant à l’oisiveté. Même ses hivers ont l’air d’être chauds.
-De quelle couleur est la neige ? demande une guide.
-Rose, répondent en chœur un troupeau d’institutrices retraitées ramenées à l’âge de leurs ancien(e)s élèves.
Parfois sous nos pieds se fait entendre le métro et, pendant cinq minutes, un appel en multiples langues résonne dans chaque salle alertant sur la trouvaille d’un objet abandonné dont le propriétaire est invité à se faire connaître au plus vite auprès du personnel de sécurité. J’aime toujours Bonnard, même si sa peinture à la croisée de celle de Degas et de Matisse m’est désormais trop familière pour que je sois à nouveau vivement intéressé.
Je m’extrais de cette foule exténuante et monte dans les étages pour revoir les salles consacrées à Paul Gauguin et Vincent Van Gogh dont la peinture est tellement plus puissante que celle de Pierre Bonnard. J’y croise beaucoup de jeunesse occupée à prendre en photo La Nuit étoilée ou Et l’or de leur corps ou bien elle-même devant les tableaux qu’elle cache, la faute à Fleur Pellerin, Ministre de la Communication (et de la Culture), qui a récemment obligé Orsay à autoriser cette pratique.
Ensuite, on me voit au Book-Off de l’Opéra puis Chez Léon avant que le train de dix-neuf heures vingt-huit ne me ramène à Rouen. S’y affairent à nouveau les contrôleurs et les membres de la Sûreté Ferroviaire : cinquante euros d’amende pour ma voisine de devant à qui il ne manque qu’un justificatif d’abonnement.
*
Parmi le peu de livres trouvés, The Hidden Mother, un roman exposition psychanalytique d’Estelle Benazet et Sinziana Ravini (L’Avenir Dure Longtemps/Editions Montgolfier/PCA Editions). Dans l’introduction, elles sont toutes deux au Bistrot du Peintre à Ledru-Rollin où elles « dégustent des cuisses de canards bien croustillantes et des pommes de terre sautées au persil ». De quoi m’obliger à l’acheter.
*
A quoi bon acheter chaque semaine un journal dont je trouve bêtes beaucoup de dessins et dont les opinons me hérissent souvent le poil ? C’est la question que je me pose depuis la republication de Charlie Hebdo.
Celui de ce mercredi sera le dernier, achevé que je suis par l’édito de Riss Ça sert à rien d’aller voter dans lequel il fustige les abstentionnistes en leur attribuant « une pensée d’usagers de la carte Cofinoga ou de la carte de fidélité Darty ».
Elargissant son propos, ce brillant analyste s’en prend à ceux qui se désintéressent du militantisme politique : « Les seuls qui n’ont pas cru à cela, ce sont les militants du Front National. Pendant trente ans, ils ont distribué des tracts que personne ne lisait. Ils ont crié des slogans que personne n’écoutait (…) En apparence en tout cas. Alors pourquoi ont-ils continué à le faire (…) ? Parce que eux savent que le temps ne s’écoule pas de la même manière quand on croit à ses idées que lorsqu’on n’y croit pas. »
Et comment expliques-tu, Riss, que le Hennepéha et Hello, qui distribuent leurs tracts et crient leur slogans sans se lasser depuis plus de trente ans, n’obtiennent toujours que deux pour cent aux élections ?
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