Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
1er août 2020
En octobre deux mille dix-sept après avoir acheté un billet aller-retour non échangeable non remboursable dans le but de passer deux semaines à Souillac (Lot), je renonçais à y aller par crainte de ne savoir qu’y faire. Ce dernier jeudi de juillet, quittant pour la journée le Limousin, je suis dans le train électrique qui y mène, direction Cahors. C’est le premier arrêt, sitôt après deux viaducs en courbe.
Une constatation : le bourg est loin de la Gare. Je suis quatre filles et garçons descendus avec moi qui ont l’air de savoir où ils vont dans une longue rue de moches pavillons qui est aussi celle du cimetière. Elle bénéficie du statut de chemin de grande randonnée.
Il fait déjà une chaleur épuisante et il faut bien longtemps pour arriver au centre. J’en contemple l’abbatiale Sainte-Marie et le beffroi semi-ruiné de l’ancienne église Saint-Martin puis constate que les restaurants proposent soit des menus du jour minables, soit des planches et des burgueurs, soit des plats chers à la carte.
De Souillac, j’en ai déjà ma claque. Je passe à l’Office de Tourisme pour savoir s’il y a moyen de remonter à la Gare autrement qu’à pied. Aucunement, il n’y a ni bus ni navette dans cette ville.
J’y retourne donc comme j’en suis venu, sous un pire soleil, et arrive lessivé au Restaurant de la Gare où la serviable patronne déroule un auvent afin que j’aie une table à l’ombre avec vue panoramique. Je bois un café verre d’eau puis un diabolo menthe puis à midi y déjeune du menu du jour à quatorze euros (entrée plat fromage dessert café). L’entrée est sous forme de buffet (melon charcuterie crudités), le plat de l’araignée de porc tagliatelles. Je les accompagne d’un quart de vin mauvais et de beaucoup d’eau. Arrivé au fromage, je le zappe et remplace le dessert par un misérable cône chocolat pistache.
Le café bu, je vais voir à la Gare s’il n’y aurait pas un train pour Brive avant le mien (quinze heures zéro sept). Effectivement, il y a en a un à treize heures vingt-cinq mais c’est un Intercités à réservation obligatoire que je n’ai pas le droit de prendre. « Il n’y a que le contrôleur qui peut en décider autrement », me dit la guichetière.
A l’arrivée de ce long train allant à Paris Austerlitz, je vais le trouver sur le quai. « Allez-y, dépêchez-vous, on fera comme si on ne vous avait pas vu », me dit-il. Ouf, je quitte sans attendre cette ville où n’est pas mon bonheur (comme je fus bien inspiré en deux mille dix-sept). Il fait une chaleur éprouvante dans ce train de retour de vacances pour beaucoup. Chacun(e) suffoque derrière son masque.
Il ne fait pas moins chaud dans le « studio douillet » où j’ai renoncé à faire fonctionner le climatiseur qui fait un bruit de réacteur pour peu d’efficacité. Ce n’est pas le seul défaut de ce logis temporaire. J’y dors sur un matelas posé à même le sol. De plus, le haut de l’escalier de l’immeuble n’est pas éclairé du tout. Il me faut trouver la serrure dans le noir pour rentrer dans le plus cher de tous mes logements Air Bibi (il n’y avait pas le choix).
« En effet je réclame des tuiles translucides à la copropriété », m’a répondu mon hôte quand je me suis plaint du noir de l’escalier. « Bon, lui ai-je écrit, je ne pense pas qu'elles seront là avant lundi prochain, je vais donc essayer de me débrouiller ainsi. Le plus simple ce serait quand même d'éclairer cet escalier jusqu'en haut par l’électricité. »
Depuis que je suis à Brive j’ai constaté qu’il y reste des hôtels (le France, le Montauban) qui proposent des chambres à moins de quarante euros (reste à savoir si elles auraient été disponibles). Le confort doit y être modeste mais je pense qu’on n’y dort pas par terre.
*
Le bonheur à Souillac est le livre le plus connu de Denis Tillinac. Je l’ai lu, et même relu je crois, mais j’en ai tout oublié.
*
Le dix-neuf juin deux mille quatorze, j’écrivais ceci dans mon Journal :
Dans le train d’aller, lecture de Spleen en Corrèze de Denis Tillinac (La Petite Vermillon), une année de la vie d’un journaliste localier à Tulle au temps de Chirac par celui qui dit de lui Je suis conservateur, anarchiste, libéral sur les bords, intéressant et bien écrit.
Une constatation : le bourg est loin de la Gare. Je suis quatre filles et garçons descendus avec moi qui ont l’air de savoir où ils vont dans une longue rue de moches pavillons qui est aussi celle du cimetière. Elle bénéficie du statut de chemin de grande randonnée.
Il fait déjà une chaleur épuisante et il faut bien longtemps pour arriver au centre. J’en contemple l’abbatiale Sainte-Marie et le beffroi semi-ruiné de l’ancienne église Saint-Martin puis constate que les restaurants proposent soit des menus du jour minables, soit des planches et des burgueurs, soit des plats chers à la carte.
De Souillac, j’en ai déjà ma claque. Je passe à l’Office de Tourisme pour savoir s’il y a moyen de remonter à la Gare autrement qu’à pied. Aucunement, il n’y a ni bus ni navette dans cette ville.
J’y retourne donc comme j’en suis venu, sous un pire soleil, et arrive lessivé au Restaurant de la Gare où la serviable patronne déroule un auvent afin que j’aie une table à l’ombre avec vue panoramique. Je bois un café verre d’eau puis un diabolo menthe puis à midi y déjeune du menu du jour à quatorze euros (entrée plat fromage dessert café). L’entrée est sous forme de buffet (melon charcuterie crudités), le plat de l’araignée de porc tagliatelles. Je les accompagne d’un quart de vin mauvais et de beaucoup d’eau. Arrivé au fromage, je le zappe et remplace le dessert par un misérable cône chocolat pistache.
Le café bu, je vais voir à la Gare s’il n’y aurait pas un train pour Brive avant le mien (quinze heures zéro sept). Effectivement, il y a en a un à treize heures vingt-cinq mais c’est un Intercités à réservation obligatoire que je n’ai pas le droit de prendre. « Il n’y a que le contrôleur qui peut en décider autrement », me dit la guichetière.
A l’arrivée de ce long train allant à Paris Austerlitz, je vais le trouver sur le quai. « Allez-y, dépêchez-vous, on fera comme si on ne vous avait pas vu », me dit-il. Ouf, je quitte sans attendre cette ville où n’est pas mon bonheur (comme je fus bien inspiré en deux mille dix-sept). Il fait une chaleur éprouvante dans ce train de retour de vacances pour beaucoup. Chacun(e) suffoque derrière son masque.
Il ne fait pas moins chaud dans le « studio douillet » où j’ai renoncé à faire fonctionner le climatiseur qui fait un bruit de réacteur pour peu d’efficacité. Ce n’est pas le seul défaut de ce logis temporaire. J’y dors sur un matelas posé à même le sol. De plus, le haut de l’escalier de l’immeuble n’est pas éclairé du tout. Il me faut trouver la serrure dans le noir pour rentrer dans le plus cher de tous mes logements Air Bibi (il n’y avait pas le choix).
« En effet je réclame des tuiles translucides à la copropriété », m’a répondu mon hôte quand je me suis plaint du noir de l’escalier. « Bon, lui ai-je écrit, je ne pense pas qu'elles seront là avant lundi prochain, je vais donc essayer de me débrouiller ainsi. Le plus simple ce serait quand même d'éclairer cet escalier jusqu'en haut par l’électricité. »
Depuis que je suis à Brive j’ai constaté qu’il y reste des hôtels (le France, le Montauban) qui proposent des chambres à moins de quarante euros (reste à savoir si elles auraient été disponibles). Le confort doit y être modeste mais je pense qu’on n’y dort pas par terre.
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Le bonheur à Souillac est le livre le plus connu de Denis Tillinac. Je l’ai lu, et même relu je crois, mais j’en ai tout oublié.
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Le dix-neuf juin deux mille quatorze, j’écrivais ceci dans mon Journal :
Dans le train d’aller, lecture de Spleen en Corrèze de Denis Tillinac (La Petite Vermillon), une année de la vie d’un journaliste localier à Tulle au temps de Chirac par celui qui dit de lui Je suis conservateur, anarchiste, libéral sur les bords, intéressant et bien écrit.
30 juillet 2020
Je suis content de retrouver un petit train diésel à une seule rame pour aller à Tulle ce mercredi matin. Il est siglé Limousin, cette région qu’a fait malheureusement disparaître, comme plusieurs autres, François Hollande, ancien Maire de Tulle, Socialiste. Mon billet était pour le train suivant mais, étant comme toujours en avance, je suis arrivé deux minutes avant le départ de celui-ci et l’aimable contrôleuse m’a dit : « Pas de problème, allez-y ».
Le trajet n’est pas aussi spectaculaire qu’en Cantal mais bien agréable quand même, forêt, rivière et courts tunnels. Après deux arrêts où ne monte personne, la dizaine de passagers de ce train qui relie les deux villes les plus importantes de la Corrèze descendent.
La Gare de Tulle est assez éloignée du centre historique. Je dois d’abord marcher dans une rue commerçante puis apparaît un haut immeuble blanc qu’on ne s’attend pas à voir là. A partir de là, la rue suit la Corrèze, mieux chargée en eau qu’à Brive. Quand le clocher de la Cathédrale Notre-Dame de Tulle se fait voir derrière le vieux Théâtre, je passe sur l’autre rive, évite le marché et pars à la découverte de ce centre de taille réduite. Il comporte quelques belles façades et des bâtiments originaux. Des commerces y promeuvent l’accordéon et le poinct de Tulle.
Tout cela monte évidemment, et la chaleur étant de retour, je cesse d’explorer à dix heures et prends un café verre d’eau à un euro vingt au Caveau (sur la porte voisine, deux plaques vantent la naissance dans la même maison à un an d’intervalle de deux gloires locales : Léger Rabès et Edmond Perrier).
Un peu avant dix heures et demie et l’ouverture du cloître de la Cathédrale, ainsi que du Musée attenant, je m’en rapproche. Quand les grilles s’ouvrent, je suis le seul à entrer, ce qui me permet de photographier à ma guise. Les deux dames du Musée espèrent me voir le visiter. Il est gratuit, mais je les déçois. Comme je leur fais remarquer qu’il est dommage que le panneau explicatif soit accroché juste à côté de la statue dite du moine Gérald, l’une d’elle va le décrocher afin que je puisse le prendre en photo tel qu’il le mérite.
-Il y a des explications à l’entrée sur ce cloître, me dit-elle.
Je lui réponds que je préfère saisir les lieux sans les connaître.
Le centre de Tulle ne brille pas par ses restaurants attirants. Ne voyant rien alentour, je décide de remonter vers la Gare. En chemin, je fais un détour par l’Hôtel de Ville situé au-dessus et en dehors de ce centre. Il ressemble tragiquement à une caserne, rien à voir avec l’Elysée.
Vers la Gare, ce n’est pas mieux question restaurants. Mon Guide du Routard Auvergne Limousin deux mille deux signalait l’Hôtel-restaurant de la Gare « table généreuse que semblent apprécier les Tullistes ». Ce lieu et ce temps-là ne sont plus. Alors j’opte pour le décalé Juline Café sur l’auvent duquel est inscrit « Découvrez la frite du Nord ». Bien qu’il ne soit qu’onze et demie, le patron est okay pour me servir de son plat du jour : cuisse de canard confite avec frites et salade (pommes de terre épluchées par nous-même, est-il écrit sur la façade). Je mange à l’ombre, à la table la plus éloignée des autres, servi par une sympathique jeune femme en mini-chorte un brin vulgaire, pas plus qu’il ne faut.
Parfois, elle vient déplacer mon parasol. « Le soleil, il bouge tout le temps » « Oui, je ne sais pas ce qu’il a aujourd’hui ». Les frites sont excellentes. En dessert, je prends une glace mangue pistache. Avec le quart de vin et le café, je frôle les vingt euros.
Je me balade un peu autour de la Gare et y découvre la Médiathèque Intercommunale Eric Rohmer, vaste et élégant bâtiment dans lequel je n’entre pas. Je préfère m’asseoir en terrasse à L’Imprévu, un troquet comme on en voit tant, et y boire des diabolos menthe.
C’est le même train qui me ramène à Brive, avec la même aimable contrôleuse. La moitié des passagers est composée de cinq petites Anglaises bien agréables à regarder.
*
A Tulle, sur une porte en bois de la vieille ville, à la peinture blanche et en cursive : « François ni loi ».
Le trajet n’est pas aussi spectaculaire qu’en Cantal mais bien agréable quand même, forêt, rivière et courts tunnels. Après deux arrêts où ne monte personne, la dizaine de passagers de ce train qui relie les deux villes les plus importantes de la Corrèze descendent.
La Gare de Tulle est assez éloignée du centre historique. Je dois d’abord marcher dans une rue commerçante puis apparaît un haut immeuble blanc qu’on ne s’attend pas à voir là. A partir de là, la rue suit la Corrèze, mieux chargée en eau qu’à Brive. Quand le clocher de la Cathédrale Notre-Dame de Tulle se fait voir derrière le vieux Théâtre, je passe sur l’autre rive, évite le marché et pars à la découverte de ce centre de taille réduite. Il comporte quelques belles façades et des bâtiments originaux. Des commerces y promeuvent l’accordéon et le poinct de Tulle.
Tout cela monte évidemment, et la chaleur étant de retour, je cesse d’explorer à dix heures et prends un café verre d’eau à un euro vingt au Caveau (sur la porte voisine, deux plaques vantent la naissance dans la même maison à un an d’intervalle de deux gloires locales : Léger Rabès et Edmond Perrier).
Un peu avant dix heures et demie et l’ouverture du cloître de la Cathédrale, ainsi que du Musée attenant, je m’en rapproche. Quand les grilles s’ouvrent, je suis le seul à entrer, ce qui me permet de photographier à ma guise. Les deux dames du Musée espèrent me voir le visiter. Il est gratuit, mais je les déçois. Comme je leur fais remarquer qu’il est dommage que le panneau explicatif soit accroché juste à côté de la statue dite du moine Gérald, l’une d’elle va le décrocher afin que je puisse le prendre en photo tel qu’il le mérite.
-Il y a des explications à l’entrée sur ce cloître, me dit-elle.
Je lui réponds que je préfère saisir les lieux sans les connaître.
Le centre de Tulle ne brille pas par ses restaurants attirants. Ne voyant rien alentour, je décide de remonter vers la Gare. En chemin, je fais un détour par l’Hôtel de Ville situé au-dessus et en dehors de ce centre. Il ressemble tragiquement à une caserne, rien à voir avec l’Elysée.
Vers la Gare, ce n’est pas mieux question restaurants. Mon Guide du Routard Auvergne Limousin deux mille deux signalait l’Hôtel-restaurant de la Gare « table généreuse que semblent apprécier les Tullistes ». Ce lieu et ce temps-là ne sont plus. Alors j’opte pour le décalé Juline Café sur l’auvent duquel est inscrit « Découvrez la frite du Nord ». Bien qu’il ne soit qu’onze et demie, le patron est okay pour me servir de son plat du jour : cuisse de canard confite avec frites et salade (pommes de terre épluchées par nous-même, est-il écrit sur la façade). Je mange à l’ombre, à la table la plus éloignée des autres, servi par une sympathique jeune femme en mini-chorte un brin vulgaire, pas plus qu’il ne faut.
Parfois, elle vient déplacer mon parasol. « Le soleil, il bouge tout le temps » « Oui, je ne sais pas ce qu’il a aujourd’hui ». Les frites sont excellentes. En dessert, je prends une glace mangue pistache. Avec le quart de vin et le café, je frôle les vingt euros.
Je me balade un peu autour de la Gare et y découvre la Médiathèque Intercommunale Eric Rohmer, vaste et élégant bâtiment dans lequel je n’entre pas. Je préfère m’asseoir en terrasse à L’Imprévu, un troquet comme on en voit tant, et y boire des diabolos menthe.
C’est le même train qui me ramène à Brive, avec la même aimable contrôleuse. La moitié des passagers est composée de cinq petites Anglaises bien agréables à regarder.
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A Tulle, sur une porte en bois de la vieille ville, à la peinture blanche et en cursive : « François ni loi ».
29 juillet 2020
Ce mardi matin après une nuit difficile due à la forte chaleur, je passe à la Gare de Brive avec l’espoir d’y dégotter des horaires sur papier comme j’avais pu le faire à Clermont et à Aurillac, mais macache. Je descends alors en ville sous un ciel qui hésite entre nuages et éclaircies avec pour avantage une température redevenue supportable.
Je n’ai aucun mal à photographier les bâtiments qui retiennent mon attention, peu de monde est dans les rues à huit heures. Mon constat est le suivant : Brive se tient solide et austère dans ses boulevards circulaires. Nulle trace de folie ou même d’originalité dans son architecture, hormis dans le phare (un ancien château d’eau) où se niche l’Office de Tourisme. Près d’icelui est un marché peu fréquenté dont la partie couverte, récente et très laide, a été nommée Georges Brassens (pour service rendu à la ville). Un peu loin coule une Corrèze en manque d’eau.
Hier, j’ai repéré un plat du jour servi le mardi à l’Estaminet Farro : la mique petit salé. Le patron m’en a expliqué la teneur ce qui m’a conduit à réserver l’une de ses tables dans la rue du Lieutenant-Colonel Farro. J’y suis à midi, découvrant ce plat roboratif, une sorte de pain poché dans le bouillon de la viande de porc qui l’accompagne servie avec choux, carottes, etc. Il convient au temps d’aujourd’hui. Je l’accompagne d’un quart de vin rouge. A un mètre de moi mangent un père et sa fille (soixante et trente ans). J’ai fait faire un double de clés que je vais te donner, lui dit-il, il y a deux mille euros dans un tiroir de la commode, s’il m’arrivait quelque chose, tu as dit à ta mère que tu mangeais avec moi. Elle a choisi la mique, lui la tête de veau, cela fait longtemps qu’il n’en a pas mangé. Les deux femmes de la boutique d’en face (foie gras, saucisses et saucissons) installent une table privée dans la rue pour déjeuner de salades faites à la maison (ce qui ne veut pas dire qu’elles soient minces). En dessert le serveur me propose une autre spécialité corrézienne, la flauniarde, une sorte de flan aux pommes. Avec le café, j’en ai pour dix-sept euros.
Vers quatorze heures je passe à l’Office de Tourisme afin de savoir si un car va à Collonges-la-Rouge et à Turenne, deux des Plus Beaux Villages de France. Cet Office de Tourisme ressemble davantage à une boutique de vêtements et accessoires qu’à un service de renseignements touristiques mais celle qui s’occupe de moi se donne le mal de m’imprimer les horaires du car qui va dans les deux villages. Il est compliqué de faire un aller et retour dans la même journée, me dit-elle. Turenne est accessible par le train mais le village est à trois kilomètres de la Gare. Je vais étudier ça.
Je tente de lire un peu Montaigne en buvant deux diabolos menthe à l’une des tables de rue d’un bar tenu par un couple de femmes mais je n’arrive pas à me concentrer. Brive ne m’inspire pas. A les regarder passer, ses habitants et les touristes ont l’air de s’y ennuyer (pour ne pas employer un autre verbe). A une table loin de la mienne, une femme se réjouit : elle a trouvé du travail. Son voisin lui demande si c’est un Cédéhi.
-Je sais pas, je travaille chez lui tant qu’il est en vie, c’est un vieux monsieur.
*
Une femme et un mari qui se partagent le même masque pour aller chacun à leur tour aux toilettes.
*
Sur une boîte à livres de Brive : « Attention la boîte à lire n’est pas une boite retour de la médiathèque ».
Je n’ai aucun mal à photographier les bâtiments qui retiennent mon attention, peu de monde est dans les rues à huit heures. Mon constat est le suivant : Brive se tient solide et austère dans ses boulevards circulaires. Nulle trace de folie ou même d’originalité dans son architecture, hormis dans le phare (un ancien château d’eau) où se niche l’Office de Tourisme. Près d’icelui est un marché peu fréquenté dont la partie couverte, récente et très laide, a été nommée Georges Brassens (pour service rendu à la ville). Un peu loin coule une Corrèze en manque d’eau.
Hier, j’ai repéré un plat du jour servi le mardi à l’Estaminet Farro : la mique petit salé. Le patron m’en a expliqué la teneur ce qui m’a conduit à réserver l’une de ses tables dans la rue du Lieutenant-Colonel Farro. J’y suis à midi, découvrant ce plat roboratif, une sorte de pain poché dans le bouillon de la viande de porc qui l’accompagne servie avec choux, carottes, etc. Il convient au temps d’aujourd’hui. Je l’accompagne d’un quart de vin rouge. A un mètre de moi mangent un père et sa fille (soixante et trente ans). J’ai fait faire un double de clés que je vais te donner, lui dit-il, il y a deux mille euros dans un tiroir de la commode, s’il m’arrivait quelque chose, tu as dit à ta mère que tu mangeais avec moi. Elle a choisi la mique, lui la tête de veau, cela fait longtemps qu’il n’en a pas mangé. Les deux femmes de la boutique d’en face (foie gras, saucisses et saucissons) installent une table privée dans la rue pour déjeuner de salades faites à la maison (ce qui ne veut pas dire qu’elles soient minces). En dessert le serveur me propose une autre spécialité corrézienne, la flauniarde, une sorte de flan aux pommes. Avec le café, j’en ai pour dix-sept euros.
Vers quatorze heures je passe à l’Office de Tourisme afin de savoir si un car va à Collonges-la-Rouge et à Turenne, deux des Plus Beaux Villages de France. Cet Office de Tourisme ressemble davantage à une boutique de vêtements et accessoires qu’à un service de renseignements touristiques mais celle qui s’occupe de moi se donne le mal de m’imprimer les horaires du car qui va dans les deux villages. Il est compliqué de faire un aller et retour dans la même journée, me dit-elle. Turenne est accessible par le train mais le village est à trois kilomètres de la Gare. Je vais étudier ça.
Je tente de lire un peu Montaigne en buvant deux diabolos menthe à l’une des tables de rue d’un bar tenu par un couple de femmes mais je n’arrive pas à me concentrer. Brive ne m’inspire pas. A les regarder passer, ses habitants et les touristes ont l’air de s’y ennuyer (pour ne pas employer un autre verbe). A une table loin de la mienne, une femme se réjouit : elle a trouvé du travail. Son voisin lui demande si c’est un Cédéhi.
-Je sais pas, je travaille chez lui tant qu’il est en vie, c’est un vieux monsieur.
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Une femme et un mari qui se partagent le même masque pour aller chacun à leur tour aux toilettes.
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Sur une boîte à livres de Brive : « Attention la boîte à lire n’est pas une boite retour de la médiathèque ».
28 juillet 2020
Ce dernier lundi de juillet, je prends le café verre d’eau au Café des 2 Cygnes (ceux du square) car c’est sur cette terrasse qu’est le soleil matutinal, un bar d’habitués plutôt du genre agents immobiliers ou notaires ayant maison à Ramatuelle ou Sainte-Maxime. L’un parle de sa fille : « Elle habite à Paris, elle a jamais été à la Tour Eiffel. C’est comme chez nous dans le Cantal, ceux qui y habitent, y z’y vont pas à la montagne. »
Puis, après avoir laissé sous le paillasson les clés de mon détestable logement Air Bibi de la rue Victor Hugo et avoir dit au revoir à la charmante serveuse du Moment' Café, je monte pour la dernière fois dans la navette électrique gratuite pour les possesseurs d’un billet de train. Elle m’emmène à la Gare d’Aurillac, ce qui m’évite d’avoir à tirer ma valise dans la côte.
C’est la rame Nord Pas-de-Calais en provenance de Figeac, dont est descendue une seule passagère, qui repart ce lundi un peu avant midi vers Brive-la-Gaillarde. Adieu le Cantal, bonjour la Corrèze.
Nous sommes une dizaine, répartis et masqués. Je connais le paysage jusqu’à Laroquebrou, que je revois avec plaisir accroché à la montagne. Ensuite, c’est tout aussi beau. Le train suit un long moment les gorges de la Cère en empruntant moult tunnels.
Une Gare où nul ne peut descendre, La Mative, permet, par un doublement de la voie, au train faisant le chemin inverse et au nôtre de se croiser. Après Laval-de-Cère, dont je vois surtout le cimetière, deux palmiers et une usine, la Cère s’apaise. Ensuite c’est plat. A Bretenoux-Biars monte pas mal de monde peut-être lié à une importante menuiserie. Cela redevient beau avec des falaises pierreuses puis c’est à nouveau banal et voici Brive où il fait une chaleur terrifique : trente-sept degrés.
De la Gare je rejoins facilement le « studio douillet » Air Bibi où je dois passer une semaine. Les clés récupérées dans la boîte à code, je monte au troisième et dernier étage, découvrant que l’escalier n’est pas éclairé jusqu’en haut. Je trouve quand même la serrure dans le noir total. Comme je m’y attendais, il fait affreusement chaud dans ce logement sous le toit. Je n’ai pas eu le choix : c’était le seul bien situé disponible dans mes prix.
J’en ressors illico et trouve près d’une fontaine Le Toulzac qui sert à manger toute la journée. Il est quinze heures. Une salade chèvre miel à onze euros cinquante me suffit. Je bois une bouteille d’eau entière avec ça, puis un café à un euro cinquante. Je visiterai la ville demain matin.
*
A Brive, on trouve aussi des casquettes à l’envers.
*
A Brive, on diffuse aussi de la soupe musicale dans les rues commerçantes.
*
Où que ce soit dans le Centre, dans les bars d’habitués, personne ne se déplace avec le masque, clients comme patrons. Cent trente-cinq euros d’amende, mais personne pour en mettre une.
Puis, après avoir laissé sous le paillasson les clés de mon détestable logement Air Bibi de la rue Victor Hugo et avoir dit au revoir à la charmante serveuse du Moment' Café, je monte pour la dernière fois dans la navette électrique gratuite pour les possesseurs d’un billet de train. Elle m’emmène à la Gare d’Aurillac, ce qui m’évite d’avoir à tirer ma valise dans la côte.
C’est la rame Nord Pas-de-Calais en provenance de Figeac, dont est descendue une seule passagère, qui repart ce lundi un peu avant midi vers Brive-la-Gaillarde. Adieu le Cantal, bonjour la Corrèze.
Nous sommes une dizaine, répartis et masqués. Je connais le paysage jusqu’à Laroquebrou, que je revois avec plaisir accroché à la montagne. Ensuite, c’est tout aussi beau. Le train suit un long moment les gorges de la Cère en empruntant moult tunnels.
Une Gare où nul ne peut descendre, La Mative, permet, par un doublement de la voie, au train faisant le chemin inverse et au nôtre de se croiser. Après Laval-de-Cère, dont je vois surtout le cimetière, deux palmiers et une usine, la Cère s’apaise. Ensuite c’est plat. A Bretenoux-Biars monte pas mal de monde peut-être lié à une importante menuiserie. Cela redevient beau avec des falaises pierreuses puis c’est à nouveau banal et voici Brive où il fait une chaleur terrifique : trente-sept degrés.
De la Gare je rejoins facilement le « studio douillet » Air Bibi où je dois passer une semaine. Les clés récupérées dans la boîte à code, je monte au troisième et dernier étage, découvrant que l’escalier n’est pas éclairé jusqu’en haut. Je trouve quand même la serrure dans le noir total. Comme je m’y attendais, il fait affreusement chaud dans ce logement sous le toit. Je n’ai pas eu le choix : c’était le seul bien situé disponible dans mes prix.
J’en ressors illico et trouve près d’une fontaine Le Toulzac qui sert à manger toute la journée. Il est quinze heures. Une salade chèvre miel à onze euros cinquante me suffit. Je bois une bouteille d’eau entière avec ça, puis un café à un euro cinquante. Je visiterai la ville demain matin.
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A Brive, on trouve aussi des casquettes à l’envers.
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A Brive, on diffuse aussi de la soupe musicale dans les rues commerçantes.
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Où que ce soit dans le Centre, dans les bars d’habitués, personne ne se déplace avec le masque, clients comme patrons. Cent trente-cinq euros d’amende, mais personne pour en mettre une.
27 juillet 2020
Le ciel est gris quand je mets le pied sous les parapluies de la rue Victor Hugo ce dimanche matin pour ma dernière journée à Aurillac (et même en Auvergne). Je passe faire une photo du Grand Café Mary avant son ouverture puis vais de rue en rue au hasard, découvrant ainsi la chapelle d’Auringues.
J’aperçois un fort là-haut et profite de la fraîcheur pour l’atteindre sans souffrir. Il a nom Château Saint-Etienne et sert d’abri au Musée des Volcans. Son jardin est ouvert. Je m’y promène en solitaire et admire la ville en contrebas ainsi que les douces montagnes au loin.
Redescendu, je bois un café verre d’eau au Grand Café Mary, protégé par l’auvent d’une fine pluie qui ne dure pas.
Peu de restaurants sont ouverts ce midi. Je trouve au Renaissance ce qu’il me faut pour un dernier repas dans le Cantal : un menu du terroir à vingt-deux euros quatre-vingt-dix. Il inclut un pelou en apéritif et le fromage d’Auvergne (bleu, cantal, saint-nectaire). Assis à la terrasse, je choisis en entrée la tête de veau, en plat les tripoux et leur truffade, en dessert le café et son assiette gourmande. J’ajoute un quart de vin rouge. « C’est un buzet », me dit le patron. Un instant je crois entendre « C’est abusé » (il n’aurait pas tort).
Outre moi-même mangent ici en solo, un homme bizarre à l’intérieur, un homme bizarre en terrasse et une bourgeoise habillée de rouge en terrasse. Cette dernière discute de loin avec une masquée de sa connaissance qui ne veut pas s’approcher. Elle ne mange pas le midi, dit-elle. Vu sa silhouette d’anorexique, je pense qu’elle ne mange pas non plus le soir.
Je ne suis pas déçu de ce repas sans doute trop copieux (ah le goût inimitable des tripoux). Cinq gâteaux ou verrines entourent mon café. Ouf, j’en ai terminé.
-Il n’y a personne, me dit le patron quand je paie. Hier, on a eu du monde. Aujourd’hui, je me demande où ils sont passés.
C’est vrai que la ville est quasiment déserte. Les bus orange ne circulant pas le dimanche, ça n’arrange pas la fréquentation de son centre.
Dans l’après-midi, un autre café, au Kiosque, me permet de poursuive la lecture de Montaigne sous un ciel nuageux parsemé d’éclaircies.
J’ai quelque regret à quitter Aurillac, ville à mon goût où je ne reviendrai sans doute pas, mais non à quitter mon studio Air Bibi, vieillot, lugubre, sombre, inconfortable, et où j’ai préféré dormir sur le canapé par crainte d’avoir un accident avec le lit en mezzanine.
*
« Une chocolatine ? », me reprend la boulangère quand je lui demande un pain au chocolat. Je n’avais pas conscience d’avoir franchi la frontière.
J’aperçois un fort là-haut et profite de la fraîcheur pour l’atteindre sans souffrir. Il a nom Château Saint-Etienne et sert d’abri au Musée des Volcans. Son jardin est ouvert. Je m’y promène en solitaire et admire la ville en contrebas ainsi que les douces montagnes au loin.
Redescendu, je bois un café verre d’eau au Grand Café Mary, protégé par l’auvent d’une fine pluie qui ne dure pas.
Peu de restaurants sont ouverts ce midi. Je trouve au Renaissance ce qu’il me faut pour un dernier repas dans le Cantal : un menu du terroir à vingt-deux euros quatre-vingt-dix. Il inclut un pelou en apéritif et le fromage d’Auvergne (bleu, cantal, saint-nectaire). Assis à la terrasse, je choisis en entrée la tête de veau, en plat les tripoux et leur truffade, en dessert le café et son assiette gourmande. J’ajoute un quart de vin rouge. « C’est un buzet », me dit le patron. Un instant je crois entendre « C’est abusé » (il n’aurait pas tort).
Outre moi-même mangent ici en solo, un homme bizarre à l’intérieur, un homme bizarre en terrasse et une bourgeoise habillée de rouge en terrasse. Cette dernière discute de loin avec une masquée de sa connaissance qui ne veut pas s’approcher. Elle ne mange pas le midi, dit-elle. Vu sa silhouette d’anorexique, je pense qu’elle ne mange pas non plus le soir.
Je ne suis pas déçu de ce repas sans doute trop copieux (ah le goût inimitable des tripoux). Cinq gâteaux ou verrines entourent mon café. Ouf, j’en ai terminé.
-Il n’y a personne, me dit le patron quand je paie. Hier, on a eu du monde. Aujourd’hui, je me demande où ils sont passés.
C’est vrai que la ville est quasiment déserte. Les bus orange ne circulant pas le dimanche, ça n’arrange pas la fréquentation de son centre.
Dans l’après-midi, un autre café, au Kiosque, me permet de poursuive la lecture de Montaigne sous un ciel nuageux parsemé d’éclaircies.
J’ai quelque regret à quitter Aurillac, ville à mon goût où je ne reviendrai sans doute pas, mais non à quitter mon studio Air Bibi, vieillot, lugubre, sombre, inconfortable, et où j’ai préféré dormir sur le canapé par crainte d’avoir un accident avec le lit en mezzanine.
*
« Une chocolatine ? », me reprend la boulangère quand je lui demande un pain au chocolat. Je n’avais pas conscience d’avoir franchi la frontière.
26 juillet 2020
Même train qu’hier, même horaire, même contrôleur, mais ce samedi j’en descends à quelques encablures d’Aurillac. Le quai de la Gare définitivement fermée de Lacapelle-Viescamp est herbeux. Un intervalle dans une clôture permet de sortir.
Ce village jouxte le lac de barrage aménagé de Saint-Etienne-Cantalès, que j’ai repéré lors de mes précédents passages, lorsque du viaduc de Ribeyrès le machiniste fait tut tut pour amuser les baigneurs. Mon vieux Guide du Routard n’en dit pas un mot.
A huit heures trente-huit, seuls quelques volailles et bovins sont debout. Grâce à son clocher je repère l’église et me dirige de ce côté. Elle est entourée de quelques belles maisons à toit de lauze ainsi que d’une Mairie et d’une Ecole mignonnettes. Une moderne Salle des Fêtes complète l’ensemble. La voirie est neuve avec câbles enterrés. Il doit y avoir de l’argent dans les caisses municipales de Lacapelle-Viescamp. Dans ce très petit centre se trouve aussi l’Hôtel du Lac dont le restaurant est ouvert.
J’y réserve une table pour midi auprès du maître des lieux. Ce beau jeune homme à la peau cuivrée m’indique comment rejoindre au mieux la partie publique la plus proche du lac, au lieu-dit Puech des Ouilhes, à deux kilomètres d’ici.
-Vous passez au-dessus de la voie de chemin de fer puis vous prenez à droite en direction du Rieu, au bout de la route vous trouverez un chemin dans la forêt, il va au lac.
Ce chemin est tout à fait bucolique mais hélas il ne va pas jusqu’au bout, une barrière verte le termine que je peux heureusement contourner grâce à un grillage plié sauvagement. Il me faut marcher un peu le long de la route et j’y suis.
Quelle paix au bord de l’eau à cette heure. Il n’y a là que quelques pêcheurs que je n’évite pas sur mes photos car un pêcheur n’est pas un humain, c’est un élément du décor. Lorsque j’ai parcouru suffisamment la promenade sur pilotis, je m’installe à la terrasse du Nautilus et y bois un café verre d’eau à un euro trente en regardant ce qui se passe : une jolie fille qui court avec dans le dos Sport Etudes Font-Romeu, des employés du cleube nautique qui sortent un bateau de l’eau à l’aide d’un minuscule tracteur rouge.
Dix heures trente, c’est le moment où les premières familles arrivent. Les pêcheurs s’en vont, moi aussi. Je fais le chemin dans l’autre sens et trouve un banc à l’ombre pour lire Les Essais en attendant midi.
Assez souvent Montaigne me lasse, je saute des passages si ce n’est des pages, mais parfois ce qu’il dit de lui me va si bien qu’il pourrait l’avoir écrit pour moi. Ceci par exemple : Car j’en suis là que, sauf la santé et la vie, il n’est chose pourquoi je veuille ronger mes ongles, et que je veuille acheter aux prix du tourment d’esprit et de la contrainte, extrêmement oisif, extrêmement libre, et par nature et par art.
Le Capellain est le restaurant de l’Hôtel du Lac, endroit un peu chic où l’on diffuse de la musique classique. Il est tenu par un jeune couple, lui Brésilien, elle Australienne, lui en cuisine, elle au service, très agréables tous les deux. Je choisis la formule plat dessert à vingt-quatre euros : mignon de porc en croûte d’herbes, terrine de pommes de terre à la tome fondue du Cantal et moelleux au chocolat, glace amande, avec une demi-bouteille de Marcillac à douze euros.
-Pour commencer un petit gaspacho de tomate glace à l’huile d’olive, m’annonce la maitresse des lieux, bonne dégustation.
De la terrasse panoramique, j’ai vu sur la forêt proche et un petit bout du lac au loin. On ne peut donc pas dire que l’Hôtel du Lac usurpe son nom, mais certains à l’arrivée doivent être déçus de ne pas pouvoir mettre les pieds dans l’eau (reste la piscine). Je suis le seul client de ce bon restaurant et m’en désole pour le jeune couple quand, vers un heure moins le quart, arrivent coup sur coup un couple avec leur grande fille, un couple avec le vieux père d’elle (un ancêtre dont je me demande si ce n’est pas le dernier repas, sourd comme un pot avec des problèmes de dentier) et un type mal aimable qui doit avoir une chambre ici (un plombier ou un garagiste, c’est la plaie de ce genre d’hôtel).
-Tout se passe bien avec le mignon, me demande la jeune Australienne, une question qui me fait penser aux mœurs de la Rome antique.
Après avoir bu le café à un euro soixante-dix, je règle l’addition puis tente de me rapprocher du lac en allant vers Le Roucan. Cet espoir ne va pas loin. Je me heurte à un quartier résidentiel dont plusieurs maisons ont accès privé au plan d’eau. C’est donc d’un peu loin que je le contemple, assis sur une pierre, reprenant ma lecture de Montaigne jusqu’à ce qu’il soit l’heure du train de retour à Aurillac.
Ce village jouxte le lac de barrage aménagé de Saint-Etienne-Cantalès, que j’ai repéré lors de mes précédents passages, lorsque du viaduc de Ribeyrès le machiniste fait tut tut pour amuser les baigneurs. Mon vieux Guide du Routard n’en dit pas un mot.
A huit heures trente-huit, seuls quelques volailles et bovins sont debout. Grâce à son clocher je repère l’église et me dirige de ce côté. Elle est entourée de quelques belles maisons à toit de lauze ainsi que d’une Mairie et d’une Ecole mignonnettes. Une moderne Salle des Fêtes complète l’ensemble. La voirie est neuve avec câbles enterrés. Il doit y avoir de l’argent dans les caisses municipales de Lacapelle-Viescamp. Dans ce très petit centre se trouve aussi l’Hôtel du Lac dont le restaurant est ouvert.
J’y réserve une table pour midi auprès du maître des lieux. Ce beau jeune homme à la peau cuivrée m’indique comment rejoindre au mieux la partie publique la plus proche du lac, au lieu-dit Puech des Ouilhes, à deux kilomètres d’ici.
-Vous passez au-dessus de la voie de chemin de fer puis vous prenez à droite en direction du Rieu, au bout de la route vous trouverez un chemin dans la forêt, il va au lac.
Ce chemin est tout à fait bucolique mais hélas il ne va pas jusqu’au bout, une barrière verte le termine que je peux heureusement contourner grâce à un grillage plié sauvagement. Il me faut marcher un peu le long de la route et j’y suis.
Quelle paix au bord de l’eau à cette heure. Il n’y a là que quelques pêcheurs que je n’évite pas sur mes photos car un pêcheur n’est pas un humain, c’est un élément du décor. Lorsque j’ai parcouru suffisamment la promenade sur pilotis, je m’installe à la terrasse du Nautilus et y bois un café verre d’eau à un euro trente en regardant ce qui se passe : une jolie fille qui court avec dans le dos Sport Etudes Font-Romeu, des employés du cleube nautique qui sortent un bateau de l’eau à l’aide d’un minuscule tracteur rouge.
Dix heures trente, c’est le moment où les premières familles arrivent. Les pêcheurs s’en vont, moi aussi. Je fais le chemin dans l’autre sens et trouve un banc à l’ombre pour lire Les Essais en attendant midi.
Assez souvent Montaigne me lasse, je saute des passages si ce n’est des pages, mais parfois ce qu’il dit de lui me va si bien qu’il pourrait l’avoir écrit pour moi. Ceci par exemple : Car j’en suis là que, sauf la santé et la vie, il n’est chose pourquoi je veuille ronger mes ongles, et que je veuille acheter aux prix du tourment d’esprit et de la contrainte, extrêmement oisif, extrêmement libre, et par nature et par art.
Le Capellain est le restaurant de l’Hôtel du Lac, endroit un peu chic où l’on diffuse de la musique classique. Il est tenu par un jeune couple, lui Brésilien, elle Australienne, lui en cuisine, elle au service, très agréables tous les deux. Je choisis la formule plat dessert à vingt-quatre euros : mignon de porc en croûte d’herbes, terrine de pommes de terre à la tome fondue du Cantal et moelleux au chocolat, glace amande, avec une demi-bouteille de Marcillac à douze euros.
-Pour commencer un petit gaspacho de tomate glace à l’huile d’olive, m’annonce la maitresse des lieux, bonne dégustation.
De la terrasse panoramique, j’ai vu sur la forêt proche et un petit bout du lac au loin. On ne peut donc pas dire que l’Hôtel du Lac usurpe son nom, mais certains à l’arrivée doivent être déçus de ne pas pouvoir mettre les pieds dans l’eau (reste la piscine). Je suis le seul client de ce bon restaurant et m’en désole pour le jeune couple quand, vers un heure moins le quart, arrivent coup sur coup un couple avec leur grande fille, un couple avec le vieux père d’elle (un ancêtre dont je me demande si ce n’est pas le dernier repas, sourd comme un pot avec des problèmes de dentier) et un type mal aimable qui doit avoir une chambre ici (un plombier ou un garagiste, c’est la plaie de ce genre d’hôtel).
-Tout se passe bien avec le mignon, me demande la jeune Australienne, une question qui me fait penser aux mœurs de la Rome antique.
Après avoir bu le café à un euro soixante-dix, je règle l’addition puis tente de me rapprocher du lac en allant vers Le Roucan. Cet espoir ne va pas loin. Je me heurte à un quartier résidentiel dont plusieurs maisons ont accès privé au plan d’eau. C’est donc d’un peu loin que je le contemple, assis sur une pierre, reprenant ma lecture de Montaigne jusqu’à ce qu’il soit l’heure du train de retour à Aurillac.
25 juillet 2020
La Gare d’Aurillac possède deux composteurs, l’un est en panne et l’autre n’imprime pas. Chaque fois que je monte dans un train, je dois signaler au contrôleur que mon billet est composté mais qu’on ne voit rien. Ce vendredi matin dans celui qui va à Figeac mais dont je descendrai à Maurs, je fais de même. « Faites voir », me dit l’homme à casquette.
-Mais si, on voit bien là, Aurillac, vous êtes de mauvaise foi, monsieur.
Ce contrôleur est un taquin, il me dit que c’est signalé mais vous savez avec la SNCF…
Je lui réponds qu’ici au moins les trains sont à l’heure. Il semble que sur la ligne Paris Rouen, ce soit l’enfer cet été.
Je suis seul dans l’une des deux rames de ce train de huit heures vingt-quatre. Il avance vaillamment, fouetté par les branches et surplombant des ravins. Personne d’autre que moi ne descend au bout de presque une heure à Maurs (On dit Maursse et non pas Maur, contrairement à Salers. Comment le touriste peut-il s’y retrouver ?)
Maurs se fait aussi appeler Maurs-la-Jolie et se qualifie de « Petit Nice du Cantal » en raison d’un microclimat. Deux rangées de palmiers plantés le long de la voie ferrée en sont le témoignage publicitaire.
Le bourg a une forme circulaire. A l’intérieur se trouve une belle église costaude. J’y entre et me rends sur le côté dans la chapelle Saint Césaire. Le buste de cet évêque d’Arles, datant du douzième siècle, s’éclaire à mon approche. A son côté, une crosse dite de Saint Césaire date d’un siècle plus tard.
On voit aussi à Maurs des rues étroites et des maisons qui ont du cachet (comme disent certains) mais j’ai vu mieux ailleurs. Une fille n’a pas besoin de préciser qu’elle est jolie quand elle l’est. Il en est de même pour une ville. Pour aggraver son cas, Maurs déverse dans ses rues commerçantes une radio locale nommée Totem. Elle est trop maquillée.
A midi, je prends place à la terrasse de La Taverne près de l’église. A la table voisine, un quinquagénaire du lieu dort devant son couvert.
-Ne croyez pas que c’est parce que le service est trop long qu’il s’est endormi, me dit la patronne.
Le bruit le réveille. « Maintenant que la sieste est terminée, je vous envoie le plat du jour », lui dit-elle.
De mon côté, je prends le menu complet qui n’est qu’à douze euros cinquante et inclut le café : rillettes, bavette sauce au poivre avec purée maison et tarte aux poires. Le quart de vin rouge est à quatre euros. Maurs n’est pas cher. Ma bavette est tendre et d’importance, elle mériterait le nom de pièce du boucher. Et la purée est parfaite. Encore un repas dont je n’attendais pas grand-chose et que me surprend en bien. J’en fais compliment à la tavernière.
Le café bu, je sillonne un peu les rues hors cercle central puis m’installe à la terrasse du Globe près d’une fontaine sur le boulevard circulaire où roulent beaucoup de camions. J’y lis Montaigne, un diabolo menthe sur la table.
Je retrouve le contrôleur du matin dans le train du retour, une petite rame où nous ne sommes pas plus de dix voyageurs. Le machiniste tout en conduisant lui raconte ses aventures de cheminot d’Auvergne. Un jour, c’était l’hiver dans la neige, je montais au Lioran et à la sortie d’un virage, qu’est-ce que je vois surgir face au train : deux skieurs…
*
Deux voisines discutant dans le centre de Maurs. L’une avec sa fille de sept huit ans à la main. L’autre : « Maintenant y zont des calculettes. Nous, on n’avait pas tout ça. Fallait que ça tombe juste. Y en avait une, elle s’appelait Sœur Marie-Madeleine, une faute, toc sur les doigts. Nous, on l’appelait Sœur Marie-Salope.
-Mais si, on voit bien là, Aurillac, vous êtes de mauvaise foi, monsieur.
Ce contrôleur est un taquin, il me dit que c’est signalé mais vous savez avec la SNCF…
Je lui réponds qu’ici au moins les trains sont à l’heure. Il semble que sur la ligne Paris Rouen, ce soit l’enfer cet été.
Je suis seul dans l’une des deux rames de ce train de huit heures vingt-quatre. Il avance vaillamment, fouetté par les branches et surplombant des ravins. Personne d’autre que moi ne descend au bout de presque une heure à Maurs (On dit Maursse et non pas Maur, contrairement à Salers. Comment le touriste peut-il s’y retrouver ?)
Maurs se fait aussi appeler Maurs-la-Jolie et se qualifie de « Petit Nice du Cantal » en raison d’un microclimat. Deux rangées de palmiers plantés le long de la voie ferrée en sont le témoignage publicitaire.
Le bourg a une forme circulaire. A l’intérieur se trouve une belle église costaude. J’y entre et me rends sur le côté dans la chapelle Saint Césaire. Le buste de cet évêque d’Arles, datant du douzième siècle, s’éclaire à mon approche. A son côté, une crosse dite de Saint Césaire date d’un siècle plus tard.
On voit aussi à Maurs des rues étroites et des maisons qui ont du cachet (comme disent certains) mais j’ai vu mieux ailleurs. Une fille n’a pas besoin de préciser qu’elle est jolie quand elle l’est. Il en est de même pour une ville. Pour aggraver son cas, Maurs déverse dans ses rues commerçantes une radio locale nommée Totem. Elle est trop maquillée.
A midi, je prends place à la terrasse de La Taverne près de l’église. A la table voisine, un quinquagénaire du lieu dort devant son couvert.
-Ne croyez pas que c’est parce que le service est trop long qu’il s’est endormi, me dit la patronne.
Le bruit le réveille. « Maintenant que la sieste est terminée, je vous envoie le plat du jour », lui dit-elle.
De mon côté, je prends le menu complet qui n’est qu’à douze euros cinquante et inclut le café : rillettes, bavette sauce au poivre avec purée maison et tarte aux poires. Le quart de vin rouge est à quatre euros. Maurs n’est pas cher. Ma bavette est tendre et d’importance, elle mériterait le nom de pièce du boucher. Et la purée est parfaite. Encore un repas dont je n’attendais pas grand-chose et que me surprend en bien. J’en fais compliment à la tavernière.
Le café bu, je sillonne un peu les rues hors cercle central puis m’installe à la terrasse du Globe près d’une fontaine sur le boulevard circulaire où roulent beaucoup de camions. J’y lis Montaigne, un diabolo menthe sur la table.
Je retrouve le contrôleur du matin dans le train du retour, une petite rame où nous ne sommes pas plus de dix voyageurs. Le machiniste tout en conduisant lui raconte ses aventures de cheminot d’Auvergne. Un jour, c’était l’hiver dans la neige, je montais au Lioran et à la sortie d’un virage, qu’est-ce que je vois surgir face au train : deux skieurs…
*
Deux voisines discutant dans le centre de Maurs. L’une avec sa fille de sept huit ans à la main. L’autre : « Maintenant y zont des calculettes. Nous, on n’avait pas tout ça. Fallait que ça tombe juste. Y en avait une, elle s’appelait Sœur Marie-Madeleine, une faute, toc sur les doigts. Nous, on l’appelait Sœur Marie-Salope.
24 juillet 2020
Ce jeudi matin, je laisse « J’irai revoir ma Normandie » à une colonie à sacs à dos et grimpe avec quelques autres dans Centre Val de Loire, l’autre moitié du train qui part d’Aurillac pour Clermont à dix heures vingt-six, une dernière occasion pour moi de bénéficier du magnifique paysage de moyenne montagne qu’offre cette ligne et de repasser par Vic-sur-Cère et Le Lioran.
Je suis le seul à descendre au troisième arrêt : Murat. Un escalier fait raccourci pour accéder à la rue pentue qui conduit dans la bourgade. Ce n’est que la première grimpette. Murat est fort raide et son aspect est âpre. Elle est dominée par Notre-Dame de Haute Auvergne qui présente son enfant au monde depuis le sommet du rocher de Bonnevie.
Je parcours le centre du bourg, un œil sur les bâtiments remarquables, un œil sur les restaurants, et comme il est déjà midi, j’opte pour une table en terrasse au Comptoir qui affiche un menu à quinze euros : céleri rémoulade œufs durs, chou farci et sa salade, pomme au four et sa boule de glace. En attendant mon entrée, j’observe les locaux et quelques touristes qui font la file devant la pâtisserie voisine vantant ses Cornets de Murat.
Une demi-bouteille de Côtes d’Auvergne Cave de St-Verny « Les Volcans » à neuf euros accompagne mon repas. Je suis agréablement surpris. C’est mieux cuisiné et présenté que je m’y attendais. Mon problème est la proximité de deux autochtones, dont l’un loue des gîtes ruraux. Ils boivent de la bière en me saoulant de leur conversation sur la peinture des barrières. Quand arrive un troisième, ils veulent que ce dernier trouve place entre ma table et la leur, ce qui le mettrait à moins d’un mètre de moi. Je proteste et leur dis de changer de table. « Il n’y a pas de malades en Auvergne », ronchonne le loueur de meublés touristiques. Le trio s’exécute quand même. Il y a un tas de cons à Murat, je le pressens. Pas étonnant que Jean-Louis s’en soit attribué le nom.
Mon train de retour étant à quatorze heures quarante-sept, c’est sans café bu que j’entreprends de monter en haut du pays puis de grimper par un sentier semi-caillouteux qui fait office de chemin de croix le Vendredi Saint (cela me rappelle Castellane). Son aboutissement est la Vierge blanche.
Je crois mourir plusieurs fois avant d’y être presque. Un raidillon final permet d’atteindre directement la Vierge mais je préfère la prendre par derrière. Epuisé, je contemple de là-haut la ville dans son entièreté et les montagnes autour. Il y a là une famille pique-niquant. « Tu sais, Tonton Yves, ce qu’il a fait quand il était petit, y avait une statue comme ici et il a mis la tête entre les barreaux, et il arrivait pas à la retirer, on a failli appeler les pompiers. » (hachetague putaindefamille)
Je ne m’attarde pas, redescends, traverse la ville dont les rues sont désormais désertes, retrouve la grand-route à camions où est établie la Gare et bois un café (un euro vingt) à l’une des deux tables de trottoir de l’Hôtel Les Messageries.
Je suis le seul à monter dans le train à Murat, présentant mon billet au contrôleur, puisque la Gare, fermée, ne dispose pas de composteur à l’extérieur.
*
C’est quand même mieux de s’appeler Murat que Bergheaud.
Je suis le seul à descendre au troisième arrêt : Murat. Un escalier fait raccourci pour accéder à la rue pentue qui conduit dans la bourgade. Ce n’est que la première grimpette. Murat est fort raide et son aspect est âpre. Elle est dominée par Notre-Dame de Haute Auvergne qui présente son enfant au monde depuis le sommet du rocher de Bonnevie.
Je parcours le centre du bourg, un œil sur les bâtiments remarquables, un œil sur les restaurants, et comme il est déjà midi, j’opte pour une table en terrasse au Comptoir qui affiche un menu à quinze euros : céleri rémoulade œufs durs, chou farci et sa salade, pomme au four et sa boule de glace. En attendant mon entrée, j’observe les locaux et quelques touristes qui font la file devant la pâtisserie voisine vantant ses Cornets de Murat.
Une demi-bouteille de Côtes d’Auvergne Cave de St-Verny « Les Volcans » à neuf euros accompagne mon repas. Je suis agréablement surpris. C’est mieux cuisiné et présenté que je m’y attendais. Mon problème est la proximité de deux autochtones, dont l’un loue des gîtes ruraux. Ils boivent de la bière en me saoulant de leur conversation sur la peinture des barrières. Quand arrive un troisième, ils veulent que ce dernier trouve place entre ma table et la leur, ce qui le mettrait à moins d’un mètre de moi. Je proteste et leur dis de changer de table. « Il n’y a pas de malades en Auvergne », ronchonne le loueur de meublés touristiques. Le trio s’exécute quand même. Il y a un tas de cons à Murat, je le pressens. Pas étonnant que Jean-Louis s’en soit attribué le nom.
Mon train de retour étant à quatorze heures quarante-sept, c’est sans café bu que j’entreprends de monter en haut du pays puis de grimper par un sentier semi-caillouteux qui fait office de chemin de croix le Vendredi Saint (cela me rappelle Castellane). Son aboutissement est la Vierge blanche.
Je crois mourir plusieurs fois avant d’y être presque. Un raidillon final permet d’atteindre directement la Vierge mais je préfère la prendre par derrière. Epuisé, je contemple de là-haut la ville dans son entièreté et les montagnes autour. Il y a là une famille pique-niquant. « Tu sais, Tonton Yves, ce qu’il a fait quand il était petit, y avait une statue comme ici et il a mis la tête entre les barreaux, et il arrivait pas à la retirer, on a failli appeler les pompiers. » (hachetague putaindefamille)
Je ne m’attarde pas, redescends, traverse la ville dont les rues sont désormais désertes, retrouve la grand-route à camions où est établie la Gare et bois un café (un euro vingt) à l’une des deux tables de trottoir de l’Hôtel Les Messageries.
Je suis le seul à monter dans le train à Murat, présentant mon billet au contrôleur, puisque la Gare, fermée, ne dispose pas de composteur à l’extérieur.
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C’est quand même mieux de s’appeler Murat que Bergheaud.
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