Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

30 octobre 2024


Ultime jour de validité pour ma carte de bus vingt et un jours à volonté, je l’emploie en allant une dernière fois à Mèze avec le bus Vingt de huit heures dix. Le temps est annoncé beau mais il fait gris après la pluie de la nuit.
Je descends à La Marianne pour rejoindre au plus court le centre du bourg. Devant l’arrêt de bus est la boulangerie Le Petit Mèzois où le pain au chocolat est à un euro dix, avec lequel je descends la rue Marius Laurez (Carrièra dels artistas). En bas d’icelle est le Café de Marius, plus fréquentable que le Café du Commerce. J’y bois un allongé à un euro soixante sous la véranda où chante Nina Simone. A la table voisine, quatre jeunes gens (deux filles, deux garçons) sont en réunion de travail : « Mettre des bacs à compost là où il n’y en a pas. »
Mèze a eu plusieurs Maires écolos, en a encore un actuellement, mais à la dernière Présidentielle et aux deux dernières Législatives, le Rassemblement National est arrivé largement en tête.
Sur le côté de l’esplanade qui est au nom d’« Yves Pietrasanta Pionnier de l’Ecologie Maire de Mèze de 1977 à 2001 », je vais enfin voir à quoi ressemble le Château de Girard qui fut construit en mil six cents soixante par la famille Muret sur un terrain hors les murs de la ville. Cette ancienne métairie est devenue demeure seigneuriale au fil du temps, occupée par des familles bourgeoises de Mèze pendant trois cents ans depuis le dix-septième siècle jusqu’à ce qu’un propriétaire cède le château à la ville. Il abrite les services culturels de la Mairie, un beau et sobre  bâtiment
Je marche ensuite longuement dans le dédale des petites rues, m’arrêtant devant les façades partiellement cachées par une végétation fleurie qui ne date pas de la dernière mode. Dans ces rues étroites de Mèze, des crochets sur les façades servent à accrocher les sacs poubelles. Il n’y passe aucune voiture et j’y croise très peu de piétons.
Mes pas me conduisent au Petit Port des Nacelles. Il y a là un café sans nom, à la terrasse un peu déglinguée, celui des pêcheurs. J’y ferais figure d’intrus. Aussi, je préfère continuer jusqu’au Port et au Tabou.
Me voyant arriver, Sami débarrasse la table qui est toujours la mienne. « C’est la dernière fois », lui dis-je. Je reprends ici Le Regard de la mémoire après avoir bu le café apporté par Céleste. « C’est à cause de Marcel Proust que vous vous appelez Céleste ? » « Non je ne crois pas. Mes parents ne m’ont jamais dit ça. » Trois pages sur la mort de l’Abbé Mugnier chez Jean Hugo. Le soleil est enfin présent. Une touriste sort son éventail. Je garde la table pour déjeuner : six huîtres (qui deviennent huit, petit cadeau d’au revoir ?, je n’ose demander), araignée de poulet façon blanquette avec du riz et tarte aux pommes. Le café m’est encore une fois offert au comptoir.
Je fais le tour du Port, direction l’allée Pierre Vassiliu où je m’assois sur le muret qui domine la plage. Ne s’ébattent dans le sable ni Armand ni Charlotte.

29 octobre 2024


De ce mois d’octobre en forme de compte à rebours vers une perspective peu réjouissante ne restent que quatre jours dont celui du retour. Pour mon dernier lundi au bord de l’Etang de Thau, je prends le bus Un de huit heures. Il dessert la Pointe du Barrou au-delà de l’Ile de Thau.
Au bout de cette Pointe du Barrou se trouve le Lycée de la Mer. Je le rejoins à pied. En contrebas de celui-ci est le Port Conchylicole du Barrou. Je fais face à une alignée de bâtiments préfabriqués jaunes et bleus dont certains affichent la vente directe. Près d’eux est garée une flottille de camionnettes blanches. L’intéressant se trouve de l’autre côté. Une digue permet d’avoir la vue sur les installations, les humains qui travaillent et leurs petits bateaux bleus.
Je fais ensuite une bonne et belle balade le long de l’Etang face à Balaruc et ses Thermes. Le chemin est bordé de maisons plus ou moins cossues avec des aménagements privés au bord de l’eau. Des bateaux, dont certains hors d’usage, correspondent à chaque résidence. Arrivé à un petit bout de plage, je reviens sur mes pas et retourne à l’arrêt Le Barrou.
J’attends le prochain bus pendant vingt minutes. A l’arrêt Fort des Crans, avant l’Ile de Thau, il se remplit de personnes à chariots car il y a près du canal un marché pour pauvres d’où l’on vient des hauteurs du Mont Saint-Clair.
Ce lundi, le ciel est totalement gris. Pour mon café lecture, je choisis l’intérieur du Tabary’s. Je vais bientôt en avoir terminé avec l’épais volume de souvenirs de Jean Hugo, une relecture en diagonale, content d’y avoir croisé à nouveau l’Abbé Mugnier et d’être passé par des lieux chers à mon cœur (comme on dit), Tréboul, Les Sablettes et Tamaris. Les habituées quasi permanentes du matin sont là, quatre aujourd’hui, dont une fausse Yvette Horner qui monopolise la parole. De temps à autre, un homme de leur connaissance les salue et parle plus ou moins longuement avec elles. Il reste debout, n’est jamais invité à s’asseoir. « Personne n’est comme nous, on est spécial, tout de suite on aborde les gens » constate Yvette, s’agissant des gens de Sète. A l’appui de ses dires, elle cite un adage local dont je n’entends qu’une partie : « Cette ville sans nom, bâtie sur le rivage, habitée par des sauvages. »
Pour déjeuner, je retourne au Central Bar et prends place en terrasse, bien que le temps soit toujours gris, pour la cuisse de lapin chasseur avec écrasé de pommes de terre, un quart de côtes de Thau rouge et le sempiternel dessert aux griottes et pistache.
Une courte translation me conduit à une table de premier rang du Quai Bohème au moment où le soleil fait son apparition. Cette amélioration n’est que passagère. Le ciel de plus en plus gris fait craindre la pluie. C’est le moment de rentrer. « Voioioilà ! », comme on dit ici, surtout les femmes.
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Je me le dis à chaque fois que je monte l’escalier de l’immeuble où je loge depuis presque un mois. On n’a ici aucun souci des parties communes. Les murs sont lépreux. Les marches de l’escalier mal éclairé sont usées et dépareillées.
J’ai constaté qu’il en est souvent ainsi dans l’habitat populaire des villes du Sud.

28 octobre 2024


Ce dimanche, le jour se lève à sept heures, magie du passage à l’horaire d’hiver, et le ciel montre du bleu après une succession de rudes averses en deuxième moitié de nuit. Cela anime le Classic dont les habitués semblent être tombés du lit.
De quoi me risquer au bout du Canal Royal sur la rive opposée au Port. C’est là que se tiennent les chalutiers les plus gros, dédiés à la pêche au thon. Le soleil est présent sur les façades colorées d’en face, dominées par la Décanale et la Citadelle. C’est bien beau et reflété dans l’eau.
Au retour je passe le pont de la Savonnerie et trouve place sous la demi-véranda du Tabary’s. L’autre moitié est interdite. L’eau tombée dans la nuit, par son poids sur le toit, l’a endommagé. Un serveur fait une photo pour l’assurance. Le samedi soir, c’est lui qui anime le karaoké au Zanzi-Bar.
Vers onze heures, je rejoins L’Idéal Bar pour six huîtres de Bouzigues et un verre de Picpoul. Devant on chante Brassens. C’est Myosotis Trio, costumes crème et cravates vertes, guitare, contrebasse, piano chant. Ils ont mis en musique des textes de Brassens qui n’en avaient pas. « Quand je suis à vos genoux, occupé à une certaine dévotion », chante le pianiste. Une autre chanson évoque les fesses. Il en a botté, mais il prend Dieu à témoin n’en a jamais pincé. C’est d’un Brassens un peu besogneux, dont l’écriture n’a pas l’aisance des débuts.
Au Central Bar où je mange en terrasse sous un soleil inespéré, je commande un quart de côtes de Thau rouge pour accompagner mon magret de canard haricots pommes de terre gratinées. Ce magret est excellent d’où à midi et demi ce constat : « Le plat du jour, y en a plus ». Le vin est aussi à mon goût, de même que la tarte griottes pistache qu’encore une fois je prends en dessert
Le café, je le bois à côté, au Quai Bohème. J’ai la surprise de ne le payer qu’un euro soixante. En face, les terrasses du Classic et du Marina, avec l’horaire d’hiver, sont à l’ombre dès quatorze heures.
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« La lumière a sauté », me dit l’aimable patronne de l’Idéal Bar lorsque je vais aux toilettes. « Oui je sais, vous m’avez déjà dit ça la semaine dernière. » « Je vous reconnais, me dit-elle, je vous ai prêté mon téléphone. » Et donc, elle me le prête à nouveau, en position lampe de poche.
C’est le genre de bar où lorsque la lumière tombe en panne dans les toilettes, personne ne s’occupe de la réparer.

27 octobre 2024


Du vent quand je descends pour le petit déjeuner ce samedi matin et la crainte que ça se mette à tomber. La serveuse retraitée qui fait des dépannages au Classic, à chaque fois que je lui donne deux euros pour payer mon allongé et qu’elle me rend dix centimes, me dit. « Echange de bons procédés », ce qui montre qu’on peut être en pleine forme physique et un peu yoyoter.
Je remonte la pente jusqu’à mon logis provisoire afin d’y laisser mon sac à dos qui n’est pas étanche. Dans les deux poches de ma vieille veste en djine noire, je case mon portefeuille, mon carnet, mon appareil photo et Le Regard de la mémoire de Jean Hugo. J’enfile ensuite mon vêtement contre la pluie et le vent.
En ressortant, je monte plus haut dans la rue Arago, jusqu’à la première à gauche, la rue Révolution, puis je prends la première à droite, la courte rue Georges-Brassens. Au numéro vingt est la maison où il est né et où il a vécu avec ses parents, sa sœur et ses grands-parents maternels et paternels. Du balcon, il pouvait voir les grues du port. Une plaque est posée sur le mur.
Cette maison et toutes les autres de la rue et du quartier sont toujours habitées par des gens modestes. Du linge sèche aux fenêtres de certaines. Il y a encore peu, on trouvait là une boulangerie et une boucherie. C’est fermé définitivement.
Je redescends la rue Georges-Brassens, prends à droite, toujours rue Révolution. Cette dernière mène droit au jardin public du Château d’Eau dans lequel je rentre par la porte latérale. L’endroit a changé depuis que l’enfant Brassens y traînait avec ses copains. Les amoureux des bancs publics, ce jardin lui aurait inspiré, bien qu’il parle de bancs sur les trottoirs. Devenu Parc Simone-Veil, le sol des allées est bétonné, ruissellement assuré. J’en fais le tour et des photos, dont une série de bancs publics inoccupés. Quand ils le sont, ce ne doit plus être par de jeunes couples se bécotant. Le Nouvel Ordre Moral le déconseille.
Arrivé en bas de ce Parc Simone-Veil, je fais un crochet par les Halles où j’entre pour la première fois. Des commerces de bouche et des comptoirs de dégustation, un lieu pour bobos où je ne m’attarde pas, préférant côtoyer les vrais bourgeois locaux au Tabary’s. Ce samedi à neuf heures trente, peu sont déjà levés. Trois vieilles bavardes assurent la permanence.
Vers onze heures tombe une courte pluie. Une difficulté de plus pour les touristes qui font un stage de galérien sur le Canal. Des touristes, il y en a, mais pas tant que ça. La plupart viennent pour la journée, de Montpellier, Béziers ou Marseille.
Je déjeune au Café de la Place, à mi-chemin entre le Parc Simone-Veil et le Canal Royal, du menu à vingt-quatre euros : flan de courgettes à la provençale, hampe de bœuf sauce échalote et ses frites maison, verrine de citron gourmande maison. La cuisine est ouverte sur la salle « Allo, la petite casserole, elle est où ? » « Quatre bons pour la même table, c’est quoi ça ? »
Je paie au moment où arrivent les chiens et les moutards, n’ayant que la rue à descendre pour rejoindre le Classic. L’orage n’éclate qu’à quinze heures, pas fort.
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La petite presqu'île / Où jadis bien tranquille / Moi je suis né natif / Soit dit sans couillonnade / Avait le nom d'un adjectif démonstratif

26 octobre 2024


La pluie intense, c’est pour le Var. L’Hérault reste au sec ce vendredi matin. Un bus Trois avec contrôleurs me conduit au Vieux-Port. Je m’engage sur la digue qui l’enserre, le Môle Saint-Louis, à l’extrémité duquel est érigé le Phare Saint-Louis, aujourd’hui désaffecté.
A mi-chemin, une plaque rappelle que c’est d’ici que partit le bateau Exodus le dix juillet mil neuf cent quarante-sept avec à son bord quatre mille cinq cent cinquante-quatre femmes, enfants et hommes juifs, venus de toute l’Europe, rescapés des camps de la mort, embarqués clandestinement pour rejoindre la « terre promise » (L’Exodus fut intercepté par les Anglais qui ramenèrent de force ses passagers en Allemagne).
Du bout de la digue, au pied du Phare, je découvre du côté du Terminal des Croisières un voilier de taille imposante. En rebroussant sur ce Môle, j’ai sous les yeux une bonne partie de Sète : Théâtre de la Mer, Cimetière Marin, Phare Saint-Clair, Citadelle, Décanale Saint-Louis.
Je reviens pédestrement le long du Port de Pêche puis du Canal Royal jusqu’au Tabary’s où je m’installe en terrasse découverte pour un café, un verre d’eau et la lecture des souvenirs de Jean Hugo. Les nuages sont là mais ils restent à l’horizon.
Vers onze heures, je passe le pont de la Savonnerie afin de me rendre au Terminal des Croisières. L’imposant voilier est le Sea Cloud Spirit immatriculé à La Valette. On ne peut le voir qu’à travers de larges grilles (comme le gorille de la chanson). C’est un navire de luxe de cent trente-huit mètres de long, un trois-mâts, dont le plus haut culmine à cinquante-huit mètres, à gréement traditionnel. Une grand-mère à sa petite-fille, en toute modestie : « On l’a vu à Tahiti mais c’était exceptionnel. Habituellement, il fait la Méditerranée. »
A midi, je déjeune au Central, chez Sylvie et Gérard, au bord du Canal, vue sur la verdure du Mont Saint-Clair par la rue qui prolonge le pont de la Civette. Je m’offre un quart de pichet de côtes de Thau blanc à six euros pour accompagner la marmite de la mer (soupe de poisson, dos de cabillaud, pommes de terre) à quatorze euros quatre-vingt-dix. Le dessert du jour est une tarte à la griotte pistache à quatre euros cinquante. Tout cela est très bon. Une gentille dame est au service.
De là, en face, au soleil du Classic pour le café etc. Encore une journée annoncée mauvaise par la météo où il n’aura non seulement pas plu mais fait soleil. A la table voisine, une grand-mère se donne beaucoup de mal pour avoir l’air dans le coup (comme on disait autrefois) devant ses petits-fils de quinze et dix-sept ans. « Heureusement, il n’a pas eu d’autres enfants, dit-elle d’un homme de leur famille, pourtant ce n’est pas faute d’avoir baisé à droite et à gauche. » Le père des deux grands garçons est outré par le vocabulaire de sa mère. On ne dit pas ça devant des enfants. Le grand-père ne s’en mêle pas. Il est un peu amorti. Lui, ce qu’il veut transmettre à ses petits-fils, c’est qu’il ne faut pas se couper les poils du nez car ils repoussent plus durs et plus gros. Même si ça fait mal, il faut les arracher avec une pince à épiler.
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On peut monter au sommet du Phare Saint-Louis l’après-midi contre trois euros cinquante. Je ne l’envisage pas, craignant de manquer de souffle avant d’être en haut.
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La voix du bus annonce le Mole au lieu du Môle, comme celle du métro de Rouen annonçait Technopole au lieu de Technopôle (un jour, ça a été corrigé).

25 octobre 2024


Un « épisode méditerranéen » est annoncé, pouvant commencer ce jeudi. Cela ne me dissuade pas de retourner à Mèze. Au départ du huit heures dix, le ciel est gris et même noir à l’horizon.
A l’arrivée, je fais le tour du Port jusqu’à la Capitainerie, longe la Plagette et découvre le Petit Port des Nacelles où sont amarrés des bateaux de taille réduite que veille la statue d’un jouteur stylisé. Je poursuis par le chemin de l’Etang où sèchent des filets de pêche. D’autres sont empilés sur des charrettes à bras. Parfois le soleil point. Notamment pour éclairer la Chapelle des Pénitents lorsque je la photographie en contre-plongée. Jean Hugo y aurait vu un signe.
De retour dans le Port, je prends un café au Tabou où maintenant Sami me serre la main. Le temps se maintient. Le soleil est parfois présent, mais sur l’autre côté du Port. On ne peut tout avoir (comme dit Madame Michu).
Je déjeune encore une fois dans ce sympathique bar restaurant qui ne fera plus à manger après les vacances de la Toussaint : un demi-camembert rôti, un faux filet frites et petits légumes, une crème brûlée. A l’issue, après que j’ai payé, celle des serveuses dont je ne connais pas le prénom m’offre un café au comptoir. Elle me demande si j’écris ou si je dessine. « Je vous vois avec votre petit carnet. »
Au Bar de l’Esplanade, on ne sert pas de café jusqu’à quatorze heures. Sur cette place sont deux autres cafés, le Gin Marina et le Commerce. Le nom du premier ne m’inspire guère. J’entre dans le second et je me demande si j’ai bien fait. Ce Café du Commerce est un lieu hautement pittoresque. Une faune alcoolisée s’y épanouit. Délaissant la grande salle rectangulaire, elle est agglomérée au comptoir ou devant la porte pour ceux qui fument. Des toilettes sont exclusivement réservées aux femmes. C’est écrit en gros et en rouge sur la porte. Elles vont chercher la clé. Car il y a des femmes dans ce bouge. Deux boivent un verre de vin blanc en jouant au billard, ou l’inverse. Les toilettes pour hommes sont défoncées. La porte ne ferme plus depuis longtemps. La patronne, une femme vulgaire, est en guerre avec un qu’elle ne veut pas servir. Je paie un euro cinquante et me tire de ce lieu que je verrais bien dans un faubourg mal famé. Il est situé face à la Mairie et à la Police Municipale.
J’attends le bus du retour à l’arrêt La Marianne près de la frêle statue qui lui donne son nom. Il y a là un abribus mais je n’en ai pas besoin car le temps est toujours meilleur qu’annoncé, pas une goutte de pluie ce jeudi.
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L’avenue Victor-Hugo entre la Gare de Sète et le Pont de Pierre, d’où part le bus pour Mèze, est bordée de platanes garnis d’étourneaux qui piaillent dans le noir. Se méfier de ce qui pourrait tomber, le sol en est maculé.
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Dans les bus, les conductrices et les conducteurs vous disent merci quand votre ticket bipe. Impossible de passer sans être en règle.
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Le demi-camembert rôti, une spécialité locale qu’il fallait bien que je me décide à goûter.
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Dans le Port de Mèze, un voilier nommé Théorème de l’Incomplétude. Il devrait y en avoir un second.
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Rentré, j’apprends que dimanche soir, pour une histoire de vol d’argent, un client a tiré avec une arme de poing sur un serveur du Café du Commerce de Mèze, le blessant gravement à l’abdomen.

24 octobre 2024


En saison pour aller à Marseillan à l’autre bout de l’Etang de Thau, on prend le bus Neuf. Hors saison, il est remplacé par le Neuf Cent Quinze dans lequel il faut réserver sa place via Internet. Ce que j’ai fait en choisissant de partir ce mercredi à huit heures seize du Passage du Dauphin.
Nous sommes deux passagers dans ce bus. Il emprunte la route de la Corniche avant de parcourir le Lido où s’étale sur douze kilomètres la plage de Sète. J’attendais mieux de cette longue digue du Lido. J’attendais quelque chose, mais il n’y a rien à voir. La route est serrée entre, à gauche, de la végétation haute et, à droite, la voie ferrée. A Marseillan Plage descend la vieille dame à chariot. On enjambe le Canal du Midi qui est peu de chose à son extrémité. J’ai choisi de descendre à l’arrêt Port, au cœur de Marseillan. Je fais le tour de ce Port et pas mal de photos car le soleil s’y prête, dont une de la Maison Noilly Prat. Puis je monte dans le bourg voir l’église et les rues autour. Tout cela ne manque pas de charme mais Marseillan ne vaut pas Mèze.
Je prends un café sur le Port, à deux euros, au soleil chez O’Soleil, unique passant à avoir été accueilli en terrasse alors qu’à dix heures on y dressait les tables pour midi. Les suivants ont été refusés. Je reste là à lire les souvenirs de Jean Hugo qui ne semble travaillé que par une chose : devenir catholique par le baptême maintenant que sa grand-mère non crédule est morte.
Après avoir constaté les prix pratiqués au bord de l’eau, je me rabats pour déjeuner sur le seul choix possible en ville, Le Relax, à la clientèle d’habitués. « Ça va Nicole ? » Nicole clope et picole à une table haute. J’en occupe une autre, le soleil dans le dos. J’opte pour le tartare de bœuf frites, à quatorze euros quand même, mais les frites sont fraîches et ce tartare est bien préparé. Trois ouvriers mangent à côté. « Je sais qu’elle s’appelle Vanessa parce que l’autre là, qui l’avait connue, il a tatoué Vanessa sur son bras. » Ici on paie en liquide.
Pour rentrer, j’ai réservé une place dans le treize heures vingt-sept. C’est un long et monotone retour pendant lequel je manque de m’endormir. Nous ne sommes que deux passagers qui descendons tous deux à Noël Guignon. Je traverse le pont de la Civette et me voici assis à la terrasse du Classic, le soleil dans le dos. Il est quatorze heures quinze. J’en ai pour une petite heure avant que l’ombre me rattrape.
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A Marseillan, une boutique nommée Le Thau/rréfacteur. Une femme à son chien : « Allez, on rentre, on va prendre rendez-vous chez le coiffeur. »
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Perfide grand-mère qui pour faire avancer son deux ans de petit-fils lui dit : « Allez viens, on va aller voir si le manège est ouvert. » Alors qu’elle sait très bien qu’il ne va se mettre à tourner que dans l’après-midi.
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Pire que les goélands, ces bandes de bicyclistes aidés par l’électricité qui s’abattent vers treize heures devant une terrasse où il s’attendent à ce qu’une table de onze soit disponible pour eux.

23 octobre 2024


Bon, le boulanger Bon est en vacances. Le bar tabac L’Avenue en bas d’icelle, nommée Victor Hugo, est ouvert et a des croissants. Je petit-déjeune là avant le premier bus Vingt de huit heures dix pour Mèze dont je n’ai pas tout vu. L’arrêt de départ, Pont de Pierre, est en face. Trois euros soixante-dix, c’est dire le prix du croissant.
Arrivé au bord de l’Etang de Thau, je tourne le dos au Port en empruntant l’allée Pierre Vassiliu au-dessus de la plage du Thalassa. Elle mène à l’Ecole de Voile. A des tables en bois une jeunesse encore endormie petit-déjeune. A côté sont la Maison du Temps Libre, la Cuisine Centrale et le Cinéma Le Taurus. Je continue au-delà sur la Promenade du Sergent-Chef Navarro. Elle me conduit au site de la Conque, naturel et protégé. Face à moi, de gauche à droite, le Mont Saint-Clair, les vingt kilomètres du Lido qui va de Sète à Marseillan, le village port conchylicole du Mourre Blanc et, les pattes dans l’eau, plein d’oiseaux, dont quatre flamands roses.
Revenu sur mes pas, je contourne le Port jusqu’au Tabou. « Vous allez bien ? » m’accueille Sami, l’aimable gérant. A côté de moi, on parle héritage. « Si j’avais su, j’aurais pas vendu mes vignes » « Dans la vie, il y a les baiseurs et les baisés » puis on dit du mal d’une qui passe, elle a un peu regrossi mais qu’est-ce qu’elle est moche. Je réserve la même table pour midi. Le plat du jour sera andouillette braisée écrasé de pommes de terre. « J’en aurai peu, si vous êtes intéressé, c’est mieux de la faire mettre de côté. » Ce que je fais. De l’autre côté du Port, un restaurant nommé La Mèzon.
En bas de la rue du Port, la Bouquinerie La Girafe est ouverte. La boutique vaut la peine pour elle-même, ses girafes et son désordre, qui selon le maître des lieux n’en est pas un. Tout est rangé, me dit-il. Quant au contenu, il est énorme, dans tous les genres et de toutes les qualités. Il faudrait fouiller, et cela pour un livre dont le prix n’est pas inscrit dessus. Je fais le tour sans intention d’achat et quelques photos. Ce bouquiniste est un grand baratineur. A celui qui veut acheter deux Tintin pour ses enfants, il explique que les Tintin (dont il a des dizaines) c’est toujours plus cher d’occasion que neuf à cause de la cote. « Regardez ça ! » Il sort cette fameuse cote. Résultat : l’un à quinze euros, l’autre à vingt. Le convaincu sort ses billets. « Vous faites une affaire, dans cinq ans, ils vaudront cinq euros de plus », affirme le commerçant.
Sorti de là indemne, je monte jusqu’à l’église pour regarder sa façade sur le conseil de l’ami d’Orléans qui est passé ici en mars. Effectivement, vestige de la période révolutionnaire, il y est inscrit République Française avec en dessous Liberté Egalité Fraternité.
Rillettes de sardines, andouillette braisée et écrasé de pommes de terre, tarte à la pêche, le tout pour vingt-deux euros quarante, c’est mon choix au Tabou et c’est Céleste qui prend la commande. Elle porte bien son prénom.
Pour le café, je me propulse à l’entrée de l’allée Pierre Vassiliu chez Oscarine, un gros établissement où pendant le service des repas du midi quelques tables restent à disposition pour prendre une boisson. Je suis un peu écrasé par la chaleur quand je bois ce café (un euro quatre-vingts) entouré de femmes qui discutent chiffon, Gucci Dior et tutti.
Le quatorze heures trente-sept me ramène à Sète sans que j’en aie fini avec Mèze.
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Aujourd’hui, c’est le jour anniversaire de la naissance de Georges Brassens. C’est donc le début de 22 V’la Georges, huit jours de spectacles à sa mémoire où je n’irai pas
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« Georges Brassens est né le 22 octobre 1921 au domicile de ses parents, au 54 rue de l’Hospice, devenu en 1982 le 20, rue Georges-Brassens. Il grandit dans ce quartier populaire baptisé « Révolution », entre un père libertaire dont la famille est venue de Castelnaudary et une mère pieuse née à Sète de parents italiens. » écrivait l’Agence France Presse à l’occasion de son centenaire.
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Pierre Vassiliu a passé les dernières années de sa vie à Mèze. Il est mort dans un hôpital de Sète. Ses cendres ont été dispersées dans l’Etang de Thau.

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