Ce dimanche, nous sommes trois passagers dans le premier bateau bus pour Saint-Mandrier. Pour une fois je me tiens à la proue et suis impressionné par la façon dont il brasse la mer quand le capitaine met la gomme sitôt sorti du port de Toulon. Nous croisons un ferry jaune qui arrive de Corse ou de Sardaigne. Bon nombre de ses passagers sont sur le pont. A l’arrivée dans l’anse du Creux Saint-Georges, je descends au ponton Président qui donne accès à la partie ouest du port.
Mon objectif est facile ce jour : marcher le long de l’eau jusqu’à la pointe de la Vieille. Cela me fait passer à côté de la Capitainerie, du Centre Nautique, de la plage du Touring, puis, par le quai Séverine, j’atteins le cleube de plongée où un bateau est prêt à partir. C’est ensuite un hôtel cleube et une résidence Pierre et Vacances et me voici à la plage de la Vieille et à la pointe du même nom. Malheureusement, je ne peux marcher jusqu’à son extrémité car elle est inclue dans un terrain militaire qui enserre une jolie colline boisée où je me serais bien baladé. Le panneau que je ne cesse de rencontrer depuis le début du mois est sans appel : « Défense d’entrer ».
Je reviens sur mes pas. Pour retourner à Toulon depuis le ponton principal, il me faut faire le tour du port, ce qui me fait passer par la pointe des Blagueurs (peut-être appelée ainsi parce qu’il n’y a pas de pointe à cet endroit). Je découvre le Foyer des Jeunes, sinistre local qui donne à penser qu’ils ont tous été bouclés derrière les solides barreaux bleus (un problème de réglé) puis j’atteins le coin des pêcheurs qui est bien bordélique (à Sanary on en serait malade) et la Mairie sur laquelle la banderole de soutien à l’Ukraine n’est plus. Il ne me reste qu’à m’asseoir sous l’abri du ponton.
A neuf heures et demie, le bateau bleu se présente. Nous sommes une dizaine à rallier Toulon. Sitôt à quai, je me dirige vers le Grand Café de la Rade. Le temps me permet à nouveau d’occuper une table de premier rang à sa terrasse.
Je lis Léautaud jusqu’à onze heures et demie puis entre dans la vieille ville à la recherche d’un endroit où déjeuner. Je m’arrête au Mondial Café qui affiche ses burgueurs à douze euros cinquante. J’opte pour celui au reblochon.
-Voulez-vous le journal ? me demande la patronne.
-Non merci
-Il est vrai que maintenant avec le téléphone…
Je n’hésite pas à mentir :
-Je n’ai pas de téléphone.
-Ah c’est une bonne chose, me dit-elle, la réponse convenue de qui ne peut s’en passer.
Je ne suis pas déçu par mon burgueur quand il arrive. Il est bien garni et à mon goût. Je félicite le cuisinier qui vient aux nouvelles. A part moi ne mange là qu’un trentenaire qui a commandé une salade sans vinaigrette. Le quart de vin n’est pas donné, sept euros, je le découvre en payant avec la carte bancaire.
Je n’ai plus qu’à descendre jusqu’à La Gitane où j’espère que ma table sera libre. Ce faisant je passe, place de la Poissonnerie, devant une plaque commémorative qui dit qu’ici se trouvait la Maison des Têtes où il y eut treize morts lors de sa destruction par explosion en mil neuf cent quatre-vingt-neuf.
Je me souviens de cette histoire. La version officielle est le suicide au gaz d’une habitante du troisième étage, une adjudante cheffe à la retraite qui était dépressive. Cependant certains ont accusé les militaires. Il y avait des manœuvres conjointes avec l’armée américaine ce jour-là. Un missile aurait détruit la maison. Une femme disait avoir été au téléphone avec l’une des victimes, un homme, et l’avoir entendu pousser un cri d’effroi juste avant l’explosion. Comme s’il avait vu quelque chose foncer sur lui. La question est de savoir si on a le temps de voir arriver un missile avant qu’il vous tue. J’espère ne pas avoir à en faire l’expérience avant la fin de mon séjour.
*
A Saint-Mandrier, un quidam avec écrit sur son ticheurte : « Près des marmottes, loin des blaireaux ». Le meilleur moyen de signaler qu’on en est un, de blaireau, contrairement à ce qui est écrit.
Mon objectif est facile ce jour : marcher le long de l’eau jusqu’à la pointe de la Vieille. Cela me fait passer à côté de la Capitainerie, du Centre Nautique, de la plage du Touring, puis, par le quai Séverine, j’atteins le cleube de plongée où un bateau est prêt à partir. C’est ensuite un hôtel cleube et une résidence Pierre et Vacances et me voici à la plage de la Vieille et à la pointe du même nom. Malheureusement, je ne peux marcher jusqu’à son extrémité car elle est inclue dans un terrain militaire qui enserre une jolie colline boisée où je me serais bien baladé. Le panneau que je ne cesse de rencontrer depuis le début du mois est sans appel : « Défense d’entrer ».
Je reviens sur mes pas. Pour retourner à Toulon depuis le ponton principal, il me faut faire le tour du port, ce qui me fait passer par la pointe des Blagueurs (peut-être appelée ainsi parce qu’il n’y a pas de pointe à cet endroit). Je découvre le Foyer des Jeunes, sinistre local qui donne à penser qu’ils ont tous été bouclés derrière les solides barreaux bleus (un problème de réglé) puis j’atteins le coin des pêcheurs qui est bien bordélique (à Sanary on en serait malade) et la Mairie sur laquelle la banderole de soutien à l’Ukraine n’est plus. Il ne me reste qu’à m’asseoir sous l’abri du ponton.
A neuf heures et demie, le bateau bleu se présente. Nous sommes une dizaine à rallier Toulon. Sitôt à quai, je me dirige vers le Grand Café de la Rade. Le temps me permet à nouveau d’occuper une table de premier rang à sa terrasse.
Je lis Léautaud jusqu’à onze heures et demie puis entre dans la vieille ville à la recherche d’un endroit où déjeuner. Je m’arrête au Mondial Café qui affiche ses burgueurs à douze euros cinquante. J’opte pour celui au reblochon.
-Voulez-vous le journal ? me demande la patronne.
-Non merci
-Il est vrai que maintenant avec le téléphone…
Je n’hésite pas à mentir :
-Je n’ai pas de téléphone.
-Ah c’est une bonne chose, me dit-elle, la réponse convenue de qui ne peut s’en passer.
Je ne suis pas déçu par mon burgueur quand il arrive. Il est bien garni et à mon goût. Je félicite le cuisinier qui vient aux nouvelles. A part moi ne mange là qu’un trentenaire qui a commandé une salade sans vinaigrette. Le quart de vin n’est pas donné, sept euros, je le découvre en payant avec la carte bancaire.
Je n’ai plus qu’à descendre jusqu’à La Gitane où j’espère que ma table sera libre. Ce faisant je passe, place de la Poissonnerie, devant une plaque commémorative qui dit qu’ici se trouvait la Maison des Têtes où il y eut treize morts lors de sa destruction par explosion en mil neuf cent quatre-vingt-neuf.
Je me souviens de cette histoire. La version officielle est le suicide au gaz d’une habitante du troisième étage, une adjudante cheffe à la retraite qui était dépressive. Cependant certains ont accusé les militaires. Il y avait des manœuvres conjointes avec l’armée américaine ce jour-là. Un missile aurait détruit la maison. Une femme disait avoir été au téléphone avec l’une des victimes, un homme, et l’avoir entendu pousser un cri d’effroi juste avant l’explosion. Comme s’il avait vu quelque chose foncer sur lui. La question est de savoir si on a le temps de voir arriver un missile avant qu’il vous tue. J’espère ne pas avoir à en faire l’expérience avant la fin de mon séjour.
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A Saint-Mandrier, un quidam avec écrit sur son ticheurte : « Près des marmottes, loin des blaireaux ». Le meilleur moyen de signaler qu’on en est un, de blaireau, contrairement à ce qui est écrit.