Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
22 octobre 2021
Avant de quitter Nice un dernier passage à la boulangerie Saint-François, accueilli par le « Et bonjour ! » de la patronne. J’ai mis un certain temps avant de remarquer qu’ici, beaucoup, au lieu de dire « Bonjour », disent « Et bonjour ». Je vais regretter cette sympathique boulangère et ses pains au chocolat. Je vais aussi regretter l’homme de l’ouverture du Garibaldi et son café servi obligeamment.
Il est temps de rentrer à Rouen, avant que ne se déclenchent les vacances de la Toussaint. Je traîne ma petite valise derrière moi du lycée Masséna à la place Masséna où est la plus proche station du Tram Un. Son nom, comme celui de toutes les autres, est écrit par l’inévitable Ben (elles sont annoncées dans la rame avec un habillage sonore étudié pour chacune). Utilisant pour la dernière fois par ma carte SudAzur, je remonte l’avenue Jean-Médecin. Quand on passe devant la Basilique une voyageuse se signe discrètement et nous arrivons à la Gare Nice Ville, appelée aussi Gare Thiers.
Devant cette gare est une œuvre d’art montrant un Totor pas content en qui je me reconnais. J’étais bien mieux à Nice qu’à Rouen. Oui mais comment y vivre à l’année et il fait trop chaud l’été.
Ce retour m’inquiète un peu, en raison des frasques de la tempête Aurore. Les lignes ferroviaires normandes sont à l’arrêt, pas de reprise prévue avant midi.
Avant de quitter mon logis Airbibi, décoré des tableaux peints par mon hôte, de l’abstrait décoratif pas désagréable à regarder, j’ai alerté celle qui travaille à Paris. Elle se portera à mon secours si je suis bloqué dans la capitale.
Le Tégévé pour Paris Gare de Lyon part comme prévu à neuf heures cinquante-trois pour un voyage de plus de six heures. Le début de son trajet me permet de revoir certains des lieux découverts pendant ce mois de Côte d’Azur. Dans la voiture, deux retraitées organisent leurs voyages de printemps en prenant garde aux vacances scolaires « Si on veut aucun gosse nulle part » et un jeune homme fébrile, toujours au téléphone dans une langue inconnue, demande plusieurs fois en anglais à sa voisine si le train va à Parisse.
Au premier contrôle, il se révèle sans billet, sans argent et sans papiers. Les contrôleurs lui demandent de descendre à Toulon, il répond Parisse. Peu avant Toulon, ils reviennent le voir avec un anglophone qui lui dit que sinon, c’est la Police. Il veut la Police. « Police ticket » répète-t-il mal conseillé par celui qui est au téléphone. Ils sont trois à monter à Toulon : Good Cop, Bad Cop et Copette, cette dernière utilisant le tutoiement. Le jeune homme se met à pleurer, en répétant Parisse Parisse puis accepte de descendre. « C’est y un migrant ? » demande une vieille. « C’est tous les jours comme ça, lui répond Bad Cop, ça va bien, c’est pas la fête du slip. » Cette intervention n’aura pas retardé le train d’une minute.
Ce voyage de retour me paraît long et me fatigue. Nous arrivons avec un peu de retard Gare de Lyon. « Il pleut copieusement, ici c’est Paris », commente le chef de bord.
La ligne Quatorze me permet de rejoindre Saint-Lazare et là j’apprends qu’aucun train ne va au-delà de Vernon Giverny, retour à la normale espéré pour demain.
*
A la nuit tombée, mon logement Airbibi au quatrième étage se transformait en Observatoire de la Vie Intime des appartements entourant la courée. Rien vu d’excitant. Tout le monde regardait la télé.
Il est temps de rentrer à Rouen, avant que ne se déclenchent les vacances de la Toussaint. Je traîne ma petite valise derrière moi du lycée Masséna à la place Masséna où est la plus proche station du Tram Un. Son nom, comme celui de toutes les autres, est écrit par l’inévitable Ben (elles sont annoncées dans la rame avec un habillage sonore étudié pour chacune). Utilisant pour la dernière fois par ma carte SudAzur, je remonte l’avenue Jean-Médecin. Quand on passe devant la Basilique une voyageuse se signe discrètement et nous arrivons à la Gare Nice Ville, appelée aussi Gare Thiers.
Devant cette gare est une œuvre d’art montrant un Totor pas content en qui je me reconnais. J’étais bien mieux à Nice qu’à Rouen. Oui mais comment y vivre à l’année et il fait trop chaud l’été.
Ce retour m’inquiète un peu, en raison des frasques de la tempête Aurore. Les lignes ferroviaires normandes sont à l’arrêt, pas de reprise prévue avant midi.
Avant de quitter mon logis Airbibi, décoré des tableaux peints par mon hôte, de l’abstrait décoratif pas désagréable à regarder, j’ai alerté celle qui travaille à Paris. Elle se portera à mon secours si je suis bloqué dans la capitale.
Le Tégévé pour Paris Gare de Lyon part comme prévu à neuf heures cinquante-trois pour un voyage de plus de six heures. Le début de son trajet me permet de revoir certains des lieux découverts pendant ce mois de Côte d’Azur. Dans la voiture, deux retraitées organisent leurs voyages de printemps en prenant garde aux vacances scolaires « Si on veut aucun gosse nulle part » et un jeune homme fébrile, toujours au téléphone dans une langue inconnue, demande plusieurs fois en anglais à sa voisine si le train va à Parisse.
Au premier contrôle, il se révèle sans billet, sans argent et sans papiers. Les contrôleurs lui demandent de descendre à Toulon, il répond Parisse. Peu avant Toulon, ils reviennent le voir avec un anglophone qui lui dit que sinon, c’est la Police. Il veut la Police. « Police ticket » répète-t-il mal conseillé par celui qui est au téléphone. Ils sont trois à monter à Toulon : Good Cop, Bad Cop et Copette, cette dernière utilisant le tutoiement. Le jeune homme se met à pleurer, en répétant Parisse Parisse puis accepte de descendre. « C’est y un migrant ? » demande une vieille. « C’est tous les jours comme ça, lui répond Bad Cop, ça va bien, c’est pas la fête du slip. » Cette intervention n’aura pas retardé le train d’une minute.
Ce voyage de retour me paraît long et me fatigue. Nous arrivons avec un peu de retard Gare de Lyon. « Il pleut copieusement, ici c’est Paris », commente le chef de bord.
La ligne Quatorze me permet de rejoindre Saint-Lazare et là j’apprends qu’aucun train ne va au-delà de Vernon Giverny, retour à la normale espéré pour demain.
*
A la nuit tombée, mon logement Airbibi au quatrième étage se transformait en Observatoire de la Vie Intime des appartements entourant la courée. Rien vu d’excitant. Tout le monde regardait la télé.
21 octobre 2021
Pour ma dernière journée à Nice, je tire profit des suggestions envoyées en début de mon séjour par une fidèle lectrice, ancienne Rouennaise devenue Niçoise depuis vingt-six ans et « sans regrets ».
Je commence par prendre le bus Trente-Trois dont le terminus est le Mont Boron. On atteint ce sommet en passant par la Moyenne Corniche puis par une route forestière. Peu loin du terminus, je trouve la forêt. Un sentier qui suit son orée me mène à un magnifique point de vue sur la rade de Villefranche et la presqu’île du Cap Ferrat.
Pour voir également Nice de haut, je décide de rentrer à pied par la route côtière. « Trois kilomètres jusqu'à Port Lympia », me dit un coureur. La vue est fort belle, avec au premier plan ce Port Lympia. Après m’être un peu attardé autour de la Villa Beausite, joliment décatie mais en voie de restauration, j’arrive à bon port et m’offre un café verre d’eau à L’Ile de Beauté (passe sanitaire demandé, un euro soixante).
Pour suivre une autre des suggestions de ma lectrice, je n’ai qu’à prendre à cet endroit le même bus Trente-Trois dans l’autre sens, terminus Cimiez. C’est une nouvelle grimpette dans la ville. J’entre dans le Parc des Arènes, jardin public empli de moutard(e)s, le traverse et en ressors face au Monastère de Cimiez. Je ne peux entrer dans son église. « Le mercredi, visite touristique interdite » est-il affiché. On s’y livre ce jour-là à l’« adoration eucharistique ». Qu’à cela ne tienne, j’entre dans son cimetière. Des connus sont enterrés ici, dont les tombes sont fléchées. Je trouve celle de Roger Martin du Gard puis, au bout d’une impasse, celle de Raoul Dufy, deux blocs de béton sinistres. Il y a aussi celle d’Henri Matisse, dans un petit carré, mais j’ai beau chercher, je ne la vois pas.
Je retraverse le jardin public, trouve l’arrêt de bus pour redescendre au centre-ville, quitte le Trente-Trois à Promenade des Arts, marche jusqu’à Port Lympia où j’ai envie de déjeuner. Je choisis la terrasse de la brasserie Le Vieux Port et sa formule entrée plat verre de vin à treize euros cinquante quand, une dernière fois pour moi, tonne le canon (un plaisir en soi cette détonation).
Je déguste ma salade niçoise et mon fish and chips au soleil sous l’arcade d’un magnifique bâtiment. Quand je je le regarde mieux, je découvre sur son mur une plaque déjà ancienne qui m’informe qu’ici c’est le Palais Astraudo, « dernière résidence de l’écrivain Jean Lorrain qui célébra Nice et la Riviera ». Ravi, je souris en songeant qu’il célébra bien d’autres choses.
*
Renoir, Cocteau, Picasso, Matisse, Chagall, Léger, Fondation Maeght, Mamac, des Musées, des Institutions, où je ne suis pas entré. L’envie n’y est plus. Cela aurait été des devoirs de vacances.
*
Nice et ses volets dont le tiers inférieur se soulève afin de voir quand même qui passe.
Je commence par prendre le bus Trente-Trois dont le terminus est le Mont Boron. On atteint ce sommet en passant par la Moyenne Corniche puis par une route forestière. Peu loin du terminus, je trouve la forêt. Un sentier qui suit son orée me mène à un magnifique point de vue sur la rade de Villefranche et la presqu’île du Cap Ferrat.
Pour voir également Nice de haut, je décide de rentrer à pied par la route côtière. « Trois kilomètres jusqu'à Port Lympia », me dit un coureur. La vue est fort belle, avec au premier plan ce Port Lympia. Après m’être un peu attardé autour de la Villa Beausite, joliment décatie mais en voie de restauration, j’arrive à bon port et m’offre un café verre d’eau à L’Ile de Beauté (passe sanitaire demandé, un euro soixante).
Pour suivre une autre des suggestions de ma lectrice, je n’ai qu’à prendre à cet endroit le même bus Trente-Trois dans l’autre sens, terminus Cimiez. C’est une nouvelle grimpette dans la ville. J’entre dans le Parc des Arènes, jardin public empli de moutard(e)s, le traverse et en ressors face au Monastère de Cimiez. Je ne peux entrer dans son église. « Le mercredi, visite touristique interdite » est-il affiché. On s’y livre ce jour-là à l’« adoration eucharistique ». Qu’à cela ne tienne, j’entre dans son cimetière. Des connus sont enterrés ici, dont les tombes sont fléchées. Je trouve celle de Roger Martin du Gard puis, au bout d’une impasse, celle de Raoul Dufy, deux blocs de béton sinistres. Il y a aussi celle d’Henri Matisse, dans un petit carré, mais j’ai beau chercher, je ne la vois pas.
Je retraverse le jardin public, trouve l’arrêt de bus pour redescendre au centre-ville, quitte le Trente-Trois à Promenade des Arts, marche jusqu’à Port Lympia où j’ai envie de déjeuner. Je choisis la terrasse de la brasserie Le Vieux Port et sa formule entrée plat verre de vin à treize euros cinquante quand, une dernière fois pour moi, tonne le canon (un plaisir en soi cette détonation).
Je déguste ma salade niçoise et mon fish and chips au soleil sous l’arcade d’un magnifique bâtiment. Quand je je le regarde mieux, je découvre sur son mur une plaque déjà ancienne qui m’informe qu’ici c’est le Palais Astraudo, « dernière résidence de l’écrivain Jean Lorrain qui célébra Nice et la Riviera ». Ravi, je souris en songeant qu’il célébra bien d’autres choses.
*
Renoir, Cocteau, Picasso, Matisse, Chagall, Léger, Fondation Maeght, Mamac, des Musées, des Institutions, où je ne suis pas entré. L’envie n’y est plus. Cela aurait été des devoirs de vacances.
*
Nice et ses volets dont le tiers inférieur se soulève afin de voir quand même qui passe.
20 octobre 2021
Pour ma dernière sortie hors de Nice, ce mardi matin, je choisis Biot. Pour m’y rendre je monte dans un train Zou terminus Grasse à six heures cinquante-six, une minute avant son départ.
A l’arrivée à la Gare de Biot, c’est encore la nuit. Où donc se trouve l’arrêt du bus Dix qui permet de monter à Biot Village ? Je demande à la seule personne visible, étudiante ou lycéenne. « Venez, on va le prendre ensemble », me dit-elle. Je la suis jusqu’à un arrêt bien caché à une cinquantaine de mètres.
Le bus arrive rapidement, empli surtout de grands scolaires qui, comme elle, doivent étudier à Valbonne. De l’arrêt Biot Village j’ai peu à marcher pour arriver au début de la partie touristique du bourg protégée par des bornes anti voitures que surveillent des policiers municipaux car c’est jour de marché.
J’achète deux pains au chocolat à la boulangerie. Aucun café n’étant ouvert (pas avant huit heures et demie et encore, m’informe une autochtone), je les déguste sur un banc devant le Musée local puis je vais à la découverte les rues typiques avec leurs maisons colorées à arcades. En toute tranquillité car je ne croise que quelques parents conduisant leur descendance à l’école.
Le clou de Biot est dans son église Sainte-Madeleine mais elle est fermée. Vers huit heures et demie, quand j’y repasse, un homme entre au presbytère qui à ma question répond je vais vous l’ouvrir. Sa porte franchie, il faut descendre une douzaine de marches. Elle est fort belle. Je m’attarde devant ses trésors : deux retables, une Vierge au rosaire, attribuée à Louis Bréa, et un Christ aux plaies, à Canavesio.
Quand j’en ressors, les cafetiers ne sont pas prêts, aussi je choisis de ne pas m’attarder. Un bus Dix me reconduit à la Gare de Biot où je prends un train Zou direction Nice mais j’en descends au premier arrêt, Gare de Villeneuve-Loubet. Depuis que je passe par là en train ou en bus m’intrigue un énorme ensemble architectural.
Je marche un peu et suis bientôt au cœur de Marina Baie des Anges, tout en courbures comme la miss Baie des Anges de Dick Rivers. Ces lignes sinusoïdales cachent des abris portuaires où sont amarrés de luxueux bateaux.
Au rez-de-chaussée d’un des blocs sont des cafés et restaurants moins pimpants qu’à Golfe-Juan. Je prends un café à un euro vingt au Tabac Presse de la Marina et y lis un peu Edmond près de locaux qui parlent du coût pharamineux des loyers et des charges des appartements situés au-dessus de nous et sur les côtés. Ils se plaignent des résidents ayant transformé leur balcon en véranda, ça enlaidit.
A midi, je déjeune à la Villa Marina d’une formule plat dessert verre de vin à dix-sept euros. Mon saumon grillé gratin de chou-fleur et ma tarte au citron sont bien bons. Dommage que soit diffusée fort la radio Chérie.
Pas simple de s’extirper au plus court de Marina Baie des Anges, je me sers d’une piste cyclable pour rejoindre la Gare. Quand j’y arrive un bus Deux Cent se prépare à partir. J’y grimpe, enchaîne avec le Tram Deux, et à quatorze heures, je sors de terre près du Relax où une table m’attend pour un nouveau café verre d’eau lecture.
*
Biot, Villeneuve-Loubet, deux univers en quelques kilomètres.
*
André Minangoy est l’architecte de Marina Baie des Anges, apprends-je à mon retour.
*
Après vingt jours d’utilisation des trains Zou longeant la mer entre Cannes et Menton, je peux l’affirmer : ils circulent sans personnel de bord, hormis le conducteur qui prend la parole lors d’imprévus. Aucun contrôle n’est à craindre. On peut donc y voyager gratuitement. Ce qui n’a pas été mon cas.
A l’arrivée à la Gare de Biot, c’est encore la nuit. Où donc se trouve l’arrêt du bus Dix qui permet de monter à Biot Village ? Je demande à la seule personne visible, étudiante ou lycéenne. « Venez, on va le prendre ensemble », me dit-elle. Je la suis jusqu’à un arrêt bien caché à une cinquantaine de mètres.
Le bus arrive rapidement, empli surtout de grands scolaires qui, comme elle, doivent étudier à Valbonne. De l’arrêt Biot Village j’ai peu à marcher pour arriver au début de la partie touristique du bourg protégée par des bornes anti voitures que surveillent des policiers municipaux car c’est jour de marché.
J’achète deux pains au chocolat à la boulangerie. Aucun café n’étant ouvert (pas avant huit heures et demie et encore, m’informe une autochtone), je les déguste sur un banc devant le Musée local puis je vais à la découverte les rues typiques avec leurs maisons colorées à arcades. En toute tranquillité car je ne croise que quelques parents conduisant leur descendance à l’école.
Le clou de Biot est dans son église Sainte-Madeleine mais elle est fermée. Vers huit heures et demie, quand j’y repasse, un homme entre au presbytère qui à ma question répond je vais vous l’ouvrir. Sa porte franchie, il faut descendre une douzaine de marches. Elle est fort belle. Je m’attarde devant ses trésors : deux retables, une Vierge au rosaire, attribuée à Louis Bréa, et un Christ aux plaies, à Canavesio.
Quand j’en ressors, les cafetiers ne sont pas prêts, aussi je choisis de ne pas m’attarder. Un bus Dix me reconduit à la Gare de Biot où je prends un train Zou direction Nice mais j’en descends au premier arrêt, Gare de Villeneuve-Loubet. Depuis que je passe par là en train ou en bus m’intrigue un énorme ensemble architectural.
Je marche un peu et suis bientôt au cœur de Marina Baie des Anges, tout en courbures comme la miss Baie des Anges de Dick Rivers. Ces lignes sinusoïdales cachent des abris portuaires où sont amarrés de luxueux bateaux.
Au rez-de-chaussée d’un des blocs sont des cafés et restaurants moins pimpants qu’à Golfe-Juan. Je prends un café à un euro vingt au Tabac Presse de la Marina et y lis un peu Edmond près de locaux qui parlent du coût pharamineux des loyers et des charges des appartements situés au-dessus de nous et sur les côtés. Ils se plaignent des résidents ayant transformé leur balcon en véranda, ça enlaidit.
A midi, je déjeune à la Villa Marina d’une formule plat dessert verre de vin à dix-sept euros. Mon saumon grillé gratin de chou-fleur et ma tarte au citron sont bien bons. Dommage que soit diffusée fort la radio Chérie.
Pas simple de s’extirper au plus court de Marina Baie des Anges, je me sers d’une piste cyclable pour rejoindre la Gare. Quand j’y arrive un bus Deux Cent se prépare à partir. J’y grimpe, enchaîne avec le Tram Deux, et à quatorze heures, je sors de terre près du Relax où une table m’attend pour un nouveau café verre d’eau lecture.
*
Biot, Villeneuve-Loubet, deux univers en quelques kilomètres.
*
André Minangoy est l’architecte de Marina Baie des Anges, apprends-je à mon retour.
*
Après vingt jours d’utilisation des trains Zou longeant la mer entre Cannes et Menton, je peux l’affirmer : ils circulent sans personnel de bord, hormis le conducteur qui prend la parole lors d’imprévus. Aucun contrôle n’est à craindre. On peut donc y voyager gratuitement. Ce qui n’a pas été mon cas.
19 octobre 2021
Hésitant hier soir à prendre ce lundi matin la route de Vence, qui passe par Saint-Paul-de-Vence et La Colle-sur-Loup, je découvre qu’Henri Calet y est enterré, ainsi que Witold Gombrowicz, et me voici prêt à tout pour y aller, en l’occurrence à prendre le bus Quatre Cent qui part du Parc Phoenix. Le Tram Deux m’y conduit et quand j’arrive l’un est sur le départ.
Malheureusement, ce brave bus est pris dans les embouteillages de Cagnes. Quand il s’en sort, le conducteur fonce dans la montagne (là-haut nous fait signe Saint-Paul-de-Vence). A l’arrivée au terminus à Vence, nous n’avons qu’un quart d’heure de retard.
Je rejoins la ville ancienne, que j’ai parcourue comme ses voisines autrefois avec celle qui me donnait la main. A l’aide d’une autochtone je trouve le cimetière. J’ai noté sur mon petit carnet noir Hema les numéros des carrés et concessions qui m’intéressent mais je regarde d’abord un peu au hasard et trouve ainsi une tombe pour laquelle aucune publicité n’est faite, celle d’Albert Paraz, écrivain d’extrême droite et ami de Louis-Ferdinand Céline.
Constatant que ce cimetière est mal numéroté et entendant que dans sa partie basse on creuse un caveau à la pelleteuse, je vais me faire aider. Le gardien est avec les terrassiers. Il m’indique aisément les tombes de Calet et de Gombrowicz. « Tu connais tout le monde ? » s’étonne un des ouvriers. « Les gens connus oui ». L’ouvrier est encore plus étonné.
Je suis très content de pouvoir faire un salut à Henri Calet qui au fil des années est devenu mon écrivain préféré. Et aussi à Witold Gombrowicz que j’appréciais beaucoup quand je lisais des romans.
Mes photos faites, je regagne le centre de la vieille ville et vais voir la Cathédrale. C’est jour d’obsèques, je ne peux y entrer. Je me balade un peu dans cette ville d’aspect provençale puis je retourne à la halte routière et monte dans un Quatre Cent prêt à partir. J’en descends au deuxième arrêt, à l’entrée de Saint-Paul-de-Vence, près de la célèbre Auberge de la Colombe d’Or qui accueillit tant d’artistes, aujourd’hui transformée en hôtel pour riches.
Saint-Paul est devenue une ville de galeries d’art médiocre. Je vais voir l’église et surtout, juste à côté, transformée en Mairie annexe, l’école où Célestin Freinet expérimenta sa pédagogie, ce qui lui valut de gros ennuis. Une plaque le célèbre.
Je ne tiens pas à en voir plus de Saint-Paul-de-Vence et retourne à l’arrêt du bus où je n’ai à attendre que cinq minutes. Je regarde l’église de La Colle-sur-Loup qui s’approche mais suffisamment fatigué je ne demande pas l’arrêt.
Pas d’embouteillage à Cagnes durant ce retour et quand le Tram Deux est sur la parallèle à la Prom, j’en descends à l’arrêt Magnan ayant repéré une brasserie de ce nom. Il est midi quand je m’assois à sa terrasse avec vue un peu lointaine sur la mer. J’y déjeune de lasagnes avec un quart de vin rouge pour seize euros quatre-vingt-dix puis vais lire Edmond sur un banc blanc au-dessus de la plage.
Vers quatorze heures, je marche sur la Promenade jusqu’au Negresco. A nouveau fatigué, je prends le bus Douze pour rejoindre le Nomad où je reprends ma lecture avec un café verre d’eau, tandis que dans la coulée verte un acrobate à tronçonneuse fait une coupe d’automne aux palmiers.
*
Hormis Vence et l’écriture, le point commun entre Calet et Gombrowicz : s’être exilé en Amérique du Sud. Calet à Montevideo pour fuir les ennuis après avoir volé la paie des ouvriers de l’usine dont il était comptable. Gombrowicz à Buenos Aires pour fuir l’invasion de la Pologne par les nazis.
Malheureusement, ce brave bus est pris dans les embouteillages de Cagnes. Quand il s’en sort, le conducteur fonce dans la montagne (là-haut nous fait signe Saint-Paul-de-Vence). A l’arrivée au terminus à Vence, nous n’avons qu’un quart d’heure de retard.
Je rejoins la ville ancienne, que j’ai parcourue comme ses voisines autrefois avec celle qui me donnait la main. A l’aide d’une autochtone je trouve le cimetière. J’ai noté sur mon petit carnet noir Hema les numéros des carrés et concessions qui m’intéressent mais je regarde d’abord un peu au hasard et trouve ainsi une tombe pour laquelle aucune publicité n’est faite, celle d’Albert Paraz, écrivain d’extrême droite et ami de Louis-Ferdinand Céline.
Constatant que ce cimetière est mal numéroté et entendant que dans sa partie basse on creuse un caveau à la pelleteuse, je vais me faire aider. Le gardien est avec les terrassiers. Il m’indique aisément les tombes de Calet et de Gombrowicz. « Tu connais tout le monde ? » s’étonne un des ouvriers. « Les gens connus oui ». L’ouvrier est encore plus étonné.
Je suis très content de pouvoir faire un salut à Henri Calet qui au fil des années est devenu mon écrivain préféré. Et aussi à Witold Gombrowicz que j’appréciais beaucoup quand je lisais des romans.
Mes photos faites, je regagne le centre de la vieille ville et vais voir la Cathédrale. C’est jour d’obsèques, je ne peux y entrer. Je me balade un peu dans cette ville d’aspect provençale puis je retourne à la halte routière et monte dans un Quatre Cent prêt à partir. J’en descends au deuxième arrêt, à l’entrée de Saint-Paul-de-Vence, près de la célèbre Auberge de la Colombe d’Or qui accueillit tant d’artistes, aujourd’hui transformée en hôtel pour riches.
Saint-Paul est devenue une ville de galeries d’art médiocre. Je vais voir l’église et surtout, juste à côté, transformée en Mairie annexe, l’école où Célestin Freinet expérimenta sa pédagogie, ce qui lui valut de gros ennuis. Une plaque le célèbre.
Je ne tiens pas à en voir plus de Saint-Paul-de-Vence et retourne à l’arrêt du bus où je n’ai à attendre que cinq minutes. Je regarde l’église de La Colle-sur-Loup qui s’approche mais suffisamment fatigué je ne demande pas l’arrêt.
Pas d’embouteillage à Cagnes durant ce retour et quand le Tram Deux est sur la parallèle à la Prom, j’en descends à l’arrêt Magnan ayant repéré une brasserie de ce nom. Il est midi quand je m’assois à sa terrasse avec vue un peu lointaine sur la mer. J’y déjeune de lasagnes avec un quart de vin rouge pour seize euros quatre-vingt-dix puis vais lire Edmond sur un banc blanc au-dessus de la plage.
Vers quatorze heures, je marche sur la Promenade jusqu’au Negresco. A nouveau fatigué, je prends le bus Douze pour rejoindre le Nomad où je reprends ma lecture avec un café verre d’eau, tandis que dans la coulée verte un acrobate à tronçonneuse fait une coupe d’automne aux palmiers.
*
Hormis Vence et l’écriture, le point commun entre Calet et Gombrowicz : s’être exilé en Amérique du Sud. Calet à Montevideo pour fuir les ennuis après avoir volé la paie des ouvriers de l’usine dont il était comptable. Gombrowicz à Buenos Aires pour fuir l’invasion de la Pologne par les nazis.
18 octobre 2021
Ce dimanche matin je descends du train Zou terminus Cannes La Bocca à la Gare de Golfe-Juan où l’autre semaine une femme se suicidait.
De cette ville, je pourrais aller en bus à Vallauris, mais pas envie de faire un effort par un si beau temps, et puis j’ai peu de goût pour la céramique.
Aussi je me laisse descendre jusqu’au Vieux Port par le plan incliné qui y mène, un vieux qui a l’air aussi neuf que le second nommé Camille Rayon. Ce dernier est jouxté par le Théâtre de la Mer Jean Marais. Après chaque port est une plage de sable. Enfin le long de ces deux ports sont alignés des quantités de restaurants.
C’est L’Escale que je choisis pour un café verre d’eau lecture à seulement un euro soixante. Face à moi est une blonde un peu cagole qui dit à celui qui l’accompagne, à propos des promeneurs de chiens :
-Je ne connais pas cette relation à l’animal, je n’en ai jamais eu.
-Tu as été mariée, quand même, lui répond-il.
Je poursuis ma lecture sur un banc dominant l’une des plages puis à midi ne passe guère de temps à choisir un restaurant car Le Jardin du Port a toutes ses tables réservées sauf une. C’est bon signe. Elle devient la mienne.
Dans la formule dominicale à vingt et un euros, je choisis fruits de mer frais gratinés avec champignons et thonine pêche locale snacké sauce vierge, avec cela un demi de vin blanc à neuf euros. Un petit pot de tapenade est offert en amuse-bouche. « Les amis, on a oublié le passe sanitaire », s’émeut soudain le patron. « Merci Joëlle, merci Jean-Paul », dit-il à mes voisins. « Merci Michel », me dit-il. Jean-Paul a choisi le poisson mais il mange surtout les frites de sa femme qui a opté pour les moules marinières. Leur conversation se résume à « C’est les mêmes couverts qu’à la maison » et « T’imagines, mon vélo, il doit avoir vingt ans, si pas plus ». « Tout va bien Monseigneur ? », me demande le patron. J’aime qu’on me parle ainsi et je ne regrette pas mes choix.
Je vais boire le café à L’Escale où mangent des bandes d’amis trentenaires, certains encombrés d’enfançons et de gros chiens. La Gare n’est pas loin. Le début de la rue pour la rejoindre est aussi, informe une pancarte, l’endroit où commence la Route Napoléon. Il faut un début à tout, comme dit madame Michu.
*
Si tu veux passer des vacances de fainéant
Café, plage de sable et restaurant
Je te recommande Golfe-Juan
De cette ville, je pourrais aller en bus à Vallauris, mais pas envie de faire un effort par un si beau temps, et puis j’ai peu de goût pour la céramique.
Aussi je me laisse descendre jusqu’au Vieux Port par le plan incliné qui y mène, un vieux qui a l’air aussi neuf que le second nommé Camille Rayon. Ce dernier est jouxté par le Théâtre de la Mer Jean Marais. Après chaque port est une plage de sable. Enfin le long de ces deux ports sont alignés des quantités de restaurants.
C’est L’Escale que je choisis pour un café verre d’eau lecture à seulement un euro soixante. Face à moi est une blonde un peu cagole qui dit à celui qui l’accompagne, à propos des promeneurs de chiens :
-Je ne connais pas cette relation à l’animal, je n’en ai jamais eu.
-Tu as été mariée, quand même, lui répond-il.
Je poursuis ma lecture sur un banc dominant l’une des plages puis à midi ne passe guère de temps à choisir un restaurant car Le Jardin du Port a toutes ses tables réservées sauf une. C’est bon signe. Elle devient la mienne.
Dans la formule dominicale à vingt et un euros, je choisis fruits de mer frais gratinés avec champignons et thonine pêche locale snacké sauce vierge, avec cela un demi de vin blanc à neuf euros. Un petit pot de tapenade est offert en amuse-bouche. « Les amis, on a oublié le passe sanitaire », s’émeut soudain le patron. « Merci Joëlle, merci Jean-Paul », dit-il à mes voisins. « Merci Michel », me dit-il. Jean-Paul a choisi le poisson mais il mange surtout les frites de sa femme qui a opté pour les moules marinières. Leur conversation se résume à « C’est les mêmes couverts qu’à la maison » et « T’imagines, mon vélo, il doit avoir vingt ans, si pas plus ». « Tout va bien Monseigneur ? », me demande le patron. J’aime qu’on me parle ainsi et je ne regrette pas mes choix.
Je vais boire le café à L’Escale où mangent des bandes d’amis trentenaires, certains encombrés d’enfançons et de gros chiens. La Gare n’est pas loin. Le début de la rue pour la rejoindre est aussi, informe une pancarte, l’endroit où commence la Route Napoléon. Il faut un début à tout, comme dit madame Michu.
*
Si tu veux passer des vacances de fainéant
Café, plage de sable et restaurant
Je te recommande Golfe-Juan
17 octobre 2021
Ce samedi matin je descends du train Zou de sept heures quarante-neuf terminus Vintimille juste après le long tunnel de la Principauté de Monaco, à Roquebrune-Cap-Martin. Dès la sortie de la Gare, j’aperçois, en haut de la montagne mon objectif du jour : le château qui domine le vieux village de Roquebrune.
Comment y aller ? Une dame m’informe de l’existence du bus Vingt-Deux dont l’arrêt est un peu plus haut. Je monte la pente et le trouve. Il y a peu de passages le samedi. Le prochain est heureusement dans neuf minutes. Il fait beau et doux.
Soudain, avec cinq minutes d’avance, surgit un minibus qui me prend tellement de court que je ne fais pas signe au conducteur et il passe sans s’arrêter. J’y vois un signe. La perspective de la découverte d’un énième village perché ne m’emballait qu’à moitié. Tant pis pour le château, l’église Sainte-Marguerite, l’olivier millénaire et la tombe du Corbusier mort d’une baignade en mer.
Je redescends à la Gare qui est très proche de la Méditerranée et je ne loupe pas le chemin douanier en béton qui porte le nom de l’architecte. Assez vite me voici devant (ou plutôt derrière) la Villa E-1027 d’Eileen Gray puis derrière le cabanon du Corbu. Les deux, ainsi que les Unités de Camping, sont protégés des regards par de hautes clôtures.
Le chemin se poursuit au-dessus des rochers battus par la mer. A un endroit, il emprunte une passerelle métallique accrochée à la muraille. En face, c’est Monaco et ses moches immeubles, ce que voyait le Corbusier chaque matin en ouvrant sa petite fenêtre, son purgatoire sur terre.
Quand la pente devient trop menaçante pour mes forces, je fais demi-tour et décide de reprendre le train Zou, cette fois direction Grasse, afin d’en descendre à Eze. Je mangerais bien ce midi à La Vieille Maison.
Las, quand j’y arrive, je vois que cette gargote est fermée le samedi. J’attends le premier bus Cent. Il me ramène à Nice par la Basse Corniche. J’y suis pour le coup de canon, installé en terrasse au Garibaldi. Je commande une socca car il est temps que je sache quelle est cette spécialité locale, et une part de pizza trois fromages, avec un quart de vin rouge.
Peu après je sais ce qu’est la socca, une sorte de crêpe passablement sèche. Heureusement que la pizza est là.
Ayant payé mes onze euros quatre-vingts, j’entre dans le Vieux Nice par la rue des commerces de bouche, prends la rue Droite, tourne à droite vers la place Rossetti, puis à gauche et encore à droite et arrive au marché des livres d’occasion. Ces ruelles qui me paraissaient labyrinthiques me sont maintenant terrain connu. Quant à ma promesse de ne pas acheter de livres, elle ne tient plus quand j’aperçois un exemplaire à deux euros de la Pochothèque groupant cinq des romans de Sándor Márai.
Je ne cède pas à d’autres tentations et reviens place Rossetti, au Kalice, pour un café verre d’eau lecture dans l’animation de ruche que donne la foule à cet endroit stratégique.
« Macron ton passe on n’en veut pas », entends-je par ma fenêtre ouverte vers quinze heures. Les Crieurs de Liberté sont encore de sortie dans un département où le passe n’est pas demandé par la quasi-totalité des cafetiers et restaurateurs.
*
Un cabanon peut en cacher un autre. Une pancarte discrète apposée près de la Gare de Roquebrune Cap-Martin le rappelle. Jacques Brel a eu le sien sur la plage du Golfe Bleu de mil neuf cent soixante et un à mil neuf cent soixante et onze, où entre autre il a écrit Le Plat Pays et Amsterdam.
Comment y aller ? Une dame m’informe de l’existence du bus Vingt-Deux dont l’arrêt est un peu plus haut. Je monte la pente et le trouve. Il y a peu de passages le samedi. Le prochain est heureusement dans neuf minutes. Il fait beau et doux.
Soudain, avec cinq minutes d’avance, surgit un minibus qui me prend tellement de court que je ne fais pas signe au conducteur et il passe sans s’arrêter. J’y vois un signe. La perspective de la découverte d’un énième village perché ne m’emballait qu’à moitié. Tant pis pour le château, l’église Sainte-Marguerite, l’olivier millénaire et la tombe du Corbusier mort d’une baignade en mer.
Je redescends à la Gare qui est très proche de la Méditerranée et je ne loupe pas le chemin douanier en béton qui porte le nom de l’architecte. Assez vite me voici devant (ou plutôt derrière) la Villa E-1027 d’Eileen Gray puis derrière le cabanon du Corbu. Les deux, ainsi que les Unités de Camping, sont protégés des regards par de hautes clôtures.
Le chemin se poursuit au-dessus des rochers battus par la mer. A un endroit, il emprunte une passerelle métallique accrochée à la muraille. En face, c’est Monaco et ses moches immeubles, ce que voyait le Corbusier chaque matin en ouvrant sa petite fenêtre, son purgatoire sur terre.
Quand la pente devient trop menaçante pour mes forces, je fais demi-tour et décide de reprendre le train Zou, cette fois direction Grasse, afin d’en descendre à Eze. Je mangerais bien ce midi à La Vieille Maison.
Las, quand j’y arrive, je vois que cette gargote est fermée le samedi. J’attends le premier bus Cent. Il me ramène à Nice par la Basse Corniche. J’y suis pour le coup de canon, installé en terrasse au Garibaldi. Je commande une socca car il est temps que je sache quelle est cette spécialité locale, et une part de pizza trois fromages, avec un quart de vin rouge.
Peu après je sais ce qu’est la socca, une sorte de crêpe passablement sèche. Heureusement que la pizza est là.
Ayant payé mes onze euros quatre-vingts, j’entre dans le Vieux Nice par la rue des commerces de bouche, prends la rue Droite, tourne à droite vers la place Rossetti, puis à gauche et encore à droite et arrive au marché des livres d’occasion. Ces ruelles qui me paraissaient labyrinthiques me sont maintenant terrain connu. Quant à ma promesse de ne pas acheter de livres, elle ne tient plus quand j’aperçois un exemplaire à deux euros de la Pochothèque groupant cinq des romans de Sándor Márai.
Je ne cède pas à d’autres tentations et reviens place Rossetti, au Kalice, pour un café verre d’eau lecture dans l’animation de ruche que donne la foule à cet endroit stratégique.
« Macron ton passe on n’en veut pas », entends-je par ma fenêtre ouverte vers quinze heures. Les Crieurs de Liberté sont encore de sortie dans un département où le passe n’est pas demandé par la quasi-totalité des cafetiers et restaurateurs.
*
Un cabanon peut en cacher un autre. Une pancarte discrète apposée près de la Gare de Roquebrune Cap-Martin le rappelle. Jacques Brel a eu le sien sur la plage du Golfe Bleu de mil neuf cent soixante et un à mil neuf cent soixante et onze, où entre autre il a écrit Le Plat Pays et Amsterdam.
16 octobre 2021
Ce vendredi, je suis réveillé suffisamment tôt pour prendre à la Gare Routière Vauban le bus Zou Cent Seize de sept heures vingt-cinq, terminus Mairie de La Turbie. C’est-à-dire pour rejoindre la Grande Corniche par une route raide et sinueuse qui vous fait espérer avoir affaire à un bon chauffeur. Tout se passe bien.
Dès l’arrivée, je vois l’église Saint-Michel et le Trophée d’Auguste qui la jouxte. Cette curiosité témoigne du passé romain de la cité, même s’il s’agit d’une reconstruction. Le véritable a servi de carrière de pierres. Certaines se trouvent dans les murs de l’église. Un riche Américain la fit reconstruire, en moins haut que l’original, trente-cinq mètres au lieu de cinquante, un nommé Tuck. On peut donc dire que c’est du Tuck, ou du toc. La visite en est néanmoins payante.
J’entre dans des rues typiques de ce village perché. Le baroque et le classique s’y côtoient. Des draps sèchent aux fenêtres. Je ne croise personne hormis trois chats. A l’une des entrées encore fermées du Triomphe, un plateau permet de voir Monaco en contrebas. Près de l’école, un autre domine Cap d’Ail.
Cette visite faite, je me procure des viennoiseries à la boulangerie La Boule de Neige et les consomme en face avec un café à un euro soixante au Bistrot Le Provençal qui est le rendez-vous des locaux. Près de ce café, une plaque rappelle qu’ici a poussé pendant plusieurs siècles le Laurier de La Turbie chanté par Théodore de Banville et Catulle Mendès, deux écrivains qu’Edmond de Goncourt ne ménage pas dans son Journal dont je poursuis la lecture.
A midi je déjeune au même endroit, d’un couscous royal. « C’est Amina qui l’a fait ». Tous les autres mangeurs sont des travailleurs qui ne rechignent pas à boire de la bière ou un apéro avant d’être servis. Avec mon quart de vin rouge, j’en ai pour vingt-deux euros cinquante.
Le beau ciel bleu du matin se couvre peu à peu et la température baisse. Il fait même presque froid quand sur un banc du plateau au-dessus de l’école et de Cap d’Ail, je poursuis ma lecture. Comme dit un passant, tu arrives ici en ticheurte et tu repars en après-ski.
J’attends donc le bus du retour avec une certaine impatience. Après une descente un peu flippante, je mets le pied à Nice où il fait meilleur.
*
Une autre plaque sur un mur de La Turbie cite Dante dans sa langue quand lui-même cite La Turbie. C’est dans le chapitre trois du Purgatoire.
*
Dans la boîte à livres de La Turbie, le tome deux des Pas effacés, mémoires de Robert de Montesquiou, autre écrivain vilipendé par Edmond. Où trouver le tome un ?
Dès l’arrivée, je vois l’église Saint-Michel et le Trophée d’Auguste qui la jouxte. Cette curiosité témoigne du passé romain de la cité, même s’il s’agit d’une reconstruction. Le véritable a servi de carrière de pierres. Certaines se trouvent dans les murs de l’église. Un riche Américain la fit reconstruire, en moins haut que l’original, trente-cinq mètres au lieu de cinquante, un nommé Tuck. On peut donc dire que c’est du Tuck, ou du toc. La visite en est néanmoins payante.
J’entre dans des rues typiques de ce village perché. Le baroque et le classique s’y côtoient. Des draps sèchent aux fenêtres. Je ne croise personne hormis trois chats. A l’une des entrées encore fermées du Triomphe, un plateau permet de voir Monaco en contrebas. Près de l’école, un autre domine Cap d’Ail.
Cette visite faite, je me procure des viennoiseries à la boulangerie La Boule de Neige et les consomme en face avec un café à un euro soixante au Bistrot Le Provençal qui est le rendez-vous des locaux. Près de ce café, une plaque rappelle qu’ici a poussé pendant plusieurs siècles le Laurier de La Turbie chanté par Théodore de Banville et Catulle Mendès, deux écrivains qu’Edmond de Goncourt ne ménage pas dans son Journal dont je poursuis la lecture.
A midi je déjeune au même endroit, d’un couscous royal. « C’est Amina qui l’a fait ». Tous les autres mangeurs sont des travailleurs qui ne rechignent pas à boire de la bière ou un apéro avant d’être servis. Avec mon quart de vin rouge, j’en ai pour vingt-deux euros cinquante.
Le beau ciel bleu du matin se couvre peu à peu et la température baisse. Il fait même presque froid quand sur un banc du plateau au-dessus de l’école et de Cap d’Ail, je poursuis ma lecture. Comme dit un passant, tu arrives ici en ticheurte et tu repars en après-ski.
J’attends donc le bus du retour avec une certaine impatience. Après une descente un peu flippante, je mets le pied à Nice où il fait meilleur.
*
Une autre plaque sur un mur de La Turbie cite Dante dans sa langue quand lui-même cite La Turbie. C’est dans le chapitre trois du Purgatoire.
*
Dans la boîte à livres de La Turbie, le tome deux des Pas effacés, mémoires de Robert de Montesquiou, autre écrivain vilipendé par Edmond. Où trouver le tome un ?
15 octobre 2021
Ce jeudi matin, quand j’arrive à la Gare Nice Ville, le train Zou pour Grasse qui précède celui que je veux prendre est encore là, retenu en raison de difficultés de circulation. J’y trouve une place assise et attends. Il démarre avant celui que je visais. J’arrive donc plus tôt que prévu à Cagnes-sur-Mer dont la sortie de gare est affreuse. Un axe autoroutier la surplombe et un grand chantier la jouxte. Bientôt je me retrouve seul ne sachant pas où aller pour trouver la partie vieux village baptisée Haut-de-Cagnes, mon objectif du jour.
Je demande à une jeune femme qui passe. « Je vais vous montrer », me dit-elle. Nous cheminons ensemble jusqu’à la Mairie dont il me faudra monter les nombreuses marches avant de tourner à gauche. « Ça grimpe », me prévient-elle. Elle m’indique aussi que des bus partent de l’église si je veux éviter de retourner à la Gare.
Je remercie cette aimable personne et me lance dans une longue rue pentue qui mène à d’autres, joliment pavées, que je prends au petit bonheur. C’est ainsi que j’arrive sans croiser personne tout en haut, au Château Grimaldi, sur le parvis duquel sont quelques restaurants chics et aussi l’école vers laquelle se dirigent lentement des enfants accompagnés.
De ce sommet on a vue sur la montagne mais pour voir la mer il me faut redescendre la rue qui mène à la Mairie. De là, je rejoins l'église. Une dame m’indique que le bus Quatre Cent qui arrive m’emmènera à Cros-de-Cagnes.
C’est bientôt chose faite et me voici comme hier assis à la terrasse de Lou Lamparo, sauf qu’il fait frais ce jeudi, premier jour depuis mon arrivée sur la Côte d’Azur où je porte un pull.
A midi, je déjeune une nouvelle fois à la Brasserie L’Azur où je suis servi par Giovanni avec moins de zèle qu’hier. Quand on croit la clientèle acquise, on ne se fatigue plus autant. Rosbif purée avec un quart de vin rouge suivi d’un fondant au chocolat, tel est mon choix.
Comme le ciel se dégage à la fin de mon repas, je vais lire sur un banc de bord de mer jusqu’à quatorze heures trente-cinq. Le bus Deux Cent Dix-Sept me prend alors en charge pour un retour à Nice identique à celui de la veille.
*
Haut-de-Cagnes a un Cercle des Amis qui, m’apprend sa pancarte, organise chaque mois d’août, depuis mil neuf cent quatre-vingt, le Championnat du Monde de Boules Carrées.
*
Auguste Renoir a vécu ses dernières années à Cagnes-sur-Mer. On y trouve un Musée à son nom. Suzy Solidor est aussi passée par-là.
*
Une collégienne à sa copine dans le bus Quatre Cent : « Tu nous vois, retraitées, sur Tik Tok ? »
*
Sur le chemin du retour, à Saint-Laurent-du-Var, un salon de coiffure : « Eric Zemmour styliste ».
Je demande à une jeune femme qui passe. « Je vais vous montrer », me dit-elle. Nous cheminons ensemble jusqu’à la Mairie dont il me faudra monter les nombreuses marches avant de tourner à gauche. « Ça grimpe », me prévient-elle. Elle m’indique aussi que des bus partent de l’église si je veux éviter de retourner à la Gare.
Je remercie cette aimable personne et me lance dans une longue rue pentue qui mène à d’autres, joliment pavées, que je prends au petit bonheur. C’est ainsi que j’arrive sans croiser personne tout en haut, au Château Grimaldi, sur le parvis duquel sont quelques restaurants chics et aussi l’école vers laquelle se dirigent lentement des enfants accompagnés.
De ce sommet on a vue sur la montagne mais pour voir la mer il me faut redescendre la rue qui mène à la Mairie. De là, je rejoins l'église. Une dame m’indique que le bus Quatre Cent qui arrive m’emmènera à Cros-de-Cagnes.
C’est bientôt chose faite et me voici comme hier assis à la terrasse de Lou Lamparo, sauf qu’il fait frais ce jeudi, premier jour depuis mon arrivée sur la Côte d’Azur où je porte un pull.
A midi, je déjeune une nouvelle fois à la Brasserie L’Azur où je suis servi par Giovanni avec moins de zèle qu’hier. Quand on croit la clientèle acquise, on ne se fatigue plus autant. Rosbif purée avec un quart de vin rouge suivi d’un fondant au chocolat, tel est mon choix.
Comme le ciel se dégage à la fin de mon repas, je vais lire sur un banc de bord de mer jusqu’à quatorze heures trente-cinq. Le bus Deux Cent Dix-Sept me prend alors en charge pour un retour à Nice identique à celui de la veille.
*
Haut-de-Cagnes a un Cercle des Amis qui, m’apprend sa pancarte, organise chaque mois d’août, depuis mil neuf cent quatre-vingt, le Championnat du Monde de Boules Carrées.
*
Auguste Renoir a vécu ses dernières années à Cagnes-sur-Mer. On y trouve un Musée à son nom. Suzy Solidor est aussi passée par-là.
*
Une collégienne à sa copine dans le bus Quatre Cent : « Tu nous vois, retraitées, sur Tik Tok ? »
*
Sur le chemin du retour, à Saint-Laurent-du-Var, un salon de coiffure : « Eric Zemmour styliste ».
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante