Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
10 septembre 2022
Ce vendredi, je suis à la proue du vaporetto toulonnais parti à huit heures. Après vingt minutes de navigation, il fait un premier arrêt aux Sablettes (commune de la Seyne-sur-Mer), où le quittent la plupart des voyageurs pour aller travailler ou étudier, et un quart d’heure plus tard, je descends au ponton Tamaris, autre quartier de La Seyne. Il eut son heure de gloire au temps de Michel Pacha.
J’en admire les quelques villas cossues, véritables turqueries, puis marche sur la corniche Michel-Pacha jusqu’au Fort Balaguier devenu Musée. La vue est belle sur la baie du Lazaret où se croisent un bateau de guerre et un ferry. De retour sur mes pas, je remarque un bateau à demi coulé dans le port du Manteau et un autre dans le même état près de l’embarcadère. Au large sont visibles des parcs à moules et des fermes aquacoles où l’on cultive le loup et la daurade.
Ce n’est qu’à neuf heures et demie qu’ouvre le café restaurant Les Tamaris. Sous l’un des arbres de sa terrasse, après avoir bu un café à deux euros, je lis longuement Léautaud puis rentre par le bateau d’onze heures cinq.
Il est onze heures et demie quand j’arrive à l’Unic Bar. Pour être sûr d’avoir droit à l’aïoli maison du vendredi, je m’installe sans attendre à l’une des tables encore libres et y bois un kir.
Cette fois je suis servi le premier à midi pile. J’accompagne ce plat d’un quart de vin blanc. Une part de cabillaud, des crevettes, des moules, un œuf dur et divers légumes se partagent mon assiette mais ce que j’aime avant tout, c’est cette mayonnaise aillée dont je finis par manquer. Je demande au serveur s’il est possible d’avoir une coupelle supplémentaire. « Oh la la », me dit-il en allant plaider ma cause en cuisine. Il revient avec la coupelle bien remplie. Je me damnerais pour un aïoli. Je remercie quand je paie mes vingt et un euros puis descends le cours Lafayette jusqu’au port.
Installé en hauteur à La Gitane, mon café bu, je lis Léautaud tout en m’intéressant à la vie du port. L’incident du jour a lieu à bord d’un des bateaux qui font le tour de la rade. Avant son départ, une femme a fait un malaise. Elle est examinée par les pompiers. Une cinquantaine de vieilles et de vieux attendent en râlant de pouvoir monter. Ils fuient le soleil cuisant du quai en squattant les parasols et les auvents du bar. Le serveur les chasse comme il le fait pour les pigeons. D’ailleurs n’en sont-ils pas, me dis-je.
Quand je rentre à mon logis temporaire, je trouve des agents de sécurité en uniforme et des policiers municipaux armés à la porte de l’immeuble. Une scène a été installée devant les Halles Municipales qui fêtent le premier anniversaire de leur réouverture. « Il va y avoir un concert, me disent ces autorités, mais on sait pas quoi. »
Je me renseigne via Internet. Ce sera Bande à Part, un groupe d’Ajaccio qui fait des reprises pour tout public. Ma fenêtre ne donne pas côté Halles mais côté Cathédrale. Ça ne suffira pas à me protéger..
*
Blaise Jean Marius Michel, directeur des phares de l’Empire ottoman, fut anoblit par le Sultan et devint Michel Pacha. Rentré au pays, il fut Maire de Sanary et, dit le Guide du Routard, « arrosa la région avec prodigalité ». Ainsi créa-t-il la station balnéaire des Tamaris.
J’en admire les quelques villas cossues, véritables turqueries, puis marche sur la corniche Michel-Pacha jusqu’au Fort Balaguier devenu Musée. La vue est belle sur la baie du Lazaret où se croisent un bateau de guerre et un ferry. De retour sur mes pas, je remarque un bateau à demi coulé dans le port du Manteau et un autre dans le même état près de l’embarcadère. Au large sont visibles des parcs à moules et des fermes aquacoles où l’on cultive le loup et la daurade.
Ce n’est qu’à neuf heures et demie qu’ouvre le café restaurant Les Tamaris. Sous l’un des arbres de sa terrasse, après avoir bu un café à deux euros, je lis longuement Léautaud puis rentre par le bateau d’onze heures cinq.
Il est onze heures et demie quand j’arrive à l’Unic Bar. Pour être sûr d’avoir droit à l’aïoli maison du vendredi, je m’installe sans attendre à l’une des tables encore libres et y bois un kir.
Cette fois je suis servi le premier à midi pile. J’accompagne ce plat d’un quart de vin blanc. Une part de cabillaud, des crevettes, des moules, un œuf dur et divers légumes se partagent mon assiette mais ce que j’aime avant tout, c’est cette mayonnaise aillée dont je finis par manquer. Je demande au serveur s’il est possible d’avoir une coupelle supplémentaire. « Oh la la », me dit-il en allant plaider ma cause en cuisine. Il revient avec la coupelle bien remplie. Je me damnerais pour un aïoli. Je remercie quand je paie mes vingt et un euros puis descends le cours Lafayette jusqu’au port.
Installé en hauteur à La Gitane, mon café bu, je lis Léautaud tout en m’intéressant à la vie du port. L’incident du jour a lieu à bord d’un des bateaux qui font le tour de la rade. Avant son départ, une femme a fait un malaise. Elle est examinée par les pompiers. Une cinquantaine de vieilles et de vieux attendent en râlant de pouvoir monter. Ils fuient le soleil cuisant du quai en squattant les parasols et les auvents du bar. Le serveur les chasse comme il le fait pour les pigeons. D’ailleurs n’en sont-ils pas, me dis-je.
Quand je rentre à mon logis temporaire, je trouve des agents de sécurité en uniforme et des policiers municipaux armés à la porte de l’immeuble. Une scène a été installée devant les Halles Municipales qui fêtent le premier anniversaire de leur réouverture. « Il va y avoir un concert, me disent ces autorités, mais on sait pas quoi. »
Je me renseigne via Internet. Ce sera Bande à Part, un groupe d’Ajaccio qui fait des reprises pour tout public. Ma fenêtre ne donne pas côté Halles mais côté Cathédrale. Ça ne suffira pas à me protéger..
*
Blaise Jean Marius Michel, directeur des phares de l’Empire ottoman, fut anoblit par le Sultan et devint Michel Pacha. Rentré au pays, il fut Maire de Sanary et, dit le Guide du Routard, « arrosa la région avec prodigalité ». Ainsi créa-t-il la station balnéaire des Tamaris.
9 septembre 2022
Un orage me réveille à trois heures du matin ce jeudi. Allongé sur mon lit, je le regarde et l’écoute fenêtre ouverte, car si la pluie tombe drue, elle tombe droite. Ce n’est que lorsque le tonnerre passe du grondement au craquement que la peur me fait la fermer. Il a bientôt fini, aura duré quarante minutes, impossible de me rendormir.
C’est donc assez fatigué que je bipe à huit heures et demie dans le car Zou ! qui va à Saint-Tropez par la côte. Pour cette traversée du Var, il faut d’abord sortir de Toulon par de tristes zones commerciales, ensuite passer Hyères, puis la mer se fait voir, et de mieux en mieux, avec ses rochers impressionnants, surtout au Lavandou, vaste commune.
Le car se remplit au fil des arrêts, jusqu’à être presque complet. Vers Gassin soudain une voyageuse prise d’un malaise chute dans l’allée. Son amie, aidée du chauffeur, la fait descendre. Ce dernier remonte et redémarre, les abandonnant au milieu de nulle part après avoir prévenu les secours. L’arrêt suivant avait pourtant pour nom Pôle Santé.
A l’approche de Saint-Tropez c’est l’embouteillage. Il va nous en falloir du temps pour atteindre la Gare Routière. Un saisonnier travaillant dans un hôtel de luxe avec restaurant une étoile en profite pour raconter sa vie. Le burgueur est le plat le moins cher, soixante-huit euros. « Avec les frites », ajoute-il. Il y a peu Fabrice Lucchini a passé deux nuits, il est très gentil avec les femmes de ménage et les cuisiniers, il a dit au patron : « Allez, augmentez-les, comme ça je ne serai plus obligé de leur donner des pourboires ».
Ouf, nous touchons le but. Ce trajet aura duré deux heures vingt. L’orage a été plus rude ici, en témoignent des mares d’eau, mais il fait chaud comme avant quand je rejoins la vieille ville. Nous sommes en semaine, hors vacances scolaires, et pourtant c’est la foule partout, moitié des riches, moitié des pauvres.
J’en ai vite assez. J’entre au Petit Casino près de la boutique Louis Vuitton et en ressors avec une note de sept euros douze pour deux sandouiches et une petite bouteille d’eau.
Je déjeune assis sur un banc face aux bateaux de luxe. Derrière moi est garée une Ferrari que les pauvres photographient en sortant la blague éculée de la voiture du jardinier. Je ne sais ce qui m’énerve le plus de la bêtise des pauvres ou de la vulgarité des riches.
Tirons-nous d’ici dès que possible, me dis-je en me dirigeant vers la Gare Routière. Il est midi trente. J’ai la chance de trouver deux cars Zou ! prêts à partir pour Toulon. Je monte dans celui qui passe par l’intérieur des terres et arrivera le premier. Son itinéraire traverse le Massif des Maures, virages sévères et pente à dix pour cent, puis c’est Hyères. La fin du voyage me voit à demi endormi.
Un café me réveille à l’un des nombreux bars du cours Lafayette. J’y lis Léautaud pour me laver la tête.
*
Quelque part dans la nature, pas loin du Fort de Brégançon, un élevage de palmiers.
*
J’avais pourtant gardé un assez bon souvenir de mon dernier passage à Saint-Tropez. Je me souviens y avoir été tranquille dans les petites rues et avoir fait une photo de draps d’hôtel séchant dans un pré. C’était en deux mille douze. Au mois de mars.
C’est donc assez fatigué que je bipe à huit heures et demie dans le car Zou ! qui va à Saint-Tropez par la côte. Pour cette traversée du Var, il faut d’abord sortir de Toulon par de tristes zones commerciales, ensuite passer Hyères, puis la mer se fait voir, et de mieux en mieux, avec ses rochers impressionnants, surtout au Lavandou, vaste commune.
Le car se remplit au fil des arrêts, jusqu’à être presque complet. Vers Gassin soudain une voyageuse prise d’un malaise chute dans l’allée. Son amie, aidée du chauffeur, la fait descendre. Ce dernier remonte et redémarre, les abandonnant au milieu de nulle part après avoir prévenu les secours. L’arrêt suivant avait pourtant pour nom Pôle Santé.
A l’approche de Saint-Tropez c’est l’embouteillage. Il va nous en falloir du temps pour atteindre la Gare Routière. Un saisonnier travaillant dans un hôtel de luxe avec restaurant une étoile en profite pour raconter sa vie. Le burgueur est le plat le moins cher, soixante-huit euros. « Avec les frites », ajoute-il. Il y a peu Fabrice Lucchini a passé deux nuits, il est très gentil avec les femmes de ménage et les cuisiniers, il a dit au patron : « Allez, augmentez-les, comme ça je ne serai plus obligé de leur donner des pourboires ».
Ouf, nous touchons le but. Ce trajet aura duré deux heures vingt. L’orage a été plus rude ici, en témoignent des mares d’eau, mais il fait chaud comme avant quand je rejoins la vieille ville. Nous sommes en semaine, hors vacances scolaires, et pourtant c’est la foule partout, moitié des riches, moitié des pauvres.
J’en ai vite assez. J’entre au Petit Casino près de la boutique Louis Vuitton et en ressors avec une note de sept euros douze pour deux sandouiches et une petite bouteille d’eau.
Je déjeune assis sur un banc face aux bateaux de luxe. Derrière moi est garée une Ferrari que les pauvres photographient en sortant la blague éculée de la voiture du jardinier. Je ne sais ce qui m’énerve le plus de la bêtise des pauvres ou de la vulgarité des riches.
Tirons-nous d’ici dès que possible, me dis-je en me dirigeant vers la Gare Routière. Il est midi trente. J’ai la chance de trouver deux cars Zou ! prêts à partir pour Toulon. Je monte dans celui qui passe par l’intérieur des terres et arrivera le premier. Son itinéraire traverse le Massif des Maures, virages sévères et pente à dix pour cent, puis c’est Hyères. La fin du voyage me voit à demi endormi.
Un café me réveille à l’un des nombreux bars du cours Lafayette. J’y lis Léautaud pour me laver la tête.
*
Quelque part dans la nature, pas loin du Fort de Brégançon, un élevage de palmiers.
*
J’avais pourtant gardé un assez bon souvenir de mon dernier passage à Saint-Tropez. Je me souviens y avoir été tranquille dans les petites rues et avoir fait une photo de draps d’hôtel séchant dans un pré. C’était en deux mille douze. Au mois de mars.
8 septembre 2022
A l’intérieur de la vaste Métropole Toulon Provence Méditerranée le ticket de bus est non seulement à un euro (avec la carte dix voyages) mais il permet aussi de prendre des bateaux qui traversent la rade en direction de Saint-Mandrier-sur-Mer ou Les Sablettes ou La Seyne-sur-Mer. Ce mercredi matin, je choisis la première destination et prends place à la proue du bateau bleu afin de profiter de la vue et de la fraîcheur.
Après avoir quitté le port, ce bateau bus passe entre le ferry pour la Corse et le navire militaire Mistral. Ensuite il file droit devant avec un léger tangage qui fait que l’on se sent vraiment sur la mer. Nous croisons un cargo puis au terme de vingt minutes de traversée c’est l’arrivée dans le port de Saint-Mandrier, joli bourg dont les habitations sont certes disparates mais esthétiquement cela se tient.
Je marche le long de ce port jusqu’à atteindre la petite plage du Canon près de laquelle rouille un bateau militaire puis reviens sur mes pas et découvre le petit port de pêche. J’entre ensuite à l’intérieur du bourg, me contentant d’en voir l’église mignonnette, près de laquelle est une maison abandonnée livrée à la végétation, et la Mairie qui affiche sa solidarité avec l’Ukraine.
Un bar tabac nommé Le Mistral me permet de boire un café à un euro cinquante puis de lire Léautaud avec vue un peu lointaine sur les bateaux de pêche. En face, l’arrêt de bus se nomme Bar Tabac. Il jouxte l’Office de Tourisme.
Celui-ci est climatisé. Je demande à la ravissante employée les plans de Saint-Mandrier, La Seyne, Six-Fours, Sanary et Bandol. Elle est sincèrement navrée de ne pas pouvoir me fournir le dernier.
Quelle paix à Saint-Mandrier, on se croirait déjà hors-saison. Plusieurs restaurants sont fermés. Chez ceux ouverts, on promet peu pour cher. Je me rabats sur la crêperie Au Roy d’Ys dont la terrasse est au bord de l’eau. Quinze euros cinquante pour une galette roquefort en morceaux pommes fraîches cuites et une crêpe sucre cannelle beurre demi sel. Au moins sont-elles bonnes. « J’ai pas envie d’aller à Bandol », dit un des trois travailleurs de la table voisine. Je le comprends.
Je retourne au Mistral pour le café puis rentre avec le bateau bus de treize heures trente-cinq, un modèle qui ne permet pas de se tenir à la proue, il faut suer à l’intérieur pendant les vingt minutes de traversée.
Sur les quais du port de Toulon, c’est la foule habituelle dont je m’extrais pour aller lire à La Gitane, sur un siège perché.
*
Entendu ici et là, du genre féminin :
« On a bien mangé au mariage de samedi. Autant au mariage d’Audrey, on a mal mangé. C’est pas une critique. »
« J’en ai rien à faire qu’elle soit gentille. Elle est pas compétente. »
« Je ne suis pas en vacances pour manger des petits pois en boîte. »
Après avoir quitté le port, ce bateau bus passe entre le ferry pour la Corse et le navire militaire Mistral. Ensuite il file droit devant avec un léger tangage qui fait que l’on se sent vraiment sur la mer. Nous croisons un cargo puis au terme de vingt minutes de traversée c’est l’arrivée dans le port de Saint-Mandrier, joli bourg dont les habitations sont certes disparates mais esthétiquement cela se tient.
Je marche le long de ce port jusqu’à atteindre la petite plage du Canon près de laquelle rouille un bateau militaire puis reviens sur mes pas et découvre le petit port de pêche. J’entre ensuite à l’intérieur du bourg, me contentant d’en voir l’église mignonnette, près de laquelle est une maison abandonnée livrée à la végétation, et la Mairie qui affiche sa solidarité avec l’Ukraine.
Un bar tabac nommé Le Mistral me permet de boire un café à un euro cinquante puis de lire Léautaud avec vue un peu lointaine sur les bateaux de pêche. En face, l’arrêt de bus se nomme Bar Tabac. Il jouxte l’Office de Tourisme.
Celui-ci est climatisé. Je demande à la ravissante employée les plans de Saint-Mandrier, La Seyne, Six-Fours, Sanary et Bandol. Elle est sincèrement navrée de ne pas pouvoir me fournir le dernier.
Quelle paix à Saint-Mandrier, on se croirait déjà hors-saison. Plusieurs restaurants sont fermés. Chez ceux ouverts, on promet peu pour cher. Je me rabats sur la crêperie Au Roy d’Ys dont la terrasse est au bord de l’eau. Quinze euros cinquante pour une galette roquefort en morceaux pommes fraîches cuites et une crêpe sucre cannelle beurre demi sel. Au moins sont-elles bonnes. « J’ai pas envie d’aller à Bandol », dit un des trois travailleurs de la table voisine. Je le comprends.
Je retourne au Mistral pour le café puis rentre avec le bateau bus de treize heures trente-cinq, un modèle qui ne permet pas de se tenir à la proue, il faut suer à l’intérieur pendant les vingt minutes de traversée.
Sur les quais du port de Toulon, c’est la foule habituelle dont je m’extrais pour aller lire à La Gitane, sur un siège perché.
*
Entendu ici et là, du genre féminin :
« On a bien mangé au mariage de samedi. Autant au mariage d’Audrey, on a mal mangé. C’est pas une critique. »
« J’en ai rien à faire qu’elle soit gentille. Elle est pas compétente. »
« Je ne suis pas en vacances pour manger des petits pois en boîte. »
7 septembre 2022
Allez zou, c’est le moment de commencer à rentabiliser ma carte mensuelle des cars Zou !
Ce mardi, je bipe dans celui qui va à Bandol et part à sept heures quarante-cinq de la Gare Routière de Toulon. Nous ne sommes qu’une poignée à l’emprunter. Le chauffeur explique qu’il a failli être supprimé, que c’est sûrement sa dernière année. J’en descends au terminus près du Casino, une moche construction qui dispose d’un parquigne privé tout au bord de l’eau.
Ce qui est beau ici, c’est le côté mer, la plage et une île au loin. Côté bâtiments, les immeubles du front de mer sont hideux et ont des noms prétentieux : Le Grand Horizon, Le Baccara, Le Palm Beach. Les quelques villas qui sortent du lot sont tristement kitchs. Un marché peu reluisant empêche de voir le port. Après le Casino, la route du bord de mer est dotée d’une suite rectiligne de petites boutiques minables. Cette ligne droite a pour parallèle une rue intérieure qui par contraste semble presque jolie.
Quand j’ai suffisamment marché, je trouve une place ombragée à la terrasse d’un « restaurant brasserie » de peu d’allure, le Flament B (dont l’enseigne est un flamant rose). Le café y est quand même à deux euros. Quand il est bu, je sors mon Léautaud.
Il fait si chaud que je n’ai pas envie de poursuivre la visite. Je ne saurai donc pas si Rudy Ricciotti est au travail dans son agence du boulevard Victor-Hugo, numéro dix-sept. N’empêche que cela m’aurait plu de revoir le flamboyant architecte. Une autre fois peut-être, il n’est pas impossible que je revienne à Bandol, dont je n’ai vu que la moitié, quand il fera meilleur.
A midi, quitte à mal manger, je retourne au Flament B car on y propose moules frites à dix euros. Cela me suffira avec une carafe d’eau. Ma voisine craque pour le burgueur à dix-huit euros cinquante. Elle fait la tête quand elle le voit arriver. Encore plus quand elle découvre que la tranche de jambon italien promise n’y est pas. Elle proteste. Le cuisinier vient voir « Ah zut, je l’ai oubliée, je vous l’apporte ». « Il ne va quand même pas me l’amener dans une assiette », dit-elle à son copain prudent qui a choisi les moules frites. La suite lui prouve que si.
Après avoir lu un moment sur un banc ombragé face à la mer près d’une jeune mère allaitante, je quitte Bandol avec le car Zou ! de treize heures trente-cinq. Arrivé à Toulon, je vais boire le café chez Béchir (un euro cinquante).
A l’autre bout de la terrasse, un alcoolisé est en boucle contre tous ceux-là. Pas un jour sans que j’entende ce genre de propos. Dans le car Zou ! de l’aller, l’accord était total entre le chauffeur et les quelques habitué(e)s assis derrière lui : « On n’est pas raciste, on les aime pas, c’est pas pareil. »
*
A Bandol, une luxueuse villa presque sur la plage où reçoivent des spécialistes de la chirurgie plastique et esthétique.
Ce mardi, je bipe dans celui qui va à Bandol et part à sept heures quarante-cinq de la Gare Routière de Toulon. Nous ne sommes qu’une poignée à l’emprunter. Le chauffeur explique qu’il a failli être supprimé, que c’est sûrement sa dernière année. J’en descends au terminus près du Casino, une moche construction qui dispose d’un parquigne privé tout au bord de l’eau.
Ce qui est beau ici, c’est le côté mer, la plage et une île au loin. Côté bâtiments, les immeubles du front de mer sont hideux et ont des noms prétentieux : Le Grand Horizon, Le Baccara, Le Palm Beach. Les quelques villas qui sortent du lot sont tristement kitchs. Un marché peu reluisant empêche de voir le port. Après le Casino, la route du bord de mer est dotée d’une suite rectiligne de petites boutiques minables. Cette ligne droite a pour parallèle une rue intérieure qui par contraste semble presque jolie.
Quand j’ai suffisamment marché, je trouve une place ombragée à la terrasse d’un « restaurant brasserie » de peu d’allure, le Flament B (dont l’enseigne est un flamant rose). Le café y est quand même à deux euros. Quand il est bu, je sors mon Léautaud.
Il fait si chaud que je n’ai pas envie de poursuivre la visite. Je ne saurai donc pas si Rudy Ricciotti est au travail dans son agence du boulevard Victor-Hugo, numéro dix-sept. N’empêche que cela m’aurait plu de revoir le flamboyant architecte. Une autre fois peut-être, il n’est pas impossible que je revienne à Bandol, dont je n’ai vu que la moitié, quand il fera meilleur.
A midi, quitte à mal manger, je retourne au Flament B car on y propose moules frites à dix euros. Cela me suffira avec une carafe d’eau. Ma voisine craque pour le burgueur à dix-huit euros cinquante. Elle fait la tête quand elle le voit arriver. Encore plus quand elle découvre que la tranche de jambon italien promise n’y est pas. Elle proteste. Le cuisinier vient voir « Ah zut, je l’ai oubliée, je vous l’apporte ». « Il ne va quand même pas me l’amener dans une assiette », dit-elle à son copain prudent qui a choisi les moules frites. La suite lui prouve que si.
Après avoir lu un moment sur un banc ombragé face à la mer près d’une jeune mère allaitante, je quitte Bandol avec le car Zou ! de treize heures trente-cinq. Arrivé à Toulon, je vais boire le café chez Béchir (un euro cinquante).
A l’autre bout de la terrasse, un alcoolisé est en boucle contre tous ceux-là. Pas un jour sans que j’entende ce genre de propos. Dans le car Zou ! de l’aller, l’accord était total entre le chauffeur et les quelques habitué(e)s assis derrière lui : « On n’est pas raciste, on les aime pas, c’est pas pareil. »
*
A Bandol, une luxueuse villa presque sur la plage où reçoivent des spécialistes de la chirurgie plastique et esthétique.
6 septembre 2022
Ce lundi matin, mes pas me conduisent à la Haute Ville où se trouve la Gare Routière de Toulon. J’explique à la dame blonde du guichet que je souhaite une carte d’abonnement mensuel aux cars Zou ! du Var. Ce qui lui semble une demande un peu étrange de la part d’un touriste. Néanmoins, elle me fait remplir un papier, me photographie (le résultat est affreux, j’ai l’air de n’avoir plus de cheveux), me demande quarante-huit euros et m’en voilà possesseur.
Ce n’est pas cette carte qui me sert ce jour mais une carte dix voyages pour dix euros des bus Mistral de la Métropole. Place de la Liberté, je monte dans le Trois et en descends à son terminus, Le Mourillon, quartier de Toulon doté d’un petit port, d’un vieux fort et de plusieurs plages que l’on découvre durant le trajet.
C’est au long de ces plages et vers ce fort et ce port que je reviens par un chemin piétonnier en béton. Les immeubles du bord de mer sont hétéroclites et pour beaucoup sans charme. Les cafés restaurants posés près du sable arborent des prix touristiques. Je leur préfère le bar tabac La Réserve, un peu en retrait mais dominant la mer, où le café est à un euro soixante. Je lis là Léautaud.
Reparti, je frôle le fort (terrain militaire, défense d’entrer) et arrive au port où je suis abordé par un petit barbu en chorte :
-Bonjour, je peux vous donner ça, je suis évangéliste.
-Non, ce n’est pas pour moi.
-Quel dommage ! Il y a une si belle maison qui nous attend là-haut.
-Ah ah ah.
A un arrêt proche de ce port j’attends quelques minutes le Trois du retour. J’en descends à Mayol, du nom du stade où avait lieu « le match » l’autre jour.
Il est temps de chercher un restaurant. J’opte pour la Brasserie Le Zinc qui propose une formule tagine d’agneau aux épices et légumes avec semoule à la cannelle et charlotte aux poires pour seize euros cinquante. Une sympathique serveuse me trouve une place à l’ombre en tersasse. Ici ne mangent que des habitué(e)s et la plupart préfèrent l’intérieur où c’est climatisé. « On n’en peut plus de cette chaleur », se plaignent des femmes qui n’ont pu trouver place dedans et se servent en guise d’éventails des cartes du restaurant.
Le tagine est bon, la charlotte moins, le vin rouge ça va et peu cher, quatre euros le quart. Je quitte l’endroit, situé près de l’Opéra, content et, par des rues étroites peu fréquentées, rejoins La Gitane.
Il souffle en bord de mer un petit vent bienvenu. Je choisis une table haute pour mon café lecture. De ce perchoir, je surveille la jeune personne qui aujourd’hui est chargée de faire la retape pour le tour de la rade en bateau. Derrière elle, l’horizon est bouché par le Valiant Lady, nouvellement arrivé. C’est comme si on avait construit un immeuble de dix étages en une nuit.
*
La serveuse du Zinc à un employé municipal qui nettoie les rues :
-On a un coussin abandonné qui traîne là au coin, mais prenez-le sans y toucher à cause des punaises.
-Ah non, s’il y a des punaises, je le prends pas.
*
L’une des femmes de la table d’à côté, avocate :
-Je suis allée en vacances au bord du Verdon et j’ai passé mon temps chez les gendarmes à porter plainte pour racisme, j’étais dans un camping rempli de gens venus là avec des bons de la Caf.
Ce n’est pas cette carte qui me sert ce jour mais une carte dix voyages pour dix euros des bus Mistral de la Métropole. Place de la Liberté, je monte dans le Trois et en descends à son terminus, Le Mourillon, quartier de Toulon doté d’un petit port, d’un vieux fort et de plusieurs plages que l’on découvre durant le trajet.
C’est au long de ces plages et vers ce fort et ce port que je reviens par un chemin piétonnier en béton. Les immeubles du bord de mer sont hétéroclites et pour beaucoup sans charme. Les cafés restaurants posés près du sable arborent des prix touristiques. Je leur préfère le bar tabac La Réserve, un peu en retrait mais dominant la mer, où le café est à un euro soixante. Je lis là Léautaud.
Reparti, je frôle le fort (terrain militaire, défense d’entrer) et arrive au port où je suis abordé par un petit barbu en chorte :
-Bonjour, je peux vous donner ça, je suis évangéliste.
-Non, ce n’est pas pour moi.
-Quel dommage ! Il y a une si belle maison qui nous attend là-haut.
-Ah ah ah.
A un arrêt proche de ce port j’attends quelques minutes le Trois du retour. J’en descends à Mayol, du nom du stade où avait lieu « le match » l’autre jour.
Il est temps de chercher un restaurant. J’opte pour la Brasserie Le Zinc qui propose une formule tagine d’agneau aux épices et légumes avec semoule à la cannelle et charlotte aux poires pour seize euros cinquante. Une sympathique serveuse me trouve une place à l’ombre en tersasse. Ici ne mangent que des habitué(e)s et la plupart préfèrent l’intérieur où c’est climatisé. « On n’en peut plus de cette chaleur », se plaignent des femmes qui n’ont pu trouver place dedans et se servent en guise d’éventails des cartes du restaurant.
Le tagine est bon, la charlotte moins, le vin rouge ça va et peu cher, quatre euros le quart. Je quitte l’endroit, situé près de l’Opéra, content et, par des rues étroites peu fréquentées, rejoins La Gitane.
Il souffle en bord de mer un petit vent bienvenu. Je choisis une table haute pour mon café lecture. De ce perchoir, je surveille la jeune personne qui aujourd’hui est chargée de faire la retape pour le tour de la rade en bateau. Derrière elle, l’horizon est bouché par le Valiant Lady, nouvellement arrivé. C’est comme si on avait construit un immeuble de dix étages en une nuit.
*
La serveuse du Zinc à un employé municipal qui nettoie les rues :
-On a un coussin abandonné qui traîne là au coin, mais prenez-le sans y toucher à cause des punaises.
-Ah non, s’il y a des punaises, je le prends pas.
*
L’une des femmes de la table d’à côté, avocate :
-Je suis allée en vacances au bord du Verdon et j’ai passé mon temps chez les gendarmes à porter plainte pour racisme, j’étais dans un camping rempli de gens venus là avec des bons de la Caf.
5 septembre 2022
Le dimanche sur le cours Lafayette, c’est comme un jour de semaine. A sept heures, le marché est installé, les magasins d’alimentation et les cafés sont ouverts. Je fais donc comme les deux jours précédents pour mon petit-déjeuner puis je choisis de me balader dans la Vieille Ville, ou Basse Ville, par opposition à la Haute Ville due à Haussmann qui fut Préfet du Var (pour aller de l’une à l’autre la pente est douce).
Je pars de l’église Saint-François-de-Paule et me dirige vers la Cathédrale. Sa porte centrale est ouverte à deux battants. J’entre. Il y fait une chaleur infernale. Le prêtre et les dames de sacristie sont dans les préparatifs de la messe. Ressorti, je passe selon mon humeur d’une rue étroite à une autre. Toutes sont bordées de maisons hautes et colorées qui me rappellent celles de Nice, mais parfois décaties.
Arrivé aux Halles Municipales, c’est-à-dire à deux pas de mon logis temporaire, je redescends le cours Lafayette jusqu’au port et procède à ma première séance de lecture du jour à La Gitane. Sur le quai, c’est l’affluence du dimanche. Familles et groupes de retraité(e)s se succèdent, qu’un rabatteur interpelle avec un certain succès. Il s’agit de les faire monter dans le bateau qui part bientôt pour le tour de la rade avec vue sur le Charles de Gaulle.
A midi je ne me complique pas la vie. Je retourne chez Béchir et y déjeune de lasagnes maison salade avec un quart de vin rouge pour dix-sept euros cinquante (la maison ne prend pas la carte).
Le café, suivi de la lecture du Journal littéraire de Léautaud, c’est face au port à la terrasse de La Gitane. A un moment, un quidam vient vers moi et me tend la main :
-Salut le revenant !
Je le regarde, intrigué.
-Je suis le frère de Momo, me dit-il, celui qui a fait les travaux à la maison.
-Personne ne m’a fait de travaux à la maison.
-Ah pardon.
*
Gilets Jaunes, Raoult, ce qu’on dit pas du Covid et du climat, c’est la purée mentale de celles et de ceux qui m’entourent aux terrasses ce jour, cela enrobé de propos racistes à demi-mots et de haine envers Macron.
*
Inoffensif lui au moins, celui qui déplore la fermeture d’une salle de spectacle d’il y a longtemps : « Y a eu les Crampes, y a eu Mireille Mathieu, que des grands qui sont venus là-bas ».
*
Il fait encore bien trop chaud pour moi ici. De plus, en ville, une quasi absence de bancs. Trois seulement font face au port et ils sont en plein soleil. Impossible de s’asseoir ailleurs qu’aux terrasses, moyennant consommation. En rentrant, chaque jour, je mets en route le ventilateur. La nuit, la température extérieure ne descend pas en dessous de vingt-deux degrés. Même avec la fenêtre ouverte, trouver le sommeil est difficile.
Je pars de l’église Saint-François-de-Paule et me dirige vers la Cathédrale. Sa porte centrale est ouverte à deux battants. J’entre. Il y fait une chaleur infernale. Le prêtre et les dames de sacristie sont dans les préparatifs de la messe. Ressorti, je passe selon mon humeur d’une rue étroite à une autre. Toutes sont bordées de maisons hautes et colorées qui me rappellent celles de Nice, mais parfois décaties.
Arrivé aux Halles Municipales, c’est-à-dire à deux pas de mon logis temporaire, je redescends le cours Lafayette jusqu’au port et procède à ma première séance de lecture du jour à La Gitane. Sur le quai, c’est l’affluence du dimanche. Familles et groupes de retraité(e)s se succèdent, qu’un rabatteur interpelle avec un certain succès. Il s’agit de les faire monter dans le bateau qui part bientôt pour le tour de la rade avec vue sur le Charles de Gaulle.
A midi je ne me complique pas la vie. Je retourne chez Béchir et y déjeune de lasagnes maison salade avec un quart de vin rouge pour dix-sept euros cinquante (la maison ne prend pas la carte).
Le café, suivi de la lecture du Journal littéraire de Léautaud, c’est face au port à la terrasse de La Gitane. A un moment, un quidam vient vers moi et me tend la main :
-Salut le revenant !
Je le regarde, intrigué.
-Je suis le frère de Momo, me dit-il, celui qui a fait les travaux à la maison.
-Personne ne m’a fait de travaux à la maison.
-Ah pardon.
*
Gilets Jaunes, Raoult, ce qu’on dit pas du Covid et du climat, c’est la purée mentale de celles et de ceux qui m’entourent aux terrasses ce jour, cela enrobé de propos racistes à demi-mots et de haine envers Macron.
*
Inoffensif lui au moins, celui qui déplore la fermeture d’une salle de spectacle d’il y a longtemps : « Y a eu les Crampes, y a eu Mireille Mathieu, que des grands qui sont venus là-bas ».
*
Il fait encore bien trop chaud pour moi ici. De plus, en ville, une quasi absence de bancs. Trois seulement font face au port et ils sont en plein soleil. Impossible de s’asseoir ailleurs qu’aux terrasses, moyennant consommation. En rentrant, chaque jour, je mets en route le ventilateur. La nuit, la température extérieure ne descend pas en dessous de vingt-deux degrés. Même avec la fenêtre ouverte, trouver le sommeil est difficile.
4 septembre 2022
L’orage annoncé se déclenche en soirée (éclairs, tonnerre, peu d’eau) puis la nuit est calme. Etonnant d’être en plein centre de Toulon fenêtre ouverte et de n’entendre rien, hormis une sorte de souffle constant qui doit correspondre à la respiration de la ville.
Au lever du jour, ce samedi, je retrouve l’agréable jouvencelle de la boulangerie Campaillette qu’hier j’ai prise pour une vendeuse mais ce doit être la patronne (son costaud de mari est aux fourneaux). Mes deux pains au chocolat me suivent à la terrasse du Maryland. Var Matin annonce la pluie alors qu’il fait beau, comme le dit le site de Météo France.
Avant que la chaleur ne devienne pesante je visite le port dit de la Darse Vieille. D’abord, je vais vers le Musée de la Marine et aboutis à l’entrée de l’Arsenal (Toulon est le premier port militaire d’Europe, ce qui en fait une belle cible), puis, après être revenu au bas du cours Lafayette, je marche jusqu’à l’endroit où sont amarrés quelques petits bateaux de pêche (dans l’un d’eux le pêcheur vend sa prise du jour, qu’il pèse sur le toit de la cabine, j’en fais une photo après avoir demandé l’autorisation).
Il est temps d’arrêter de bouger. Je m’installe à la terrasse de La Gitane et reprends la lecture du Journal littéraire de Léautaud. Quand mes yeux sont fatigués, je remonte le marché sur toute sa longueur afin de bifurquer à gauche vers la place Puget et sa fontaine dite de la Halle aux Grains. C’est l’occasion d’une autre pause lecture, à la terrasse du Chantilly, où le café coûte un euro quatre-vingt-dix. Toutes sortes de Toulonnais(e)s se croisent ici. Il émane de l’ensemble de ces personnes une forme de sérénité qui me plaît.
A midi je me présente à l’Unic Bar où j’ai réservé une table pour le couscous du samedi à douze euros quatre-vingt-dix. J’ai la surprise d’y trouver des tablées d’habitué(e)s déjà servies, d’autres sur le point de l’être, ce qui fait que je dois attendre mon tour longtemps. « C’est parce qu’après, il y a le match », m’explique le patron. Je ne cherche pas à en savoir davantage. Dans toutes les villes où je passe, quand il y a « le match », plus rien d’autre ne compte.
Quand il m’arrive enfin, le couscous est royal, à la fois bon et copieux, que j’accompagne d’un quart de vin rouge. Il me faut un moment pour en venir à bout, puis je peux dire ma satisfaction à celui que tout le monde appelle Béchir.
C’est encore à La Gitane que je prends le café, une terrasse très prisée par les pigeons. Dès qu’un consommateur s’en va, ils se précipitent sur sa table dans l’espoir d’y trouver à manger. Quand le serveur n’est pas assez rapide, la casse est assurée.
Rentré, j’ouvre la fenêtre de mon quatrième étage et entends le match comme si j’y étais. Vers dix-neuf heures des claque-sons signalent qu’« on » a gagné.
*
Le bonheur ce serait peut-être d’avoir de l’argent, une valise avec cinq ou six livres et ses vêtements, et de vivre tantôt ici, tantôt ailleurs, en changeant sans cesse de gens, de paysages, d'idées, sans aucun attachement, et en prenant des notes partout et sur tout. On mourrait un jour ou l’autre, où l’on pourrait. (Paul Léautaud, dimanche dix-sept janvier mil neuf cent quatre)
*
L’embêtant avec Léautaud, c’est que ce qui me traverse l’esprit a déjà traversé le sien.
Au lever du jour, ce samedi, je retrouve l’agréable jouvencelle de la boulangerie Campaillette qu’hier j’ai prise pour une vendeuse mais ce doit être la patronne (son costaud de mari est aux fourneaux). Mes deux pains au chocolat me suivent à la terrasse du Maryland. Var Matin annonce la pluie alors qu’il fait beau, comme le dit le site de Météo France.
Avant que la chaleur ne devienne pesante je visite le port dit de la Darse Vieille. D’abord, je vais vers le Musée de la Marine et aboutis à l’entrée de l’Arsenal (Toulon est le premier port militaire d’Europe, ce qui en fait une belle cible), puis, après être revenu au bas du cours Lafayette, je marche jusqu’à l’endroit où sont amarrés quelques petits bateaux de pêche (dans l’un d’eux le pêcheur vend sa prise du jour, qu’il pèse sur le toit de la cabine, j’en fais une photo après avoir demandé l’autorisation).
Il est temps d’arrêter de bouger. Je m’installe à la terrasse de La Gitane et reprends la lecture du Journal littéraire de Léautaud. Quand mes yeux sont fatigués, je remonte le marché sur toute sa longueur afin de bifurquer à gauche vers la place Puget et sa fontaine dite de la Halle aux Grains. C’est l’occasion d’une autre pause lecture, à la terrasse du Chantilly, où le café coûte un euro quatre-vingt-dix. Toutes sortes de Toulonnais(e)s se croisent ici. Il émane de l’ensemble de ces personnes une forme de sérénité qui me plaît.
A midi je me présente à l’Unic Bar où j’ai réservé une table pour le couscous du samedi à douze euros quatre-vingt-dix. J’ai la surprise d’y trouver des tablées d’habitué(e)s déjà servies, d’autres sur le point de l’être, ce qui fait que je dois attendre mon tour longtemps. « C’est parce qu’après, il y a le match », m’explique le patron. Je ne cherche pas à en savoir davantage. Dans toutes les villes où je passe, quand il y a « le match », plus rien d’autre ne compte.
Quand il m’arrive enfin, le couscous est royal, à la fois bon et copieux, que j’accompagne d’un quart de vin rouge. Il me faut un moment pour en venir à bout, puis je peux dire ma satisfaction à celui que tout le monde appelle Béchir.
C’est encore à La Gitane que je prends le café, une terrasse très prisée par les pigeons. Dès qu’un consommateur s’en va, ils se précipitent sur sa table dans l’espoir d’y trouver à manger. Quand le serveur n’est pas assez rapide, la casse est assurée.
Rentré, j’ouvre la fenêtre de mon quatrième étage et entends le match comme si j’y étais. Vers dix-neuf heures des claque-sons signalent qu’« on » a gagné.
*
Le bonheur ce serait peut-être d’avoir de l’argent, une valise avec cinq ou six livres et ses vêtements, et de vivre tantôt ici, tantôt ailleurs, en changeant sans cesse de gens, de paysages, d'idées, sans aucun attachement, et en prenant des notes partout et sur tout. On mourrait un jour ou l’autre, où l’on pourrait. (Paul Léautaud, dimanche dix-sept janvier mil neuf cent quatre)
*
L’embêtant avec Léautaud, c’est que ce qui me traverse l’esprit a déjà traversé le sien.
3 septembre 2022
Il est sept heures trente ce vendredi matin quand je mets le pied dehors après une première nuit toulonnaise fenêtre ouverte (pas de moustiques mais un feu d’artifice sauvage). Sur le cours Lafayette, à deux pas de mon logis provisoire, le marché est déjà ouvert, de même que de nombreux commerces dont une boulangerie nommée Campaillette où j’achète deux pains au chocolat à un euro pièce. « On ouvre tous les jours de la semaine à six heures et demie », me dit la jolie vendeuse à grandes lunettes dont le crop top met particulièrement en valeur les tout petits seins.
Je les mange en terrasse au café d’à côté nommé Le Maryland avec un allongé à un euro soixante. Le patron me propose Var Matin. On y déplore la fermeture prévue par la Senecefe des guichets de gare, notamment ceux de Nice Ville où ça proteste.
J’achète des nectarines pas chères sur le marché puis je me documente à la Maison de la Métropole (ouverte dès huit heures trente) et à l’Office du Tourisme (ouvert dès neuf heures). J’aime être dans une ville où la vie commence tôt, c’est le moment où je suis au mieux.
Après une balade dans le port (c’est là qu’aboutit le cours Lafayette), je m’attable à la terrasse du bar tabac La Gitane avec vue sur le bateau jaune des Transports Maritimes Toulonnais (un promène touristes) pour un café verre d’eau lecture. Cette fois j’ai emporté pour le relire le premier volume du Journal littéraire de Paul Léautaud (deux mille deux cent quatre-vingt-quatorze pages sur papier bible). Cette passionnante redécouverte me conduit à l’heure du déjeuner.
Parmi les restaurants du port, je choisis le Midi Moins Le Quart à la terrasse ventilée car son plat du jour me tente : une dorade royale grillée au pesto purée maison salade à douze euros quatre-vingt-dix. Mes voisins qui ont commandé des moules frites louchent avec envie et regret sur mon assiette. Une serveuse en minirobe noire est postée à l’entrée, disant bonjour à qui passe sur le quai. C’est un produit d’appel efficace.
Le café, c’est à côté avec Léautaud chez La Gitane (un euro soixante-dix) puis je vais en prendre un autre place Hubac à la terrasse bien ombragée de l’Unic Bar (un euro cinquante) cependant que des municipaux terminent le nettoyage d’après marché et que peu à peu montent les nuages noirs d’un orage annoncé.
*
Une vieille femme fatiguée au téléphone sur un banc face à la mer. Près d’elle son chariot de courses du marché. « J’en ai pour cinquante-huit euros passés. T’as vu un peu ! Alors va falloir que tu arrêtes les cigarettes. »
*
Le marché du cours Lafayette, c’est le vrai marché de Provence, comme le chantait Gilbert Bécaud. D’ailleurs, c’est celui qui l’a inspiré. Monsieur Cent Mille Volts est né à Toulon. Souvenir un peu mélancolique de moments de bonheur quand celle qui travaille à Paris chantait cette ritournelle dans ma petite voiture rouge.
*
Voici pour cent francs du thym de la garrigue / Un peu de safran et un kilo de figues / Voulez-vous, pas vrai, un beau plateau de pêches / Ou bien d'abricots?
Je les mange en terrasse au café d’à côté nommé Le Maryland avec un allongé à un euro soixante. Le patron me propose Var Matin. On y déplore la fermeture prévue par la Senecefe des guichets de gare, notamment ceux de Nice Ville où ça proteste.
J’achète des nectarines pas chères sur le marché puis je me documente à la Maison de la Métropole (ouverte dès huit heures trente) et à l’Office du Tourisme (ouvert dès neuf heures). J’aime être dans une ville où la vie commence tôt, c’est le moment où je suis au mieux.
Après une balade dans le port (c’est là qu’aboutit le cours Lafayette), je m’attable à la terrasse du bar tabac La Gitane avec vue sur le bateau jaune des Transports Maritimes Toulonnais (un promène touristes) pour un café verre d’eau lecture. Cette fois j’ai emporté pour le relire le premier volume du Journal littéraire de Paul Léautaud (deux mille deux cent quatre-vingt-quatorze pages sur papier bible). Cette passionnante redécouverte me conduit à l’heure du déjeuner.
Parmi les restaurants du port, je choisis le Midi Moins Le Quart à la terrasse ventilée car son plat du jour me tente : une dorade royale grillée au pesto purée maison salade à douze euros quatre-vingt-dix. Mes voisins qui ont commandé des moules frites louchent avec envie et regret sur mon assiette. Une serveuse en minirobe noire est postée à l’entrée, disant bonjour à qui passe sur le quai. C’est un produit d’appel efficace.
Le café, c’est à côté avec Léautaud chez La Gitane (un euro soixante-dix) puis je vais en prendre un autre place Hubac à la terrasse bien ombragée de l’Unic Bar (un euro cinquante) cependant que des municipaux terminent le nettoyage d’après marché et que peu à peu montent les nuages noirs d’un orage annoncé.
*
Une vieille femme fatiguée au téléphone sur un banc face à la mer. Près d’elle son chariot de courses du marché. « J’en ai pour cinquante-huit euros passés. T’as vu un peu ! Alors va falloir que tu arrêtes les cigarettes. »
*
Le marché du cours Lafayette, c’est le vrai marché de Provence, comme le chantait Gilbert Bécaud. D’ailleurs, c’est celui qui l’a inspiré. Monsieur Cent Mille Volts est né à Toulon. Souvenir un peu mélancolique de moments de bonheur quand celle qui travaille à Paris chantait cette ritournelle dans ma petite voiture rouge.
*
Voici pour cent francs du thym de la garrigue / Un peu de safran et un kilo de figues / Voulez-vous, pas vrai, un beau plateau de pêches / Ou bien d'abricots?
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante