L’orage annoncé se déclenche en soirée (éclairs, tonnerre, peu d’eau) puis la nuit est calme. Etonnant d’être en plein centre de Toulon fenêtre ouverte et de n’entendre rien, hormis une sorte de souffle constant qui doit correspondre à la respiration de la ville.
Au lever du jour, ce samedi, je retrouve l’agréable jouvencelle de la boulangerie Campaillette qu’hier j’ai prise pour une vendeuse mais ce doit être la patronne (son costaud de mari est aux fourneaux). Mes deux pains au chocolat me suivent à la terrasse du Maryland. Var Matin annonce la pluie alors qu’il fait beau, comme le dit le site de Météo France.
Avant que la chaleur ne devienne pesante je visite le port dit de la Darse Vieille. D’abord, je vais vers le Musée de la Marine et aboutis à l’entrée de l’Arsenal (Toulon est le premier port militaire d’Europe, ce qui en fait une belle cible), puis, après être revenu au bas du cours Lafayette, je marche jusqu’à l’endroit où sont amarrés quelques petits bateaux de pêche (dans l’un d’eux le pêcheur vend sa prise du jour, qu’il pèse sur le toit de la cabine, j’en fais une photo après avoir demandé l’autorisation).
Il est temps d’arrêter de bouger. Je m’installe à la terrasse de La Gitane et reprends la lecture du Journal littéraire de Léautaud. Quand mes yeux sont fatigués, je remonte le marché sur toute sa longueur afin de bifurquer à gauche vers la place Puget et sa fontaine dite de la Halle aux Grains. C’est l’occasion d’une autre pause lecture, à la terrasse du Chantilly, où le café coûte un euro quatre-vingt-dix. Toutes sortes de Toulonnais(e)s se croisent ici. Il émane de l’ensemble de ces personnes une forme de sérénité qui me plaît.
A midi je me présente à l’Unic Bar où j’ai réservé une table pour le couscous du samedi à douze euros quatre-vingt-dix. J’ai la surprise d’y trouver des tablées d’habitué(e)s déjà servies, d’autres sur le point de l’être, ce qui fait que je dois attendre mon tour longtemps. « C’est parce qu’après, il y a le match », m’explique le patron. Je ne cherche pas à en savoir davantage. Dans toutes les villes où je passe, quand il y a « le match », plus rien d’autre ne compte.
Quand il m’arrive enfin, le couscous est royal, à la fois bon et copieux, que j’accompagne d’un quart de vin rouge. Il me faut un moment pour en venir à bout, puis je peux dire ma satisfaction à celui que tout le monde appelle Béchir.
C’est encore à La Gitane que je prends le café, une terrasse très prisée par les pigeons. Dès qu’un consommateur s’en va, ils se précipitent sur sa table dans l’espoir d’y trouver à manger. Quand le serveur n’est pas assez rapide, la casse est assurée.
Rentré, j’ouvre la fenêtre de mon quatrième étage et entends le match comme si j’y étais. Vers dix-neuf heures des claque-sons signalent qu’« on » a gagné.
*
Le bonheur ce serait peut-être d’avoir de l’argent, une valise avec cinq ou six livres et ses vêtements, et de vivre tantôt ici, tantôt ailleurs, en changeant sans cesse de gens, de paysages, d'idées, sans aucun attachement, et en prenant des notes partout et sur tout. On mourrait un jour ou l’autre, où l’on pourrait. (Paul Léautaud, dimanche dix-sept janvier mil neuf cent quatre)
*
L’embêtant avec Léautaud, c’est que ce qui me traverse l’esprit a déjà traversé le sien.
Au lever du jour, ce samedi, je retrouve l’agréable jouvencelle de la boulangerie Campaillette qu’hier j’ai prise pour une vendeuse mais ce doit être la patronne (son costaud de mari est aux fourneaux). Mes deux pains au chocolat me suivent à la terrasse du Maryland. Var Matin annonce la pluie alors qu’il fait beau, comme le dit le site de Météo France.
Avant que la chaleur ne devienne pesante je visite le port dit de la Darse Vieille. D’abord, je vais vers le Musée de la Marine et aboutis à l’entrée de l’Arsenal (Toulon est le premier port militaire d’Europe, ce qui en fait une belle cible), puis, après être revenu au bas du cours Lafayette, je marche jusqu’à l’endroit où sont amarrés quelques petits bateaux de pêche (dans l’un d’eux le pêcheur vend sa prise du jour, qu’il pèse sur le toit de la cabine, j’en fais une photo après avoir demandé l’autorisation).
Il est temps d’arrêter de bouger. Je m’installe à la terrasse de La Gitane et reprends la lecture du Journal littéraire de Léautaud. Quand mes yeux sont fatigués, je remonte le marché sur toute sa longueur afin de bifurquer à gauche vers la place Puget et sa fontaine dite de la Halle aux Grains. C’est l’occasion d’une autre pause lecture, à la terrasse du Chantilly, où le café coûte un euro quatre-vingt-dix. Toutes sortes de Toulonnais(e)s se croisent ici. Il émane de l’ensemble de ces personnes une forme de sérénité qui me plaît.
A midi je me présente à l’Unic Bar où j’ai réservé une table pour le couscous du samedi à douze euros quatre-vingt-dix. J’ai la surprise d’y trouver des tablées d’habitué(e)s déjà servies, d’autres sur le point de l’être, ce qui fait que je dois attendre mon tour longtemps. « C’est parce qu’après, il y a le match », m’explique le patron. Je ne cherche pas à en savoir davantage. Dans toutes les villes où je passe, quand il y a « le match », plus rien d’autre ne compte.
Quand il m’arrive enfin, le couscous est royal, à la fois bon et copieux, que j’accompagne d’un quart de vin rouge. Il me faut un moment pour en venir à bout, puis je peux dire ma satisfaction à celui que tout le monde appelle Béchir.
C’est encore à La Gitane que je prends le café, une terrasse très prisée par les pigeons. Dès qu’un consommateur s’en va, ils se précipitent sur sa table dans l’espoir d’y trouver à manger. Quand le serveur n’est pas assez rapide, la casse est assurée.
Rentré, j’ouvre la fenêtre de mon quatrième étage et entends le match comme si j’y étais. Vers dix-neuf heures des claque-sons signalent qu’« on » a gagné.
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Le bonheur ce serait peut-être d’avoir de l’argent, une valise avec cinq ou six livres et ses vêtements, et de vivre tantôt ici, tantôt ailleurs, en changeant sans cesse de gens, de paysages, d'idées, sans aucun attachement, et en prenant des notes partout et sur tout. On mourrait un jour ou l’autre, où l’on pourrait. (Paul Léautaud, dimanche dix-sept janvier mil neuf cent quatre)
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L’embêtant avec Léautaud, c’est que ce qui me traverse l’esprit a déjà traversé le sien.