Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
29 janvier 2023
« Vous pourrez trouver de nombreux livres : bandes dessinées, livres d'enfants, livres historiques, vieux papiers ... N'hésitez pas à venir et passer un bon moment dans la salle chauffée Paul Eluard » annoncent les Amys du Vieux Dieppe qui organisent ce ouiquennede leur vente annuelle de livres où se côtoient une trentaine d’exposant(e)s.
Comme je n’ai pas vu Dieppe depuis longtemps, je choisis d’y aller ce samedi, sans illusion sur mon passage à la Paul Eluard, comme disent certain(e)s autochtones. Pour cela, malgré ma carte de vieux, je dois payer huit euros quarante, plus cher qu’un aller à Paris, la faute à Hervé Morin, Duc de Normandie.
Un train peut-il circuler sans contrôleur à son bord ? Oui, celui partant à neuf heures dix le prouve. Nous y sommes peu et il arrive un peu après dix heures. A la sortie de la Gare, je prends à gauche et arrive assez vite à la salle Paul Eluard, petite et laide, mais chauffée. Je passe de table en table, beaucoup de régionalisme, de dieppisme, de romans à l’eau de rose, et comme prévu rien pour moi.
Ressorti, je mets le cap sur le port. La marée est tellement basse que les bateaux sont à peine visibles. Plus grave, L’Espérance, où je comptais déjeuner pour la première fois depuis le déclenchement de la Guerre du Covid, est en congé. Je passe au Pollet voir quoi dans sa boîte à livres, que de la daube. C’est le moment de se réconforter au Tout Va Bien, dans la salle aux fauteuils avec vue sur le début du marché. La Cégété des Douanes y distribue des tracts contre la retraite à soixante-quatre ans. Mes voisin(e)s boivent un café d’avant ou d’après courses. Il est resté à un euro soixante. Le mien terminé, je lis De livre en livre de Michel Cournot (L’un et l’autre / Gallimard), un ouvrage trouvé dans une boîte à livres rouennaise.
Vers onze heures et demie je passe en revue les restaurants du quai. Tous ont rudement augmenté leur prix, plus de menu à quinze euros, rien à moins de vingt. Faute d’inspiration, j’entre au Galion. Je choisis une table avec vue sur le port, précisément sur les mâts de bateaux. Le fondant de camembert aux pommes et lardons n’est qu’une triste salade accompagnée d’une coupelle de camembert fondu tiédasse. La saumonette à la dieppoise n’est pas mauvaise mais il y en a trop peu dans l’assiette. Idem en ce qui concerne la tarte normande. Le pain est médiocre. Cela me coûte vingt et un euros quatre-vingt-dix, et sept euros de plus pour le quart de côtes-du-rhône.
Sorti de ce piège, je vais voir la mer, grise et amorphe, comme ses galets, puis je rejoins le quartier Saint-Rémy et entre au Brazza. Le café y est toujours à un euro cinquante et la clientèle d’habitué(e)s ne nuit pas à la lecture. Je reste là longtemps puis rentre à Rouen par un seize heures quatre pas trop chargé. Encore un train qui circule sans contrôleur. Si j’avais su ça, sans le moindre scrupule, j’aurais voyagé sans billet.
*
Au chapitre Ajar Gary du De livre en livre de Michel Cournot, ceci à propos de La vie devant soi :
J’ai remis le manuscrit à Mme Gallimard, elle l’a beaucoup aimé. J’ai envoyé une photocopie à André François, lui demandant s’il ne voudrait pas faire la couverture. Je vais le voir à la campagne où il me montre un tableau qui convient au livre à merveille, la silhouette d’une femme âgée avec un gosse sur les genoux, il y a même le « trou juif » du livre puisqu’il y a derrière, l’amorce d’un escalier qui semble monter d’un sous-sol. Les deux visages sont « aveugles », deux galets de silex, ramassés à Dieppe, collés à l’image.
Comme je n’ai pas vu Dieppe depuis longtemps, je choisis d’y aller ce samedi, sans illusion sur mon passage à la Paul Eluard, comme disent certain(e)s autochtones. Pour cela, malgré ma carte de vieux, je dois payer huit euros quarante, plus cher qu’un aller à Paris, la faute à Hervé Morin, Duc de Normandie.
Un train peut-il circuler sans contrôleur à son bord ? Oui, celui partant à neuf heures dix le prouve. Nous y sommes peu et il arrive un peu après dix heures. A la sortie de la Gare, je prends à gauche et arrive assez vite à la salle Paul Eluard, petite et laide, mais chauffée. Je passe de table en table, beaucoup de régionalisme, de dieppisme, de romans à l’eau de rose, et comme prévu rien pour moi.
Ressorti, je mets le cap sur le port. La marée est tellement basse que les bateaux sont à peine visibles. Plus grave, L’Espérance, où je comptais déjeuner pour la première fois depuis le déclenchement de la Guerre du Covid, est en congé. Je passe au Pollet voir quoi dans sa boîte à livres, que de la daube. C’est le moment de se réconforter au Tout Va Bien, dans la salle aux fauteuils avec vue sur le début du marché. La Cégété des Douanes y distribue des tracts contre la retraite à soixante-quatre ans. Mes voisin(e)s boivent un café d’avant ou d’après courses. Il est resté à un euro soixante. Le mien terminé, je lis De livre en livre de Michel Cournot (L’un et l’autre / Gallimard), un ouvrage trouvé dans une boîte à livres rouennaise.
Vers onze heures et demie je passe en revue les restaurants du quai. Tous ont rudement augmenté leur prix, plus de menu à quinze euros, rien à moins de vingt. Faute d’inspiration, j’entre au Galion. Je choisis une table avec vue sur le port, précisément sur les mâts de bateaux. Le fondant de camembert aux pommes et lardons n’est qu’une triste salade accompagnée d’une coupelle de camembert fondu tiédasse. La saumonette à la dieppoise n’est pas mauvaise mais il y en a trop peu dans l’assiette. Idem en ce qui concerne la tarte normande. Le pain est médiocre. Cela me coûte vingt et un euros quatre-vingt-dix, et sept euros de plus pour le quart de côtes-du-rhône.
Sorti de ce piège, je vais voir la mer, grise et amorphe, comme ses galets, puis je rejoins le quartier Saint-Rémy et entre au Brazza. Le café y est toujours à un euro cinquante et la clientèle d’habitué(e)s ne nuit pas à la lecture. Je reste là longtemps puis rentre à Rouen par un seize heures quatre pas trop chargé. Encore un train qui circule sans contrôleur. Si j’avais su ça, sans le moindre scrupule, j’aurais voyagé sans billet.
*
Au chapitre Ajar Gary du De livre en livre de Michel Cournot, ceci à propos de La vie devant soi :
J’ai remis le manuscrit à Mme Gallimard, elle l’a beaucoup aimé. J’ai envoyé une photocopie à André François, lui demandant s’il ne voudrait pas faire la couverture. Je vais le voir à la campagne où il me montre un tableau qui convient au livre à merveille, la silhouette d’une femme âgée avec un gosse sur les genoux, il y a même le « trou juif » du livre puisqu’il y a derrière, l’amorce d’un escalier qui semble monter d’un sous-sol. Les deux visages sont « aveugles », deux galets de silex, ramassés à Dieppe, collés à l’image.
27 janvier 2023
Je ne suis pas revenu au Centre Pompidou depuis le début de la Guerre du Covid. Ma carte d’adhérent est périmée. Je n’ai pas envie de la réactiver ni de payer quoi que ce soit. L’exposition Serge Gainsbourg, le mot exact est heureusement gratuite. Comme le sont toutes celles se tenant dans la Bibliothèque Publique d’Information.
Désormais, on n’entre plus dans celle-ci par derrière mais par la Piazza, comme le voulaient Georges et Claude Pompidou. Différents barnums colorés permettent de trier les visiteurs. J’hésite entre le vert pour la Bépéhi et le jaune pour les prioritaires (dont je suis, plus de soixante-cinq ans) puis choisis ce dernier pour la fouille de mon sac (des livres et encore des livres) et demande à l’employé du vert un ticket gratuit spécial Bibliothèque.
Avant d’y monter, je me rends au vestiaire. Là aussi il y a du nouveau, plus d’humains. Remplacés par des casiers à code, éclairés en vert quand c’est libre, en rouge quand c’est occupé, un ensemble assez beau et un gain de temps.
Par la chenille je rejoins le niveau Deux. Plus d’humains à l’entrée de la Bépéhi, des portes que l’on ouvre avec le Cul Air Code de son billet gratuit. Serge Gainsbourg, le mot exact, c’est tout de suite à droite.
Comme le raconte le texte de présentation, la première partie de l’exposition est centrée sur la bibliothèque du chanteur et ses influences littéraires, la deuxième partie s’attarde sur la façon dont ces influences littéraires ont façonné son personnage, jusqu’à la création d’un double médiatique qui finira presque par l’éclipser, dans la tradition des doubles littéraires du dix-neuvième siècle, et la troisième partie explore le style Gainsbourg par l’étude du texte de certaines de ses chansons. En épilogue, un recensement des occurrences de son Je t’aime moi non plus. Egalement, des documents sonores, pas trop forts (on est dans une bibliothèque où règne le silence).
Je vois là des livres que je connais pour beaucoup, et d’autres, du Petit ouvrage inachevé de Paul Léautaud à Maigrir par la méthode des basses calories, d’un Placid et Muzo à un dictionnaire de rimes (Gainsbourg ça rime avec Beaubourg), ses manuscrits pleins de ratures, ses Repetto blanches et ses lunettes noires, ses collections de cannes et d’autographes (de Screaming Jay Hawkins à Pierre Bérégovoy). Tout cela est éclairé chichement pour protéger les documents, ce qui n’est pas un cadeau pour mes yeux fatigués (la dernière fois que je suis venu ici, c’était pour l’expo Riad Sattouf, bien éclairée par celle qui travaille près de la Bastille).
A l’issue de ma visite, je m’offre une grimpette jusqu’au niveau Six d’où Paris se devine dans la brume. Redescendu, je constate que rien n’a changé dans les toilettes, des dames y sont toujours employées au nettoyage. Mon sac à dos récupéré, je traverse la Piazza en diagonale, direction Book-Off.
A un euro, dans son sous-sol, je trouve L’autre Verlaine de Guy Gofette (Gallimard), Monsieur Picassiette (Raymond Isidore et sa cathédrale) d’Edgardo Franzosini (La Baconnière), Le petit Alberto d’Alberto Moravia et Dacia Maraini (Arléa) et L’éternité, ou presque d’Antonella Moscati (Arléa).
Pas de troisième Book-Off ce mercredi, je vais attendre mon train de retour à La Ville d’Argentan où le café bu, je lis avec grand intérêt Filles impertinentes de Doris Lessing, ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, quand elle vivait en Rhodésie et qu’elle rendait la vie difficile à ses parents.
Près de moi sont quatre cheminots qui ont fait bombance et prolongent le repas (l’un au téléphone : « Je peux pas te parler là, je suis dans le train »). Ils parlent boulot, « draisine », « train qui refoule », et sont assez énervés, surtout le plus proche de moi :
-Je vais dire au médecin « Arrête-moi longtemps où je fais tout péter avec une barre à mine ».
C’est au calme que je rentre dans la voiture Cinq du dix-sept heures quarante, sans voisin immédiat. Je lis Le chien-chien à sa mémère, des nouvelles plus ou moins autobiographiques datant de la première moitié du vingtième siècle d’André Baillon, écrivain belge dont j’ignorais jusqu’à l’existence. En postface, je découvre sa vie pleine de rebondissements que narre Bérengère Cournut. A vingt et un ans, il tente de se suicider une première fois en se jetant dans la mer du Nord, parce que Rosine Chéret, ouvrière prostituée, l’a plaqué. On le repêche – et c’est heureux, car il n’a encore rien écrit.
*
Ce jeudi, j’apprends qu’une voyageuse, installée à l’étage de la voiture Cinq du dix-sept heures quarante où j’étais, a eu son sac à dos, laissé en bas dans le coffre à bagages, volé à l’arrivée à Rouen. Il contenait son ordinateur.
Le mien ne me quitte pas. Me serait-il volé que j’imagine la déception du voleur (des livres et encore des livres).
Désormais, on n’entre plus dans celle-ci par derrière mais par la Piazza, comme le voulaient Georges et Claude Pompidou. Différents barnums colorés permettent de trier les visiteurs. J’hésite entre le vert pour la Bépéhi et le jaune pour les prioritaires (dont je suis, plus de soixante-cinq ans) puis choisis ce dernier pour la fouille de mon sac (des livres et encore des livres) et demande à l’employé du vert un ticket gratuit spécial Bibliothèque.
Avant d’y monter, je me rends au vestiaire. Là aussi il y a du nouveau, plus d’humains. Remplacés par des casiers à code, éclairés en vert quand c’est libre, en rouge quand c’est occupé, un ensemble assez beau et un gain de temps.
Par la chenille je rejoins le niveau Deux. Plus d’humains à l’entrée de la Bépéhi, des portes que l’on ouvre avec le Cul Air Code de son billet gratuit. Serge Gainsbourg, le mot exact, c’est tout de suite à droite.
Comme le raconte le texte de présentation, la première partie de l’exposition est centrée sur la bibliothèque du chanteur et ses influences littéraires, la deuxième partie s’attarde sur la façon dont ces influences littéraires ont façonné son personnage, jusqu’à la création d’un double médiatique qui finira presque par l’éclipser, dans la tradition des doubles littéraires du dix-neuvième siècle, et la troisième partie explore le style Gainsbourg par l’étude du texte de certaines de ses chansons. En épilogue, un recensement des occurrences de son Je t’aime moi non plus. Egalement, des documents sonores, pas trop forts (on est dans une bibliothèque où règne le silence).
Je vois là des livres que je connais pour beaucoup, et d’autres, du Petit ouvrage inachevé de Paul Léautaud à Maigrir par la méthode des basses calories, d’un Placid et Muzo à un dictionnaire de rimes (Gainsbourg ça rime avec Beaubourg), ses manuscrits pleins de ratures, ses Repetto blanches et ses lunettes noires, ses collections de cannes et d’autographes (de Screaming Jay Hawkins à Pierre Bérégovoy). Tout cela est éclairé chichement pour protéger les documents, ce qui n’est pas un cadeau pour mes yeux fatigués (la dernière fois que je suis venu ici, c’était pour l’expo Riad Sattouf, bien éclairée par celle qui travaille près de la Bastille).
A l’issue de ma visite, je m’offre une grimpette jusqu’au niveau Six d’où Paris se devine dans la brume. Redescendu, je constate que rien n’a changé dans les toilettes, des dames y sont toujours employées au nettoyage. Mon sac à dos récupéré, je traverse la Piazza en diagonale, direction Book-Off.
A un euro, dans son sous-sol, je trouve L’autre Verlaine de Guy Gofette (Gallimard), Monsieur Picassiette (Raymond Isidore et sa cathédrale) d’Edgardo Franzosini (La Baconnière), Le petit Alberto d’Alberto Moravia et Dacia Maraini (Arléa) et L’éternité, ou presque d’Antonella Moscati (Arléa).
Pas de troisième Book-Off ce mercredi, je vais attendre mon train de retour à La Ville d’Argentan où le café bu, je lis avec grand intérêt Filles impertinentes de Doris Lessing, ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, quand elle vivait en Rhodésie et qu’elle rendait la vie difficile à ses parents.
Près de moi sont quatre cheminots qui ont fait bombance et prolongent le repas (l’un au téléphone : « Je peux pas te parler là, je suis dans le train »). Ils parlent boulot, « draisine », « train qui refoule », et sont assez énervés, surtout le plus proche de moi :
-Je vais dire au médecin « Arrête-moi longtemps où je fais tout péter avec une barre à mine ».
C’est au calme que je rentre dans la voiture Cinq du dix-sept heures quarante, sans voisin immédiat. Je lis Le chien-chien à sa mémère, des nouvelles plus ou moins autobiographiques datant de la première moitié du vingtième siècle d’André Baillon, écrivain belge dont j’ignorais jusqu’à l’existence. En postface, je découvre sa vie pleine de rebondissements que narre Bérengère Cournut. A vingt et un ans, il tente de se suicider une première fois en se jetant dans la mer du Nord, parce que Rosine Chéret, ouvrière prostituée, l’a plaqué. On le repêche – et c’est heureux, car il n’a encore rien écrit.
*
Ce jeudi, j’apprends qu’une voyageuse, installée à l’étage de la voiture Cinq du dix-sept heures quarante où j’étais, a eu son sac à dos, laissé en bas dans le coffre à bagages, volé à l’arrivée à Rouen. Il contenait son ordinateur.
Le mien ne me quitte pas. Me serait-il volé que j’imagine la déception du voleur (des livres et encore des livres).
26 janvier 2023
Pour la deuxième semaine consécutive, je délaisse la voiture Cinq, convoitée par trop de navetteurs, du train de sept heures vingt-quatre qui mène à Paris, pour la voiture Trois où j’ai place officiellement réservée. Elle est aussi calme que la Cinq et située plus près du hall d’arrivée qu’il faut quitter en franchissant les barrières à Pécresse au moyen du Cul Air Code de son billet. Je me simplifie la vie en collant au cul de la personne précédente avant que les portes se referment.
Pour la deuxième semaine consécutive, le bus Vingt-Neuf, en raison de travaux, snobe le Marais. Après avoir fait le tour de l’Hôtel de Ville, il rejoint le bord de Seine et récupère son itinéraire à la Bastille. Comme le chauffeur ne prévient pas au départ, certains se retrouvent sur le trottoir. Pour ceux qui comme moi visent le Génie, pas de souci, sauf que le chauffeur refuse de stopper à l’arrêt le plus pratique au prétexte qu’il n’est pas écrit Vingt-Neuf sur l’abribus. Il se fait engueuler par tous les voyageurs, sauf moi, qui suis décidément devenu bien paisible.
Il fait gris et froid ce jour. Je m’use les doigts à fouiller dans les livres du Marché d’Aligre, parmi lesquels certains qui appartenaient à Michel Schneider. Tout est mélangé et le prix redescendu à trois pour cinq euros. Rien ne m’enchante vraiment mais je dépense quand même un billet.
Après un café bu au Camélia, j’entre chez Book-Off puis en ressors avec quelques livres à un euro, dont Garçon ! d’Ivan Chmeliov (Actes Sud), Vrain Lucas : le parfait secrétaire des grands hommes de Georges Girard (Allia), Jeanne et André un couple en guerre d’Alain Bellet (La Barbacane) et Carnet de route de Léon Zwingelstein (Glénat).
Le métro m’emmène à Châtelet, un petit tour chez Boulinier, sans achat, et me voici au restaurant Chez Vigouroux, assis à ma table devenue habituelle, pour une formule entrée plat à treize euros cinquante : soupe de légumes, lasagnes de bœuf.
Le jeune couple à ma gauche, un garçon dont je ne vois que le dos et une demoiselle assez jolie, est en grande discussion :
-Mais tu te rends compte de ce qui nous arrive ou pas ?
Elle lui reproche de préférer sortir avec ses peutes plutôt qu’avec elle.
-Emotionnellement, tu te dis pas que j’ai besoin de toi ? Et ça te fait rire !
Elle pleure.
Je n’entends pas ce qu’il lui répond mais il se doit se rattraper car elle se calme.
-Quand tu parles comme ça, c’est doux à entendre.
Au moment où ils s’en vont, je découvre les maigres jambes de cette fille, une anorexique. Je souhaite mentalement bon courage à ce garçon.
Le serveur, lui, est en pétard à cause du sabotage des lignes partant de la Gare de l’Est (c’est son coin). Il est persuadé que les auteurs en sont des cheminots contre la nouvelle loi sur les retraites.
-Un truc de lâches. Si t’es courageux, tu t’armes et tu vas tirer sur l’Elysée.
Quand je ressors, ayant envie d’un peu de calme, je me dirige vers le Centre Pompidou. Ce vingt-cinq janvier est le premier jour d’une expo Gainsbourg.
*
Sur la page de garde de Jeanne et André un couple en guerre, un envoi avec faute d’orthographe de l’auteur, Alain Bellet : « Pour Irène et Claude, la valse des vies ordinaires dans les tourmentes de l’Histoire et des gripages intimes ».
Pour la deuxième semaine consécutive, le bus Vingt-Neuf, en raison de travaux, snobe le Marais. Après avoir fait le tour de l’Hôtel de Ville, il rejoint le bord de Seine et récupère son itinéraire à la Bastille. Comme le chauffeur ne prévient pas au départ, certains se retrouvent sur le trottoir. Pour ceux qui comme moi visent le Génie, pas de souci, sauf que le chauffeur refuse de stopper à l’arrêt le plus pratique au prétexte qu’il n’est pas écrit Vingt-Neuf sur l’abribus. Il se fait engueuler par tous les voyageurs, sauf moi, qui suis décidément devenu bien paisible.
Il fait gris et froid ce jour. Je m’use les doigts à fouiller dans les livres du Marché d’Aligre, parmi lesquels certains qui appartenaient à Michel Schneider. Tout est mélangé et le prix redescendu à trois pour cinq euros. Rien ne m’enchante vraiment mais je dépense quand même un billet.
Après un café bu au Camélia, j’entre chez Book-Off puis en ressors avec quelques livres à un euro, dont Garçon ! d’Ivan Chmeliov (Actes Sud), Vrain Lucas : le parfait secrétaire des grands hommes de Georges Girard (Allia), Jeanne et André un couple en guerre d’Alain Bellet (La Barbacane) et Carnet de route de Léon Zwingelstein (Glénat).
Le métro m’emmène à Châtelet, un petit tour chez Boulinier, sans achat, et me voici au restaurant Chez Vigouroux, assis à ma table devenue habituelle, pour une formule entrée plat à treize euros cinquante : soupe de légumes, lasagnes de bœuf.
Le jeune couple à ma gauche, un garçon dont je ne vois que le dos et une demoiselle assez jolie, est en grande discussion :
-Mais tu te rends compte de ce qui nous arrive ou pas ?
Elle lui reproche de préférer sortir avec ses peutes plutôt qu’avec elle.
-Emotionnellement, tu te dis pas que j’ai besoin de toi ? Et ça te fait rire !
Elle pleure.
Je n’entends pas ce qu’il lui répond mais il se doit se rattraper car elle se calme.
-Quand tu parles comme ça, c’est doux à entendre.
Au moment où ils s’en vont, je découvre les maigres jambes de cette fille, une anorexique. Je souhaite mentalement bon courage à ce garçon.
Le serveur, lui, est en pétard à cause du sabotage des lignes partant de la Gare de l’Est (c’est son coin). Il est persuadé que les auteurs en sont des cheminots contre la nouvelle loi sur les retraites.
-Un truc de lâches. Si t’es courageux, tu t’armes et tu vas tirer sur l’Elysée.
Quand je ressors, ayant envie d’un peu de calme, je me dirige vers le Centre Pompidou. Ce vingt-cinq janvier est le premier jour d’une expo Gainsbourg.
*
Sur la page de garde de Jeanne et André un couple en guerre, un envoi avec faute d’orthographe de l’auteur, Alain Bellet : « Pour Irène et Claude, la valse des vies ordinaires dans les tourmentes de l’Histoire et des gripages intimes ».
20 janvier 2023
Je l’entends qui passe, ce jeudi matin, remontant la rue de la République, la première manifestation contre le recul de l’âge de la retraite voulu par Macron. Si j’étais concerné, j’y serais. Ne l’étant pas, je m’abstiens. Je me tiens de plus en plus loin des groupes, quels qu’ils soient.
Celui-ci constitue de plus un risque pour les oreilles, en raison des pétards lancés. Un pompier vu à la télé défile avec des bouchons d’oreille. S’il faut en arriver là.
*
Ces vieux partis à la retraite bien avant soixante-quatre ans et qui approuvent ce projet imposant aux suivants de travailler plus longtemps qu’ils ne l’ont fait. Ils ne manquent pas d’air (comme on dit).
*
Rouen dans l’actualité nationale, pas pour le meilleur encore une fois :
Incendie chez Bolloré Logistics, douze mille batteries au lithium et soixante-dix mille pneus brûlés, aucune conséquence pour les poumons selon le Préfet Durand (comme lors de l’incendie de Lubrizol), il ne manque pas d’air.
Olivier Faure, Député de Seine-et-Marne, et Nicolas Mayer-Rossignol, Maire de Rouen, qui s’accusent mutuellement de tricherie lors du second tour de l’élection du Premier Secrétaire du Parti Socialiste qu’ils ont tous deux gagné (disent-ils).
Olivier Faure n’a aucun charisme, a dit Nicolas Mayer-Rossignol. Il a raison. Ce qu’il ne voit pas, c’est que lui-même n’en a aucun.
*
J’en sais plus sur la fin de Michel Schneider. Des amis du réseau social Effe Bé m’ont fait découvrir l’article qu’a publié récemment dans Le Monde Vanessa Schneider, sa fille. Elle y raconte la façon terrifiante dont il a été traité dans les hôpitaux avant de mourir à soixante-quinze ans de son cancer des voies biliaires.
Celui-ci constitue de plus un risque pour les oreilles, en raison des pétards lancés. Un pompier vu à la télé défile avec des bouchons d’oreille. S’il faut en arriver là.
*
Ces vieux partis à la retraite bien avant soixante-quatre ans et qui approuvent ce projet imposant aux suivants de travailler plus longtemps qu’ils ne l’ont fait. Ils ne manquent pas d’air (comme on dit).
*
Rouen dans l’actualité nationale, pas pour le meilleur encore une fois :
Incendie chez Bolloré Logistics, douze mille batteries au lithium et soixante-dix mille pneus brûlés, aucune conséquence pour les poumons selon le Préfet Durand (comme lors de l’incendie de Lubrizol), il ne manque pas d’air.
Olivier Faure, Député de Seine-et-Marne, et Nicolas Mayer-Rossignol, Maire de Rouen, qui s’accusent mutuellement de tricherie lors du second tour de l’élection du Premier Secrétaire du Parti Socialiste qu’ils ont tous deux gagné (disent-ils).
Olivier Faure n’a aucun charisme, a dit Nicolas Mayer-Rossignol. Il a raison. Ce qu’il ne voit pas, c’est que lui-même n’en a aucun.
*
J’en sais plus sur la fin de Michel Schneider. Des amis du réseau social Effe Bé m’ont fait découvrir l’article qu’a publié récemment dans Le Monde Vanessa Schneider, sa fille. Elle y raconte la façon terrifiante dont il a été traité dans les hôpitaux avant de mourir à soixante-quinze ans de son cancer des voies biliaires.
19 janvier 2023
Ce mercredi, quand j’arrive au Marché d’Aligre, je constate que le deuxième vendeur de livres est devenu le premier. Il propose un grand nombre de nouveautés et des bonnes. Je lui demande si c’est toujours cinq euros les trois livres. Il me répond que non, c’est la bibliothèque d’un écrivain, Michel quelque chose.
-Michel Schneider, me dit l’un de ceux qui explore la manne.
-Ah il est mort Michel Schneider ?
-Oui l’été dernier.
Voilà donc sa bibliothèque livrée à la convoitise de tout un chacun (il n’y a que des hommes autour des tables, d’un certain âge).
Parmi ces ouvrages, ceux de Michel Schneider lui-même, notamment des Folio et des traductions en espagnol ou en allemand, certains empaquetés sous plastique par lots de cinq. Bizarre de les trouver là alors que Michel Schneider a deux enfants, dont la connue Vanessa, journaliste et écrivaine.
Dans cette profusion, je choisis huit livres que le vendeur consent à me laisser pour vingt euros. Cela pèse lourd dans mon sac à dos aussi fais-je en sorte d’aggraver peu mon fardeau au Book-Off de Ledru-Rollin.
C’est une journée de ciel bleu. Sous le soleil, je rejoins pédestrement, en passant devant une Mairie du Onzième cachée par les échafaudages, l’avenue Parmentier. J’ai envie de déjeuner au restaurant chinois à volonté où j’allais avant la Guerre du Covid. Las, à sa place, entre le tripier et le fleuriste, se trouve un salon de thé prout prout branchouille nommé @unrêve. Je me rabats sur la gargote Aux Délices Parmentier, deux tables de deux seulement, où je commande un tajine au poulet à dix euros cinquante que je trouve honorable.
Mon fardeau sur le dos, je remonte la rue du Chemin Vert jusqu’au café Le Moderne qui le fut peut-être jadis. Tandis qu’un habitué s’excite sur le flippeur, je bois au comptoir un café à un euro vingt.
La ressourcerie La Rockette est un peu plus haut dont attend l’ouverture une masse de pauvres. Je me tiens en face, devant La Musardine. C’est avec vingt minutes de retard que sort un responsable pour lever le rideau métallique. Il ne le peut. Un sans-abri a laissé devant, son matelas, ses couvertures et son bazar. Une collègue à lui vient l’aider à mettre tout ça dans une grosse poubelle. Pendant ce temps la foule des nécessiteux a encore enflé. L’homme remonte le rideau. La femme crie que la queue c’est par là. « Vous allez entrer un par un et je vous préviens, ceux qui poussent seront virés du magasin. »
C’est trop pour moi. Je renonce au coin livres de cette ressourcerie et vais prendre le métro Trois à Père Lachaise. Il me conduit à Quatre Septembre où je ne trouve rien chez Book-Off.
Pour résumer : une demi-heure de satisfaction, le reste de déception en déception.
*
Parmi ma sélection dans la bibliothèque de Michel Schneider : Correspondance de Brice Parain et Georges Perros (Gallimard) et Brahms par ses lettres (Actes Sud).
*
De Michel Schneider, j’ai lu Glenn Gould, piano solo : aria et trente variations et Marilyn, dernières séances.
*
Lecture de train et de café : Herculine Barbin dite Alexina B., la jeunesse racontée par iel-même d’un(e) hermaphrodite du dix-neuvième siècle (suicidée à l’âge de vingt-neuf ans). Mon exemplaire porte un tampon « Arbre à livres La Passerelle Ouvrage interdit à la vente ». Je l’ai pourtant payé un euro chez Book-Off.
Extrait :
Supposez encore, ce qui est quelquefois vrai, que l’institutrice soit jolie, et que M. l’inspecteur en ait été touché, car ces messieurs peuvent été doués d’une certaine perspicacité. (…) Enchanté d’avoir fait trembler une enfant, celui-ci s’apaise un peu et finit par un compliment, qui, dans la bouche d’un autre, pourrait passer pour une insulte. Mais peut-on répondre impoliment à M. l’inspecteur ? Non. Il le sait bien. On ne peut pas non plus rester indifférente aux promesses d’avancement qu’il veut bien faire.
-Michel Schneider, me dit l’un de ceux qui explore la manne.
-Ah il est mort Michel Schneider ?
-Oui l’été dernier.
Voilà donc sa bibliothèque livrée à la convoitise de tout un chacun (il n’y a que des hommes autour des tables, d’un certain âge).
Parmi ces ouvrages, ceux de Michel Schneider lui-même, notamment des Folio et des traductions en espagnol ou en allemand, certains empaquetés sous plastique par lots de cinq. Bizarre de les trouver là alors que Michel Schneider a deux enfants, dont la connue Vanessa, journaliste et écrivaine.
Dans cette profusion, je choisis huit livres que le vendeur consent à me laisser pour vingt euros. Cela pèse lourd dans mon sac à dos aussi fais-je en sorte d’aggraver peu mon fardeau au Book-Off de Ledru-Rollin.
C’est une journée de ciel bleu. Sous le soleil, je rejoins pédestrement, en passant devant une Mairie du Onzième cachée par les échafaudages, l’avenue Parmentier. J’ai envie de déjeuner au restaurant chinois à volonté où j’allais avant la Guerre du Covid. Las, à sa place, entre le tripier et le fleuriste, se trouve un salon de thé prout prout branchouille nommé @unrêve. Je me rabats sur la gargote Aux Délices Parmentier, deux tables de deux seulement, où je commande un tajine au poulet à dix euros cinquante que je trouve honorable.
Mon fardeau sur le dos, je remonte la rue du Chemin Vert jusqu’au café Le Moderne qui le fut peut-être jadis. Tandis qu’un habitué s’excite sur le flippeur, je bois au comptoir un café à un euro vingt.
La ressourcerie La Rockette est un peu plus haut dont attend l’ouverture une masse de pauvres. Je me tiens en face, devant La Musardine. C’est avec vingt minutes de retard que sort un responsable pour lever le rideau métallique. Il ne le peut. Un sans-abri a laissé devant, son matelas, ses couvertures et son bazar. Une collègue à lui vient l’aider à mettre tout ça dans une grosse poubelle. Pendant ce temps la foule des nécessiteux a encore enflé. L’homme remonte le rideau. La femme crie que la queue c’est par là. « Vous allez entrer un par un et je vous préviens, ceux qui poussent seront virés du magasin. »
C’est trop pour moi. Je renonce au coin livres de cette ressourcerie et vais prendre le métro Trois à Père Lachaise. Il me conduit à Quatre Septembre où je ne trouve rien chez Book-Off.
Pour résumer : une demi-heure de satisfaction, le reste de déception en déception.
*
Parmi ma sélection dans la bibliothèque de Michel Schneider : Correspondance de Brice Parain et Georges Perros (Gallimard) et Brahms par ses lettres (Actes Sud).
*
De Michel Schneider, j’ai lu Glenn Gould, piano solo : aria et trente variations et Marilyn, dernières séances.
*
Lecture de train et de café : Herculine Barbin dite Alexina B., la jeunesse racontée par iel-même d’un(e) hermaphrodite du dix-neuvième siècle (suicidée à l’âge de vingt-neuf ans). Mon exemplaire porte un tampon « Arbre à livres La Passerelle Ouvrage interdit à la vente ». Je l’ai pourtant payé un euro chez Book-Off.
Extrait :
Supposez encore, ce qui est quelquefois vrai, que l’institutrice soit jolie, et que M. l’inspecteur en ait été touché, car ces messieurs peuvent été doués d’une certaine perspicacité. (…) Enchanté d’avoir fait trembler une enfant, celui-ci s’apaise un peu et finit par un compliment, qui, dans la bouche d’un autre, pourrait passer pour une insulte. Mais peut-on répondre impoliment à M. l’inspecteur ? Non. Il le sait bien. On ne peut pas non plus rester indifférente aux promesses d’avancement qu’il veut bien faire.
17 janvier 2023
Discrimination sexiste, voilà de quoi on pourrait accuser l’éditeur rennais La Part Commune pour le livre dont la couverture porte comme auteur Gustave Flaubert et pour titre Lettres à sa sœur, alors qu’il contient également les lettres de Caroline à son frère et que celles-ci valent bien celles-là. Pour la réédition, il serait bon d’inscrire sur la couverture : Caroline et Gustave Flaubert Correspondance.
Quelques échantillons notés lors de ma lecture :
Mais enfin tu n’es pas à Rouen et c’est tout ce qui suffit pour être heureux. Caroline à Gustave, Rouen, dimanche onze avril mil huit cent quarante et un
Car après-demain il y a tournois, joutes, carrousels, courses, feux d’artifices, etc. et nous ne voulons rien perdre. Que je nous trouve tous bêtes, mon pauvre vieux ! et que j’abandonnerais tout cela pour un quart d’heure de baisoteries comme nous en avons passé deux un certain jour dans le grand fauteuil. Maman a eu la migraine hier, elle est déjà couchée et moi, cher Gus, je vais bientôt aller reposer ma grosse mine coiffée de mon bonnet d’enfant sur ton traversin. Je rêverai de toi, bien sûr. Caroline à Gustave, Rouen, trois mai mil huit cent quarante-trois
Il est impossible d’entrer n’importe où sans qu’on entende des gens qui disent : « Ah ! je m’en vais à Rouen, je viens de Rouen, irez-vous à Rouen ? » Jamais la capitale de la Neustrie n’avait fait autant de bruit à Lutèce. On en est tanné. Gustave à Caroline, Paris, douze mai mil huit cent quarante-trois (on vient d’inaugurer la ligne de chemin de fer)
Si tu savais, vieux rat, combien je pense à cette bienheureuse fin du mois et à la manière dont je me précipiterai hors l’Ecole de Droit quand je serai reçu ! – Quelles bêtises je dirai et ferai dans la voiture avec toi ! quelles grimaces et quelles bouffonneries ! je te promets un rire comme tu n’en as jamais entendu. Gustave à Caroline, Paris, dimanche matin neuf juillet mil huit cent quarante-trois
*
Pauvre Caroline, le mariage lui sera vite obligatoire et suivi de l’enfantement qui la tuera.
Quelques échantillons notés lors de ma lecture :
Mais enfin tu n’es pas à Rouen et c’est tout ce qui suffit pour être heureux. Caroline à Gustave, Rouen, dimanche onze avril mil huit cent quarante et un
Car après-demain il y a tournois, joutes, carrousels, courses, feux d’artifices, etc. et nous ne voulons rien perdre. Que je nous trouve tous bêtes, mon pauvre vieux ! et que j’abandonnerais tout cela pour un quart d’heure de baisoteries comme nous en avons passé deux un certain jour dans le grand fauteuil. Maman a eu la migraine hier, elle est déjà couchée et moi, cher Gus, je vais bientôt aller reposer ma grosse mine coiffée de mon bonnet d’enfant sur ton traversin. Je rêverai de toi, bien sûr. Caroline à Gustave, Rouen, trois mai mil huit cent quarante-trois
Il est impossible d’entrer n’importe où sans qu’on entende des gens qui disent : « Ah ! je m’en vais à Rouen, je viens de Rouen, irez-vous à Rouen ? » Jamais la capitale de la Neustrie n’avait fait autant de bruit à Lutèce. On en est tanné. Gustave à Caroline, Paris, douze mai mil huit cent quarante-trois (on vient d’inaugurer la ligne de chemin de fer)
Si tu savais, vieux rat, combien je pense à cette bienheureuse fin du mois et à la manière dont je me précipiterai hors l’Ecole de Droit quand je serai reçu ! – Quelles bêtises je dirai et ferai dans la voiture avec toi ! quelles grimaces et quelles bouffonneries ! je te promets un rire comme tu n’en as jamais entendu. Gustave à Caroline, Paris, dimanche matin neuf juillet mil huit cent quarante-trois
*
Pauvre Caroline, le mariage lui sera vite obligatoire et suivi de l’enfantement qui la tuera.
16 janvier 2023
Désespérant de trouver un jour, parmi les ouvrages à un euro de Book-Off, Éparse, le premier livre de Lisa Balavoine, je l’achète via Rakuten à deux euros, frais de port en sus. Il arrive au sexe-chope Espace Carré Blanc et je le lis l’après-midi au Socrate.
Ce livre ne me déçoit pas. J’y retrouve la Lisa que je connais par le réseau social Effe Bé et par notre unique rencontre, chez Book-Off, où nous nous étions précédemment manqués deux fois, elle n’osant pas m’aborder sans savoir si c’était bien moi, et moi faisant de même ultérieurement. Cette fois-là on ne s’est pas raté et après avoir fureté chacun de son côté dans la librairie, nous sommes allés boire un café à la terrasse du Bistrot d’Edmond.
J’avais acheté (un euro) un livre pour elle, de Marie Modiano, mais elle l’avait déjà.
-Qu’est-ce que j’en fais, m’a-t-elle demandé, je te le redonne ?
-Non garde-le, tu trouveras quelqu’un ou quelqu’une à qui l’offrir.
Ce mercredi était un jour particulier pour elle. Elle irait ensuite chez Jean-Claude Lattès pour signer un contrat d’édition pour son premier livre. « C’est un roman ? », lui ai-je demandé. Officiellement oui, sous la forme d’une succession de textes courts, un portrait d’elle-même en ordre dispersé, d’où le titre, Éparse.
Ce jour-là, elle m’a demandé si je connaissais beaucoup de personnes à Paris.
-Non, seulement deux, une ancienne amoureuse et Philippe Dumez, mais celui-ci a coupé les ponts avec moi parce qu’un jour je n’ai pas voulu jouer le rôle qu’il avait écrit pour moi.
-Ah c’est pareil pour moi, il m’avait aussi écrit un rôle que je n’ai pas voulu jouer.
Ce n’était pas le même, bien sûr.
. *
D’Éparse, deux échantillons :
J’ai quitté quelqu’un que j’aimais. Je ne sais pas si on peut se pardonner cela.
Je me donne si peu que je me demande ce que je peux bien faire du reste.
et ce bout de phrase :
… l’édifice de ta séduction reposait sur un astucieux assemblage de qualités hétéroclites qui, l’une sans l’autre, auraient pu faite capoter l’équilibre précaire de ton potentiel.
*
Beaucoup de listes parmi les textes qui composent Éparse., ce qui est pour me plaire. Egalement des références à de nombreux films, livres et chansons, un dictionnaire de néologismes, l’évocation fine des débuts de l’amour, de sa fin et de son entre-deux, celle de ses enfants et de ses parents, surtout de sa mère, laquelle est le sujet du troisième livre de Lisa, Ceux qui s'aiment se laissent partir, paru chez Gallimard. Entre les deux, écrit en vers libres, Un garçon c’est presque rien, chez Rageot, pour les adolescent(e)s.
*
Aujourd’hui, Philippe Dumez n’existe plus, il a repris son vrai nom.
Ce livre ne me déçoit pas. J’y retrouve la Lisa que je connais par le réseau social Effe Bé et par notre unique rencontre, chez Book-Off, où nous nous étions précédemment manqués deux fois, elle n’osant pas m’aborder sans savoir si c’était bien moi, et moi faisant de même ultérieurement. Cette fois-là on ne s’est pas raté et après avoir fureté chacun de son côté dans la librairie, nous sommes allés boire un café à la terrasse du Bistrot d’Edmond.
J’avais acheté (un euro) un livre pour elle, de Marie Modiano, mais elle l’avait déjà.
-Qu’est-ce que j’en fais, m’a-t-elle demandé, je te le redonne ?
-Non garde-le, tu trouveras quelqu’un ou quelqu’une à qui l’offrir.
Ce mercredi était un jour particulier pour elle. Elle irait ensuite chez Jean-Claude Lattès pour signer un contrat d’édition pour son premier livre. « C’est un roman ? », lui ai-je demandé. Officiellement oui, sous la forme d’une succession de textes courts, un portrait d’elle-même en ordre dispersé, d’où le titre, Éparse.
Ce jour-là, elle m’a demandé si je connaissais beaucoup de personnes à Paris.
-Non, seulement deux, une ancienne amoureuse et Philippe Dumez, mais celui-ci a coupé les ponts avec moi parce qu’un jour je n’ai pas voulu jouer le rôle qu’il avait écrit pour moi.
-Ah c’est pareil pour moi, il m’avait aussi écrit un rôle que je n’ai pas voulu jouer.
Ce n’était pas le même, bien sûr.
. *
D’Éparse, deux échantillons :
J’ai quitté quelqu’un que j’aimais. Je ne sais pas si on peut se pardonner cela.
Je me donne si peu que je me demande ce que je peux bien faire du reste.
et ce bout de phrase :
… l’édifice de ta séduction reposait sur un astucieux assemblage de qualités hétéroclites qui, l’une sans l’autre, auraient pu faite capoter l’équilibre précaire de ton potentiel.
*
Beaucoup de listes parmi les textes qui composent Éparse., ce qui est pour me plaire. Egalement des références à de nombreux films, livres et chansons, un dictionnaire de néologismes, l’évocation fine des débuts de l’amour, de sa fin et de son entre-deux, celle de ses enfants et de ses parents, surtout de sa mère, laquelle est le sujet du troisième livre de Lisa, Ceux qui s'aiment se laissent partir, paru chez Gallimard. Entre les deux, écrit en vers libres, Un garçon c’est presque rien, chez Rageot, pour les adolescent(e)s.
*
Aujourd’hui, Philippe Dumez n’existe plus, il a repris son vrai nom.
14 janvier 2023
Le chapitre dix de Mourir sur Seine, troisième roman de Michel Bussi, datant de deux mille huit, a pour décor Le Son du Cor. L’un des deux patrons de ce sympathique café que je fréquente assidument aux beaux jours vient de le découvrir et s’en réjouit sur le réseau social Effe Bé.
Ce chapitre dix commence comme ça :
Assise à la terrasse du bar Le son du cor, Maline hésita à commander à nouveau un café. Après le Red Bull et le café chez son rédacteur en chef, elle allait finir par se transformer en pile électrique. Pourtant, lorsque le serveur du bar vint prendre la commande, elle s’entendit tout de même réclamer, presque malgré elle, un expresso.
Qu’écrit ensuite Bussi ?
La rue Eau-de-Robec, sous le soleil du matin, se réveillait.
Les magasins branchés des maisons à colombages colorés commençaient à ouvrir leurs volets.
Maline laissa le soleil naissant chauffer ses bras et ses jambes, s’abandonnant quelques instants, la tête en arrière, les yeux fermés.
Il montre ainsi, par trois fois, qu’il ignore que l’endroit n’ouvre qu’à midi, l’heure à laquelle j’arrive, obligeant le personnel à se mettre au boulot.
*
Cette page de Michel Bussi est la première que je lis (il n’y en aura sûrement pas d’autres). Comme il écrivait mal en deux mille huit. Peut-être a-t-il fait des progrès depuis.
Impossible pour moi de le lire sans le corriger :
Maline hésita à commander à nouveau un café.
Maline hésita à boire à nouveau un café. (On ne peut pas écrire « commander à nouveau » alors qu’elle n’a encore rien commandé.)
Pourtant lorsque le serveur du bar vint prendre la commande, elle s’entendit tout de même réclamer, presque malgré elle, un expresso.
Pourtant lorsque le serveur du bar vint prendre la commande, elle s’entendit réclamer un expresso. (« Tout de même » et « presque malgré elle » sont redondants.)
Ajoutons le lourdingue elle allait finir par se transformer facilement simplifiable.
*
Dans cette page de début de chapitre, Michel Bussi écrit aussi :
Quelques enfants s’amusaient avec le courant de la petite rivière canalisée.
Ce qui coule rue Eau-de-Robec n’est pas une « petite rivière canalisée » mais de l’eau en circuit fermé.
*
Les magasins branchés des maisons à colombages colorés commençaient à ouvrir leurs volets.
On est en deux mille huit, l’adjectif « branché » l’atteste, mais je ne me souviens pas de ces magasins à volets. En revanche, il y avait dans cette rue un sexe-chope, une friperie et une boucherie. Maintenant, il n’y a quasiment que des restaurants.
Ce chapitre dix commence comme ça :
Assise à la terrasse du bar Le son du cor, Maline hésita à commander à nouveau un café. Après le Red Bull et le café chez son rédacteur en chef, elle allait finir par se transformer en pile électrique. Pourtant, lorsque le serveur du bar vint prendre la commande, elle s’entendit tout de même réclamer, presque malgré elle, un expresso.
Qu’écrit ensuite Bussi ?
La rue Eau-de-Robec, sous le soleil du matin, se réveillait.
Les magasins branchés des maisons à colombages colorés commençaient à ouvrir leurs volets.
Maline laissa le soleil naissant chauffer ses bras et ses jambes, s’abandonnant quelques instants, la tête en arrière, les yeux fermés.
Il montre ainsi, par trois fois, qu’il ignore que l’endroit n’ouvre qu’à midi, l’heure à laquelle j’arrive, obligeant le personnel à se mettre au boulot.
*
Cette page de Michel Bussi est la première que je lis (il n’y en aura sûrement pas d’autres). Comme il écrivait mal en deux mille huit. Peut-être a-t-il fait des progrès depuis.
Impossible pour moi de le lire sans le corriger :
Maline hésita à commander à nouveau un café.
Maline hésita à boire à nouveau un café. (On ne peut pas écrire « commander à nouveau » alors qu’elle n’a encore rien commandé.)
Pourtant lorsque le serveur du bar vint prendre la commande, elle s’entendit tout de même réclamer, presque malgré elle, un expresso.
Pourtant lorsque le serveur du bar vint prendre la commande, elle s’entendit réclamer un expresso. (« Tout de même » et « presque malgré elle » sont redondants.)
Ajoutons le lourdingue elle allait finir par se transformer facilement simplifiable.
*
Dans cette page de début de chapitre, Michel Bussi écrit aussi :
Quelques enfants s’amusaient avec le courant de la petite rivière canalisée.
Ce qui coule rue Eau-de-Robec n’est pas une « petite rivière canalisée » mais de l’eau en circuit fermé.
*
Les magasins branchés des maisons à colombages colorés commençaient à ouvrir leurs volets.
On est en deux mille huit, l’adjectif « branché » l’atteste, mais je ne me souviens pas de ces magasins à volets. En revanche, il y avait dans cette rue un sexe-chope, une friperie et une boucherie. Maintenant, il n’y a quasiment que des restaurants.
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante