Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

28 septembre 2023


Enfin résolu le problème de la ouifi qui ne fonctionnait pas. En regardant sous la tour Internet, j’ai trouvé, parmi les indications techniques, le code pour me connecter, celui que m’avait donné ma logeuse était fantaisiste. Comme elle commençait à mettre en doute ma compétence en la matière, « avec les autres ça fonctionnait », je ne suis pas mécontent de lui avoir montré que le problème venait d’elle.
Pour ce qui est de ma toux et de ma fatigue, rien n’est réglé.
Ce mercredi matin, en allant vers le lac, j’achète un pain au chocolat chez TresAlp’ain (un euro trente) mais pour ce qui est de le manger au Café des Ducs, impossible, c’est son jour de congé. Rien ne peut me servir de plan Bé.
Je vais donc au bord du lac et le mange sans boire sur un banc puis poursuis le chemin qui de ce côté mène au quartier des Marquisats. Je passe le port, guère impressionnant, un simple alignement de bateaux le long de la côte, arrive à la base nautique puis à une plage rudimentaire. Le chemin continue, appelé alors Promenade Cheltenham, mais la départementale qui va à Albertville s’en rapproche de plus en plus où circulent nombre de voitures et de bruyants camions.
Je fais donc demi-tour et comme à l’aller doit faire plusieurs pauses sur un banc. Revenu au cœur de ville au bord du Thiou, je trouve ouvert Le Beau Soleil. Il porte bien son nom ce matin. J’y bois un allongé à deux euros à l’une des tables qui sont coincées entre le mur et le passage des piétons.
A midi, rue du Pâquier, je suis tenté par un des plats du jour affichés : cuisse de canard confite, mogette façon cassoulet. C’est celui de L’Appart du Premier Etage. Comme son nom l’indique, il faut y monter. J’arrive dans des salles sombres qui sont sans doute chaleureuses l’hiver, mais déprimantes par ce temps de ciel bleu. Il est trop tard pour reculer. Je mange à un bout d’une des salles, un couple à l’autre bout. Un groupe est dans la deuxième salle. Les haricots sont très peu cuits, croquants, et je n’aime pas ça. J’ai du mal à les terminer. Les quetsches du clafoutis du dessert sont également peu cuites. C’est, cadre et cuisine, une grosse déception.
Chose que je n’ose pas dire à l’aimable serveuse à qui je paie dix-neuf euros. Elle me souhaite une bonne soirée, avant de se reprendre. On peut effectivement dans ce lieu se croire à la tombée de la nuit.
Après avoir lu Saint-Simon dans les Jardins de l’Europe, je rentre sans avoir pu prendre de café et fais une chose qui montre que ça ne va pas fort, une sieste.
                                                                  *
Entendu dans la rue : « Mais on va manger où là ? On va quand même pas manger traiteur ! »
                                                                  *
TresAlp’ain, un boulanger marié à une coiffeuse ?
 

27 septembre 2023


Une première nuit au calme à Annecy mais troublée par ma toux. Allant vers le lac, j’achète un pain au chocolat chez Chevallier (un euro trente) et m’installe à une table haute de la partie ensoleillée de la terrasse du Café des Ducs à côté du bâtiment emblématique de la ville, le Palais de l’Ile, « un navire sur le Thiou ». On est face à l’église Saint François à laquelle de nombreux touristes de toutes les nationalités, mais surtout des Anglais, tournent le dos pour faire une emblématique photo de l’emblématique bâtiment.
L’allongé est à deux euros dix. Je reste là un bon moment à me faire chauffer le dos dans l’espoir d’une guérison. Mon voisin a commandé un petit-déjeuner continental à neuf euros soixante. Quand il voit arriver un expresso, un petit verre de jus d’orange et un pain au chocolat, sa déception est grande. Durant un moment, sur la rive opposée du Thiou, une équipe de photographes asiatiques s’active autour de leur modèle, un joli garçon européen qui ne doit pas en être à sa première pose. Une femme supervise deux hommes à appareil photo et celui qui m’amuse, chargé de sortir à toute vitesse d’un sac, sur sa demande, un miroir circulaire dépliant.
Lorsque l’ombre me rattrape, je me dirige vers Les Jardins de l’Europe, parc du bord du lac à l’embouchure du Thiou. C’est l’endroit d’où partent les bateaux promène-touristes. J’en fais le tour jusqu’au canal de Vassé, port des bateaux de pêche traditionnels, à l’entrée duquel est le Pont des Amours, autre lieu couru, essentiellement par des jeunes couples, essentiellement par des Asiatiques, qui selfient à qui mieux mieux.
N’allant pas plus loin, je m’assois sur un banc ensoleillé de ces Jardins de l’Europe et lis un peu Saint-Simon tout en regardant qui passe, la montagne en face et le Château à bâbord.
A midi, je déjeune à l’ombre, à la terrasse de La Cuisine des Amis, rue du Pâquier, de la formule du jour, hachis Parmentier de veau salade, poire Belle-Hélène et café pour quinze euros cinquante. En face, la pizzéria Napoli m’offre le spectacle de sa jeune serveuse en mini-chorte fendu sur les côtés. A une heure moins dix, la patronne annonce qu’il n’y a plus de plat du jour, donc plus de formule, un vieux truc de restaurateurs quand ils constatent que tous les restaurants sont quasiment pleins et que ceux qui veulent manger accepteront de le faire pour plus cher. Néanmoins, le couple qui vient de s’installer prés de ma table lève le camp.
Je retourne au bord du lac sur un banc au soleil en face de loueurs de pédalos et de bateaux sans permis lire Saint-Simon mais à cette heure il fait trop chaud. Je vais poursuivre cette lecture au Café des Ducs, à l’ombre. Un accordéoniste s’installe au bout du pont. Quand il a joué depuis dix minutes, la serveuse va lui chanter pouille. Il plie sa chaise et va ailleurs. Peu de gens supportent l’accordéon très longtemps, moi le premier.
                                                                    *
Mieux que la marcheuse à bâtons, la marcheuse à bâtons sans bâtons, toute la gestuelle elle l’a.
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Derrière moi à La Cuisine des Amis, un couple de garçons. L’un d’eux à propos d’un chien qui se met à aboyer à la terrasse d’à côté : « Ah mais, c’est quoi ça ? Fait chier ce clebs ! » Ça me fait plaisir de savoir que je ne suis pas le seul à le penser
                                                                    *
Saint-Simon à propos de Madame de Montespan devenue vieille et craignant de mourir : Cette inquiétude l’entretenait dans le goût des voyages.
 

28 septembre 2023


La clé de ma studette, je dois la laisser sur la table en partant, ai-je fini par savoir. Trente-cinq minutes de train et je débarque à la Gare d’Annecy. Je n’ai qu’à traverser la place pour trouver ma troisième logeuse qui m’attend devant l’immeuble dont je vais occuper un petit studio pour une personne, au sixième étage.
L’installation faite, j’entre dans une pharmacie pour acheter de quoi soigner mon mal de gorge et ma toux. La pharmacienne me propose des huiles essentielles, un sirop avec du miel ou bien de l’homéopathie. Je lui dis que je ne crois en rien de tout ça. Une deuxième officine s’affiche pharmacie homéopathique. Je n’y entre pas. Aucune autre sur le chemin des jolies rues pleines de touristes qui mènent au lac.
Je regarde ce dernier sans m’en approcher. Il est midi. Je cherche une table dans mes prix au soleil. Celles pas trop chères sont à l’ombre dans une rue où il souffle un vent coulis. Aussi je finis par revenir vers la Gare et échoue au Bureau. Il y a un monde fou à l’intérieur, des groupes de touristes étrangers et des collègues. Quelques tables sont dehors au soleil. A l’une d’elles, je mange avec difficulté un burgeur classique à quatorze euros quatre-vingt-dix. Je n’ai pas faim.
Après avoir fait quelques courses dans un Carrefour City, je rentre. Lorsque je mets en marche mon ordinateur, je m’aperçois que les codes ouifi que m’a donnés ma logeuse ne correspondent à rien. Je me connecte donc avec mon téléphone, heureusement que je l’ai.
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A une autre pharmacie, je finis par acheter, dix-huit euros, deux produits qui ne me donnent pas confiance. Sur l’un est inscrit, je le vois en rentrant, « Ceci n’est pas un médicament ». Annecy a un Maire Ecolo, je me demande si ce ne sont pas les pharmaciens qui l’ont élu.
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Désappointement à l’Office de Tourisme situé dans un affreux centre commercial. Comme à Aix-les-Bains, beaucoup des cars et des bus permettant de sortir de la ville ne fonctionnent qu’en juillet et août. En plus, ici, ils sont gratuits à cette période. De quoi me rendre un peu nerveux.
 

25 septembre 2023


C’est porteur d’un pull et d’une écharpe que je retourne ce dimanche à Chambéry. En train, pour la Grande Braderie qui a commencé hier soir à vingt-deux heures. Un aller et retour pour quatre euros. Ce qui n’est guère plus que le coût du trajet en bus et bien plus rapide, dix minutes.
Un petit train bleu d’aspect fatigué se présente à l’heure prévue. De la Gare d’arrivée, je marche quelques centaines de mètres avant d’être en terrain connu. Je commence par une grosse déception. Dans les rues principales, il n’y a que des commerçants sédentaires ou ambulants. Ils vendent avec rabais de la marchandise neuve de qualité moyenne ou médiocre, dont je n’ai rien à faire. Comme il fait presque froid, je me réfugie à l’intérieur du Café de Paris. J’y bois un allongé à deux euros en mangeant un pain au chocolat acheté à Aix avant de partir.
Heureusement sur les places autour sont installés des particuliers. Voilà le vide grenier que j’espérais, mais j’ai beau m’épuiser à le parcourir, pas un livre pour m’intéresser. La foule en revanche est bien présente qui ajoute à ma fatigue. Aussi arrive le moment où j’abandonne, m’installant à la terrasse du Bistrot du Théâtre, devant celui-ci, nommé Charles Dullin, que je n’avais pas encore vu. Le soleil revenu me permet de lire un peu Saint-Simon.
Deux mille cinq cents exposants, annonce la Mairie. C’est exagéré. A midi, je déjeune succinctement de diots à la polenta pour quatorze euros à la terrasse du Bistrot du Palais devant ce bâtiment d’architecture sarde dont je peux faire une meilleure photo que celle d’hier.
Un peu patraque depuis le coup de froid d’hier en attendant le bus, je rentre une heure plus tôt que prévu à l’aide d’un vieux train Corail. Je vais passer une dernière nuit à ma studette Air Bibi. Ma logeuse ne répondant pas à mes messages, ni quand je frappe à sa porte, je ne sais pas ce que je dois faire de la clé en partant.
                                                               *
Charles Dullin est né à Yenne en Savoie. Ceci explique cela.
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Ça m’aurait plu de pouvoir acheter un ouvrage qui serait devenu mon livre de Chambéry.
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Une de ma connaissance, pas vue depuis longtemps, était à Chambéry ce ouiquennede. Le hasard qui a permis que l’on se rencontre une fois à Paris il y a plusieurs années n’a pas doublé la mise.
 

24 septembre 2023


Où sont les Chambérien(ne)s le samedi matin ? Au marché pour beaucoup. Je le constate en arrivant aux Halles vers neuf heures avec le bus A. Il y a du monde partout et devant certains étals une file d’attente conséquente. Cela me gêne pour photographier le Palais de Justice, qui est le dernier édifice de type sarde construit avant le rattachement de la Savoie à la France (il devait accueillir le Sénat). De même suis-je gêné par les passages incessants devant l’Hôtel Restaurant de la Banche, qui a une bonne tête. Difficile aussi de faire une photo de la rue de Boigne, artère rectiligne aux belles arcades qui va du Château aux Eléphants, mais pour une autre raison : les voitures en stationnement.
Je passe par l’Hôtel de Cordon dans lequel Henri le Quatrième a dormi en mille six cent puis j’entre dans la Cathédrale mais reste au bord car il y a des fidèles à l’intérieur. Face à celle-ci est la rue de la Métropole où se coudoient un bouquiniste et un écrivain public. Entre ce dernier et le bar rose Hop Høp Hop est une plaque indiquant qu’« Ici vécut Marc-Claude de Buttet, poète de la Pléiade, ami et contemporain de Ronsard ».
Cette rue de la Métropole me mène à la place Saint-Léger. J’y photographie quelques façades colorées qui tranchent avec le gris des passages naissant de part et d’autre d‘icelle. Cette place est en longueur car elle a été fabriquée avec deux rues parallèles en supprimant le canal de l’Albanne qui coulait entre celles-ci.
Je vais voir aussi, à la limite de l’hyper-centre, le Carré Curial, ancienne caserne où Yves Boisset tourna les principales scènes d’Allons z’enfants et l’Espace Malraux, Scène Nationale, dont l’architecte est Mario Botta et qui me plaît peu.
Je reviens alors place Saint-Léger et m’installe à la terrasse du Café de l’Horloge pour boire un café et lire Saint-Simon. Quand me parviennent du Château les premières notes du concert de carillon qui se déroule comme à Rouen chaque samedi en fin de matinée, je vais, pour mieux l’entendre, m’asseoir au soleil sur un banc proche de la Tour Yolande où sont les soixante et onze cloches.
Le Café Chabert est ouvert le samedi avec un plat du jour à quinze euros, un sauté de veau à la provençale avec des pâtes. Je l’accompagne d’un quart de vin blanc de Savoie. Il y a du monde ce jour, surtout à l’intérieur. Le couple de tenancières, une en cuisine, une au service, s’en trouve débordé. Aussi, je me prive de dessert, ne souhaitant pas l’attendre plus qu’il n’est raisonnable, et retourne au Café de l’Horloge pour un autre café lecture.
Plus cette journée avance, plus il fait frais. Je me caille en attendant le bus A du retour. Il faut croire qu’ici l’automne est vraiment arrivé.
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Marc-Claude de Buttet  « ami et contemporain de Ronsard ». Difficile d’être ami avec quelqu’un si on n’est pas son contemporain.
 

23 septembre 2023


Ce sera bientôt le terme de mon séjour à Aix-les-Bains. Aussi ce vendredi matin le prends le bus Trois dont le terminus est Thermes Chevalley afin de voir à quoi ça ressemble. Ce bus n’est quasiment fréquenté que par des curistes et je ne suis pas fier d’être pris pour l’un d’eux. Tout le monde descend sur les hauteurs de la ville. Je m‘attendais à mieux. Le bâtiment des Thermes Chevalley est récent, fonctionnel et laid. Il est jouxté d’un parquigne à campigne-cars. On peut venir par ce moyen prendre des bains et se faire masser. On peut aussi aller à l’hôtel ou dans les meublés qui pullulent dans la rue.
Je n’aï pas envie d’entrer. Je retourne à l’abribus. Il est extra-long avec trois bancs pour que s’assoient les vieilles et les vieux. Dans un tel état, à quoi leur sert la cure ? Les trois bancs sont bientôt occupés par celles et ceux qui redescendent en ville. Dans le bus, ça parle ennuis de santé. « C’est le coup de se lever le matin et après c’est parti. »
Je descends à l’arrêt Rond-Point des Thermes, près d’un autre établissement du même genre, où il y a correspondance avec la ligne Un. Bientôt, je suis dans un bus avec de la jeunesse à l’intérieur car il va à l’Université. Je sonne pour descendre à Base des Mottets. Le chauffeur oublie de s’arrêter. Il se rattrape cinquante mètres plus loin, s’excuse et réitère ses excuses. Celui-là est sympathique, il n’est pas comme son collègue de l’autre jour qui m’a largué sans prévenir à l’arrêt Rochettes.
En réponse à mon mail de protestation, Ondéa Grand Lac m’a invité à télécharger son application pour être prévenu des problèmes sur les lignes. Comme si le chauffeur ne devait pas aussi en informer la clientèle. J’ai récrit pour dire que cette réponse n’était pas satisfaisante. Aucune réaction.
Après cette parenthèse, je reprends mon narré, comme écrit Saint-Simon. Sitôt traversé le Hameau de Terre Nue, je m’assois au soleil sur un banc de la demi-lune pour commencer la lecture du deuxième volume Folio des Mémoires de ce Saint-Simon. On y trouve beaucoup de portraits et d’anecdotes, de quoi m’intéresser.
A midi, j’entre une dernière fois à l’Hôtel de Viviers où la clientèle est de plus en plus nombreuse pour le déjeuner. Ce vendredi, comme les autres, c’est de la morue. Et aujourd’hui : « Morue spirituelle ». « Un gratin », m’explique la serveuse. Pour la première fois, je trouve bon le plat du jour.
Avec un bus Un je vais à Grand Port et m’assois au bout de la dernière jetée sur le banc du flûtiste pour reprendre ma lecture en profitant encore une fois du calme et de la beauté du Lac du Bourget.
Au retour j’entre au Casino Grand Cercle pour voir sa coupole due au mosaïste vénitien Salviati, restaurateur de la Basilique Saint-Marc, cinq cent mille petits cubes de verre pourpres sertis sur fond d’or. Ça ne me fait pas beaucoup d’effet.
Point de cris du voisin ce jour, mais me parviennent les effluves d’un concert d’accordéon au Théâtre de Verdure. Cela doit plaire aux curistes.
                                                                    *
Verlaine est venu faire une cure à Aix-les-Bains, pour soigner son arthrite. Il semble qu’il ait surtout apprécié les massages au jet d’eau par de solides gaillards et la compagnie des blanchisseuses, raconte mon Guide du Routard Alpes de deux mille six qui évoque aussi la vie nocturne de cette ville que certains appelleraient Sexe-les-Bains. Aujourd’hui, on y trouve toujours des bars de nuit et au moins un cleube libertin, près de la Gare.
                                                                     *
Pas de cure pour Lamartine, mais une histoire d’amour avec la belle et phtisique Julie Charles, trente ans, dont le mari, physicien brillant de soixante ans, est impotent. Julie meurt. Lamartine écrit Le Lac et se console en épousant Léna de Larche dont il a une fille qu’il prénomme Julie.
 

22 septembre 2023


Arrivé ce jeudi à neuf heures à Chambéry grâce au combo bus Un Ondéa Grand Lac bus A Grand Chambéry, je me dirige muni du plan détaillé intitulé « Promenade Jean-Jacques Rousseau », auquel je ne comprends pas grand-chose, vers son point de départ derrière le Carré Curial côté Espace Malraux. Il s’agit d’aller pédestrement à la maison des Charmettes où le jeune Rousseau résidait l’été avec Madame de Warens.
L’aide de deux autochtones m’est nécessaire pour trouver l’entrée du Parc de la Calamine. Dès ce moment, je grimpe rudement, d’abord par un sentier forestier qui longe un petit torrent puis par un large chemin caillouteux qui ressemble au lit d’un torrent à sec. Cela m’épuise.
Quand ça devient goudronné, c’est un peu moins pénible pour les pieds mais ça m’essouffle toujours autant. A un embranchement, une pancarte indique Les Charmettes à une heure dix par le chemin que j’ai en main ou bien en trente minutes par une petite route sur la gauche qui ne monte guère. Mon choix est vite fait.
Je l’impression de marcher longtemps sur cette route. Soudain, en contrebas sur la gauche, je crois reconnaître la maison de campagne devenue Musée dont j’ai vu des photos. Le jardin surtout me donne à penser que c’est bien ça. Arrive un promeneur de chien à qui je demande Les Charmettes.
-Vous y êtes, me dit-il, ça dépend chez qui vous voulez aller.
-Chez Jean-Jacques Rousseau.
-Ah, alors il faut descendre à gauche au carrefour.
C’était bien ça. Je marche une bonne centaine de mètres sur cette route qui descend et j’arrive à l’entrée. Je fais quelques photos puis me dirige vers des voix que j’entends sur la gauche. Un homme et une femme sont assis à une table d’extérieur. Lui se lève en me voyant et demande s’il est dix heures. Très exactement. « Alors j’ouvre, me dit-il, on est comme les postiers, on ne commence qu’à l’heure pile. » La visite est gratuite. Je lui donne mon code postal et il me donne un livret.
J’ai la maison pour moi seul. Les pièces du bas puis les deux chambres à l’étage, la petite pour Jean-Jacques qu’elle appelait Petit ou Petit Chat, la grande pour Madame de Warens qu’il appelait Maman. Il y a aussi un réduit pour son serviteur à lui. Le mobilier est d’époque, peut-être le leur.
C’est charmant mais triste. Revenu en bas, je laisse trace de mon passage dans le Livre d’Or : « J’ai grimpé, je suis arrivé, j’ai visité, je suis reparti. Personne d’autre dans la maison, heureusement. »
Pour redescendre, pas question de faire le grand détour que propose le plan de l’Office du Tourisme, je vais droit par la route et c’est quand même fatigant. A l’arrivée en ville un aimable balayeur m’explique comment rejoindre par le plus court la place Saint-Léger.
A onze heures, je m’installe avec soulagement à la terrasse du Café de l’Horloge et à midi retourne déjeuner au Café Chabert. Rôti de porc à la moutarde douce avec gratin dauphinois, crème brûlée et quart de vin blanc de Savoie, cela fait vingt-quatre euros cinquante.
Le café, c’est encore au Café de l’Horloge. J’y termine la lecture du premier volume Folio des Mémoires de Saint-Simon.
                                                                 *
Bus A du retour. Bretelle d’autoroute prise rapidement par le chauffeur. Par l’effet de la force centrifuge, l’étudiante assise de l’autre côté d’où je suis et ne se tenant pas chute violemment au sol. Elle crie. Sa tête heurte mes jambes. Deux étudiants m’aident à la relever, ramassent son sac et son téléphone. Elle dit que ça va mais a dû se faire très mal. Pas la moindre réaction côté chauffeur.
                                                                 *
Celui qui dans la journée pousse des cris de temps à autre est le jeune homme de l’étage du dessus de ma studette Air Bibi. « Oh putain ! » Jeu vidéo en ligne ? « Merde, y fait chier lui ! ». Télétravail ? «  Ah pis l’autre, y prend son truc là ! » Partouze ?
 

21 septembre 2023


Ce mercredi matin, je vais d’un coup de bus Deux jusqu’à l’arrêt Pont Pierre. Un peu plus haut, à gauche de l’aire de covoiturage, débute le chemin des Gorges du Sierroz, lesquelles furent interdites au public pendant quarante ans et sont de nouveau accessibles aux marcheurs depuis deux ans. Je trouve d’abord que ce n’est pas grand-chose, ce ruisseau encombré de plantations diverses, mais quand un pont permet de changer de rive cela commence à m’intéresser.
La Cascade de Gents, véritable chute d’eau, fort étroite, est le premier élément spectaculaire du parcours dont une partie se fait sur deux passerelles en encorbellement construites au-dessus du torrent. Viennent ensuite les concrétions calcaires, les roches sculptées par les eaux, le tout dans une végétation abondante, les vestiges du barrage qui permettait autrefois de faire la visite en bateau, l’ancien embarcadère en bois, le peu qu’il reste d’une scierie (un pan de mur) et enfin la Cascade de Grésy bordée sur une rive par les ruines du Moulin Dalby qui fabriquait de la farine et sur l’autre, où je suis, par le Moulin de Salauz et les restes de son pressoir à huile.
Au cœur de cette Cascade de Grésy se trouve la stèle que fit élever la Reine Hortense pour commémorer la noyade en ce lieu devant elle de son amie Adèle : « Ici, Madame la baronne de Broc, âgée de 25 ans, a péri sous les yeux de son amie, le 10 juin 1813. O vous qui visitez ces lieux, n’avancez qu’avec précaution sur ces abîmes : songez à ceux qui vous aiment ».
« La romantique noyade d’Adèle », titre un panneau explicatif. Bien sûr, Lamartine est venu ici avec sa Julie mais aussi Alexandre Dumas, Guy de Maupassant, Napoléon le Troisième.et la Reine Victoria.
De retour au point de départ, je redescends en ville avec le bus Deux puis avec le bus Un rejoins Grand Port pour un café Saint-Simon à la terrasse du Skiff où je suis maintenant qualifié d’habitué par la gentille serveuse qui a trois enfants mais ne les fait pas.
A onze heures et demie, je vais au Riva pour y réserver une table. La joviale aubergiste est ennuyée, l’entrée et le plat du jour sont les mêmes qu’hier. Elle interroge son mari le cuisinier sur la possibilité d’un plan Bé. C’est comme cela qu’à midi j’ai droit à une salade de magret de canard et beaufort puis à un pavé de rumsteck pommes sautées persillade. Le dessert est bon aussi mais j’oublie de noter son nom. « Vous êtes curiste ? », me demande la patronne quand je paie. Il semble que l'on puisse être curiste sans respecter un régime à Aix-les-Bains.
C’est une après-midi où lire au soleil. Ce que je fais sur un banc au bout de la jetée, un bon observatoire de la vie sur le lac. Je constate que ce qui vaut pour les couples à bicyclette vaut aussi pour les couples en canoë : l’homme devant, la femme derrière.
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Lieux-dits dans les Gorges du Sierroz : la Passerelle du Contrebandier, le Saut du Marchand, le Trou de la Beurrière.
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Ce Sierroz se jette (si l’on peut dire car à cet endroit il est devenu fort paisible) dans le Lac du Bourget à Grand Port. Avant cela, il longe le campigne qui porte son nom et est toujours complet.
 

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